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EGLISE ET CHATEAU

Alleuze, le chef-lieu, à 1 myr. 4 kil de St-Flour, consiste dans l'église, placée sous l'invocation de saint Illide, et les ruines du château fort qui la domine. L'église fut réunie à la manse épiscopale vers la fin du XIIIe siècle; il y avait jadis au même lieu un chapitre de chanoines.

Lorsque Philippe Auguste partit pour la croisade avec le roi d'Angleterre, Henry, duc de Bourgogne; Guy, comte d’Auvergne, des barons et plus de trois cents écuyers, il fit des dons et accorda  des privilèges aux seigneurs de sa suite, parmi lesquels se trouvait le seigneur d'Alleuze. L'un de ces privilèges fut le droit de prélever des dixmes sur les censistaires. Le pape consentit en 1207 à ces concessions.

De même lorsque ce roi envoya combattre les hérétiques ou Bulgares qui inondaient le comté de Toulouse et les pays circonvoisins, le droit de prélever des dixmes fut encore donné aux barons qui s'étaient armés pour cette guerre. Ce droit fut confirmé par Saint-Louis à Aiguesmortes au moment où le prince Français allait s'embarquer pour la terre sainte; il avait été convenu que garnison serait mise dans les châteaux forts en état de défendre l'Auvergne et le Rouergue, et que l'on y logerait les écuyers et les soldats.

Bernard ou Amblard de Mercœur de La Tour, chambellan du roi dans le haut pays d'Auvergne, possédait alors le château et la comptoirie d'Alleuze. Philippe Auguste lui accorda que la forteresse serait gardée dans l'intérêt de la défense contre les Bulgares , et que le seigneur jouirait à l'avenir, pour le comptoirat d'Alleuze , du droit de dixmes et recevrait l'hommage qui y était attaché. Ce droit restait réservé toutefois à la qualité d'écuyer ou lancier, Alleuze étant une des quatre comptoiries d'Auvergne. L'ordonnance royale qui le concédait fut rendue en 1195 et confirmée en 1211. Trente-sept fiefs relevaient du seigneur d’Alleuze, qui avait de belles rentes avec un droit de compteur sur la ville de St-Flour. Les consuls de cette ville devaient lui payer annuellement 20 florins, à la condition que les assises se tiendraient sous la tour de la porte des Lacs, dite la tour anglaise à St-Flour.

Archambaut de Bourbou , connétable d'Auvergne , acheta Alleuze d'Amblard ou Béraud de Mercœur, et, selon les ordres du roi, garnit le château d'écuyers et d'arbalétriers pour la sûreté du pays d'Auvergne et de la ville de St-Flour, ainsi que des seigneuries qui en relevaient et dont les possesseurs étaient tenus de prendre la lance pour le seigneur comptor d'Alleuze,.la défense du roi, et contre toute entreprise des Bulgares sur la ville de St-Flour.

Cette terre fut revendue par les descendants d'Archambaut à l'évêque de Clermont pour lui et ses successeurs, qui la gardèrent jusqu'en 1523. Alors le clergé de France ayant été imposé par le roi, afin de subvenir aux frais de la guerre, Guillaume Duprat la céda à N. de Lastic.

Le titre de comptor d'Alleuze fut disputé aux évêques de Clermont par divers seigneurs du pays; mais ils se désistèrent de leurs prétentions, et, en 1368, dans le conseil secret du duc de Berry, reconnurent aux évêques leurs droits de comptors, avec ceux qu'ils avaient à l'entrée et pour le péage du pont de Saint-Flour.

La forteresse éprouva de grands désastres lors de la guerre contre les Anglais. En 1583, Emerigot Marchez, chef de pillards, à la tête d'une troupe déterminée, s'en empara par surprise. Voici la ruse qu'il employa pour la prendre. Il s'approcha des murs avec douze de ses compagnons déguisés, afin d'examiner si la place était bien gardée; s'étant aperçu, à sa grande satisfaction, que le portier était assis sur un tronçon de bois devant la porte et sans armes, Marcel fit tirer sur lui. Le malheureux ayant été tué d'un coup d'arbalète, la bande courut aussitôt à la porte du château et s'en saisit. Sa femme, toute effrayée, fut enfermée, et, comme le châtelain se trouvait à Clermont, Emerigot resta maître d'Alleuze malgré les habitants de St-Flour et très facilement. Il la garda sept ans pendant lesquels il s'y fortifia; c'était son quartier général et l'entrepôt de ses voleries, dont le pays eut beaucoup à souffrir. Enfin, il traita en 1390 avec Jean d'Armagnac pour une somme de 5,060 livres, d'autres disent 10,000. Mais dans la suite il regretta son marché, car il retirait plus de 20,000 florins par an de la possession de la forteresse, qui servait de centre à ses brigandages. Les Saint-Florins furent des premiers à souscrire pour renvoyer les Anglais et racheter Alleuze. En 1405, sous prétexte que le fort était mal gardé par les gens de l'évêque de Clermont, et que si l'Anglais s'en emparait encore il serait funeste à la ville, Pierre Mercier, bailli des montagnes d'Auvergne pour le duc de Berry, accompagné des consuls et d'une troupe de maçons et de pionniers, vint à Alleuze, y mit le feu et en démolit une partie. L'évêque, irrité de cette voie de fait, exigea des dommages et intérêts. Les habitants de St-Flour furent obligés de lui payer 6,000 livres en 1410, et, par arrêt de la Cour du Parlement, furent en outre condamnés à 500 livres d'amende.

Le château fut réparé en 1536; il fut pris en 1575 par les Huguenots. Pierre Bonnaud en était capitaine en 1587.

Noble Beralde_de Pleaux, veuve d'Hugues de St-Gall, fit, en 1396, hommage à l'évêque de Clermont pour le fief d'Alleuze et ses droits, en ayant été investie par lui. La famille de Lastic a longtemps possédé la terre et la comptoirie, conservant avec soin tous les beaux revenus qu'elles donnaient. Alleuze fut ensuite vendu à un paysan de Vabres qui plaida contre la commune et perdit son procès; c'est elle qui en jouit aujourd'hui.

En 1693 le château consistait en un vieux corps de logis et quatre tours d'un petit diamètre. C'est un carré long, à chaque angle duquel se trouve l'une de ces tours, rondes et élevées. Trois d'entre elles avaient des corps de garde voûtés au premier et au deuxième étage. Dans l'une on remarquait un trou carré dit les Oubliettes et aujourd'hui comblé; on avait percé des canonnières de toute part. Au-dessus des caves du corps de logis s'élèvent deux étages. La longueur du bâtiment est de 120 mètres. Il était entouré de deux murs d'enceinte dont on voit encore les restes. L'accès en était difficile, et l'on assure que des souterrains communiquaient au ruisseau du vallon, permettant ainsi de mener les chevaux à l'abreuvage pendant le siége. La butte sur laquelle se présentent les ruines du fort est presque cernée par deux cours d'eau très poissonneux. L'un d'eux se nomme ruisseau de Redonde.