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Montgreleix

— Cette commune, détachée du Puy-de-Dôme, dépend maintenant du canton de Marcenat et de l'arrondissement de Murat. Elle est à peu près triangulaire. Elle est limitée au nord par le département du Puy-de-Dôme (Espinchal) ; au sud, par la commune de Marcenat; à l'est, encore par le Puy-de-Dôme (la Godivelle et St-Alyre), et à l'ouest, par Condat.

Sa surface territoriale est de 1,750 hectares, dont 1,700 en prés et pacages à vacheries; il y a très-peu de terres cultivées, et le bois y manque totalement.

Elle est arrosée par les ruisseaux du Lac, de Lafage, de la Chambre, de la Bastide, etc. Sa population est de 518 habitants, dans 3 villages, 1 hameau et 93 maisons.

Le chef-lieu de Montgreleix est un gros bourg à 8 kil. au nord de Marcenat, et à 3 myr. 6 kil. de Murat. C'est le plus élevé du Cantal. Il est près du ruisseau du Lac.

Son église est sous l'invocation de saint Laurent. C'était un prieuré de la dépendance de l'abbé de Chantoin. En 1150, Pons, archiprêtre de Blesle, partant pour la Palestine, confirma les donations faites par ses prédécesseurs à NotreDame de Clermont, savoir : de l'église de Montgreleix et de son château, que l'un d'eux avait fait construire; plus, du village du Fayet. Jean, son neveu, chanoine, confirma la donation de 102 pièces de fromage, que son prédécesseur Géraud, aussi archiprêtre de Blesle, avait faite.

Suit le relevé des revenus de cette cure en 1728.

Déclaration des revenus de la cure de St-Laurent de Montgreleix. Jean Veyrière . titulaire; Mgr l'évêque, collateur de plein droit.

REVENUS NON AFFERMÉS.

Dîme de toute la paroisse située dans un pays de montagnes très ingrat, rapportant 6 septiers de seigle à 5 liv. l'un 30 liv.

2 septiers d'avoine à 2 liv. 10 s 5

Une dîme de raves de la valeur de 5

Une parcelle de prés e 41

Fondations.. 66

Casuel 30

Total 167

CHARGES.

Perception des dîmes. 101. J gg

Entretien de la sacristie et du presbytère 15 (

Reste Net 142 liv.

Il a existé une famille de Montgreleix; elle est mentionnée dans le testament de Jean, comte de Clermont et dauphin d'Auvergne. Dans ce testament, daté de 1340, Jean donne à Astorg de Montgreleix, son ami d'enfance, tout ce qu'il pouvait lui devoir, et en outre une somme en argent. Gaspard de-St-Hérem était seigneur de Montgreleix en 1540.

Nous venons de dire que cette commune manque totalement de bois. Comme le Mont-d'Or, lui envoie souvent des jours très-froids, pour s'en préserver, ses habitants passent une partie de leur temps dans les étables pendant six ou sept mois de l'année. Les pauvre gens étaient réduits à se chauffer avec des mottes de gazon ou les déjections desséchées de leurs vaches. Il a été découvert, heureusement pour eux, une tourbière près du bourg. En exploitant cette mine, on trouve parfois des fragments de meubles.

Nous allons extraire de l'article de M. Chabrier le récit suivant:

« Cette tourbe est située sur une des avenues du bourg, à côté du chemin qui conduit à Marcenat; elle fait partie des biens communaux du lieu. Son étendue peut avoir 7 hectares, et les fouilles sont faites depuis 66 centimètres jusqu'à 7 mètres de profondeur. Dans l'exploitation, on trouve très-souvent des pièces de bois plus ou moins détruites, ou, pour mieux dire, des parties d'arbres de chêne et de sapin de 10 mètres de longueur. On y trouve surtout beaucoup de noisetiers, des noisettes même, dont les coquilles peu altérées ont conservé leur dureté naturelle ; mais elles ne renferment aucune espèce de noyau. Quand on pousse les fouilles plus avant, à la tourbe succède une espèce de charbon de bois semblable à celui que produit le feu ordinaire d'une cheminée. Au fond, on ne trouve que du rocher ou du tuf, sans aucun vestige de bâtiment, et cependant les découvertes appartiennent à des habitations; mais aucune tradition n'en rappelle le souvenir.

On fait l'extraction de cette tourbe dans les mois de juin, de juillet et d'août, et on la façonne comme des briques, qui sont arrangées en pyramides carrées, pour obtenir une complète dessiccation. Seulement, il serait utile de détourner les eaux qui envahissent les creux, ce qui serait facile, le terrain étant en pente dans la direction de l'Orient. »

Les villages et hameaux de cette commune sont:

Lac (le), village à l'est du bourg et presqu'à la source du ruisseau de ce nom.

Palliers (la), village à l'ouest, sur la montagne, près du ruisseau du Trémisseau.

3° Sallesses (les), hameau.

11 existe plusieurs lacs dans cette commune.

Auprès de Montgreleix on trouve un monticule escarpé, connu dans le pays sous le nom de Pic-de-Chamaroux. Le bas de cette colline est toujours couvert de verdure, tandis que le sommet sur lequel on ne peut parvenir qu'avec les plus grandes difficultés, et ses contours restent arides, ne présentent qu'un sol couvert d'une couche de terre rouge entremêlée de petites pierres. On n'a jamais vu croître sur cette partie de monticule ni herbe ni broussaille; la neige disparaît presque aussitôt qu'elle y est tombée. La croyance publique attribue ces phénomènes à des causes surnaturelles; le nom de l’Hort de las Fadas (jardin des fées), a été donné au point culminant de ce suc (pic décharné), redouté dans la contrée.

Mille récits plus ou moins tragiques ont occupé les veillées pendant plusieurs siècles. Le voyageur qui s'arrêtera à Montgreleix et s'adressera à la savante du lieu, apprendra de bien merveilleuses choses. Parmi ces histoires bien vraies, nous rapporterons la suivante.

Irald lou boun drolle (Géraud le gaillard), était le plus beau garçon du pays. Sa stature était haute, sa taille élancée, sa figure belle, sa force extraordinaire, ses manières plus distinguées qu'elles ne le sont ordinairement dans cette classe. Avec cela Irald était doué d'un caractère énergique qui ne reculait devant aucune entreprise. Quand une jeune fille le rencontrait, elle disait intérieurement en baissant les yeux : Irald ferait un bon mari!

Un soir, un samedi (c'est le jour des aventures diaboliques), Irald revenait d'un village voisin et passait à onze heures au pied du Suc-des-Fées : nul autre dans le pays n'aurait eu une pareille audace. La lune était dans son plein; ses lueurs incertaines au travers des nuages distribuaient des fantômes ; la solitude était effrayante. Tout-à-coup, Irald ayant porté ses yeux sur le sommet de la colline, croit apercevoir des formes fantastiques , des êtres vaporeux, aux contours aériens, se dessinant à peine sur cet horizon; une ronde animée, échevelée, semble se manifester à ses regards; sa curiosité est surexcitée au dernier point.

Irald ne peut résister au désir qui l'entraîne; il gravit la colline. Arrivé près du plateau, les formes deviennent plus sensibles; il a devant lui un essaim de beautés incomparables. Irald ne balance plus; que peut craindre un beau garçon au milieu de belles filles. Il avive jusqu'à la danse sans que sa présence ait été en quelque sorte aperçue. Cependant la ronde s'arrête; deux fées rompent la chaîne en se séparant, un signe lui indique de venir occuper la place faite pour lui. Irald, enivré, s'y précipite; mais, lorsque ses mains ont rejoint celles de ses belles voisines, quelque chose de sec et de glacé le saisit comme dans un étau, un frisson pénètre dans son corps. Alors commence une ronde infernale; Irald est entraîné avec une rapidité effrayante, sa respiration est haletante, ses forces s'épuisent dans ce tourbillon; enfin il succombe et tombe presque anéanti sur le sol maudit. La ronde continuait toujours.

L'heure de minuit est arrivée; la lune se voile davantage. En cet instant, ces belles filles disparaissent, se métamorphosent, et l'on ne voit plus que des squelettes hideux , dont la tête creuse jette des flammes par ses ouvertures. Irald tremble de tous ses membres; un festin infâme va commencer, le corps fétide d'un enfant mort sans baptême est apporté, la troupe odieuse va se livrer à un festin épouvantable; Irald est au comble de la terreur ! L'idée de se recommander au grand saint Géraud, son patron, lui est inspirée; il se signe! A peine la croix a-t-elle marqué sa poitrine, qu'un désordre effroyable se manifeste dans la bande infernale. Celle des fées qui lui avait paru la plus séduisante s'approche, exhale sur sa tête un souffle enflammé; le feu calcine ses cheveux, et une main brûlante imprime sur sa joue un stigmate aux reflets sanglants.

Irald avait perdu connaissance; mais il avait été servi par son patron; il ne put voir la fin de cette vision satanique. Quand il eut repris ses sens, la lune avait retrouvé son éclat, la colline son aspect accoutumé. Il se traîna péniblement chez lui, et, pendant plusieurs jours, des cauchemars sinistres redoublaient la fièvre qui s'était déclarée après tant d'émotions. Les stigmates survécurent, les cheveux revinrent courts et de nuance ardente,'la griffe sanglante resta imprimée sur sa joue; Irald, le boun drolle, avait cessé d'être un beau garçon. Il devint morose, sauvage; plus on ne le vit aux veillées! et lorsqu'il rencontrait une jeune fille, elle se détournait avec dégoût; il ne leur inspirait plus que des sentiments de pitié; leurs yeux ne se baissaient plus comme parle passé; Irald avait perdu son prestige.

C'est un usage universel dans nos contrées que de manger une soupe au fromage la veille de Noël. Dans chaque maison, les maîtres donnent à chacun de leurs domestiques un pain blanc de deux livres nommé miche et un fromage d'une livre. Ils vont dans leur famille faire apprêter leur soupe. Si elle se trouve trop distante, ils restent au logis; mais alors ils prennent leur part de celle du maître, et sont admis à leur table.

Le sol de Montgreleix est très-élevé, froid et volcanique.

P. De C.

 

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