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Maurs. — La ville et l'abbaye. — La commune. — Le canton. — Statistique.

Audigier, dans son Histoire manuscrite d'Auvergne, s'exprime de la manière suivante: «  Maurs est une petite ville qui prend le titre de capitale de la prévôté du mémo nom. » 

Chabrol, dans sa Coutume d'Auvergne, dit : « Maurs est une des quatre prévôtés du haut-pays. »

Dès 1260 , Maurs est désignée par Saint - Louis comme une des quatre bonnes villes de la Haute-Auvergne.

A dater du XI° siècle, nous sommes en possession de documents authentiques touchant l'histoire de Maurs et de son abbaye ; et, à cette époque déjà , une organisation municipale, fonctionnant régulièrement, témoigne d'une certaine ancienneté. Quant à une primauté d'existence, soit de la part de la ville, soit de la part de l'abbaye, nous ne pourrions asseoir notre opinion que d'après des conjectures ; mais, c'est seulement d'après les traces laissées par l'abbaye que nous retrouvons dans les temps éloignés des faits intéressant la ville. Il est donc naturel de parler d'abord de l'abbaye; nous passerons ensuite à la ville, aux événements dont elle a été le théâtre, aux transformations qu'elle a subies, aux familles notables qui l'ont habitée; puis enfin, pour ne pas manquer l'un des buts de cette publication, nous poserons les éléments principaux de statistique de la commune et du canton.

ABBAYE DE MAURS.

 

L'abbaye de Maurs était de l'ordre de Saint-Benoit et de la congrégation de Saint-Maur, dont la réforme fut approuvée par le pape Grégoire XV, en 1621.

Suivant les uns, l'abbaye devait son origine à des moines venus de Marseille à une époque qui n'est point précisée.

Suivant d’autres, elle aurait été une fondation du monastère de Saint-Géraud d'Aurillac. Dans cette dernière hypothèse, son existence serait postérieure à l'an 894, époque à laquelle il faut, suivant Audigier, rapporter la création du monastère d'Aurillac, ou à l'an 898, qui est, d'après M. le baron Delzons, la véritable date de l'établissement de Saint-Géraud. Cette opinion trouve un appui dans la bulle du pape Grégoire VII, en date du 12 avril 1079, qui ordonne la restitution du monastère de Maurs à l'abbaye d'Aurillac. Cependant, deux siècles plus tard, il paraîtrait que l'abbé de Maurs était libre de sa seigneurie ; car, par traité de 1255, il en cédait, sans conteste, la moitié à l'évêque de Clermont.

Voici, dans l'ordre chronologique, les noms de quelques abbés et le peu qui nous est parvenu touchant l'administration de chacun d'eux.

Un traité passé le 6 février 1176, entre Pierre, abbé d'Aurillac, et le comte de Toulouse, au sujet de la ville et du couvent de Cayrac , en Quercy, indique comme témoin l'abbé de Maurs, Rigal (Rigaldus).

En 1199, l'église paroissiale fut dotée. (Les deux églises, de la paroisse et de l'abbaye, ont subsisté longtemps l'une près de l'autre. (Voir à la page 318.)

Un acte de confédération fut passé a Roc-Amadour, le 2 février 1230, entre le vicomte de Turenne, Bernard, abbé de Tulle, les consuls de Cahors et de Figeac, l'abbé de Maurs, et un grand nombre de seigneurs du Quercy et de la Haute-Auvergne , afin de se garantir des excès commis par les bandes errantes des routiers. Le passage intéressant Maurs est ainsi conçu : « Sub hujus igitur prœdicta confederationis et amoris vinculo prœtento, receptus est fidelis socius et amicus dominus abbas Maurcensis, et villa Maurcensis et omnes sui, et res illorum »

Le traité contient également le Trioulou, Saint-Constant, Montmurat et Saint-Etienne. (Histoire de la maison d'Auvergne, par Justel, 1 vol. in-f°, p. 43 et suiv.)

L'abbé de Maurs désigné dans cet acte se nommait Bertrand; il fut choisi, le 1er avril 1230, pour arbitre d'un différend survenu entre Géraud V, abbé d'Aurillac, et Astorg, de cette même ville, au sujet de Conros.

Géraud V était abbé en 1233.

Une charte du mois de février 1258 (1239) contient la décision arbitrale rendue par les abbés d'Aurillac et de Figeac, touchant les démêlés existant entre l'abbé de Maurs et les prud'homales; il est dit, entre autres choses, dans cette pièce, ° qu'aucun étranger armé ne pourra paraître dans la ville, à peine de cinq sols d'amende.

Plusieurs villes .d'Auvergne jouissaient, dès cette époque, d'une organisation municipale. Les charges de consul et de prud'homme, a Maurs, étaient dues à l'élection par le suffrage des habitants; ces magistrats étaient ensuite confirmés dans leur nomination par l'abbé ou l'évêque, auxquels ils devaient le serment.

Pierre, 1er du nom, céda en 1255, à l'évêque de Clermont, la moitié de la seigneurie de la ville de Maurs, qui lui appartenait en sa qualité d'abbé. Voici dans quelles circonstances eut lieu cette cession:

Guy de Latour-du-Pin, suivant Audigier , entra vers l'âge de quinze ans dans le couvent des Frères prêcheurs, établi à Clermont; trois ans après, en 1250, il fut élu par le chapitre évêque du diocèse de Clermont, qui comprenait alors l'Auvergne entière, en remplacement de son frère, Hugues de Latour. Ce jeune prélat eut avec le comte de Clermont un violent démêlé, à la suite duquel il se retira à Maurs. L'abbé du monastère de ce canton, dont les droits et prérogatives avaient souvent a souffrir des prétentions des seigneurs du voisinage, profita de la présence de l'évêque pour s'assurer un puissant protecteur; en conséquence, il reçut de l'évêque les prieurés de St-Etienne et de St-Santin, valant 1..500 liv., et lui rendit hommage en lui abandonnant la moitié de la seigneurie de la ville de Maurs.

Cette donation, librement exécutée, amène à penser, qu'à partir de cette époque du moins, le monastère de Maurs, s'il avait anciennement relevé de celui d'Aurillac, n'en dépendait plus, puisqu'il pouvait, de son seul gré, se placer sous la dépendance de l'évéque de Clermont. Ni les bulles des papes attribuant le monastère de Maurs à l'abbaye d'Aurillac, ni le traité par lequel l'abbé de Maurs disposait de la moitié de son bénéfice, ne nous paraissent des documents suffisants pour affirmer la dépendance primitive ou l'indépendance de l'établissement de Maurs. Dans une enquête faite à Aurillac par ordre du parlement de Paris, en 1284, Savaric Moisseti, chevalier, dépose qu'il y a 28 ans, les habitants d'Aurillac furent en armes à Maurs. Ils y firent, dit un autre témoin, tout le mal qu'ils purent, jusqu'à ce que les habitants de Maurs eurent fait satisfaction à l'abbé d'Aurillac des griefs qu'il avait contre eux.

En rapprochant les dates, on peut bien supposer que l'abbé d'Aurillac voulut punir celui de Maurs, à cause du traité de 1255; mais comme cette affaire n'eut pas d'autre suite, on constaterait ainsi un simple acte de vengeance improductive, sans aucun recours au droit. En supposant, d'un autre côté, que le traité eût été passé pour acheter la protection de l'évêque de Clermont, et que cette protection fût suffisante pour violer les droits de l'abbé d'Aurillac sur le monastère de Maurs, cela permettrait de penser que, cent ans auparavant, l'abbé d'Aurillac n'avait pas eu d'autre argument à faire valoir que ne droit suprême de la puissance.

Il nous semble donc impossible, d'après ces seuls documents, de rien affirmer au sujet de l'origine de l'abbaye de Maurs. Si elle fut une création dépendante de celle d'Aurillac, cela indiquerait une primauté d'existence en faveur de la ville qui aurait, dans ce cas, attiré l'attention et été#choisie comme centre pour le siége d'un couvent.

Pierre II ratifia, en 1256, les abandons faits par son prédécesseur à l'évêque. Cet abbé était de la famille d'Escaffre. qui a longtemps possédé la châtellenie du Trioulou, près Maurs.

Pierre III, de la famille d'Olivier, rendit hommage comme ses prédécesseurs, et régla définitivement avec l'évêque leurs droits respectifs au sujet de leur coseigneurie sur la ville de Maurs.

Par traité passé en 1281, en présence de Raymond, évêque de Rodez; d'Adhémar, prévôt de Montauban, et de l'abbé d'Aurillac, il fut convenu : « que l'évêque et l'abbé exerceraient alternativement le droit de confirmer les consuls de Maurs et de recevoir leurs serments, après la nomination faite par les notables; de garder les clefs de la ville, d'imposer la taille, créer des officiers publics, instituer un crieur et des personnes pour la garde des prés, vignes, blés et arbres suivant la coutume ;qu'ils prendraient par moitié les impôts payés par les

juifs habitant la ville, les droits perçus pour faire des tabliers ou degrés devant les maisons ;de même pour la justice haute, moyenne, et basse, et pour les amendes ;que l'abbé devrait hommage pour sa moitié; que l'évêque donnerait à l'abbé la moitié des immeubles, cens et rentes acquis à Maurs, du baron de Calmont, se réservant l'hommage du par ledit baron ;que l'abbé fournirait l'auditoire aux officiers de l'évêque »

L'évêque avait acheté du seigneur de Calmont la justice sur Chaule et Fraquier, en la commune de Leinhac. (Ce nom de Calmont n'a rien de commun avec celui de Caumont dans la commune de Leinhac ; le seigneur ici en question était Calmont du département du Lot.)

Les revenus de l'évêque de Clermont sur Maurs lui restèrent longtemps, même après l'érection de l'évêché de St-Flour.

Adhémar, successeur de Pierre, maintint la foi et l'hommage, lin différend qu'il eut avec ses moines, au sujet du pain et du vin qu'il devait leur fournir, fut réglé devant l'évêque.

Bernard Ier fit, en 1296, un échange avec Bertrand. Dumas, damoiseau, et Pierre, son fils. Il fit hommage à Aubert, évêque de Clermont; cet hommage indique que la juridiction de l'abbé était limitée par des croix, ainsi que celle de l'abbé d'Aurillac. Guillaume Ier était abbé en 1306.

Bernard II rendit hommage à Albert Aycelin, évêque de Clermont. Cet abbé ayant fait faire un sceau qui semblait attentatoire aux droits de l'évêque, le roi Philippe-le-Bel lui fit ordonner de le briser.

Les archives de l'Empire possèdent l'empreinte du sceau de l'abbé de Maurs. On y voit d'un côté une figure, informe comme dessin, de saint Césaire, orné de ses insignes épiscopaux, et au revers les prud'hommes, au nombre de quatre, représentés au moment d'une délibération (I). La présence de prud'hommes au revers de ce sceau est un fait digne de remarque, à cause de sa rareté; très-peu de villes en possédaient de semblable, et ce fait indique un droit de la municipalité qui n'avait pas du être acquis sans quelques luttes.

 

(I) Nous devons la communication de ce sceau à l'obligeance de M. Lacabane, professeur à l'école des Chartes, et conservateur des manuscrits a la bibliothèque impériale, ce savant modeste, dont l'expérience affable est si utile à tous ceux qui font des recherches, et au caractère bienveillant duquel nous sommes heureux de pouvoir rendre hommage.

 

 

Bernard mourut vers 1513; les religieux(ne furent pas d'accord sur le choix d'un nouvel abbé ; les uns nommèrent Guillaume de Castelnau, moine de Maurs; les autres, Gallard Guinabert, moine de Figeac. Après une longue contestation, les deux prétendants s'étant désistés, le pape Jean XXII conféra l'abbaye de Maurs à Adhémar, religieux du monastère de Terrasson, diocèse de Sarlat, par bulle donnée à Avignon le 6 août 1318.

C'est en 1317 que le pape Jean XXII tira diverses paroisses du diocès» de Clermont, qui avait jusqu'alors compris toute l'Auvergne, pour en composer un diocèse nouveau, dont le siége fut placé à St-Flour; mais l'évéque de Clermont resta coseigneur de Maurs.

Adhémar II rendit hommage comme abbé en 1319. En 1520, il régla avec les moines de son abbaye, que leur nombre ne dépasserait pas quinze; ce chiffre étant suffisant, vu la modicité de ses revenus.

Pierre IV reconnut le traité de 1281. Il était abbé en 1321.

N. de Rilhac renouvela, en 1332, l'hommage qu'il avait déjà fait comme ses prédécesseurs, et la même année il traita avec ses religieux, au sujet des réparations à faire à l'église.

Il paraît que l'évêque de Clermont faisait tenir très-exactement les assises à Maurs, par un bailli qui surveillait en mémo temps l'exercice de ses droits. On cite parmi ces officiers : Jean de Trye, en 1228; Héli de l'Hôpital, en 1252; Guy de Chaule, en 1344.

Guillaume II rendit, en 1553, hommage à Armand de Comminges, évéque de Clermont.

Bertrand II était abbé en 1538.

Guillaume III étant abbé, compromit, en 1353, avec Germain de Pommerie, puis avec Etienne Ambert, sur l'hommage qu'il leur devait comme évêques de

Clermont A celte époque, la ville et les environs de Maurs souffraient beaucoup des fréquentes incursions que faisaient dans le pays, les Anglais qui étaient les maitres du Quercy. En 1357, Guillaume d'Apchon, capitaine général des montagnes d'Auvergne, séjourna pendant un mois à Maurs, pour s'opposer à ces entreprises. Les Etats du pays lui accordèrent pour cela 400 livres.

En 1358, le pape Innocent VI, prévenu des difficultés qu'éprouvait l'abbé de Maurs pour percevoir ses dîmes, lança une bulle d'excommunication contre ceux qui refuseraient les droits légitimement dus.

Guillaume IV fut abbé en 1362, puis vicaire-général de l'évêque de St-Flour, Pierre d'Estaing. En 1400, l'abbé de Maurs, dont le nom est inconnu, fut suspendu de sa charge pour n'avoir pas assisté au synode provincial.

En 1401, une discussion divisait les moines et l'abbé, au sujet de la nourriture que celui-ci leur devait; Guillaume, évêque de Conserans, qui était originaire de Maurs, fut nommé arbitre. Le siége de St-Flour était momentanément vacant.

Pierre, 5° du nom, étant abbé en 1426, fit reconstruire le clocher de l'église qui menaçait ruine. Il dépensa à cette œuvre cent écus d'or, un marc et demi d'argent, quatre pièces de vin, douze septiers de froment et quarante-huit de seigle.

Bertrand III, abbé en 1441 , transigea en cette qualité avec Begou, fils et héritier de Guillaume de Bertrand, coseigneur de la terre de Murat, près Maurs. Pierre de Mirabelle fut abbé en 1492.

En 1510, Gilbert de Châteauneuf étant abbé, les états du haut et bas-pays d'Auvergne furent convoqués à Clermont, afin d'y assister à la lecture et de consentir à l'adoption des coutumes qui venaient d'être recueillies par les élus de chaque pays.

Voici quelques renseignements se rattachant à la statistique de Maurs. à propos de cet acte important pour l'Auvergne.

Antoine Duprat, chevalier et puis chancelier de Frauce, et Louis Picot, conseillers du roi, commissaires chargés par le roi de rédiger, publier et autoriser les coutumes des bas et haut-pays d'Auvergne, nommés, le premier, par lettres du roi Louis, datées de Blois, le 19 décembre 1508; le second, par lettres don nées à Lyon, le 12 juin 1510, se transportèrent à Clermont, et le 26 juin 1510 firent prêter serment aux élus de chaque pays, qui furent pour la prévôté de Maurs : Me Nicolas Commartin, licencié , et Me Hector Boissière, bachelier-ès-lois, auxquels ils donnèrent mission de recueillir les coutumes tant générales que locales. Les Etats du pays d'Auvergne, tant haut que bas, furent convoqués ensuite pour le pénultième jour de juillet 1510, pour entendre lire et consentir les coutumes. Parmi les abbés, figure celui de Maurs, qui comparut par M° Thomas Freyme, représentant la ville.

En 1524, Guy de Castelnau, abbé de Maurs, étant mort de la peste qui causait de grands ravages, le chapitre du couvent s'assembla, et il fut décidé que la communauté se transporterait à St-Hilaire et à la Bastide du Haut-Mont, qui dépendaient de l'abbaye. Frère Césaire Caufeyt fut nommé abbé.

Ce fait a sans doute donné naissance à l'opinion émise par quelques personnes, que l'abbaye de Maurs avait établi des succursales dans quelques lieux du département du Lot; rien ne le prouve, à notre connaissance. Cependant le prieuré de St-Hilaire et celui des Caumels (situé dans la paroisse de St-Saury, Cantal) appartenaient au monastère de Maurs (nous avons vu la cession faite de celui de St-Hilaire), et le prieur de Sousceyrac (Lot) payait à l'abbé de Maurs dix livres de Cahors.

Jean de Montai était abbé en 1536; il fut doyen de Mauriac, prieur et seigneur temporel de Bort. En 1543, il fut envoyé à St-Flour par le clergé de la-prévôté, pour le représenter, lors de l'imposition établie sur les gens d'église. Il était de la famille des Montal, seigneurs de Calmont, près Figeac.

Une sentence rendue par le bailli d'Aurillac, le 20 mai 1502, entre les ensuis de Maurs et l'économe du couvent, représentant l'abbé, condamna celui-ci a fournir à la ville ° les gages d'un précepteur de la jeunesse, et à délivrer cinquante septiers de seigle pour aumônes annuellement distribuames par les consuls. >

Durant un intervalle de près de cent ans. le nom des abbés nous manque, sauf toutefois celui de Jean Bouchart, qui,«le 17 octobre 1609, se trouvant à Laroquebrou, nomma Guy de Falvelly juge à vie de la ville de Maurs, en remplacement d'Antoine de Falvelly, son père, et, dit la nomination, en récompense des services que celui-ci avait rendus.

Antoine de Cotignon, aumônier de la reine, fut abbé en 1670 et mourut en 1672 ou 73.

François-Marie de la Vieuville lui succéda et mourut en 1690. Puis, Claude-Charles de Foucault, qui se démit de ses fonctions en 1707 et fut remplacé par Paul-Joseph Dourados de Cambefort, le 23 avril de la même année.

Ce Cambefort était fils de Jean, conseiller au présidial d'Aurillac, et de Jeanne de Gagnac. Il fut curé de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvel!e, à Paris, et vicaire général a Cahors. Il restaura l'église, le château et le dortoir abbatial.

La Gallia christiana ne mentionne pas d'autres abbés. Il y eut néanmoins, en 1745, Paul-Antoine de Redon de Fontillé, qui fut plus tard prieur de St-Caprais, d'Agen.

Il y avait alors douze religieux à l'abbaye. L'abbé recevait pour le prieuré de Sousceyrac, 1,000 liv.; pour celui de Terrou, 1,500; de St-Hilaire, 1,300, et pour Maurs, 1,000.

L'abbé de Fontenille mourut en 1761 ; son successeur, François de Senezergues, demanda et obtint la sécularisation de l'abbaye, qui fut prononcée par une bulle du pape Clément XIII. L'abbé de Senezergues habitait le château de Longuevergne, commune de Leinhac; il y mourut en 1779.

De Balanzac fut nommé la même année. Il était vicaire-général de Noyon. Ce fut le dernier abbé de Maurs.

Le monastère de Maurs était du nombre de ceux qui devaient être supprimés (édit du mois de mars 1768), parce qu'il n'était ni érigé en congrégation, ni composé de plus de 15 moines (il y en avait seulement 12). Le corps commun des habitants de la ville envoya supplier l'évêque de St-Flour de ne pas faire opérer la suppression, et M. de Monthyon, intendant d'Auvergne, qui se trouvait à St-Flour, revenant de Maurs quand les députés arrivèrent, appuya leur demande auprès de Mgr de Ribeyre, qui promit de ne pas hâter la suppression. Ce prélat étant décédé, et le nombre des religieux étant descendu de 12 à 6, l'évêque de St-Flour obtint un arrêt confirmatif de la suppression du couvent.

Les habitants de Maurs dépêchèrent à cette occasion M. de Falvelly, écuyer et contrôleur des guerres, juge de Maurs, à Mgr l'évêque de St-Flour, pour obtenir que les biens du couvent fussent accordés à l'hôpital de Maurs; mais l'évêque attribua ces biens à son séminaire de St-Flour. M. de Falvelly présentait à l'appui de la demande de ses compatriotes, l'exemple de l'évéque de Clermont, qui, lors de la suppression du couvent d'Ebreuil (Allier), en avait abandonné la propriété à l'hôpital de la localité, afin que le pays ne vit point transporter au dehors, des revenus dont une bonne partie était employée à des actes de bienfaisance.

Le château abbatial, les cloîtres et trois petites chapelles qui en dépendaient furent démolis sous l'administration du dernier abbé; un très-modeste bâtiment qui sert encore aujourd'hui d'hôtel-de-ville, et plus tard une vaste halle pour les grains furent établis sur une partie du terrain qu'occupaient ces édifices; le reste est demeuré vacant, et forme une place qui a conservé le nom du Cloître. L'église du monastère est devenue l'église paroissiale.

MAURS (VILLE).

 

La ville de Maurs est assise sur une éminence, formant une sorte de promontoire, vers le milieu de la vallée à laquelle elle a donné son nom. Cette vallée courant à peu près du nord au sud, offre à l'œil un vaste tapis de prairies, divisé dans toute sa longueur par la rivière de liante, qui reçoit dans la plaine même, l'un en amont, l'autre en aval de la ville, les deux ruisseaux d'Arcambe et de Lestrade, descendant, par des pentes rapides, des coteaux de la rive droite. ,

Des boiê de châtaigniers couvrent les versants qui enferment la vallée dans un cadre allongé et régulier, dont l'œil saisit parfaitement l'ensemble.

Le village de St-Etienne, près des bords de l'eau ; le vieux castel de Murat, sur un mamelon bien boisé; la jolie résidence de Bersagol, dans le lointain, sont le / plus heureusement disposés pour l'harmonie du tableau, et complètent un gracieux paysage auquel les auteurs de la Gallia christiana avaient justement appliqué l'épithète d'amœmis.

Il nous est impossible de préciser la date de la fondation de la ville de Maurs; nous ne retrouvons de traces authentiques de son existence, dans les temps éloignés, qu'au moyen des pièces qui sont relatives à son abbaye. Il est évident, néanmoins, qu'elle existait bien avant 1238, époque à laquelle nous voyons son organisation municipale fonctionner dans un traité avec l'abbé au sujet de choses intéressant la sûreté de la ville (page 309).

Déjà la cité (1) était ceinte de fossés. Une circonstance éveille vivement l'attention : c'est l'importance probable du nombre de juifs qui y résidaient, lorsqu'on voit qu'un abbé était seigneur de la ville, et que cet abbé cédait à l'évêque de Clermont la moitié des droits que lui payaient les juifs.

 

(1) Ce titre élait réservé aux évéchés; nous le meltons ici, cependant, parce que la partie alors forlifice de la ville de Maurs a, depuis un ti-irips immémoriat, porté ce nom.

 

 

Les prud'hommes qui, dans ce traité de 1281, représentaient la municipalité, étaient nommés par les notables et confirmés par l'abbé, entre les mains duquel ils prêtaient serment; ils furent remplacés par deux consuls. Ceux-ci portaient, dans l'exercice de leurs fonctions, une robe et un chapeau qui leur étaient fournis par la ville; ils avaient un banc d'honneur dans l'église paroissiale, à droite de la grande porte d'entrée. Les convocations du corps commun, conseil de la ville, avaient lieu au son de la cloche,'et les réunions se tenaient tantôt dans un bâtiment dépendant de l'abbaye, tantôt dans une maison dite consulaire. Les valets de ville étaient vêtus d'un habit rouge à parements bleus.

Placée à l'extrême limite méridionale de l'Auvergne , séparée du Quercy par une distance de quatre kilomètres seulement, Maurs fut toujours considérée comme une position d'une certaine importance , et eut à subir des alternatives cruelles, surtout dans le XVI° siècle.

En 1569, les huguenots s'en emparèrent en forçant la porte de la Cité, après avoir simulé une attaque sur celle du Temple, et désarmèrent les habitants.

En 1573, une garde de vingt hommes fut commise à la sûreté de la ville. Cette force insuffisante fut portée, l'année suivante, à cinquante hommes, commandés par le sire de Naucaze. La montre en fut faite au mois d'août, par Guillaume de Falvelly, juge de l'évêque de Clermont et de l'abbé. Cette garnison fut relevée par une autre de cinquante-trois hommes, commandés par le sieur de Veuse.

En 1577, le capitaine Joffre, à la tête d'un parti de huguenots, s'empara de la ville, grâce à la connivence de quelques habitants, ses coreligionnaires, et en expulsa les catholiques ; ceux-ci s'étant réunis aux seigneurs du voisinage, sous la conduite de sire René de Lagarde, baron de Saignes, gentilhomme de la chambre du roi, reprirent la ville, tuèrent le capitaine et nombre des siens, et chassèrent les autres.

Les archives des prêtres de la communauté furent sauvées, dans cette circonstance, par messire René de Saignes, ce qui donna lieu à l'engagement que prit, en 1634, la communauté de se rendre en corps à Parlan, tous les ans, pour y dire la messe dans la chapelle du château pour le repos de l'âme de feu René, décédé peu auparavant.

La même année 1577, un sieur Lagarrigue, qui avait commandé à Maurs, reçut de messire Jean de Montal, gouverneur général d'Auvergne, un legs de 600 liv.

La ville fut de nouveau assiégée par les huguenots, en 1578, et peut-être eût-elle succombé sans le secours de sire Jean Brisson, seigneur de la Chaumette, qui, cette même année, s'illustrait par la défense de St-Flour contre l'attaque nocturne du capitaine Merle.

Elle fut moins heureuse en 1583. Le capitaine Lapeyreteule s'en empara pour ceux de la religion réformée, et y commit de grands excès.

La peste, qui, en 1524, avait déjà ravagé le pays, sévit de nouveau sur la ville et sur les environs, en 1587; elle devint même si violente dans le mois d'août, que le pays fut presque dépeuplé.

Les trois consuls ayant abandonné la ville avec quantité d'autres habitants, ceux qui étaient demeurés dans les murs présentèrent requête au bailli d'Auvergne ou à son lieutenant au siége d'Aurillac, exposant que la place n'était plus ni administrée ni gardée , et pouvait être surprise par les ennemis du roi, qui occupaient alors Figeac, Capdenac, St-Cirgues et Latronquière; ils demandèrent que les consuls fussent contraints de rentrer en ville, et que les autres habitants fussent tenus d'en faire autant ou de fournir un homme pour les remplacer dans le service militaire. Le bailli ordonna, le 15 septembre 1587, que les trois consuls reprendraient immédiatement leurs fonctions à peine de 500 liv. d’amende, et prononça contre tout autre habitant qui ne ferait pas faire son service militaire une amende de 50 liv.

Il parait que cette ordonnance ne reçut aucune exécution. La dépopulation s'accrut à ce point que le sieur de Fontanges, qui tenait garnison dans la ville avec cent hommes, depuis l'année 1586, n'ayant plus ni paie ni vivres, fut obligé d'abandonner la ville, devenue déserte.

Le capitaine huguenot, Rouergue, surprit la cité en 1592; mais, attaqué par le capitaine La Violette, que le sire de Missilhac, gouverneur, avait mis à sa poursuite, il fut pris et pendu, le 22 septembre de la même année.

Les consuls, sur l'ordre du gouverneur, eurent momentanément, à cotte époque, un logement dans les bâtiments de l'abbaye, afin de concourir plus efficacement à la sûreté de la ville et tenir en obéissance les huguenots qu'elle renfermait.

En 1631, les gens du baron de Merville, seigneur de Laroquebrou, commirent dans l'abbaye force dégâts; ils en furent punis, ainsi que leur maître.

Il y avait encore une garnison à Maurs au commencement du XVIII° siècle. M. de Turgot, intendant d'Auvergne, annonçait, le 27 octobre 1709, l'arrivée dans cette localité d'une compagnie du régiment de Valgrand-cavalerie.

En 1765 fut tracée la route de Clermont à Toulouse, aujourd'hui route impériale n° 122 ; Elle fut établie , dans la traversée de Maurs, sur une partie des fossés que l'on combla. Le passage de ce tracé est encore visible; fait d'après le mode alors usité, il sortait de la ville par le faubourg dit Figeaguez, passait entre les domaines de Lacassagne et de Laborie, et s'élevait jusque sur la crête de la montagne, pour descendre ensuite sur Banhac. Ce ne fut qu'en 1785 que l'on commença le tracé le long de la rivière du Celé, et il fallut soixante ans encore pour que cette dernière étude fut poussée de Banhac à Figeac.

C'est en 1771 que fut établie à Maurs une brigade de gendarmerie. En 1781, l'on établit un piéton, aux gages de 160 fr. par an, pour porter les dépêches d'Aurillac à Figeac, passant par Maurs.

Suivant un arrêt du Conseil, du 19 février 1781, il fut institué à Maurs un bureau pour la visite des toiles grises, qui forment l'objet d'un commerce très considérable pour le pays, où sont attirés les marchands des Cévennes et du Languedoc.

D'après une ordonnance du grand-maître des eaux et forêts, de 1749, le maître des eaux et forêts de Saint-Flour devait tenir les assises une fois l'an, à Aurillac, Brioude, Mauriac et Maurs, principales villes de sa maîtrise.

En 1769, M- de Monthyon, intendant d'Auvergne, vint à Maurs, où l'on n'avait jamais vu aucun de ses prédécesseurs. 11 fut tellement frappé de la pénurie qui pesait sur le pays, qu'il accorda des fonds pour continuer le comblement des fossés Ce travail important pour l'époque ne fut achevé que trois ans plus tard, et c'est en 1774 seulement que ces fossés furent transformés en une place convenablement nivelée. Les côtés de la place furent pavés d'une manière régulière par le sieur Mande, paveur, au prix de 15 sols la toise.

La cité proprement dite comprenait, à cette époque, la portion de ville actuellement circonscrite par la route d'Aurillac à Figeac, par celle de Decazeville et par la place orientale. Tout cet îlot était entouré de fossés larges et profonds; les entrées principales étaient les portes du Temple et de la Cité, qui s'ouvraient à l'extrémité des rues qui ont conservé le mémo nom. Il y avait deux faubourgs, appelés du Bar et de la Porte-Neuve.

Lorsque les fossés furent comblés, l'on planta tout autour de la ville, sauf dans la partie où passe la route de Figeac, des rangées da tilleuls qui devinrent magnifiques et formèrent une belle promenade. Ces arbres ont malheureusement été arrachés, et fort mal à propos, lors du tracé de la route de Decazeville, par M. Lerouge, alors ingénieur dans le Cantal.

La ville actuelle, largement aérée, avec un vaste champ de foire et les deux routes qui la traversent, se présente sous- un aspect très-favorable. Un grand espace, laissé de chaque côté des deux routes, forme deux belles places. Une jolie fontaine jaillissante sépare ces deux places à la jonction des deux routes, et anime ce quartier qui est le point central du commerce.

Les foires de Maurs ont, depuis des siècles, été fort suivies par les populations d'un rayon assez étendu autour de la ville. Il y en a les 24 et 26 mars, les 28 avril, 29 mai, 18 juin, 27 août, 29 octobre, et le 2me jeudi de chaque mois. L'une d'elles, la St-Césaire, a même une certaine célébrité dans le voisinage. C'est à la fois un jour de fête pour la ville et pour son église, qui conserve les reliques de saint Césaire, archevêque d'Arles. Ces reliques sont l'objet principal de la vénération des fidèles; le saint archevêque n'est cependant pas le patron de la paroisse; mais il est depuis longtemps ea possession de la préférence du culte populaire. Le fait seul de la présence des reliques d'un aussi grand saint suffit parfaitement à expliquer son culte. L'archevêque d'Arles, qui vivait au vie siècle, était illustre à la fois par sa piété et par sa doctrine; il a laissé nombre de sermons qu'il avait composés, non seulement pour instruire son peuple, mais qu'il envoyait à ses confrères de France, d'Italie et d'Espagne. Il présida les conciles d'Agde, de Carpentras, de Vaison et le 11me d'Orange. Un peu de merveilleux s'est mêlé dans les récits populaires à l'égard du saint; la légende prétend que Maurs est le chef-lieu des faveurs de saint Césaire; que plusieurs saints vénérés dans les paroisses voisines ont en vain essayé de le remplacer. Saint Constant, notamment, aurait plusieurs fois tenté d'envahir le domaine de son supérieur; mais celui ci lui aurait fait sentir sa puissance. Une croix, dite de St-Césaire, posée à peu de distance de la ville, sur l'ancien chemin de St-Constant, désignerait, suivant la tradition, le lieu des rencontres des deux saints. Une naïveté crédule ajouterait même que les bustes des saints, que l'on honore dans chacune des deux paroisses, auraient été trouvés en cet endroit et rapportés en grande pompe à leur église.

Les légendes, en général, ne se piquent point d'une haute gravité; nous avons cru devoir donner celle-ci, malgré son apparence futile, parce qu'elle ajoute un motif à la préférence en l'honneur de saint Césaire, mis, pour ainsi dire, avant le patron du lieu. ,

Dans les campagnes, il y a des fontaines à l'eau desquelles les paysans attribuent diverses vertus. Ici, comme en Bretagne, les plus suivies sont celles de St-Martin; on y porte les petits enfants, et on leur lave les jambes avec cette eau qui doit les faire marcher.

Maurs a donné naissance à la bienheureuse Flore, religieuse au XIV° siècle, de l'ordre de St-Jean-de-Jérusalem, dans le monastère de Beaulieu-près-Gramat, en Quercy. Cette sainte termina sa carrière le 11 de juin 1547, dans ce même couvent où treize ans plus tard son corps fut élevé et offert à la vénération des fidèles, par ordre de l'évêque de Cahors. Sa commémoration, dans ce diocèse, est fixée au 7 d'octobre, jour de la fête de Ste-Foi.

Le patron de la paroisse est saint Sulpice, ancien évêque de Bourges. L'église est sous son invocation. Cette église a une nef assez belle, avec des colonnes à demi engagées dans le mur et des nervures retombantes; les fenêtres sont à lance et à trèfles assez modestes; des éperons, qui ne sont pas sans charme pour le coup d'œil, sont symétriquement placés autour de l'édifice. Le clocher ,large et élevé, contient une sonnerie puissante; le portail était orné de plusieurs morceaux de sculpture; notamment deux anges portant les écussons de l'évêque et de l'abbé, et trois statues dans des niches sculptées. Tout cela fut saccagé en 93; les statues brisées et les pierres mutilées. Le dallage de l'intérieur est remarquable; il fut fait sous l'administration de M. Picou, aujourd'hui curé d'Aurillac. Les réparations faites au chœur sont moins heureuses ; le baldaquin qui enveloppe l'autel a peut-être coupé le ton froid d'une vaste nef trop nue; mais il a aussi coupé l'espace, qu'aucun ornement ne saurait remplacer, et la beauté du vaisseau en souffre.

A propos de l'ornement des églises, le goût ne saurait être douteux ; il faut du beau et de l'art, ou du simple qui n'exclut point l'art; malheureusement, l'amour des couleurs entraîne souvent MM. les curés, qui confondent l'ornementation avec l'enjolivement, et se laissent aller à des enluminures criardes. Nous en trouvons un exemple dans cette église. Les vitraux récemment posés aux fenêtres sont d'une incohérence de tons fatigante pour un œil délicat, et la pauvreté des dessins en est au-dessous du médiocre.

L'ancienne église paroissiale a été abandonnée depuis que, par la suppression de l'abbaye, on a pu disposer de l'église abbatiale; des maisons particulières ont été bâties sur l'emplacement qu'elle occupait dans la rue de la Cité, tout près de la place actuelle du poids public.

Il ne reste plus des constructions anciennes, de ce qui a conservé le nom de Cité, qu'une tour servant à un escalier de la maison de M. Galtayries, nom que nous ne prononcerons pas sans rendre hommage à celui qui le porte, et sans signaler le dévouement dont cet administrateur a donné des preuves pendant de longues années et dans des occasions difficiles.

Le père Ménétrier, de la compagnie de Jésus (p. 229 de la Nouvelle Méthode raisonnée du Blason, Lyon, 1750), dit que la ville de Maurs portait d’or à face de sable. Telles sont, en effet, les armes de la ville, avec l'exergue : Hôtel-de-Ville de Maurs.

Non loin de la ville, l'on remarque quelques vieux manoirs, dont les deux principaux, au point de vue de la statistique, seraient celui de Merle, près de St-Constant, et celui de Murat, qui domine la vallée de Maurs. Le château de Merle, dont il ne reste que des tours inhabitables, était une position assez forte. Aussi les Anglais s'en étaient-ils emparés et l'avaient en partie détruit. Le castel de Murat, assis sur une petite montagne au pied de laquelle coule la Rance, semble placé à plaisir pour récréer la vue des voyageurs qui suivent la route d'Aurillac. Du plateau où sont les bâtiments, la vue peut s'étendre libre du côté de Maurs; mais, vers le levant, elle est bornée par le versant symétrique de la gorge d'où coule la Rance. Sur ce versant, était un autre manoir écroulé depuis soixante ans environ. Les amateurs de drame peuvent consulter, à ce propos, le premier numéro d'un recueil essayé jadis par quelques-uns de nos compatriotes, désireux de cultiver les lettres. L'imagination a probablement joué un grand rôle dans l'historique de ces deux frères ennemis, possesseurs des deux châteaux bâtis vis-à-vis l'un de l'autre, et dont la haine ne peut s'éteindre qu'avec le sang. Sans doute, à cette époque où la domination par la force était un besoin, et la bataille un passe-temps, la paix était difficile entre voisins trop rapprochés et ayant, par conséquent, des intérêts rivaux. Cependant, nous ne retrouvons, en ce cas, rien de sérieux qui puisse donner à ce roman un cachet d'authenticité.

Au point de vue de la race, la population de Maurs doit être l'objet d'une attention particulière; elle présente des signes qui diffèrent sensiblement des signes caractéristiques des habitants du Cantal. La ville, située à plus de 300 mètres en niveau au-dessous de celle d'Aurillac, commence, en effet, à ressentir l'influence d'un soleil plus chaud. On constate cette influence dans le climat, dans les productions, dans l'idiome usuel et dans le caractère des habitants. Les races des montagnes d'Auvergne ont conservé jusqu'à nos jours un type que la fréquence des communications tend à leur enlever; ce type subsiste encore visible dans les parties élevées de la chaîne du Cantal ; mais lorsqu'on descend vers les plaines du Midi, un changement s'opère peu à peu dans le port, dans les allures, dans les gestes et dans l'intonation du langage des individus.

Maurs est un pays de transition entre la montagne et la plaine. Si l'on observe les habitants, on voit que, physiquement, ce n'est plus la haute stature et le masque calme de la vieille race celtique, dont on retrouve les traces dans Je reste du département; les traits sont moins réguliers, l'expression plus mobile; cependant les visages n'ont pas ce cachet méridional que l'on trouve à très-peu de distance dans le département du Lot; et quant à ce qui peut faire préjuger le caractère, ce n'est pas la vivacité proverbiale du Gascon ou de l'enfant de la Provence , mais ce n'eut plus la placidité réfléchie du montagnard.

L'observateur peut vérifier ces remarques dans le parcours très-limité d'Aurillac à Figeac. Nous les signalons simplement, sans pousser plus loin l'examen, pour ne pas faire suspecter notre impartialité, nous bornant à dire que la population provenant sans doute de ce mélange de races est assez heureusement douée.

Des familles importantes à divers titres ont habité Maurs aux époques qui nous sont connues. On peut citer parmi celles qui sont éteintes ou qui ont quitté le pays:

Germain de Pommerie, damoiseau, en 1342.

Begou, de St-Mamet, damoiseau, en 1549.

Bernard Escaffre et Gaucelin de Galis, en 1548.

Hugues de Boisset, qui, en 1349, était directeur de la monnaie de Figeac, père de Guibert de Boisset, qui fut abbé de Figeac en 1377. Pierre Sobrésil, riche bourgeois, en 1480.

Jean Dubreuil, seigneur de Merle, en 1416; il fit bâtir une chapelle près du monastère.

Antoine de Roger, damoiseau, en 1482.

Le marquis de Naucaze habitait le château de ce nom, dont la lignée est aujourd'hui représentée par Mme Lécrivain, qui habite Paris. M. Lécrivain est directeur du personnel au ministère de la justice. Le château de Naucaze était une belle résidence; plusieurs tours en ruine, à-demi masquées par de beaux tilleuls, en font maintenant un point de vue pittoresque.

En ce moment, il est encore des familles marquantes qui habitent la ville ou le canton.

Celle de de Falvelly, famille très-ancienne à Maurs, dont nous avons vu dans l'histoire de l'abbaye l'un des cadets, Philippe de Falvelly, servir de témoin, en 1235, dans un acte passé entre l'abbé de Maurs et l'évêque de Clermont. Depuis cette époque jusqu'à la suppression du couvent, c'est-à-dire pendant prés de six cents ans, cette famille fut en possession à peu près constante de la charge de juge de la ville. (On a vu que la justice haute, moyenne et basse, se rendit d'abord au nom de l'abbé, puis alternativement au nom de l'évêque et de l'abbé.) En 1530, Guillaume de Falvelly, épousa Marguerite de Thémines, tante de Pons de Cardailhac, marquis de Thémines, qui fut élevé à la dignité de maréchal de France après le siége de Montauban, en 1616. Césaire de Falvelly, fils de Guillaume, épousa, en 1559, Antoinette de Caussade, tante du sire de Caussade de St-Mégrin, qui figurait au premier rang à la cour de Henri III.

La branche aînée de cette famille habite le château de Gresses, près de Laroquebrou ; l'un des cadets, M. Philippe de Falvelly, a épousé Mlle de Baudières, et habite le château d'Antraigues, dans la commune de Boisset, près Maurs.

La maison de Lagarde de Saignes, dont la souche vivait dans des temps reculés dans la terre de Lagarde (vicomté de Turenne, près Tulle, capitale du Bas-Limousin).

Cette famille établit sa filiation depuis l'an 1240. Plusieurs de ses membres ont été investis de dignités éminentes ; on peut citer entr'autres:

Gaucelin de Lagarde, évêque de Lodève en 1290, que le roi Philippe-le-Bel chargea de missions délicates.

Etienne de Lagarde, archevêque d'Arles en 1350; son frère, Guillaume, archevêque de Braga, en Portugal.

Pierre de Lagarde, seigneur de Saignes, ambassadeur de François Ier. près des rois de Pologne, de Bohème et de Hongrie; puis envoyé en Ecosse par la régente pour mettre obstacle au projet de mariage entre la fille de Henri VIII et le jeune roi Jacques V. (Cette mission est narrée avec éloge par Varillus. Histoire de François Ier, tom- Ii, p. 55 et 56. )

René de Lagarde, gentilhomme de la maison de Charles IX, mestre de camp du régiment de Quercy, qui est celui qui reprit la ville de Maurs sur les religionnaires.

La maison a en outre contracté des alliances brillantes ; ainsi, en 1796, Gabriel de Lagarde de Saignes s'unit à Marie-Anne de Peyronnenq de st-Chamarant, dont l'aïeul avait épousé, en 1605, Françoise de Bourbon.

Le chef actuel de cette maison habite Maurs; l'un de ses frères habite également Maurs; l'autre habite le département de l'Aisne.

La famille de Montarnal possédait jadis de beaux biens dans le vallon de Maurs, dont elle fut dépouillée par la révolution; le château de la Devèze , à 2 kil. de la ville, sur la route d'Aurillac, est encore la propriété d'un neveu de ses anciens possesseurs, M. le comte de Montarnal, receveur général des finances. Le nom de Mme la comtesse de Montarnal se rattache à une grande infortune de notre histoire contemporaine; elle est nièce de cç vaillant maréchal qui avait mérité le titre de brave des braves, le héros d'Elchingen et de la Moscowa.

A côté de ces noms, il en est un dont la mention nous impose la plus grande réserve. Aussi préférons-nous rester en deçà des limites de la plus délicate susceptibilité à cet égard, et ne point parler d'une famille dont cependant l'on retrouve à chaque pas un des membres dans l'histoire administrative de la ville de Maurs; ce serait néanmoins laisser incomplète toute notice statistique sur ce canton, que de ne pas y mettre le nom de Jean-Baptiste-Antoine-Benoit Jalenques. Pendant près de quarante ans, en effet, on retrouve ce nom en tête de toutes les mesures importantes prises dans l'intérêt local. Maire et juge en 89, M. Jalenques devait à son caractère et à la sagesse de son administration une grande popularité; sa conduite, dans ces temps difficiles, fut un exemple trop rarement imité. Il sauva la vie à M. Cavaignac, expert à Maurs, (oncle du général qui a un moment présidé aux destinées de la France), en arrêtant, pendant toute une nuit, une bande de furieux accourus d'un canton voisin et qui avaient cerné la maison Cavaignac. Il fallait alors un courage réel et un grand sentiment du devoir; car le pouvoir était sans force; déjà M. de Niocel avait été saisi sur la place d'Aurillac, et sa tête coupée avait été promenée triomphalement par quelques cannibales en délire. Delaunay, Berthier et Foulon avaient été massacrés à Paris.

Lorsque l'audace des révolutionnaires s'accrut de l'anarchie qui déchirait l'Assemblée législative, l'agitateur le plus hardi du département du Cantal voulut essayer de faire servir à ses desseins la garde nationale de Maurs; le juge de cette ville, opposant l'audace à l'audace, le fit arrêter, et, par cet acte de vigueur, prévint le désordre dans le pays, qui ne fut troublé que lorsque les provinces ressentirent le contre-coup des scènes du 20 juin et du 10 août.

Menacé plus tard pour cette noble conduite, M. Jalenques dut son salut au dévouement de ses concitoyens, dont quelques-uns contribuèrent à le garder heureusement assez longtemps pour atteindre le 9 thermidor.

On sait les difficultés qu'éprouva l'Administration, pendant le printemps de 1818, à cause de la disette des céréales. Le maire de Maurs, sagement prévoyant, avait préparé un grenier de réserve, et, par son zèle infatigable, il sauva la ville des crises douloureuses qu'éprouvèrent les villes environnantes.

C'est à cette administration, et à la générosité de son chef, que Maurs doit son embellissement, sa halle, sa fontaine, etc.

Enfin, cette existence est tissue de services rendus à son pays. Au dévouement pour le bien public, M. Jalenques joignait une vaste variété de savoir. Il reçut du Gouvernement de justes récompenses honorifiques, et jouit, durant sa vie, d'une haute considération. Il a été le modèle auquel sa postérité reconnaissante s'efforcera de ressembler. Nous avons dû citer ces faits sans craindre k critique, parce qu'ils honorent à la fois la ville et l'homme qu'elle a vu naître.

MAURS (COMMUNS.)

 

La commune de Maurs, dont le territoire présente une forme allongée du nord au sud , est bornée au nord par la commune de Quézac ; au sud, par la rivière du Celé, qui la sépare de la commune de Trioulou, et par le département du Lot (commune de Banhac) ; à l'est, par les communes de Saint-Etienne et de Saint-Constant, et à l'ouest, par le département du Lot (commune de Banhac) et le ruisseau de Voyre, qui la sépare de la commune de Saint-Cirgues (Lot).

Elle est parcourue par la rivière de Rance, dont la réunion avec la rivière de St-Constant forme le Celé, près du village des Aurières; par les ruisseaux d'Arcambe, de la Galtayrie , de Lestrade, de Veyre et par d'autres cours d'eau de moindre importance.

Sa surface contient 800 hectares de terres arables; 500 de prairies ou pacages; 1,200 de châtaigneraies; 150 de bois de diverses essences; 40 de vignes; 20 de vergers, et 200 de terres vagues et rochers.

Sauf dans la partie qu'arrose la Rance et qui constitua ce que l'on nomme le vallon de Maurs , le sol est sillonné par des ravins profonds; la nature du terrain est granitique et schisteuse.

La population est de 3,081 habitants, ainsi répartis : 1,772 agglomérés, 1,309 épars.

Il y a 81 villages ou hameaux, dont voici les noms, avec quelques particularités qui s'y rattachent:

Aurières (les), village au confluent de la Rance et de la rivière de St-Constant ; la famille Malroux en prend le nom; Antoine Malroux était conseiller du roi au bailliage d'Aurillac.

Balgairie (la), village.

Batul (le), hameau.

Bedrune (la), hameau.

Bétair, hameau.

Berquèze (la), hameau.

Bersagol, village au sud et près la route de Figeac.
Bois-de-la-Bombe (le), hameau.
Bois-de-Garry (le), hameau.
10° Bois-de-Vabre (le), hameau.
11° Borie (la), château agréablement situé au-dessous et près de la Tille, vers Figeac; il appartenait, au xvir siècle, à François de La Borie ou de Renac, et à son épouse, Louise de Martrain; il laissa une fille, Antoinette La Borie, mariée, en 1646, à Antoine de Latour, qui devint seigneur de La Borie. Après lui, Jean de Latour, son fils, épousa Marguerite de Martrain, sa parente, et traita avec M. Pantaléon de Méalet, qui avait épousé Gabrielle de La Borie, et, par cette alliance, jouit du fief et chateau de La Borie en 1693. La propriété passa plus tard, par le mariage de Raymond de Méalet, à M. do Boutaric, dont le fils, Benoit, en jouissait en 1788. La fille et l'héritière de ce dernier mourut victime d'un drame sanglant, dont le souvenir attriste cette demeure. Un ancien serviteur, excité par la cupidité, assassina cette demoiselle et porta pour ce crime sa tête sur l'échafaud.

12° Borie Vieille (la), hameau,

13° Bouissou (le) hameau.

14° Bourgade (la), hameau.

15° Bouyolles, propriété sur laquelle M. Galtayries a importé les améliorations agricoles dues à une intelligente pratique, et démontré, le premier, aux cultivateurs du canton les avantages des plantes fourragères et des amendements calcaires.

16° Bouyoulou, hameau.

17° Branges (les), hameau.

18° Briqueterie-Haute-et-Basse (la), hameau.

19° Cabane (la), hameau.

20° Capacité (la), hameau.

21° Calsaci , hameau. Il appartenait, en 1371, à Guy Calsacy, conseiller au présidial d'Aurillac, qui était fort riche et avait épousé Jeanne d'Armant, fille du seigneur de Germés.

22° Cammaï (le), hameau.

23° Camp (le), hameau.

24° Cardailhac, hameau.

25° Combart, hameau.

26° Castagne (la), hameau.

27° Caze (la), village.

28° Cervel (le), hameau.

29° Combe (la), hameau.

30° Colombier (le), hameau.

31° Couderc (le), village.

32° Devert (le), village.

33° Donnadieu, hameau.

34° Drulhe (la), village.

35° Estrade (l'), château dans une belle position, dominant la vallée, et d'où la vue s'étend jusque dans les départements de l'Aveyron et du Lot. Gaspard Dubois fut seigneur de l'Estrada en 1594, et Amable de Méalet en jouissait en 1637. Jean, son fils, lui succéda et habita l'Estrade en 1666. Jean-Urbain de Méalet, seigneur de ce fief en 1679, habitait la Garrouste, près d'Omps. En 1707. l'Estrade appartenait à Benoît de Renac, fils du seigneur de la Borie, qui vendit fief et château, en 1712, à Jean de Lagarde, comte de Saignes et de Parlan, dont les descendants en sont encore propriétaires.

36° Falvelly, hameau sur le plateau qui sépare la vallée de Maurs de celle de St-Constant. C'est de là que tire son nom la famille dont nous avons parlé (p. 330).

37° Forêt (la), hameau qui était à M. Joachim de Grignolles, de Maurs, en 1743.

38° Gallayrie (la), village.

39° Gerbes, village

40° Germes, village. Ce village a appartenu à la famille de Castanède. Charles de Castanède, mari de Louise de La Grange, était seigneur de Germés en 1610. (Les armes de cette famille portent sur le champ trois baugues de chataignes.)

41° Gramat, hameau.

42°. Grenier, hameau.

43° Haute-Val, hameau.

44° Junie (la), hameau.

45° Labro. hameau.

46° Laubrejac. hameau.

47° Loustalou, hameau.

48° Lesturgie. hameau.

49° Malroussie (la), hameau.

50° Martinie (la), hameau.

51° Montagnac, village.

52° Moulin de Boissadel (le), hameau.

53° Moulin du Fau (le), hameau où M. de Saignes a fait monter une belle machine pour la mouture des céréales.

54° Moulin de la Galtayrie (le), hameau.

55° Moulin de Garrigoux (le), hameau où M. Rouzières a établi une carderie pour la laine.

56° Moulin du Puech (le), hameau.

57° Moulin de Roquetanière (le), hameau.

58° Moulin de Rouget (le), hameau.

59° Noyer (le), hameau.

60° Passevile, hameau.

61° Piale-PorcK hameau.

62° Pigeonnie (la), hameau.

63° Pral (le), hameau.

64° Puech (le), hameau.

65° Puech-Roux, village.

66° Renaldie (la), hameau.

67° Reynou, hameau.

68° Roc (le), hameau.

69° Roumiguière (la), hameau.

70° Sulpice (St), où était probablement une chapelle dédiée à ce saint, patron de Maurs.

71° Sylvestre, hameau.

72° Tapie (la), hameau.

73° Tour (la), hameau qui pourrait bien avoir donné son nom à une ancienne famille, et qui composait sans doute les propriétés que Guy de La Tour , évêque de Clermont, déclarait avoir aux environs de Maurs. Il reste encore des traces non suspectes du château, dit Citadelle de La Tour, dans la carte de Cassini. Françoise de La Tour, veuve d'Antoine Vialar, y habitait en 1571.

74° Vamière (la), hameau habité, en 1539, par M. de La Vaissière, qui avait épousé Marie de Roufiniac; les deux familles avaient des prétentions à la seigneurie de Maurs.

75° Vallon (le), hameau.

76° Verdier-Bas (le), hameau.

77° Verdier-Haut (le), hameau appartenant, en 1334, à Jean de Pommerie, qui traita, en 1342, avec Guillaume, abbé de Maurs, pour des rentes.

78° Vergue (la), hameau.

79° Vert (le), hameau.

80° Viola (le), hameau.

81° Vigne (la), hameau.

L'on voit qu'il est un certain nombre de ces hameaux qui méritent mention. Il fut un temps où le nombre et la qualité des familles habitant les environs de Maurs faisaient de cette ville un centre agréable.

Le chef-lieu de la commune de Maurs est situé à 286 mètres au-dessus du niveau de la mer; il est distant de 45 kil. d'Aurillac , de 23 de Figeac et de 28 de Decazeville.

MAURS (CANTON).

 

Le canton de Maurs dépend de l'arrondissement d'Aurillac. Il est borné au nord par le canton de St-Mamet; à l'est, par celui de Montsalvy; au sud et à l'ouest, par les départements du Lot et de l'Aveyron.

Il est composé des 14 communes suivantes : St-Antoine, Boisset, St-Constant, St-Etienne-de-Maurs, Fournoulès, St-Julien-de-Toursac, Leinhac, Maurs, Montmurat, Mourjou, Quézac, Rouziers, St-Santin-de-Maurs, Trioulou.

Sa surface territoriale est de 24,000 hectares, ainsi répartis : terres arables, 7,450; prés et pâtures, 4,250; châtaigneraies, 6,100; bois, 2,030; vignes, 110; terres vagues, rochers et bruyères, 2,940.

Cette surface est arrosée par les rivières de Rance et de St-Constant, dont la réunion forme le Celé, qui coule pendant quelque temps dans le canton avant d'entrer dans le département du Lot; par les ruisseaux d'Arcambe, de l'Estrade et nombre de cours d'eau de moindre importance.

La population du canton est de 12,938 habitants. Les principales voies de communication sont : la route impériale n°122 , de Clermont à Toulouse; la route départementale n° 5, d'Aurillac a Decazeville ; le chemin de grande communication reliant St-Céré, Maurs et Montsalvy.

Les habitants tirent leurs principales ressources de l'industrie agricole. L'élève des cochons fournit une branche importante de revenus. On exporte en grand d'excellents jambons, qui n'ont rien à redouter de la comparaison avec ceux de Bayonne ou de Mayence. On attribue la supériorité de ce produit aux châtaignes données en nourriture, et aux soins particuliers prodigués à l'espèce porcine. Nulle part, en effet, on ne tient les animaux aussi propres, contrairement à l'opinion inverse de quelques pays d'élève, où l'on est loin de croire à la nécessité de laver les cochons tous les jours. On ne fait pas fumer les jambons; leur saveur naturelle est très-appétissante. Les châtaignes sont l'objet d'un commerce important d'exportation sur plusieurs myriamètres de rayon. De la cire est envoyée dans le Midi; des sabots en bois de noyer forment l'objet d'une fabrication notable; mais la fabrication la plus répandue est celle des toiles de chanvre, au métier de tisserand. Ces toiles sont exportées dans les contrées méridionales, en grande partie ; les plus belles servent à faire des draps de lit et des serviettes; es'p lus grossières sont employées pour ramasser les feuilles de mûrier.

On a sans doute autrefois cultivé le mûrier dans le canton même, sur une assez vaste échelle, et fabriqué de la soie ; car il existe sur divers points des mûriers fort anciens; il y avait des plantations perdues avec le temps, et un champ situé dans la banlieue de Maurs était consacré à une pépinière d'arbres de cette espèce, ce qui lui avait valu l'appellation de Champ de la Pourette, qu'il a conservée.

La vigne était aussi jadis une source de revenus considérables pour le canton de Maurs; les abbés de la ville jouissaient de bonnes rentes en vin ; plusieurs héritages qui sont aujourd'hui champs ou jardins, ont gardé de leur ancienne destination le nom de la Vigne, et de grandes surfaces de terrains situés dans les dépendances du village de Germés (commune de Maurs) portent des traces non équivoques de la culture de la vigne.

Beaucoup de ces vignes ont été perdues dans l'hiver de 1816-1817, bien plus encore dans celui de 1791-1792 et surtout en 1709; mais beaucoup aussi furent probablement abandonnées par suite d'un édit assez rigoureux, du 5 juin 1731, qui est assez peu connu pour qu'on soit peut-être aise d'en trouver ici un extrait.

« Il ne sera plus fait de nouvelles plantations de vignes dans l'étendue des provinces et généralités du royaume, et que celles qui auront été deux ans sans être cultivées ne pourront être rétablies sans la permission expresse de Sa Majesté, à peine de 5,000 liv. d'amende, et de plus grande, s'il y échoit

Laquelle permission ne sera accordée qu'au préalable l'intendant de la province n'ait fait vérifier le terrain pour connaître s'il n'est pas plutôt propre à  autre culture qu'à être planté en vigne. »

Le canton de Maurs se trouvant à la limite des contrées qui cultivent la vigne avec succès au-dessous de la chaîne des montagnes d’Auvergne, son climat rendant cette culture très-casuelle, il est probable qu'à la suite d'hivers rigoureux, l'application de cet édit dut faire changer de nature bien des héritages.

Le commerce des châtaignes est pour le canton de Maurs une branche sûre de revenus. Sur toute sa surface, les châtaigniers réussissent parfaitement; il est cependant une distinction sensible à faire dans l'excellence de leurs produits, suivant les lieux de leur provenance : dans les parties avoisinant le nord , l'ouest et le sud de la commune de Maurs, la châtaigne atteint un remarquable degré de saveur, et, pour l'alimentation du pauvre, ce farineux ne craint pas même la rivalité de la pomme de terre.

Quelques émigrants vont tenter fortune en Espagne; beaucoup vont à Paris; beaucoup aussi trouvent aujourd'hui un travail assuré et lucratif dans les forges de l'Aveyron, distantes du chef-lieu du canton seulement de 25 kilomètres; mais chez tous, l'amour du pays natal est souvent plus puissant que l'intérêt, et ils y reviennent en général finir leurs jours.

Les denrées alimentaires étaient jadis cotées à des prix assez bas; la vie était facile. Les prix ont, comme partout, subi la variation des temps; mais l'on peut, en ontre, prévoir que le voisinage d'un centre industriel tel que le bassin de l'Aveyron fera suivre, dans l'avenir , une progression ascendante rapide à la valeur des objets de consommation.

Voici quelques détails statistiques remontant au siècle dernier:

Le septier de Maurs, mesure de capacité avant l'adoption du système décimal, se divisait en quatre quartes, dont chacune contenait cinq pênes. La quarte était un cube de dix pouces de coté.

L'étalon de cette mesure, consistant en une pierre cerclée de fer, se voyait encore, en 1769, dans l'ancienne halle de Maurs.

La livre de Maurs pesait 17 onces 1/4; de sorte que le quintal de Maurs était de 108 livres et plus, poids de Marc.

La barrique contenait 480 paùques de Maurs, équivalant à 420 pintes de Paris.

La mesure appelée livre d'huile pesait 20 onces.

Les châtaignes se vendaient à la quarte comble, et les grains à la quarte rase. Nous pouvons donner ici le prix moyen dans le canton de Maurs, à diverses époques, de différentes denrées.

De 1747 à 1767, on vendait au septier:

Le blé 91 10

Le seigle 7

L'orge 7

L'avoine 3 10

Le chenevis 6

Les châtaignes vertes 2 10

— sèches 3

La barrique de vin valait 40

L'huile de noix (20 onces) 8

Le quintal de foin 1

— de paille  12

En 1790 et 1791, les septiers se vendaient:

Blé, de 14 à 17

Seigle, de 9 à 14

De 1840 à 1856, le prix des céréales a varié:

Pour le blé, de 15 30° à 30 22

Pour le seigle, de 9 27 à 25 45

Le millet, de. 8 11 à 25 18

Le sarrasin, de  7 21 à 20 52

t Nous n'avons pas constaté de différences entre les modes des culture des diverses communes du canton ; il en est cependant d'essentielles. D'une extrémité à l'autre du canton, l'action de la température est sensiblement inégale. Les communes situées dans la partie nord sont encore sous l'influence du voisinage des montagnes, tandis que celles de la partie sud cultivent la vigne avec quelque profit.

Il y a donc une grande diversité de produits; mais il faut dire que les communes de Montmurat, de St-Santin, du Trioulou et de Maurs sont la limite de la culture du cep, et que la qualité du vin se ressent des variations un peu subites de l'atmosphère. Ces dernières communes sont aussi les seules qui récoltent du blé ; toutes les autres ne sèment presque absolument que du seigle et du sarrasin.

Sous l'inspiration d'un comice qui s'est signalé par son zèle, l'agriculture a un peu progressé dans la contrée depuis quelques années ; néanmoins, avouons qu'elle est bien loin de ce qu'elle pourrait être. Nous en sommes encore à la jachère, et tout système d'assolements n'est pratiqué qu'exceptionnellement, et dans les héritages situés autour des bourgs. L'antique routine règne en despote. Pas de baux à long terme , ces contrats profitables aux deux parties par la prime qu'ils offrent a l'émulation du fermier, et par l'amélioration progressive du domaine; peu même de baux de courte durée ; le métayage domine, contrat aussi funeste au propriétaire qu'au cultivateur. L'attachement immodéré du campagnard pour le champ qui lu vit naître est, du reste, une véritable plaie. Le sol est indéfiniment morcelé entre de nombreux héritiers, dont chacun s'obstine a demander l'existence à la part qui lui est échue. Si l'on ajoute à cela la fureur d'acquérir à crédit, l'on concevra aisément le malaise de la propriété rurale.

La plus importante des communes est Boisset. (Voir la Statistique, lettre B.)

St-Constant et St-Antoine ont de très-bonnes foires. .

Quézac possède une église en renom, sous l'invocation de la Vierge, et qui attire un nombreux pèlerinage.

Le bourg de St-Santin, du Cantal, n'est séparé de celui de St-Santin, d'Aveyron, que par une rue qui est la limite des deux départements. St-Santin et Montmurat sont assis sur un riche banc calcaire, que la difficulté des chemins empêche d'utiliser comme on le fera à l'avenir au moyen du chemin n° 11. Ce même chemin servira également pour le passage des excellentes houilles de Latapie, dont le gisement est entre les plateaux de St-Santin et Montmurat, et la rivière du Lot.

Le pays, jadis bien boisé, sera bientôt mis à nu à cause des constructions de toute nature que nécessitent les établissements de Decazeville, d'Aubin, de Penchot, etc. Ces nombreuses usines et le chemin de fer en voie d'exécution ont plus que triplé la valeur des bois de charpente.

L'aspect général dans le pays dit châtaigneraie ou tegala (de segol, seigle), est bien différent suivant les saisons. Le terrain est ondulé par des mamelons plantés presque tous de châtaigniers. Le châtaignier, avec sa feuille charnue, longue, bien dentelée et d'une riche verdure, est un arbre magnifique au printemps; mais dépouillé dès l'automne, la nuance grisâtre de son écorce et l'incroyable délabrement des vieux troncs, donnent à ces coteaux, naguère si riants, un ton morne qui attriste.

Quelques points de vue mériteraient peut-être d'être cités. La gorge au fond de laquelle coule le ruisseau de la Rességue (nom tiré du patois, ressego, scie, qui simule le cours brisé du ruisseau), est accidentée par des coupures si imprévues, des escarpements si abruptes, des rochers à formes bizarres, le tout d'un tel cachet de désolation, que le coup d'œil en est saisissant. (Cette gorge court de la commune de Leinhac sur le bourg de St-Constant. )

Le vallon de Maurs est, de beaucoup, la partie la plus gracieuse comme paysage.

La route n° 122 continue, en la variant agréablement, la suite du panorama déjà parcouru par le voyageur qui suit cette ligne depuis Clermont. A partir de St-Mamet, la pente est constante et assez rapide ; l'on perd de vue la chaîne des monts du Cantal; l'on s'aperçoit que le climat devient plus doux, et en quittant le département, à la limite du canton de Maurs, l'on est arrivé à la porte des plaines méridionales.

Novembre, 1856.

 

Elie JALENQUES.

 

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