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La présence du chemin de fer est un facteur important de développement d’un territoire en permettant de le relier plus facilement à l’ensemble du pays, facilitant l’exportation de la production locale et l'aide au développement économique et l’arrivée de nouvelles industries. Or la présence d’une gare à Ydes a été permise, du moins en partie, par l’existence de l’exploitation du charbon.

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En effet, avant 1882, l’industrie minière locale rencontrait une limite importante : l’écoulement de sa production. Celle-ci était alors vendue soit localement, soit transportée jusqu’à la Dordogne par chariot pour ensuite être transportée par bateaux jusqu’à Bordeaux1. Des projets d’aménagement de la Dordogne pour faciliter ce transport ont alors émergé de même qu’un plan de canal reliant l’exploitation et la rivière de la Dordogne2.

Ce moyen de transport restait donc assez coûteux et ne permettait pas de déplacer des quantités aussi importantes que le train alors que, dans le même temps, les ventes locales restaient limitées par le manque d’industrie à proximité. Ainsi, la production de la mine de Champagnac excédait ses exportations qui dépassaient rarement les 10 000 tonnes par an avant 1882. Celles-ci restaient également très locales, 31% à Bort les Orgues, 24% à Mauriac, 13% four à Chaux de la Forestie à Chalvignac3. Le problème des débouchés était ainsi régulièrement évoqué pour expliquer les difficultés que rencontrait le développement de l’exploitation de la houille sur le bassin de Champagnac4. Pour pallier ce problème, il fallait donc améliorer les moyens de transport, le train semblait alors être la meilleure solution.

Une autre raison venait s’ajouter à ce besoin local, un enjeu national. En effet, l'ouest et une partie du centre du pays rencontraient des difficultés à se fournir en combustible français du fait des soucis d’approvisionnement et le marché était fourni en 1876 par deux millions de tonnes de houilles britanniques5. Le combustible de ce pays parvenait à être plus rentable que la production nationale grâce à son faible coût d’extraction et aux difficultés de transport des ressources extraites des mines française vers ces régions du pays.

Cette situation plaçait la France dans une situation de dépendance vis-à-vis du voisin outre-manche, ce qui pourrait présenter des problèmes en cas de conflit contre celui-ci, lequel pouvait encore survenir à cette époque. Cet aspect est ainsi évoqué à l'Assemblée Nationale dans une pétition parlementaire de 1876 déposée par le député de la Creuse Armand Fourot. Quarante-cinq départements seraient ainsi en situation de dépendance vis-à-vis du charbon anglais et pourraient se trouver partiellement ou totalement paralysés en cas d’affrontement. Il était donc nécessaire de réduire ce besoin de la houille britannique en permettant un meilleur approvisionnement de l’ouest du pays. Le bassin de Champagnac était alors particulièrement visé du fait de son positionnement géographique. En effet, il est, avec Decazeville et Carmaux, dont la production alimentait déjà le sud du pays et étaient déjà mieux reliés aux réseaux de transports, l'un des plus à l'ouest de France. Les quelques autres exploitations situées plus à l’ouest, par exemple celle de Saint-Lon-les-Mines, n’offraient que de faibles possibilités d’extraction d’un combustible souvent de mauvaise qualité.

Ainsi, dès 1875, le député Sadi Carnot, cité en 18786 dans un autre rapport parlementaire, indique qu'il était urgent de permettre à la houille de Champagnac d'approvisionner le Berry à la fois pour fournir la région en combustible, mais également, pour aider à l'industrialisation du Cantal qui souffrait grandement de l'exode rurale. Dans ce but, il préconisait de réaliser une voie reliant Eygurande à Vendes7 et de relier la ligne Saint-Denis les Martel8-Aurillac, permettant ainsi de connecter la mine de Champagnac à la fois à Aurillac, d’où elle était reliée à Clermont, Brive, d’où elle pouvait aller vers Bordeaux, et la ligne d’Eygurande montant jusqu’à Paris. 

voies ferreesCarte des chemins de fer dans le Cantal tirée de Antoine Trine, Les chemins de fer cantaliens9

Ligne Aurillac-Saint-Denis les Martel
֟► Ligne Vendes-Eygurande
Embranchement reliant Vendes-Eygurande à Saint-Denis les Martel (achevée en 1893).
Ligne n’existant pas en 1882, Bassin de Champagnac.

La compagnie Clermont-Tulle avait obtenu sa concession en 1868 en échange de son engagement à établir un embranchement entre Eygurande et Vendes10. Celui-ci n'était alors pas encore en place mais en préparation et le rapport de Sadi Carnot demandait que ce projet soir déclaré d'utilité publique.

Ce chemin de fer permettrait de plus d'améliorer la desserte de toute une région du pays mal desservie en voies ferroviaires, d'améliorer le transport des passagers et l'écoulement d'autres marchandises afin d’aider au développement économique du nord Cantal.

C’est la compagnie Clermont-Tulle a qui obtenu alors la réalisation des travaux, cependant, en 1877, l’Etat dû les achever du fait des difficultés financières de cette société. La gare a finalement ouvert en 1882 et sa gestion a été confiée à la Compagnie du chemin de fer Paris-Orléans l’année suivante.

La commune d’Ydes a également disposé de deux autres gares, celle de Largnac (photo de gauche) servant de terminus à la ligne et celle de Saignes (photo de droite) plus au nord, proche du village du même nom.

gare Ydes Largnac gare Ydes Saignes

 

L’arrivée du chemin de fer a permis un développement important de l’activité minière, que ce soit au niveau de sa production ou de son personnel. Ainsi, entre 1881 et 1885 l’Annuaire statistique du Cantal affirmait que l’exploitation n’employait que cent personnes pour une production entre 1500 et 1600 tonnes11. En 1886, la même publication annonçait des effectifs de quatre cents personnes, même si les fiches de payes n’en indiquent qu’environ deux cent trente, et entre 50 et 60 000 tonnes extraites chaque année. Les effectifs ont continué de croître et, à partir de 1893, elle employait plus de 500 personnes et plus de 700 en 1897.

Cet essor est d’autant plus impressionnant qu’il s’est réalisé dans un contexte de faible croissance de l’extraction de la houille en France durant les années 1880. L’impact de la gare se voit aussi dans la géographie des ventes de la mine qui s’étendent désormais dans une ère géographique bien plus importante et dans les volumes produits. Ainsi, en 1900, les ventes de la compagnie s’élevaient à 90 308 tonnes, contre 12 200 tonnes en 1872. Le Cantal n’en représentait plus que 14 % alors que des départements plus lointains, mais plus industrialiséspesaient désormais plus, par exemple l’Allier (18 %) et le Rhône (14.3 %)12, deux départements qui peuvent surprendre puisqu’ils avaient d’autres mines pour s’approvisionner, celles de Saint-Etienne pour le Rhône, celles du Puy-de-Dôme, de la Nièvre et bien sûr de l’Allier pour celui-ci. De plus, le train devait à l’origine permettre d’exporter le charbon plutôt vers les départements du centre et de l’ouest. La Corrèze et le Puy-de-Dôme demeurent tout de même parmi les principaux acheteurs.

Nous disposons aussi de la répartition des ventes pour l’année 1938, l’Allier demeure alors le principal client aux côtés du Puy-de-Dôme avec respectivement 16.5 % et 17.7 % des ventes, alors que le Rhône est désormais regroupé dans les divers, signe de son recul. La part du Cantal a elle aussi diminué à 5 %.

Vidéo résumant les enjeux nationaux de ce chemin de fer

1 Michel Lemayrie, « L’Exploitation du bassin houiller de Champagnac », Revue de la Haute Auvergne XXXIV, 1954
2 « Notables locaux et industriels. La “guerre du charbon” dans le Nord-Cantal au XIXe siècle », Revue de la Haute-Auvergne, 2012, p. 132-162.
3 Christian Marchi, « Historique de l’essor minier dans le Cantal », Revue de la Haute-Auvergne, 1987, p. 1327.
4 « Jean-Baptiste de Ribier du Châtelet, Dictionnaire statistique ou Histoire, description et statistique du département du Cantal. - Vol. III (CAP-LAS), 1855 ».
5 Feuilleton / Chambre des députés, 28 mai 1878, en ligne :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6499723v.r=Feuilleton%20%20Chambre%20des%20d%C3%A9put%C3%A9s%2C%2028%20mai%201878?rk=579402;0
6 Feuilleton / Chambre des députés, 28 mai 1878, consultable en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6499723v.r=Feuilleton%20%20Chambre%20des%20d%C3%A9put%C3%A9s%2C%2028%20mai%201878?rk=579402;0
7 Gare située sur le bassin houiller de Champagnac 
8 Commune située dans le Lot
9 La date exacte de la carte n’est pas précisée, elle date cependant du XXe siècle et certaines lignes présentes ici n’existaient pas en 1882, nous l’avons précisé pour celle qui concerne Champagnac.
10 Le Cantal et le chemin industriel de Vendes à Saint-Denis : extrait de quelques articles de M. Z. sur cette matière, 1875, en ligne : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9206531
12 Christian Marchi, « Historique de l’essor minier dans le Cantal », Revue de la Haute-Auvergne, 1987, p. 1327.
 
Florian Petitalot, mai 2024
 
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