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Après les attentats du 11 Septembre 2001, un Cantalienne, Nadine Puechguirbal, conseillère aux Nations Unies à New-York au moment des faits, nous a fait parvenir son témoignage et ses réflexions sur ce drame hors du commum.

New York, le 22 septembre 2001

Travaillant depuis plus d’une année à New York, je peux dire que j’aime cette ville au charme cosmopolite. J’aime me promener dans Central Park le dimanche, parler avec des inconnus avec mon accent américain coloré – signe de mon intégration - croiser dans la rue différentes nationalités et vivre dans l’immensité du rêve américain. C’est ce côté relationnel facile qui me plaît ici, loin des rapports humains sophistiqués que l’on peut parfois connaître en Europe.

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Il me semble pourtant que les choses ont changé depuis l’attentat terroriste du mardi 11 septembre. J’espère que ce n’est qu’une situation temporaire, le réflexe d’un peuple blessé qui se replie sur lui-même et que l’ordinaire va reprendre ses droits. On constate ces jours-ci moins de monde dans les rues, moins de gens dans les boutiques… les gens affichent des expressions graves et pensives; on surprend même le silence que vient seul interrompre le bruit lancinant des sirènes des pompiers, ambulances et véhicules de police.

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Toute une ville en état de siège.

Je me souviens de ce mardi noir . nous avions été évacués du bâtiment des Nations Unies par mesure de sécurité et renvoyés dans nos foyers. Habitant à dix minutes de mon bureau, j’avais donc regagné mon appartement à pied. Les trains et le métro ne fonctionnaient plus, la circulation avait été interrompue entre l’île de Manhattan et l’extérieur, les ponts étaient bouclés. Les New-yorkais, rejetés dans la rue, prenaient le chemin de l’exil vers le nord de la ville. Tout un peuple en marche donc, avec, comme toile de fond, une épaisse fumée noire qui montait du sud de Manhattan. Des visages hagards, des regards effrayés, la panique visible face à tant d’incompréhension.

Qui peut vouloir attaquer le peuple américain qui se définit comme le garant des libertés individuelles et de la paix dans le monde? Un peuple visiblement peu préparé à un terrorisme de proximité … la violence loin de nos frontières n’est pas plus acceptable, mais elle est moins réelle. Le gouvernement du Soudan bombarde les civils du sud du pays de manière régulière depuis des années, mais qui s’en soucie à part quelques humanitaires? Et pourtant, c’est le quotidien de ce peuple soudanais qui connaît aussi les maux de la sécheresse et de la famine.

Pour comprendre la réalité américaine, il faut aller se recueillir à Union Square, à l’angle de la 14ème rue et de Broadway où, au XIXème siècle, se déroulaient des manifestations politiques et des rassemblements ouvriers. C’est ce jardin que les Américains ont choisi pour se retrouver dans la prière et rendre hommage aux disparus du World Trade Center. L’ambiance est émouvante. A la tombée de la nuit, des centaines de bougies illuminent le jardin entre les photos des disparus, des poèmes de compassion et de multiples drapeaux étoilés posés à même le sol. Les gens se recueillent, chantent ou récitent des prières, certains groupes sont d’origine latino-américaine, d’autres d’origine chinoise, et chacun à sa manière participe à la cérémonie. On peut même acheter des photos prises par des amateurs qui montrent les deux tours du World Trade Center en train de s’écrouler (même au cœur des grandes catastrophes, on ne perd pas le sens du business ici). On peut également adopter un chien abandonné qui appartenait peut-être à une personne disparue (le droit des animaux est un courant fort aux Etats-Unis).

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Pour des esprits cartésiens comme les nôtres, ce déferlement d’émotions semble exagéré. Bien sûr, dans un pays où le Président de la République appelle à la prière pour souder l’esprit patriotique de ses citoyens, on ne peut guère s’étonner d’une telle ferveur religieuse. Une seule phrase à retenir: «God Bless America» (Que Dieu bénisse l’Amérique). En France, depuis la séparation de l’Eglise et de l’Etat, il serait malvenu pour un Président de mélanger les deux institutions aussi ouvertement. Ici, l’esprit critique n’est pas de mise par rapport aux événements, l’heure est à la prière et à la vengeance.

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Personne à l’heure actuelle ne se permettrait de critiquer la politique étrangère agressive du Président qui a sa part de responsabilités dans ce qui vient de se passer. Les Américains sont unis derrière leur Président pour le meilleur et pour le pire. Le Président incarne l’orgueil blessé d’une puissante nation et, d’ailleurs, j’ai entendu des instituteurs expliquer aux enfants américains que tout irait bien désormais car le Président veillait sur eux et sur leur pays (certainement de quoi les rassurer).

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La seconde guerre