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Document tiré  du Dictionnaire Statistique du Cantal de Déribier-du-Chatelet  Edition de MDCCCLII  (1852) Volume 1/5.

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 L'arrondissement d'Aurillac se compose des huit cantons d'Aurillac nord et sud, de Laroquebrou, Maurs, Montsalvy, St-Cernin, St-Mamet et Vie. Il est borné au nord par l'arrondissement de Mauriac, au midi et à l'est par le département de l'Aveyron et l'arrondissement de St-Flour, et à l'ouest par le département du Lot et en partie par celui de la Corrèze. Sa population est de 96,916 habitants.

AURILLAC.

GENERALITES

Les principales rivières qui arrosent l'arrondissement d'Aurillac sont : La Jordane, la Cère, la Rance, la Celle, la Doire, l'Authre et le Goul; ses montagnes les plus élevées, le Puy-de-Griou, Girgols et Mandailles; ses forets les plus remarquables, les forêts de Marmiesse, de Conros, de Siniq, du Bousquet et de Montvert.

Placé au midi des hautes montagnes qui forment le groupe central de la chaîne cantalienne, le climat est, dans une grande partie de cet arrondissement, moins rude que dans le reste du département; mais, cette position même l'expose à de brusques changements de température et à des pluies plus fréquentes, surtout au printemps, l'automne y est généralement la plus belle saison de l'année.

Le sol n'y offre pas de moindres contrastes. Dans les flancs déchirés des hautes montagnes s'ouvrent de riants vallons qui, tantôt se resserrent en gorges étroites et profondes, hérissées de rochers, du haut desquels se précipitent de bruyantes cascades, où dont les nombreuses fissures laissent échapper de modestes sources; tantôt, s'ouvrant avec grâce, ils déploient avec orgueil leurs riches tapis de verdure. Mais, dès que les hautes montagnes, en s'abaissant graduellement, ne forment plus que des collines, le terrain basaltique et calcaire disparaît et fait place au schiste, au quartz et au granit; les pâturages deviennent maigres, les eaux infécondes, les terres froides et peu fertiles, la bruyère envahit tout ce que la main de l'homme ne lui dispute pas chaque année, les hautes tiges des arbres, excrus dans d'heureuses positions, rappellent seules le luxe de végétation de la montagne, mais on y chercherait en vain, sauf dans quelques rares oasis, et les eaux abondantes, et les plantureux pâturages, et la belle race bovine qui font la richesse de la haute montagne.

Le paysage est toujours beau cependant, il varie à chaque pas; le terrain, ondulé comme les vagues de la mer, présente partout de nouveaux points de vue. Ici un modeste clocher entouré de riants cottages, là des hameaux isolés, jetés dans les positions les plus variées, sur le haut d'une colline, aux flancs des coteaux et jusques aux fonds des précipices. De beaux arbres, tantôt groupés en masses compactes et serrées, tantôt se déployant au milieu des haies capricieuses qui dessinent sous mille figures diverses les contours des propriétés particulières, tantôt réunis en petits bouquets autour d'une roche solitaire, d'un bâtiment rustique, d'un petit moulin, d'une vieille ruine ou d'une maison nouvelle.

Il est difficile, en voyageant dans l'arrondissement d'Aurillac, de ne pas avoir toujours en vue quelqu'endroit où l'œil se repose sur un site pittoresque, un point de vue agréable, un objet d'étude, un fond de tableau.

Mais, le cœur y est souvent attristé envoyant les femmes et les enfants occupés aux travaux les plus pénibles, en remarquant les vides immenses que le manque de bras laisse dans la culture. De vastes bruyères, qu'on pourrait féconder, restent en friche, parce que, dans un grand nombre de communes, la partie la plus active de la population virile s'expatrie pour chercher au loin des ressources actuelles, égales ou supérieures peut-être à celles que la culture du sol ne lui procurerait qu'à la suite d'un travail infructueux de plusieurs années.

Cette émigration des Auvergnats est ancienne, bien ancienne. Du temps de Sidoine-Apollinaire elle avait lieu déjà. Peut-être dans ces temps reculés s'expliquait elle mieux que de nos jours, parce qu'il y avait moins de sécurité pour le laboureur, parce que l'Auvergne était encore couverte de bois, de marais et de fondrières qui laissaient peu de place à la culture, et qu'il y avait plus de nécessité de demander aux pays voisins les choses les plus nécessaires à la vie; mais, de nos jours, c'est une question grave et sérieuse que celle de savoir si l'émigration, qui fait refluer vers nos montagnes beaucoup d'argent, mais aussi beaucoup de vices, nous est plus dommageable qu'utile.

LES CANTONS

Le territoire d'Aurillac se divise en deux cantons:

1° Le canton nord d'Aurillac, borné au nord par les cantons de St-Cernin et de Salers; au midi par celui de Montsalvy; à l'est par le canton de Vie; à l'ouest par celui d'Aurillac sud. 11 se compose des communes d'Aurillac en partie, et de celles de Giou-de-Mamou, de Laroquevieille, Lascelles, Mandailles, Marmanhac, St-Cirgues-de-Jordane, St-Simon et Yolet. Sa population est de 14,720 habitants.

2° Le canton sud d'Aurillac, borné au nord par le canton de St-Cernin; au midi par ceux de St-Mamet et de Montsalvy; à l'est par le canton nord d'Aurillac; à l'ouest par celui de Laroquebrou. Il se compose de l'autre partie de la commune d'Aurillac et de celles d'Arpajon, Crandelles, Jussac, Labrousse, Naucelles, Prunet, Reilhac, St-Paul-des-Landes, Sansac-de-Marmièsse, Teissières-de-Cornet, Vezac.et Ytrac. Sa population est de 16,916 habitants.

 La ville d'Aurillac est le chef-lieu du département du Cantal. — Par sa position à l'entrée d'un des vallons les plus pittoresques de nos montagnes, et en face d'une plaine riche et fertile, par la réunion à ses portes même des cinq routes les plus importantes qui traversent le Cantal, par sa population agglomérée, presqu'égale à celle des trois autres chef-lieux d'arrondissement réunis, elle occupe évidemment le premier rang parmi les villes du Cantal; c'est pourquoi nous avons cru devoir donner plus de développement à cet article qu'à ceux qui sont destinés à faire connaître des localités moins importantes.

Nous avons pensé qu'il serait utile, et tout au moins curieux, de rechercher d'abord quelle est l'origine de la ville d'Aurillac.

De faire connaître ensuite ce que nous savons de l'histoire de son abbaye, et d'ajouter à ce chapitre quelques mots sur les autres couvents, les églises et les établissements religieux qui existaient autrefois à Aurillac.

Nous parlerons ensuite des franchises municipales du Moyen-Âge, si curieuses, si larges, si bien appropriées aux besoins de tous et cependant si peu connues.

Il faudrait un cadre plus étendu que celui d'un Dictionnaire statistique pour faire connaître, même par une sèche analyse, tous les faits et les nombreux documents que nous avons recueillis sur l'histoire d'Aurillac; peut-être pourrons-nous le faire plus tard, mais, dans cet article, nous nous attacherons uniquement à ceux qui peuvent nous donner une idée de la vie intime de nos pères, du gouvernement intérieur de la cité, de la sollicitude de ses consuls pour l'accroissement de son commerce, de son industrie et du bien-être de ses habitants, et nous appellerons l'attention sur les causes qui ont miné, énervé et détruit enfin notre ancien système municipal.

Nous dirons ensuite quelques mots sur l'organisation actuelle de la ville et du département, et sur les établissements nouveaux qu'Aurillac renferme.

Tel est le plan de cet article, nécessairement écourté, parce que les documents échappés à tous les désastres qu'Aurillac a éprouvés à diverses époques sont encore très nombreux; M. Déribier n'avait pu ni les connaître, ni les consulter tous, et nous-même nous n'avons pu les dépouiller tous encore; il nous a paru cependant convenable de profiter de la publication d'un ouvrage qui est, à vrai dire, une véritable encyclopédie cantalienne, pour appeler l'attention sur les archives de la Mairie d'Aurillac, trésor non encore épuisé, grâce à Dieu, et qui mérite d'être étudié.

Refaire l'histoire perdue de son pays, signaler à la reconnaissance des enfants ceux de leurs pères à qui ils doivent les principaux avantages dont ils jouissent, arracher à l'oubli les noms de ceux de nos compatriotes qui se sont distingués par leurs vertus, leurs talents, leurs belles actions, il y a certes là de quoi tenter tout homme qui aime son pays. Mais, il faut du travail, il faut prendre beaucoup de peine, peut-être sans espoir d'achever cette œuvre laborieuse! c'est vrai : la vie de l'homme est bien courte, j'en conviens, mais est-ce une raison pour ne rien faire? Non, commençons toujours, réunissons tous les matériaux que nous pourrons nous procurer; d'autres personnes studieuses viendront après nous, leur tâche en sera plus facile, et nous aurons au moins contribué pour notre part au monument qu'elles élèveront;

Que ce qui se fait en ce moment pour M. Déribier nous encourage; il est mort à la peine, sans avoir eu la consolation de publier un ouvrage, fruit de trente ans de recherches; cent cinquante actionnaires se §ont présentés pour le publier en son nom, et de nombreux collaborateurs s'efforcent à l'envi de le compléter. Courage donc, l'Auvergne ne meurt pas et elle veut avoir son histoire.


 ORIGINE DE LA VILLE D'AURILLAC.

Il est toujours difficile de remonter à l'origine d'une ville quelque peu ancienne, de démêler la vérité à travers les conjectures, les suppositions, les systèmes des auteurs qui, s'étant déjà occupés de cette recherche, l'ont souvent obscurcie, en entassant textes sur textes, invraisemblances sur invraisemblances; nous noue bornerons donc à dire que son nom indigène et primitif est ORL1IAC, ainsi écrit dans les plus anciens manuscrits romans qui nous restent, et qu'on prononçait ORLIAC, comme nous le faisons encore en patois. Ce nom a été traduit d'abord en latin AURELHACUS, c'est l'orthographe du testament de saint Géraud, puis AURELIACUM, c'est celle du texte de saint Odon, et plus tard AURILIACUM

C’est ainsi que les Bénédictins ont écrit le titre de la vie de saint Géraud: Tita tancti Geruldi Auritiaccnsis comitis. Aujourd'hui, en omettant I, nous redoublons L, qui se prononce mouillée, comme si la lettre I s'écrivait encore. Donc, quelle que soit ou qu'ait été jadis l'orthographe du mot Aurillac, en le prononçant on a toujours fait sentir un I dans la seconde syllabe. Donc l'étymologie AURI-LACUS, lac d'or, est évidemment mensongère.

On doit en dire autant de cette seconde supposition qui veut faire considérer l'empereur AUREL1EN comme le fondateur d'Aurillac, parce que, dans cette hypothèse, la règle de dérivation aurait commandé de conserver la lettre N, comme dans AURELIANUM, Orléans, ce qui n'a jamais eu lieu; et, par une autre raison plus positive encore, c'est qu'avant le X° siècle aucun auteur, aucun manuscrit, aucun monument historique, quel qu'il soit, ne fait mention d'Aurillac et que, si cette ville eut été fondée par Aurélien ou eut existé pendant l'époque romaine, un pareil silence serait inexplicable.

Aussi, sans rechercher la signification du mot ORLIIAC dans la langue celtique, nous n'hésiterons pas à dire qu'il appartient à cette langue et que les premiers habitants de la ville ou du bourg qui avaient reçu ce nom étaient des Celtes-Arvernes.

Mais, à quelle époque ces Arvernes commencèrent-ils à habiter Aurillac ? Il est tout à fait impossible de répondre à cette question. Les Celtes n'écrivaient pas leurs annales, ils n'avaient d'autre histoire que les chants de leurs bardes, et n'ont laissé après eux que quelques monuments informes et muets; les historiens, les philosophes et les géographes romains paraissent avoir peu connu nos montagnes, car on ne trouve rien dans leurs écrits ni dans leurs cartes qui puisse nous aider à résoudre cette question; enfin, chez les premiers historiens des Francs eux-mêmes, avant le Xe siècle, on ne rencontre ni le nom d'Aurillac, ni celui d'aucune autre ville du Cantal.

Cependant le pays était fort anciennement peuplé et puissant. Strabon assure que la domination des Arvernes s'étendait jusqu'à Narbonne et aux frontières des Massaliotes; qu'ils commandaient à plusieurs peuples jusqu'aux Pyrénées, au Rhin et à l’Océan. César nous apprend que les Eleutètes, les Cadurques, les Gabales et les Velaunes avaient coutume de leur obéir, étaient soumis à leur domination; il dit que les Helviens habitent les frontières de l'Arvernie, qu'ils en sont séparés par les montagnes des Cévennes.

Tite-Live nomme les Arvernes parmi les peuples qui suivirent Bellovèze dans son expédition aventureuse. Il ajoute que, lorsque Asdrubal passa d'Espagne dans les Gaules, non seulement il fut bien accueilli par les Arvernes d'abord, et ensuite par les autres peuples des Alpes, mais qu'ils le suivirent encore en Italie. Suivant le même auteur, ils s'étaient tellement attachés à Annibal, qu'ils le suivirent à Zama, y formèrent le tiers de son armée, et combattirent avec cette haine native contre le peuple romain, particulière à leur race.

Il suffit de ces citations pour établir, ce qui, du reste, n'est contesté par personne, que les montagnes du Cantal, qui formaient alors le centre de l'Arvernie et de la Celtique, devaient renfermer très anciennement une population nombreuse, énergique, hardie, qui, ne trouvant pas sous ce ciel rigoureux une nourriture suffisante, devait fournir la majeure partie des terribles aventuriers que l'Auvergne vomissait annuellement sur les pays plus favorisés et plus riches.

Cette vie turbulente, active, toujours agitée, et l'impossibilité d'occuper des hommes qui n'avaient de goût que pour la guerre et la chasse, dans un pays où la terre et le ciel se refusaient également à seconder leurs travaux, durent nécessairement conserver plus longtemps chez les Arvernes des montagnes, que chez tous les autres peuples des Gaules, les anciennes mœurs et les habitudes celtiques. Aussi n'avaient-ils pas de villes, chaque famille vivait isolée soit dans les cavernes naturelles des rochers, soit dans des souterrains qu'ils creusaient dans le tuf et dont un grand nombre existe encore de nos jours, les plus aisés dans des cabanes construites en pierres sèches et couvertes de chaume, les riches dans des forteresses où l'art avait peu à ajouter à la nature pour en rendre l'accès difficile et la défense aisée.

D'immenses forêts devaient couvrir alors presque toute la Haute-Auvergne, la culture n'avait pas encore assaini les plaines et donné un écoulement aux eaux qui, du flanc des montagnes déchirées, descendaient en cascades dans nos vallons étroits et sinueux; quelques sentiers, connus des seuls habitants, serpentaient à travers ce labyrinthe de forêts et de marécages; le pays entier était donc un lieu de refuge, une immense place de sûreté pour les Arvernes et leurs alliés. Ils n'avaient besoin, pour y braver impunément un ennemi, quelque redoutable qu'il fut, que de fortifier et de défendre les points les plus accessibles. Ainsi protégés contre tout ennemi, ils n'avaient à redouter que la famine.

Voilà ce que nous apprend César, qui devait bien connaître les Arvernes. Il fait dire à un de leurs chefs que, retirés derrière leurs retranchements pendant la terrible invasion des Cimbres et des Teutons, ils laissèrent passer ce fléau dévastateur, quoique réduits à se nourrir des corps de ceux que l'âge rendait impropres à la guerre, et conservèrent leur liberté au prix d'un si pénible sacrifice. Ce que les Cimbres n'avaient pas osé tenter, César se garda bien de l'entreprendre, il ne quitta pas la plaine et ne pénétra pas dans nos montagnes. L'histoire ne fait, nulle part, mention d'aucune expédition des Romains contre l'Arvernie pendant leur domination dans les Gaules. Thierry, fils de Clovis, étant venu assiéger Clermont, fit une pointe sur Mériolacum et se retira de devant cette place moyennant une somme d'argent que les assiégés lui comptèrent. Je suis convaincu que Mériolacum est Chastel-Marlhac; c'est la première fois que l'histoire cite une localité de nos montagnes, mais elle n'est pas éloigné de la Dordogne et la Sumène y verses ses eaux; il a donc été facile à Thierry de venir jusqu'à Chastel-Marlhac, et il a jugé prudent de ne pas aller plus loin.

Depuis cette entreprise de Thierry jusqu'en 839, c'est-à-dire pendant plus de trois siècles, aucune armée étrangère n'essaya de pénétrer dans les montagnes de l'Arvernie. Louis-le-Débonnaire l'entreprit le premier et dans quelles circonstances?

Il s'agissait de faire reconnaître son fils Charles comme roi d'Aquitaine. Il avait pour lui plusieurs des personnages les plus considérables du pays, et ils se trouvèrent au rendez-vous qu'il leur avait donné à Clermont. Ce fut donc après avoir reçu l'hommage d'Ebroin, évêque de Poitiers; de ltaynaud, comte de la première Aquitaine; de Gérard, comte d'Auvergne; de Rathier, comte de Limoges, et d'un grand nombre d'autres seigneurs du pays que Louis-le-Débonnaire, se voyant si bien accompagné, crut pouvoir franchir les montagnes pour aller assiéger Carlat, et mettre à la raison ceux des chefs montagnards qui ne voulaient pas reconnaître son fils. Cependant, l'expédition pouvant être dangereuse, il envoya l'impératrice Judith et son fils à Poitiers et se mit lui-même à la tête de son armée. Le succès ne répondit pas à son attente : à la vérité Carlat lui ouvrit ses portes, mais, lorsqu'il voulut aller de là à Turenne, son armée fut harcelée, traquée et poursuivie sans relâche par les montagnards; les fatigues et le manque de vivres engendrèrent des fièvres violentes qui en firent périr la majeure partie, et le reste eut bien de la peine à s'échapper; Louis fut obligé de se retirer lui-même à Poitiers.

Si l'on considère que c'était avec le secours des plus puissants seigneurs de l'Auvergne et du Limousin que Louis avait entrepris cette expédition, que de Carlat à Turenne il dut traverser les vallées de la Cère et de la Jordane, et passer sur la commune actuelle d'Aurillac et dans les propres domaines de Gérard, aïeul de saint Géraud, qui s'étendaient du Puy-de-Giou jusques auprès de Turenne, on concevra combien devait être énergique la haine des montagnards contre les étrangers ; combien ils étaient jaloux de leur liberté, puisque la présence de Gérard auprès de l'empereur ne put les empêcher d'assaillir son armée et de la détruire?

Le mauvais succès de cette expédition prouve donc deux choses, d'abord qu'au commencement du IX° siècle la Haute-Auvergne avait conservé les mœurs des Celtes, ensuite qu'elle n'avait pas subi le joug de l'étranger.

Il est a remarquer aussi que les chroniqueurs ne parlent pas le moins du monde d'Aurillac, à l'occasion du passage de Louis-le-Débonnaire sur le territoire qui en dépend aujourd'hui. Cependant, dix-sept ans plus tard, en 856, saint Géraud naissait dans le château qui portait ce nom, et qui, selon toute apparence, existait déjà en 839. N'est-ce pas une preuve évidente qu'Aurillac n'était pas alors une ville, ne pouvait offrir aucune ressource aux troupes de l'empereur, que c'était seulement un des quatre cents petits donjons construits dans nos montagnes pour recevoir, en cas d’attaque, le chef et les familles de quelques vassaux dont les troupeaux paissaient dans ses domaines?

S'il y avait eu dès lors à Aurillac une ville, résidence habituelle d'un comte, si, à quatre kilomètres seulement, il y avait eu à Arpajon une autre ville, ancienne colonie romaine, il est évident que de deux choses l'une, ou l'empereur et son  armée y auraient trouvé des rafraîchissements et des secours, ou si elles avaient fait résistance, il les auraient assiégées; dans l'un comme dans l'autre cas, l'analyste en aurait parlé.

Donc le silence gardé par les chroniqueurs francs et l'aveu fait par eux que, pour parcourir une distance de 90 kilomètres, 22 lieues 1/2 de poste, qui séparent Carlat de Turenne, l'empereur perdit l'automne entière et la majeure partie de son armée dans des escarmouches incessantes, prouvent que, loin d'être cultivée et embellie par plusieurs cités romaines, la vallée de la Cère de Vic à St-Céré était, en 839, un pays impraticable pour une armée régulière et d'une défense facile pour les naturels, toujours prêts à profiter des moindres accidents de terrain pour attaquer avec avantage et se retirer sans pouvoir être poursuivis.

Gérard et Rathier, toujours fidèles à Charles-le-Chauve se firent tuer pour lui en 841 à la sanglante bataille de Fontenay, dans laquelle 80,000 combattants perdirent la vie, et dans ce nombre presque tous les chefs des anciens Francs et des tribus germaniques de Lothaire. .

Géraud, fils de Gérard Ier, avait succédé à Rathier, son oncle, dans le comté de Limoges; il avait épousé Adeltrude, femme distinguée, d'une naissance égale à la sienne. Il s'efforçait de réparer dans ses domaines allodiaux les maux de la guerre ou de les en préserver à l'avenir, et, à cet effet, le château d'Aurillac, qui commandait l'entrée de la vallée de Jordane, lui ayant paru, par sa position forte, riante et plantureuse, convenir à l'établissement d'un certain nombre d'habitants, il fit bâtir une église dans la prairie qui s'étendait au-dessous du château et la dédia à saint Clément.


 SAINT-GERAUD

Rien ne prouve que jusque-là il y ait eu d'autre église à Aurillac, tout annonce au contraire que c'est la première qui ait été érigée dans la vallée et que sa 'construction fit élever autour de ses murs quelques chétives masures, berceau de la ville actuelle.

Pendant que Géraud et Adeltrude s'occupaient de ces soins pieux, Dieu, pour les en récompenser, leur donna en 856 un fils qui reçut aussi au baptême le nom de Géraud. Il hérita, peu d'années après, des vastes domaines allodiaux que possédaient ses parents et qui s'étendaient presque sans interruption, dit saint Odon, du Puy-de-Griou à Pousthomy, commune du département de l'Aveyron, canton de St-Cernin, arrondissement de St-Affrique, dans une longueur de 32 lieues; de Pousthomy vers Sarlat, dans une largeur d'environ 35 lieues, et de là remontaient au Puy-de-Griou en formant à-peu-près un triangle dont le Puy-de-Griou était le sommet. Dans cette immense étendue, ses alleux étaient si rapprochés, dit saint Odon, qu'il pouvait aller et revenir sans se reposer ailleurs que dans ses propres châteaux.

Saint Géraud jouissait donc d'une fortune considérable, et il résolut de l'employer à faire le bonheur de ses vassaux. Pour éloigner d'eux, autant que possible, tout sujet de guerre, il refusa d'accepter les titres et bénéfices que le roi aurait voulu lui conférer, même le comté de Limoges dont avait été revêtu son père et auquel il aurait dû succéder, d'après les conventions faites à la diète de Kiersy. Il ne voulut jamais faire hommage à aucun seigneur laïque d'aucune de ses propriétés allodiales, ni en inféoder à personne, à l'exception seulement de Talizat, parce que la situation de ce domaine au-delà des montagnes du Cantal, dans la Planèze, ne lui permettait pas de le défendre efficacement, dit saint Odon, exception qui prouverait seule combien étaient difficiles les communications d'un point à l'autre de la Haute-Auvergne à cette époque. Il s'abstenait scrupuleusement de toute agression, observait pour lui-même la justice la plus rigoureuse dans ses relations avec ses voisins, aimait mieux perdre quelques-uns de ses droits que d'exposer ses vassaux en les revendiquant, et si, bien malgré lui, on l'obligeait à tirer l'épée, il n'abusait jamais de la victoire. Il parvint ainsi à se faire aimer autant que craindre et à s'assurer une longue paix jusqu'à la fin de ses jours.

C'est alors que, pour civiliser, instruire et secourir les peuples confiés à sa garde, il résolut d'employer ses richesses à la fondation d'une abbaye, richement dotée et peuplée de moines fervents et habiles, choisis par lui un à un dans les nombreux pèlerinages qu'il entreprenait sans cesse. Cette abbaye devait être non seulement une école, un foyer d'instruction où l'on pourrait venir s'abreuver largement à la coupe de la science, mais une pépinière de missionnaires fervents qui, se répandant sur les terres voisines, y porteraient partout, avec la parole de Dieu, le bienfait de la civilisation. Enfin, ne pouvant affranchir lui-même tous les serfs de ses domaines, dont plusieurs refusaient de recevoir de lui le don précieux de la liberté, il voulait, en les léguant à son abbaye, assurer leur affranchissement successif dans un avenir peu éloigné. Il ne se trompait pas en cela, car, dans tous les titres qui nous restent, il serait difficile de trouver, un siècle après la mort de saint Géraud, la moindre trace de servitude dans ses domaines.

Ce fut en 898 que saint Géraud jeta les fondements de son monastère dans la prairie au-dessous du château, proche l'église St-Clément, où reposaient son père et sa mère. Pour lui assurer la protection la plus efficace et la plus respectée, il en fit hommage au pape et déclara tenir de lui les terres, châteaux et autres possessions dont il faisait donation à son monastère, et, en signe de ce vasselage, il s'obligea à payer au Saint-Siége le cens annuel d'une maille'd'or.

Cependant les bâtiments du monastère étaient élevés, une colonie de moines, dignes de ce nom, y vaquait à la prière et à l'étude. Saint Géraud crut devoir requérir pour eux des lettres de sauvegarde de Charle-le-Simple; ce prince, étant à Bourges, s'empressa de les lui octroyer le 2 juin 914. C'est l'acte le plus ancien et le plus authentique dans lequel on trouve le nom d'Aurillac.

Deux ans après saint Géraud eut le bonheur de voir consacrer l'église de son abbaye, à laquelle il faisait travailler depuis 18 ans. Il affranchit ce jour-là cent serfs et leur donna, ainsi qu'aux habitants déjà établis autour de l'abbaye, un territoire circonscrit entre quatre croix qui, depuis ce temps, a été appelé le francaleu d'Aurillac. Voulant ensuite disposer des biens qu'il s'était réservés, saint Géraud fit un testament, ou plutôt un codicile, au mois de septembre 918, dans lequel il les distribua entre son'neveu Reynaud et ses moines, et'mourut, enfin, deux ans après, le vendredi 13 octobre 920.

Saint Odon rapporte, dans la vie de saint Géraud, que quelqu'un, paraissant surpris de l'étendue qu'il donnait aux murs d'enceinte de son monastère, le saint fondateur répondit que cette enceinte serait bientôt trop étroite pour contenir la foule qui se presserait autour de ce sanctuaire. En effet, en 972, cinquante-deux ans seulement après sa mort, Etienne, évêque d'Auvergne, assisté des évêques de Périgueux et de Cahors, consacrait une église nouvelle que Géraud de St-Céré, sixième abbé d'Aurillac, avait été obligé de faire construire à la place de l'église bâtie par saint Géraud, devenue trop petite.

Ainsi, ce n'est pas le château bâti sur la hauteur qui a donné naissance à la ville, c'est le monastère, construit dans la plaine, qui a appelé une population nombreuse dans son enceinte, fortifiée d'abord, comme on peut en juger par la disposition circulaire des rues du Collège, des Dames du Buis et Maudon. Plus tard on a dû protéger aussi par des murailles les faubourgs qui s'étaient étendus le long du Gravier, de la porte des Fargues à St-Marcel, de là à la porte d'Aurenque, et de celle-ci à la porte des Gabrols, qui s'ouvrait autrefois sur la rue Marcenague. Ce vaste triangle était alors devenu la ville véritable. Mais, le berceau de la ville, son principe, ses plus anciennes constructions étaient évidemment dans l'enceinte circulaire du monastère. Les noms même des rues qui y touchent l'indiquent : la rue Trans-las-Parros était évidemment au-delà de la muraille primitive; celle de Lacoste, aboutissant à la porte des Cabrols, tire son nom du chemin montueux que l'on prenait en sortant de la ville ancienne ; la rue du Rieu a été construite sur les bords du ruisseau par lequel s'écoulaient les eaux dérivées de la Jordane pour alimenter les fossés du monastère.

Toutes ces circonstances, réunies à l'existence de la Pierre ou mesure du grain et des marchés publics sur la place devant le monastère, ne nous permettent pas d'hésiter à placer, dans cette enceinte primitive, le premier centre de population, et à regarder saint Géraud comme le fondateur de la ville aussi bien que du monastère d'Aurillac.


 LE MONASTÈRE.

Saint Géraud ne s'était pas trompé; les moines, héritiers de ses vastes et nombreux domaines, construisirent dans chacun d'eux une église ou dotèrent celles qui existaient déjà, de sorte que la majeure partie des revenus fut employée, sur les lieux mêmes, à l'entretien de l'église et du chapelain, et qu'une faible redevance seulement ou un cens modique réservé à l'abbaye, en signe de suzeraineté, était le seul profit qu'elle retira de ses nombreuses possessions. Les terres étaient données à bail emphytéotique à des tenanciers, et, quand la nécessité obligea les abbés à les inféoder aux seigneurs voisins, ils stipulèrent des garanties pour la liberté et le bien-être de leurs vassaux.
D'autre part, l'appui du Saint-Siége ne manqua jamais au monastère d'Aurillac; placé sous sa dépendance immédiate, plusieurs papes se plurent à le doter de nombreux privilèges, et prirent hautement sa défense dans l'occasion. Bien qu'il ne nous reste pas de bulles de notre illustre compatriote, l'immortel Gerbert qui, le premier des Français, s'assit sur la chaire de saint Pierre sous le nom de Sylvestre II, nous le placerons en première ligne au nombre des bienfaiteurs de l'abbaye d'Aurillac. Ses lettres prouvent la tendre affection qu'il conservait pour le monastère dans lequel il avait été recueilli, élevé et initié aux mystères de toutes les sciences cultivées au X° siècle. Nous savons, d'ailleurs, qu'il en enrichit la bibliothèque de livres rares et précieux.
Nous avons encore les bulles de Nicolas II, de 1061 ; d'Alexandre II, de 1068; de Grégoire VII, de 1077 ; d'Urbain II, de 1096; de Pascal II, de 1103; de Calixte H, de 1119; d'Adrien IV, de 1158; d'Innocent III, de 1198, etc. Tous ces papes déclarent le monastère d'Aurillac libre et exempt de toute juridiction épiscopale, autre que celle du Saint-Siége, et prennent sous leur protection spéciale non seulement la ville d'Aurillac, où le monastère était situé, mais toutes les églises, terres et vassaux qui dépendaient de l'abbaye, quelle que fut leur situation.
Or, grâce à l'immense libéralité de saint Géraud; de Jean, deuxième abbé d'Aurillac, son parent; d'une comtesse Aldegarde ; de plusieurs des comtes de Toulouse et de Poitiers, les propriétés immobilières de l'abbaye d'Aurillac s'étendaient dans dix-sept diocèses différents, depuis Poitiers jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, et des Pyrénées au diocèse d'Embrun, dans les Alpes.
L'abbé d'Aurillac disposait d'au moins cent bénéfices, produisant plus de 80,000 liv. de rente, comme on peut en juger par l'extrait suivant d'une bulle de Nicolas IV, en date de 1289.
Principales possessions de l'Abbaye d'Aurillac.
1° Dans la ville d'Aurillac:
Le monastère de St-Jean-du-Buis; Les églises de Ste-Marie (Notre-Dame d'Orlhac); St-Clément (construite par Gérard); St-Benoît (le monastère); St-Etienne (l'église du château); St-Lazare (la Maladrerie); Sle-Marie-Madeleine (couvent de filles).
2° Hors la ville, diocèse de St-Ftour:
Les prieurés de St-Etienne-Cantaleix; St-Paul-de-Montvert; St-Wide; St-Jeande-Donne; Ambials; Landeyrac; Cassaniouze; Cayrols; Jussac; Cros-de-Montamat; Cézens; Talisat; Thiézac; Labrousse; St-Christophe; Marcolès;
Les châteaux de Belhez; St-Etienne d'Aurillac; de Naucelles; d'Ayrens; de StSimon; de Holmis (inconnu);
Les églises de Roumegoux; du Fraisse; de Naucelles; d'Ayrens; de Crandelles; d'Omps; de Teissières; de La Ségalassière; de St-Simon.
3° Dam le diocèse de Clermont: Les prieurés de Fourvolet; de Dauzat; de Persac ou Sperchas.
4° Dam le diocèse de Cahors: Les décanats de Souliac et de Cayrac.
Les prieurés de Montclar; St-Victor; Ardiac; Labarthe; Capdenac; Foissac ; La Capelle-Banhac; St-Cirgucs; St-Cernin-du-Bourg ; St-Julien-dc-Paulhac; Les églises de Labastide, près Cayrac; de Liriac et Varrès.
5° Dam le diocèse de Rodez:
Les prieurés de Montbazens; de Banhars; de Lannuejols; de N.-D. de Veyraguet; de St-Pierre et St-Affrique-de-Causse; de St-Géraud-de-Vaillourles; de St-Géraudde-Comonset;
Le décanat de Varens;
L'église de Pagax.
6° Dam le diocèse d'Alby: Les prieurés de Cieurac et de Puicelsy.
7" Dam le diocèse de Mende:
Les prieurés d'Espagnac et de Quézac.
8* Dans le diocèse de Saintes:
Le prieuré de Lampac ou Sampac.
9e Dans le diocèse de Limoges:
Les prieurés de la Chapelle-St-Géraud; d'Auriac; de Glenic; de Quincey;
La chapelle et le château de Servières.

10° Dans le diocèse de Périgueux: Le monastère de Font-Goulfier;
Les prieurés de St-Privat; St-Paxence; St-Pierre de Rives; St-Fronton.
11° Dans le diocèse d'Angoulême: Le monastère de St-Amand-de-Boixe.
12° Dans le diocèse d'Agcn: Les prieurés de Monsempron; de Montalzat; de Ledat ; d'Almayrac.
13° Dans le diocète de Toulouse:
Les églises de Cambiac; de Varennes; de St-Pierre et St-Paul de Toulouse;
Le prieuré de St-Sulpice;
Le château de Soliniac.
14° Dans le diocèse de Vente:
Les prieurés de St-Marcelin d'Embrun et de St-Géraud d'Aspres.
15° Dans le diocèse de Valence:
Le prieuré d'L'pie.
16° Dans le diocèse de Die:
Les prieurés de St-Pierre et St-Géraud de Saillans; St-Pierre et St-Géraud d'Aoste; de Bourières; de St-Nazaire.
17° Dans le diocèse de Viviers:
Le prieuré de La Vausse.
18° Dans le diocèse de Compostelle:
Le prieuré, l'église et l'hôpital de Ste-Marie-du-Mont.
Le pape Nicolas IV déclarant, dans la bulle où nous puisons cet extrait, qu'il ne fait qu'énoncer quelques-uns des bénéfices du monastère d'Aurillac, on peut juger, par ce simple aperçu, qu'elle devait être la richesse et la puissance de nos abbés.
Il n'est pas question, d'ailleurs, dans cette nomenclature, des domaines inféodés soit aux vicomtes de Carlat et de Turenne, soit à d'autres seigneurs du pays. Ainsi, pour ne citer qu'un seul exemple, on a vu à l'article Arpajon quelle était l'étendue de l'arrière-fief tenu par les Astorg d'Aurillac, pour les châteaux de Conros et de Labastide, et de leur fief pour le château de Laroquevieille. La bulle de Nicolas IV n'en dit pas un mot, non plus que des châteaux de Viescamp et d'Escorailles, aussi tenus par les Astorg, et une foule d'autres fiefs, dont nous aurons peut-être occasion de parler bientôt. Elle ne dit rien du monastère de Maurs, de l'église de Montsalvy et d'une foule d'autres qui appartenaient aussi au monastère d'Aurillac, de sorte qu'on se tromperait gravement si l'on croyait trouver, dans l'analyse que nous avons donnée ci-dessus, un inventaire complet des possessions de notre abbaye.
Nous avons déjà dit que les revenus de ces immenses possessions avaient été employés par les abbés d'Aurillac à assurer, autant que possible, le bien-être et la sécurité des vassaux qui habitaient leurs terres, et à adoucir leurs mœurs, en répandant sur eux l'instruction religieuse. La plupart des églises fondées ou dotées par nos abbés étaient desservies par des moines ou par des ecclésiastiques séculiers, qui avaient reçu dans l'abbaye même une instruction solide. A cette époque, il n'y avait guères d'écoles que dans les monastères ou dans quelques communautés de prêtres, suivant une règle monastique. Sous ce rapport, le monastère d'Aurillac devint bientôt célèbre.
Son fondateur avait eu l'idée d'abord de le peupler de jeunes nobles du pars, qu'il avait envoyés au célèbre monastère de Vabres pour y faire leur éducation religieuse. Mais, soit manque de vocation, soit que le temps consacré à leur noviciat eut été trop court, quand ils revinrent à Aurillac, il s'aperçut avec douleur que ces jeunes gens ne répondaient pas à l'idée qu'il se faisait d'un véritable moine qui, selon lui, ne devait plus appartenir à la terre et être plutôt un ange qu'un homme. Voilà pourquoi, peut-être, il fit sept fois le voyage de Rome et visita plusieurs fois les églises de St-Martin de Tours et de St-Jacques de Compostelle, cherchant partout des moines selon son cœur et dignes de la sainte mission qu'il leur destinait.
Il y réussit enfin, s'il faut en juger par les résultats consacrés par l'histoire. On lit, en effet, dans l'Histoire littéraire de France, vol. 6, page 23: « La doctrine » de vérité qu'on enseignait à Cluni se communiqua aux autres monastères, où » passa l'institut de cette célèbre abbaye. On préjuge aisément combien se multi plièrent les écoles par cette voie. Elle passa à Aurillac, en Auvergne, comme ailleurs. Ce monastère, qui avait été fondé vers la fin du siècle précédent par saint Géraud, dont on a déjà parlé, fut le berceau du principal renouvellement des lettres qui se fit en ce X° siècle.
Jean de Sarisbery, évêque de Chartres, qui mourut en 1181 ou 1182, dit, en parlant des moines de Luxeuil : « Ils sont les maîtres non seulement des hommes éloquents, mais de l'éloquence elle-même, car, égaux en plusieurs points aux moines d'Aurillac, qui ont acquis une grande habileté et une longue pratique d'un grand nombre de sciences, ils l'emportent d'autant plus aisément sur eux en éloquence, qu'à Luxeuil on devient et on naît éloquent.»
Ces citations suffiraient seules pour prouver à quel éminent degré d'instruction le» moines d'Aurillac étaient parvenus; mais, l'honneur qu'ils ont eu d'être les premiers maîtres et les bienfaiteurs de l'illustre Gerbert, qui étonna son siècle par sa science prodigieuse, et eut l'honneur de compter parmi ses élèves un roi de France et un empereur, nous dispense de toute autre preuve. On nous pardonnera donc de citer ici quelques-unes des lettres dans lesquelles l'illustre pontife épanche son cœur dans celui de ses anciens maîtres et de ses amis, et témoigne sa vive affection et sa reconnaissance pour le monastère qui fut son berceau.
A Raymond, moine d'Aurillac. (Lettre 45°.)
Les Latins et les Barbares, qui participent aux fruits de nos travaux, connaissent la vivacité de notre affection pour vous ; ils appellent de leurs vœux votre présence, parce que, connaissant tous de combien d'inquiétudes je suis accablé, ils n'ignorent pas que vous seul pouvez me rattacher au lieu qui est à présent le centre de mes études. La philosophie est le seul remède que l'on ait pu trouver encore contre cette sorte d'agonie; aussi est-ce dans son étude que nous avons puisé souvent de grandes consolations. Dans ces temps de troubles, par exemple, elle nous a servi à. supporter les coups de la fortune, lorsqu'elle sévissait avec tant de fureur contre les autres et contre nous-mêmes. Lorsqu'en effet l'état des choses était tel en Italie que nous étions réduits à la triste alternative ou de courber la tête sous le joug des tyrans si nous voulions rester sans tâche, ou de rassembler nos clients, fortifier nos châteaux, semer partout le ravage, l'incendie et la mort, si nous aimions mieux faire usage de nos forces; nous avons préféré les loisirs de l'étude, qui ne nous trompent jamais, aux incertitudes et aux hasards de la guerre.
Cependant, comme en poursuivant les déductions philosophiques nous n'étions pas devenu vraiment philosophe, nous n'avons pu apaiser tous les mouvements impétueux d’une âme trop ardente, et ils nous ont bientôt ramenés à ce que nous avions abandonné. Tantôt, par les conseils de notre ami l'abbé Guarin, nous voulons aller trouver les princes d'Espagne ; tantôt nous sommes détournés de ce dessein par les lettres, sacrées pour nous, de notre souveraine l'impératrice Théophanie, toujours auguste, et si digne d'être éternellement aimée et obéie.
Dans une telle incertitude, dans ce flux et reflux de douleur, de crainte, de joie, de désirs, anxiétés auxquelles mon père Géraud est toujours inaccessible, Gensert, son fils bien-aimé, lui demande, avec confiance, un avis qu'il est bien résolu de suivre. Salut, salut à mon père Géraud, salut à frère Âyrard, salut très saint ordre qui m'as nourri, élevé et instruit ; souvenez-vous tous de moi dans vos prières; souvenez» vous aussi de mon père Adalberon, archevêque de Reims, qui vous est entière ment dévoué. »
A l'Abbé Géraud d'Aurillac. (Lettre 46e.)
Je ne sais si Dieu a donné aux hommes quelque chose de plus précieux que des amis; j'entends des amis que l'on reconnaît, après les avoir éprouvés, tels qu'on les désirait avant de les connaître. Heureux jour! heure fortunée auxquels il m'a été donné de rencontrer un homme dont le souvenir seul chasse de mon cœur les ennuis qui l'accablent. Ah! si je pouvais, ne fut-ce que de temps à autre, jouir de sa présence, je m'estimerais trop heureux. Dans cet espoir, je
m'étais préparé en Italie une demeure assez agréable. Mais, le voile impénétrable qui cache aux mortels le secret de leurs destinées, me laisse dans le doute si la mienne m'emporte ou me dirige tantôt vers un but, tantôt vers un autre.
Cependant, ils restent gravés au fond de mon cœur les traits de mon ami, de cet ami » que j'aime à appeler mon maître et mon père. Ô Géraud ! Ordonnes et j'obéis.»
Gerbert, à l'abbé d'Aurillac et à ses frères. (Lettre 33e, partie 2.)
Absorbé par une foule de soins et d'embarras sérieux soit dans l'exercice de mes fonctions, soit dans l'intérêt de ma ville archiépiscopale, je n'ai voulu, jusqu'à ce jour, vous faire connaître ni par écrit, ni verbalement par un messager, » ce qui se passe à mon occasion.
Aujourd'hui, puisque le frère...., ainsi que je vous l'avais écrit bien antérieurement par un autre porteur Tandis que pour la cause de Dieu je fuyais la ville de Reims, Dieu, par sa grâce, m'a fait asseoir sur son siége archiépiscopal. Cette élévation a excité contre moi l'envie des grands et du peuple. Ne pouvant satisfaire leur passion par les armes, ils en demandent les moyens à toutes les ruses de la chicane. Certes une attaque à main armée serait moins intolérable que cette lutte de subtilités et d'arguties. En effet, quoique j'aie satisfait à mes adversaires par mon éloquence et la manière avec laquelle j'ai interprété les saints Canons, ils n'ont point encore déposé la haine qu'ils ont conçue contre moi. A mon aide donc mes révérends pères, secourez votre élève, en offrant à Dieu pour lui des prières ardentes; la victoire du disciple est la gloire du » maître.
Je vous rends grâces à tous en général pour les soins que vous avez pris de mon éducation, mais j'en remercie en particulier mon père Raymond, à qui, s'il est en moi quelque science. j'en suis redevable, après Dieu, plus qu'à personne au monde. Qu'il fleurisse donc,
votre saint collège; qu'ils soient heureux ceux que j'ai connus autrefois, ceux avec qui j'étais lié par les liens de l'affinité, s'il en reste encore parmi vous. Ce n'est pas que mon élévation me les ait fait oublier si je ne connais que leur visage, c'est que les persécutions des Barbares, au milieu desquels je vis, m'ont brisé, macéré, et, si je puis parler ainsi, ont fait de moi un tout autre homme.
Ce que j'ai appris dans mon adolescence, jeune homme, je l'ai oublié; ce que j'ai ambitionné dans ma jeunesse, vieux aujourd'hui, je l'ai méprisé; tels sont les fruits que je retire de mes travaux. O vains plaisirs ! Voilà les jours que procurent les honneurs du monde. Croyez-en donc mon expérience, plus la splendeur qui les environne élève extérieurement les grands, plus elle les ronge et les supplicie intérieurement.»
En traduisant ces trois lettres, nous avons voulu faire connaître notre illustre compatriote, montrer la sincère et vive affection qu'il conservait à ses anciens maîtres et au monastère dans lequel il avait puisé les connaissance! qui, en l'élevant au comble des honneurs, lui firent une existence si agitée et si malheureuse. Nous avons voulu aussi prouver, par ses propres écrits, que Gerbert appartient réellement à Aurillac par sa naissance, par son éducation première, par l'instruction qu'il y a reçue, par ses affections, par tout ce qui fait aimer la patrie. Il était né sur les terres de l'abbaye, à Belliac, paroisse de St-Simon; une tradition immémoriale l'atteste. D'anciens terriers constatent encore que des terres et des bois lui avaient appartenu, puisqu'elles portaient le nom de terres et bois du pontife. Il fut reçu jeune au monastère d'Aurillac, qu'il appelle meus altor, mon père nourricier; il dit lui-même qu'il y fut élevé, instruit, et que, s'il est en lui quelque science, il en est redevable à l'abbé Raymond plus qu'a personne au monde. Il y avait des parents, des alliés, affinitate conjuneti, même après avoir fait venir en Italie ceux qui probablement lui tenaient de plus près, ainsi qu'il le dit dans sa IIe lettre. Donc évidemment sa famille était établie dans les environs; donc il nous appartient tout entier.
Mais, Gerbert n'est pas le seul enfant d'Aurillac qui ait, à cette époque, profité des leçons habiles de Géraud de St-Céré et de Raymond de Lavaur. Un de ses condisciples, Théotard, fut élu, en 998, par le clergé et le peuple du Puy, pour occuper le siége épiscopal de cette ville, à la place de l'usurpateur Etienne de Gévaudaa, qui venait d'être déposé au concile de Rome. Cette élection libre d'un moine étranger à un évêché constamment brigué et presque toujours occupé par des hommes appartenant aux familles les plus distingués du Velay et de la Basse Auvergne, fait assez l'éloge de Théotard.
Saint Robert, fondateur de l'abbaye de la Chaise-Dieu, petit-neveu de saint Géraud, doit aussi, suivant toute apparence, avoir été élevé dans le monastère d'Aurillac. Ce qui est certain, au moins c'est que Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris de 1228 à 1248, l'ami, le confident et le conseil de Saint-Louis, était un des disciples de l'abbaye d'Aurillac. Il appartenait, avons-nous dit à l'article Arpajon, à la famille des Astorg d'Aurillac, ainsi que son frère Géraud, archidiacre de la Marche en 1227. Il était, disent les savants auteurs de la Gallia Clnistiana, « très instruit dans les lettres sacrées et profanes, et surpassait tous les docteurs de son temps par sa science, son éloquence, sa piété et la variété de ses connaissances. »
Voici ce que disent de Guillaume d'Auvergne les auteurs de l'histoire de l'Eglise gallicane:
« 11 n'y a presque point de sorte de sciences où il ne fut profondément versé; théologien, philosophe, mathématicien, il avait, sur toutes les matières qu'il touchait, une sagacité et une pénétration qui l'ont distingué entre les plus grands maîtres. Sa méthode dans les matières de théologie consistait à en faciliter l'intelligence et à les rendre sensibles par des comparaisons et des similitudes tirées des choses qui tombent le plus communément sous les sens. Instruit à fond de la différence des sentiments dans la doctrine des anciens philosophes, il répandait par là beaucoup de jour sur l'opposition où il les mettait, en les confrontant avec les chrétiens; et, aussi formé qu'on le pouvait être de son temps à l'étude des mathématiques, il faisait sentir dans tout le reste la justesse et la pénétration de son génie.
Ce n'étaient pas non plus des hommes ordinaires que ces autres enfants d'Aurillac dont l'histoire a conservé les noms. Astorg d'Orlhac, le troubadour, qui pleura si amèrement la mort de Saint-Louis; un autre troubadour dit le moine de Montaudon; Guillaume Beaufeti, médecin de Philippe-le-Bel, et évêque de Paris en 1304; Pierre Jacobi, professeur de droit à Montpellier, auteur de la Pratique dorée, qu'un de nos savants compatriotes nous a fait depuis peu connaître; Pierre Bertrand, successivement évêque de Nevers et d'Autun, et cardinal en 1330; le cordelier Jean de Roche taillade; Jean Rolland, évêque d'Amiens; Pierre Fortet, fondateur à Paris du collège de ce nom; Jean de Cinq-Arbres, professeur d'hébreu et de syriaque au collège de France, etc.
Il faut bien que le monastère d’Aurillac, seule école où la jeunesse du pays pût être alors instruite et élevée, ait été peuplée de bonne heure d'hommes distingués, et que les sciences y aient été cultivées avec soin, puisque, malgré sa destruction brutale, l'anéantissement de ses archives, la spoliation de sa riche bibliothèque, la dispersion de ses titres, nous retrouvons encore, après huit siècles, tant de preuves palpables de sa mission civilisatrice.
Disons-le donc sans crainte, la généreuse semence jetée par saint Géraud était tombée sur une terre féconde; le monastère qu'il avait fondé avait hérité de ses biens, mais aussi de sa ferme volonté de les employer à faire le bonheur de ses vassaux. Les abbés d'Aurillac fondèrent, dans tous leurs domaines, des églises; ils y ouvrirent des écoles; ils attachèrent au sol une population jusqu'alors nomade, et, grâce à la protection du Saint-Siége et au respect général qu'inspirait l'église dans les premiers temps, les vassaux de l'abbaye, jouissant d'une tranquillité relative, purent acquérir une certaine aisance, se grouper en associations capables de se défendre elles-mêmes, et s'assurer ainsi des droits et des libertés plus grandes que partout ailleurs.
Puis vinrent des jours mauvais: l'hérésie des Albigeois d’abord, les longues guerres entre la France et l'Angleterre ensuite, enfin le schisme du XVI° siècle; la protection de l'Eglise ne suffisait plus alors pour mettre ses vassaux à l'abri do fléau de la guerre, elle servit même à la fin de prétexte pour les attaquer ; mais, ils étaient forts déjà et ils résistèrent. La ville d'Aurillac survécut à l'abbaye qui avait abrité son berceau. Peut-être vit-elle avec plaisir, en 1561, la sécularisation de cette abbaye, contre laquelle elle avait lutté longtemps pour en arracher chaque fois quelque nouvelle concession. Mais le pouvoir, la force, l'activité de ses consuls, de ses conseillers, de ses assemblées populaires, avaient besoin de ce contrepoids, de cette émulation incessante, de ces luttes trop souvent passionnées contre le pouvoir abbatial, et nous verrons bientôt qu'après la sécularisation de l'abbaye les franchises, les privilèges, les immunités de la ville s'effacèrent peu à peu pour n'être plus qu'un souvenir.


 SERIES DES ABBES D’AURILLAC

On trouve, dans les Analecta de Mabillon, vol. 2, p. 237, une petite chronique d'un moine anonyme, qui vivait vers l'an 1129; elle contient les noms des quinze premiers abbés d'Aurillac et quelques faits de cette même époque. Le carme Géraud Vigier, connu sous le nom de Pire Dominique de Jésus, a, de son côté, écrit la série de nos abbés; elle a été continuée après lui jusqu'à Mgr du Barral, 60e et dernier abbé. C'est dans ces auteurs que nous puiserons ce chapitre, en ajoutant sous chaque abbé l'énonciation des principaux titres dans lesquels ils sont rappelés, titres que nous avons pu trouver soit dans les archives de la ville, soit dans d'autres dépôts.
1° Adalgirus ou Adalgarius, parent de saint Géraud et moine de Vabres, fut le premier abbé d'Aurillac. Choisi par le fondateur lui-même, il paraît avoir mérité sa confiance ; ce fut lui que saint Géraud députa vers Charles-le-Simple pour en obtenir les lettres de sauvegarde dites Mandeburdum Regis Caroli, datées de Bourges le 4 des nones de juin, indiction 2. Cet acte, que M. Baulhac a publié dans ses Annotations sur la ville d'Aurillac, est, avons-nous dit, le plus ancien dans lequel on trouve son nom. II confirme tout ce que nous avons dit de saint Géraud: son illustre naissance, l'allodialité de ses biens, la donation qu'il en fit au monastère, la reconnaissance de la suzeraineté du pape et le cens qui en était la preuve. L'abbé Adalgire mourut avant saint Géraud.
2° Jean Ier, autre parent de saint Géraud et déjà abbé de Tulle, succéda à Adalgire, du vivant même du fondateur. Il avait fait don au monastère de Tulle de quelques héritages, à la charge de payer annuellement trois livres de poivre et de piment à l'abbaye d'Aurillac; il donna de plus à cette dernière abbaye cent manses ou hameaux. Cette donation, qui fut confirmée par le pape Jean X, dût être faite entre l'an 914 et l'an 928. Tout ce que nous savons de plus de cet abbé, c'est qu'il était fort aimé du pape, tant à cause de son rare savoir que pour sa piété.
5° On regarde saint Odon comme le troisième abbé d'Aurillac: il faut alors qu'il l'ait été avant 926, époque à laquelle il fut choisi pour rétablir la discipline dans la naissante abbaye de Cluny, dont on le regarde comme le fondateur véritable. On croit que ce grand homme était de la maison de Mercœur; il signa une fondation faite à l'abbaye d'Aurillac parle bienheureux Pons de Tournemire. Saint Odon écrivit à Aurillac la vie de saint Géraud.
4° Après le départ de saint Odon, en 926, Arnulphe lui succéda. Dix ans après, à la prière de Raymond III, comte de Toulouse, il conduisit une colonie de moines d'Aurillac à St-Pons de Thomières, en Languedoc, et y fonda un monastère qui fut, plus tard, érigé en évêché. Deux ans après, en 938, il fut, avec d'autres moines d'Aurillac, rétablir le monastère de St-Théofred ou de Cameri, en Velay, aujourd'hui le Monestier, près du Puy.
. 5° Adralde, 5e abbé, marchant sur les traces de son prédécesseur, fondait, peu
d'années après, un autre monastère à Capdenac; et, comme l'église construite à
Aurillac par saint Géraud était déjà devenue trop petite, grâce à l'accroissement
rapide de l'abbaye, il y jetait les fondements d'une église nouvelle.
6° Géraud de St-Céré, 6e abbé, acheva l'ouvrage commencé par Adralde. La
nouvelle église fut consacrée en 972. Mais, les soins que l'abbé d'Aurillac avait dû
donner à la construction de ce vaste édifice, n'avaient pu l'empêcher de fonder
ou de rétablir le monastère de Souliac, que Frotard, vicomte de Turenne, Adalberge, sa femme, et Géraud, leur fils, avaient donné à notre abbaye en 934, ni
d'aller à Rome visiter les saints tombeaux des apôtres. Plus le monastère d'Aurillac
augmentait ou améliorait ses possessions, plus il avait besoin de guerriers pour les défendre. Géraud de St-Céré se vit donc dans la nécessité d'inféoder, aux vicomtes de Turenne et de Carlat, et à plusieurs autres seigneurs du Quercy ou du Rouergue, dix mille manses ou hameaux. Il se repentit, dit-on, plus tard de cette mesure, peut-être peu volontaire; mais, il n'eut qu'à se louer d'avoir affranchi, dans les domaines de l'abbaye, un nombre considérable de serfs, et d'avoir été le premier maître de Gerbert.
7° Raymond de Lavaur, d'une noble maison du Quercy, succéda à Géraud de St Céré, mort en 987. Nous avons le testament d'une comtesse Aldogarde, du 4 avril 988, qui donne, au monastère d'Aurillac et à l'abbé Raymond, plusieurs monastères et des propriétés considérables dans le Poitou. Raymond remit à l'abbé de Tulle les trois livres de poivre et de piment que son abbaye devait à celle d'Aurillac par suite de la donation de l'abbé Jean Ier. Nous avons fuit connaître quelques lettres de Gerbert à l'abbé Raymond; elles prouvent la vive affection et la reconnaissance du disciple, et en même temps le mérite réel et la science profonde du maître qui eut le malheur de survivre longtemps à l'élève chéri qui faisait sa gloire. Raymond mourut en 1010, et fut enseveli sous un arceau à la droite du grand portail de l'église.
Adroalde de St-Christophe, de la noble famille de ce nom, éteinte depuis le XV° siècle, fut le huitième abbé d'Aurillac. Il fut obligé de recourir au pape pour contraindre le vicomte de Carlat à lui rendre hommage des terres que Géraud de St-Céré lui avait inféodées. La mère d'Adroalde était fort riche; il employa les trésors qu'elle avait amassés à l'ornement de son église; il fit faire, entre autres choses, une statue d'or de saint Géraud et un autel d'argent, enrichi de pierres précieuses. De son temps une comtesse de Narbonne, peut-être Richarde, veuve de Raymond II, vint visiter le monastère d'Aurillac, et lui fit hommage d'un calice de cristal d'un travail précieux. Léon, abbé de Fondi, dans le royaume de Naples, et évêque de Gaëte, vint aussi à Aurillac, et, du consentement de l'abbé et des moines, il se renferma sous une des voûtes, et y exerça, jusqu'à sa mort, la plus austère pénitence. En 1031 le roi Robert vint aussi en pèlerinage à Aurillac pour y visiter les reliques de saint Géraud et le berceau de Gerbert, dont il avait été le disciple.
Adroalde fut inhumé auprès de Géraud de Lavaur, on ne sait quelle année, mais vers 1040.
9° Géraud II de Vaxia, 9e abbé, ne suivit pas les traces de ses prédécesseurs; il relâcha la discipline ecclésiastique, laissa occuper les biens du monastère par Géraud de Cabrières et autres seigneurs qui s'emparèrent de plusieurs de ses châteaux. Cet abbé fut aussi enterré près de Raymond de Lavaur, les pieds tournés vers les murs de l'église.
10° Géraud III de Caussade ou de La Chaussée s'empara de l'abbaye sans élection canonique, et en mit les biens au pillage. Les auteurs que nous suivons n'osent, par pudeur, énumérer les actes de son administration, et semblent dire qu'il périt misérablement un 17 de juin.
11° Géraud IV de Capdenac, d'une noble famille du Quercy, mit tous ses soins à rétablir la discipline, à effacer les traces des fautes de ses devanciers. Grâce à lui, les richesses de l'abbaye s'accrurent ; mais, il eut à souffrir de la mutinerie de plusieurs de ses moines, qu'effrayaient sa piété et son application à une réforme devenue nécessaire. Le monastère lui doit la construction de plusieurs beaux édifices. Il mourut un 27 avril, et fut inhumé un peu au-dessus de Géraud du Bex.
12° Nous plaçons ici, pour 12" abbé, Emile, que nos auteurs ne nomment à tort que le 15e. En effet, nous avons une bulle adressée à l'abbé Emile par le pape Nicolas II le 16 mai 1061, dans laquelle le souverain Pontife, rappelant que le monastère d'Aurillac relève immédiatement du Saint-Siége, défend à tout roi, évêque ou seigneur quelconque de s'arroger le droit d'y rendre la justice, ni de rien exiger des personnes qui dépendent du monastère; confirme aux moines le droit d'élire librement leur abbé, ordonne aux évêques voisins de faire gratuitement toutes les ordinations que l'abbé jugera nécessaires, et déclare que lui seul pourra frapper d'interdit ou d'excommunication soit le lieu même d'Aurillac, soit ceux qui en dépendent.
Nous avons encore, à la date du 14 mai 1068, une bulle d'Alexandre II, aussi adressée à l'abbé Emile et conçue à-peu-près dans les mêmes termes. L'abbé Emile était pieux, fort aimé de ses frères, bien qu'un peu dépensier. De son temps les seigneurs d'Escorailles ravageaient les terres de l'abbaye, ce qui explique pourquoi il recourut deux fois au pape. Il mourut avant 1074, et fut enseveli devant la porte de la chapelle Ste-Madeleine.
15° Pierre de Limagne, comme Géraud de Vaxia et Géraud de Caussade, songea plus à enrichir ses parents qu'à maintenir la discipline dans le monastère; il dissipa les trésors amassés par ses prédécesseurs. Nous avons deux bulles de Grégoire VII adressées à cet abbé. La première, du 51 janvier 1077, renouvelle et confirme les privilèges déjà accordés à son abbaye; rappelle qu'elle est immédiatement soumise au Saint-Siége, et défend de nouveau de rien entreprendre contre ses propriétés. La seconde, en date du 12 avril 1079, a plus directement trait aux injures dont elle se plaignait; elle est adressée aux archevêques de Bourges, de Narbonne et de Bordeaux, et le pape leur enjoint de contraindre Bérenger, vicomte de Carlat, à rendre à l'abbaye d'Aurillac les hommages et les devoirs qu'il lui doit, et de restituer les propriétés qu'il a usurpées sur elle. Le pape ordonne, en outre, que l'on restitue à l'abbaye d'Aurillac le monastère de Maurs, les églises de Dalmayrac et de Montsalvy, et toutes les possessions qui en dépendent. 11 confirme enfin la donation qui a été faite à Aurillac du monastère de Vie, et menace Bérenger de l'indignation du Saint-Siége.
Du temps de l'abbé Pierre de Limagne, il y avait procès entre le monastère d'Aurillac et celui de St-Michel de Pessan, à une lieue d’Auch, touchant la propriété de l'église de Dalmayrac. La cause fut portée devant le légat du pape au concile tenu à Bordeaux en 1080. Le légat, considérant que depuis soixante ans les moines de Pessan étaient en possession de cette église et qu'ils avaient fait de grandes dépenses pour la réparer, avait cru devoir la leur adjuger, à charge de payer cinq sols de cens à l'abbaye d'Aurillac. Sur l'appel des moines d'Aurillac, Grégoire VII écrivit de nouveau à l'archevêque d’Auch, qui ne se hâtait pas de leur rendre justice, et il lui ordonna, dans les termes les plus sévères, de faire restituer cette église à ses véritables propriétaires.
Pour éviter ces difficultés sans cesse renaissantes avec les seigneurs laïque, Grégoire VII défend expressément à l'abbé d'Aurillac d'aliéner tout ou partie des terres du monastère, hors le cas de nécessité absolue.
ii° Pierre II de Cizicres ou Cézens, d'autres disent de Souliac, parce qu'il avait été doyen de Souliac avant son élection à la dignité d'abbé d'Aurillac. Ce fut un bon religieux. Econome des biens du monastère, il en répara les bâtiments, ainsi que ceux des bénéfices qui en dépendaient. Il assista, en 1095, au concile de Clermont, où fut prêchée la première croisade, et eut l'honneur, au retour, de recevoir à Aurillac le pape Urbain II, qui y consacra de nouveau le monastère. Cela résulte d'une bulle du 19 avril 1096, adressée à cet abbé, dans laquelle Urbain II rappelle cette consécration, faite de ses propres mains. Cette bulle est précieuse pour l'histoire d'Aurillac, parce qu'elle relate le terrain libre et allodial circonscrit entre quatre croix, au milieu duquel s'éleva la ville d'Aurillac, et que le pape le prend sous sa protection, ainsi que toutes les personnes qui l'habitaient, défendant à tous seigneurs de rien exiger d'eux, à tout évêque de lancer l'interdit sur la ville ou d'excommunier aucun des habitants. Dans une autre bulle du 17 mai 1103, adressée aussi à Pierre de Limagne, Pascal II, en confirmant les moines dans le droit d'élire leur abbé, exige que l'élu vienne recevoir à Rome la consécration des mains du pape lui-même. Enfin, le 14 juillet 1107 le même pape termina un procès entre les moines d'Aurillac et les chanoines de Montsalvy, et déclara, dans sa sentence, que le château de Mandulphe, sur le territoire duquel l'église de Montsalvy avait été fondée, étant construit sur un aleu de saint Géraud, et par suite dans les propriétés de l'abbaye d'Aurillac, ainsi que le donateur lui méme, Bérenger de Carlat, l'avait reconnu, l'église de Montsalvy était et devait être dépendante de celle d'Aurillac.
Pierre de Cizieres mourut cette même année 1107 à Cahors; son corps fut transporté à Aurillac et inhumé sous un arceau de l'église abbatiale.
15° Pierre de Roquenatou, ainsi nommé du nom vulgaire d'un château proche de Marmanhac, où il était né. Sa famille, ancienne et distinguée, portait le nom d'ATON LA ROQUE; le château qu'elle habitait fut donc appelé LA ROQUE D'ATON, et, par corruption, ROQUENATOU. Encore moins distingué par la noblesse de ses traits que par la finesse de son esprit et l'élégance de ses manières, Pierre de Roquenatou se faisait chérir de tous et se mettait à la portée de chacun. Avant lui le cloître n'était que de bois; il le fit supporter par des colonnes de marbre, surmontées de superbes chapiteaux. On lui doit aussi plusieurs autels de marbre; et, comme il avait exploré toutes les montagnes, il fit transporter à Aurillac deux énormes blocs de serpentine, creusés en forme de bassin; le premier fut placé dans le cloître, l'autre devant la maison abbatiale. (Il en existe encore un, percé de vingt-quatre trous, qui sert de bassin à la fontaine de la place du Monastère. Il mourut en 1117.
XVI. Gosbert, 16e abbé, fut un bon religieux; il prit parti, avec tous les Français, pour le pape Innocent II contre Anaclet, autrement dit Pierre de Léon, qui troubla l'Eglise pendant plusieurs années. Innocent II, en retour, fit beaucoup de Lien à l'abbaye d'Aurillac. Nous avons une bulle de Calixte II, en date du 2 juin 1119, adressée à l'abbé Gosbert; elle prouve qu'il était déjà abbé, et que le moine anonyme s'est trompé, en faisant vivre Pierre de Roquenatou jusqu'en 1129. Cette erreur serait, du reste, suffisamment démontrée 1°par une sentence rendue en faveur du même abbé Gosbert en 1122 par Gérard, évêque d'Angoulême et légat du pape, qui lui adjuge l'église de Poliniac, proche du château de Montalzat, malgré les prétentions contraires de l'abbé de Sarlat; 2° par une cession faite au même Gosbert, aussi en 1122, de la même église et de celle de Ste-Marie de Marciliac, par Aldebert, évêque d'Agen.
17° Pierre IV, de la noble famille d'Alzon ou d'Auzon, sur l'Allier, qui se fondit dans celle de Montmorin, fut le 17e abbé. En 1131 il fit bâtir le clocher du monastère et dota l'église d'un autel de marbre.
18° Gaucelin d'Alzon, neveu du précédent, lui succéda.
19° Guillaume Ier, qui avait été doyen de Souliac, fut, en 1141, le 19*1 abbé d'Aurillac. Il eut, suivant une bulle d'Innocent II conservée aux archives de Souliac, des démêlés avec l'abbé d'Uzerche au sujet des églises St-Pantaléon et St-Pierre de Turenne. Je ne connais pas cette bulle, mais nous en avons une du même pape, du 29 avril 1142, adressée à cet abbé Guillaume, qui énumère ces deux églises parmi plusieurs autres auxquelles s'étendaient les privilèges de notre abbaye.
20° Eblo ou Ebbo, 20° abbé, mourut à Rome où il avait été visiter les tombeaux des saints apôtres, ou peut-être se faire consacrer, ainsi que l'avait ordonné Pascal II dans la bulle de 1105 ci-dessus citée.
21° Pierre V de Brun ou Bruni, fut élu abbé d'Aurillac sous le pontificat d'Adrien IV de 1135 à II 59, puisqu'une bulle de ce pape, qui confirme l'abbaye d'Aurillac dans la possession de l'église de Souliac, lui est adressée. En 1169 le roi Louis VII étant venu en Auvergne assiéger Nonette, Pierre V obtint de ce prince un diplôme qui rappelle et confirme les lettres de sauvegarde accordées par Charles-le-Simple à saint Géraud. Les abbés de Figeac et de Carlat, disputant encore au monastère d'Aurillac l'église de Montalzat, Pierre obtint, en 1179, de Géraud, évêque de Cahors, et Pierre, évêque d’Angoulême, une sentence qui la lui adjuge de nouveau. Mais, un intérêt plus grave l'obligea à recourir à la puissante protection du comte de Toulouse. Les bourgeois d'Aurillac étaient devenus nombreux, riches et puissants, et il paraît qu'ils ne craignaient pas de faire la guerre à leur seigneur. Ce n'était pas probablement la première fois, car, dans l'accord fait le 1er octobre 1180 entre le comte de Toulouse et l'abbé Pierre, on parle d'une autre circonstance dans laquelle le comte l'aurait déjà soutenu, cum guerraesset d'Arpoios et de Awelhaco. Ce qui, croyons-nous, indique plutôt une ligue entre Arpajon et Aurillac contre l'abbé, qu'une guerre entre les deux localités, pour laquelle l'intervention du comte de Toulouse n'eut pas été nécessaire. Quoiqu'il en soit, le comte de Toulouse s'engage à secourir l'abbé contre les habitants d'Aurillac et dans les autres guerres qu'il pourrait avoir dans la suite, mais aux frais de l'abbé, bien entendu; et celui-ci abandonne à perpétuité au comte tout ce que le monastère d'Aurillac possédait dans la ville de Toznac et tous droits honorifiques, dans l'étendue de ce doyenné, comme aussi un four qu'il possédait à Puycelsi, en Albigeois, et les cens de tous les biens qu'il avait dans cette châtellenie.
Quatre ans auparavant, dit l'auteur de l'Histoire du Languedoc, vol. 2, p. 10, « le
comte de Toulouse fit un voyage dans son comté de Quercy au commencement de 1176, et, s'étant rendu dans le chapitre du monastère de Cayrac le vendredi 6 de février, Pierre, abbé d'Aurillac, qui s'y trouvait, et de qui ce monastère dépendait, l'appela en pariage pour la ville de Cayrac, en présence de l'évêque de Cahors, des abbés de Figeac et de Maurs, de Bertrand et de Guillaume de Cardaillac. L'abbé d'Aurillac fit cette association à condition que le comte serait le défenseur du monastère et de la ville de Cayrac, qu'il n'y ferait aucune nouvelle exaction et qu'il ne pourrait les aliéner de son domaine. »
Nous aimons à croire que cette alliance avec le comte de Toulouse suffit pour engager les bourgeois d'Aurillac à rentrer dans leur devoir; mais, s'ils évitèrent ainsi d'éprouver la puissance du comte de Toulouse, ils curent bientôt à souffrir des déprédations de son fils et des bandits que le jeune Henri, au court mantel, fils aîné d'Henri II, roi d’Angleterre, avait réunis, avant sa mort, pour faire la guerre à son père. Ecoutons encore Dom. Vaissette: Cependant, les routiers et •j les autres bandits que le jeune roi d'Angleterre avait appelés à son secours, achevèrent de désoler le Limousin, et étendirent leurs courses jusque dans le Bas-Languedoc; ils passèrent dans l'Auvergne au commencement de l'an 1184 et mirent l'abbaye d'Aurillac à contribution. Raymond, fils du comte de Toulouse, était alors à leur tête, suivant le témoignage d'un auteur contemporain, qui marque que ce prince passa avec eux dans le Limousin, qu'ils assiégèrent le château de Peyric le 7 février, et qu'ils ravagèrent tous les pays voisins soumis au roi d'Angleterre.
En 1195 l'abbé Pierre fut choisi pour arbitre entre Hugues, évêque de Rodez, et son frère, comte de la même ville. Il mourut peu après, et fut enterré à la porte de l'église St-Clément.
22° Ramnulfe, 22e abbé, fut moins heureux encore que son prédécesseur. 11 avait été obligé de recourir a la puissante protection du pape Innocent III pour faire respecter les biens de son abbaye, ainsi que le constate une bulle du 23 mai 1198. Il contraignit, l'année suivante, Raoul et Etienne d'Escorailles à lui rendre hommage; mais il n'eut pas le même succès auprès d'Astorg d'Aurillac. Il parait résulter, en effet, d'un acte du mois de juin 1203, qu'il aurait été tué par Astorg ou par ses ordres. Dans cet acte, Astorg déclare que Dieu, lui ayant fait la grâce de se repentir des dommages et des injustices par lui causés au monastère d'Aurillac et spécialement de la mort de l'abbé Ramnulfe, il fait donation de quinze mille sols, monnaie du Puy, qu'il prétendait avoir à répéter sur la ville de Marcolès, bien que les moines ne reconnussent sa créance que pour dix mille sol; il abandonne, après sa mort, tous droits sur ladite ville, et, au cas où il ferait le voyage de Jérusalem, s'oblige à la remettre à la garde du monastère; il fonde, en outre, une rente annuelle de 100 sols du Puy pour faire prier à perpétuité pour l'âme de l'abbé Ramnulfe, etc. Cet acte est garanti par vingt chevaliers. Quel qu'eut été le genre de mort de l'abbé Ramnulfe, il fut enterré dans la chapelle de Ste-Madeleine.
23° Géraud V de Cardaillac, d'une illustre maison qui existe encore, transigea, en 1204, avec Guillaume, évêque d'Albi, au sujet de l'église de Viane, qu'il lui céda en échange des églises de Laval, de Calm et de St-Nazaire. Il renferma dans une châsse les reliques de saint Géraud, et obtint du comte de Rodez le village de Montmulle.
Au mois de mars 1217 Géraud de Cardaillac fit un accord avec le comte dauphin d'Auvergne et Guillaume, son fils, par lequel les deux comtes reconnaissent que la terre de Dauzat est un aleu de saint Géraud; ils donnent, pour le salut de leurs âmes, à l'église de Dauzat, deux septiers et demi d'avoine, qu'ils avaient, a titre de cens annuel, sur ladite terre. Le comte dauphin s'oblige à construire un fort dans l'endroit qui lui paraîtra le plus convenable pour y fonder une ville franche dotce de bonnes coutumes et, en considération de cette dépense, l'abbé lui cède, à lui et à ses héritiers, la moitié de la justice et de tout ce qui constitue le domaine direct, sauf les droits et les revenus ecclésiastiques qui appartiendront en entier au prieur, etc. Le dauphin et son fils reconnaissent, pour eux et leurs héritiers, qu'ils tiennent et tiendront en fief de l'abbé d'Aurillac tout ce qu'ils possèdent à Dauzat; ils lui en font foi et hommage, promettent de le renouveler à chaque mutation et de remettre en ses mains, à toute réquisition, le fort qu'ils doivent y construire. Cet acte, rapporté par Baluse, liv. 2, p. 255, prouve de plus en plus que les abbés d'Aurillac, fidèles à la mission que leur avait donnée saint Géraud, ne perdaient jamais de vue les intérêts dé leurs vassaux et stipulaient toujours des garanties pour leur protection et leurs libertés.
Le 1er avril 1230 Géraud V contraignit Astorg d'Aurillac à lui faire directement l'hommage de Conros. La sentence arbitrale, rendue entre eux ledit jour par Bertrand, abbé de Maurs, se fonde sur ce que Durand de Montal, dont Astorg reconnaissait tenir l'héritage, avait antérieurement reconnu tenir de l'abbé d'Aurillac Conros et ses dépendances, et que c'était un aleu de saint Géraud.
Il paraît que ses derniers moments ne furent pas tranquilles; les bourgeois d'Aurillac avaient de nouveau pris les armes contre leur abbé et avaient détruit son château de St-Etienne, et que pour ce fait ils avaient été excommuniés. Géraud de Cardaillac mourut dans ces tristes conjonctures le 22 août 1233, et fut enterré devant l'autel de St-Géraud.
24° Bertrand Ier, un bref du pape Grégoire IX, daté d'Anagni le 6 des calendes de septembre l'an 7 de son pontificat, c'est-à-dire le 27 août 1233, cinq jours après la mort de Géraud de Cardaillac, nous fait connaître quelle dût être la fâcheuse position de l'abbé Bertrand au moment de son élection. Les bourgeois d'Aurillac avaient détruit, de fond en comble, le château de St-Etienne qui domine la ville; ils avaient commis les plus grands excès, dit le bref, tant contre les propriétés des moines que contre leurs personnes, et même profané les vases sacrés. L'évêque de Tournai, légat du pape, après les avoir plusieurs fois admonestés, les avait enfin excommuniés. Mais, irrités de plus en plus, les bourgeois et les consuls s'étaient rués sur le monastère et en avaient détruit les clôtures, les bâtiments, et, se répandant dans les campagnes, ils portaient le fer et le feu dans les dépendances de l'abbaye. En conséquence, le pape déclare qu'il a donné ordre à l'archevêque de Vienne de faire publier partout, au son des cloches, la sentence d'excommunication fulminée contre eux, et de faire, partout, exécuter l'interdit qu'ils ont encouru, même au besoin d'en appeler au bras séculier. C'est pourquoi il ordonne à Archambaud de Bourbon, à qui ce bref est adressé, de prêter main-forte au prélat et de faire un puissant armement pour contraindre les bourgeois d'Aurillac à rentrer dans le devoir.
Nous ne savons si Archambaud de Bourbon, connétable d'Auvergne, essaya d'obéir aux ordres du pape, ou s'il ne put ou ne voulut entreprendre de soumettre Aurillac; mais il est certain qu'en 1238 l'abbé Bertrand fut obligé de renouveler, avec Raymond VII, comte de Toulouse, le traité fait en 1180 par son prédécesseur, Pierre V, avec Raymond V, comte de Toulouse, que nous avons déjà fait connaître. Raymond VII dût s'engager d'autant plus volontiers à secourir une abbaye relevant immédiatement du Saint-Siége, qu'il venait de se réconcilier avec le pape Grégoire IX, et qu'il pouvait faire valoir auprès de lui cette expédition pour se dispenser de faire le voyage d'Outre-Mer ou pour le retarder.
Nous croyons qu'en effet le comte de Toulouse vint à Aurillac et en détruisit, en partie, les murailles; mais nous manquons de détails à cet égard. Cependant, il est à remarquer que les bourgeois d'Aurillac n'employèrent plus la force contre leurs abbés, ce qui fait présumer qu'elle ne leur avait pas réussi.
En 1248 l'abbé Bertrand recommanda à l'abbé de Cluni Aymard de Valette, Cellerier d'Aurillac, qui fut élu abbé de Figeac après la mort de l'abbé Arcadius. Bertrand mourut en 1252, et fut enseveli dans la chapelle de la Ste-Vierge.
25° Le 25e abbé fut ce même Aymard de Valette, que son prédécesseur avait fait nommer abbé de Figeac. Il administra les deux abbayes jusqu'à sa mort, qui arriva le 8 septembre 1262. Nous avons plusieurs actes de cet Aymard de Valette, mais nous nous bornerons à dire que, ne pouvant attaquer de front le consulat et les franchises de la ville, il avait favorisé une faction formée dans la bourgeoisie contre les consuls en exercice ; il fut, pour ce fait, au parlement tenu à la Chandeleur de l'année 1258, condamné à l'amende, ainsi que les bourgeois insoumis. L'arrêt se trouve dans les Olim, vol. 1er, p. 74.
26° Guillaume II se fit rendre directement hommage le 20 juillet 1269, par Astorg d'Aurillac, pour les châtellenies de Conros et Laroquevieille, et pour les viguairies d'Aurillac. Cet hommage, (que nous avons fait connaître à l'article Arpajon), occasionna de sanglants démêlés avec le comte de Rodez, en sa qualité de vicomte de Carlat.
L'abbé Guillaume eut aussi de nombreux procès avec les consuls d'Aurillac. Il survécut peu à l'hommage rendu par Astorg.
27° On nomme pour 27e abbé un Géraud VI, dont on ne dit rien, et qui ne fit que passer sur le siége abbatial.
28° Arnaud ou Guillaume Arnaud. Le carme Dominique de Jésus et ceux qui l'ont suivi se sont trompés, croyons-nous, quant aux trois derniers abbés que nous venons de nommer. Il a fait mourir Aymard de Valette, 25e abbé, le 7 septembre 1262; il appelle le 26e Guillaume d'Arnaud et le fait mourir en 1262, c'est-à-dire la même année que son prédécesseur. Il désigne ensuite pour 27é un Géraud, et pour 28e un Arnaud, sans rien dire de l'un ni de l'autre. Les bénédictins ne conçoivent pas pourquoi il fait mourir Guillaume Arnaud en 1262, puisqu'ils le retrouvent en 1276, et que dans les tables de Cayrac il est rappelé en 1280.
Nous croyons, après mûres réflexions: 1° que Géraud VI, ci-dessus indiqué comme 27" abbé, et que le prétendu 28% auquel le père Dominique de Jésus donne seulement le nom d'Arnaud, n'ont pas existé; 2° que l'erreur qui a fait admettre un de ces deux noms d'abord, puis tous les deux, provient de ce que, dans quelques vieux titres, le nom de l'abbé n'est désigné que par une initiale gothique. Or, nous, avons un de ces titres daté du 7 janvier 1272, contenant un traité entre l'abbé d'Aurillac et le prieur d'Aspres relativement aux droits de lods et ventes dus à l'abbé, et nous n'oserions affirmer si la lettre initiale est un A ou un G. Donc il est possible que, d'après d'autres actes semblables, les uns aient cru à l'existence d'un Géraud, les autres à celle d'un Arnaud.
Mais, ce qui tranche la difficulté, c'est que nous possédons dix actes depuis le 22 août 1270 jusqu'au 3 mars 1290, dans lesquelles on trouve, en toutes lettres, le nom de l'abbé Guillaume; donc si cet abbé Guillaume, que je suis pas à pas jusqu'en 1290, n'est pas le même que l'abbé Guillaume II qui recevait l'hommage d'Astorg d'Aurillac le 20 juillet 1269, toujours est-il qu'il est difficile d'en placer d'autres entre eux, puisque nous trouvons un abbé Guillaume dans un bail emphytéotique du 26 septembre 1269; un abbé Guillaume dans une vente du 22 août 1270; que le même nom se retrouve dans neuf autres titres consécutifs jusqu'au 5 mars 1290, et qu'enfin si la lettre initiale du traité du 7 janvier 1272 dont je parlais tout à l’heure est un G, elle indique tout aussi bien Guillaume que Géraud.
Quoiqu'il en soit, laissons à notre 28e abbé et son numéro d'ordre et le nom de Guillaume Arnaud, et disons qu'il eut de grands procès à soutenir, par sa faute, contre les bourgeois d'Aurillac. Il eut la malheureuse pensée de leur contester toutes leurs franchises, le droit d'avoir un consulat, une maison commune, un sceau, un trésor, des armes, etc.; ce fut un motif au parlement de Paris pour ordonner des enquêtes, et, en attendant l'issue du procès, pour séquestrer le consulat en litige entre les mains du roi. L'abbé et les consuls compromirent, entre les mains d'Eustache de Beaumarchais, bailli des montagnes, sénéchal de Toulouse et d'Albi. La sentence arbitrale rendue par ce seigneur reçut le nom de Première Paix; nous la ferons connaître quand nous parlerons des franchises de la ville et du consulat. Mais, quoiqu'acceptée et jurée par l'abbé Guillaume, elle ne mit pas fin au différend. Soit que les officiers du roi ne l'eussent pas vue avec plaisir, soit que l'abbé en fut mécontent, il fallut plaider encore ; il y eut enquête et contre-enquête de part et d'autre, et elle ne fut enfin confirmée par Philippe-le-Bel qu'en février 1288.
Deux événements importants signalèrent encore le passage de Guillaume Arnaud sur le siége abbatial: 1° un concile provincial que tinrent à Aurillac, le 23 août 1278, l'archevêque de Bourges et les évêques de Clermont, de Limoges, de Mende, de Rodez et d'Albi. Ce concile avait pour but de mettre un terme au scandale causé par l'abus du privilège accordé par les papes en faveur de quelques églises d'être exemptes de la juridiction de l'ordinaire. L'interprétation donnée à cette exemption par un grand nombre de personnes était doublement abusive, d'abord elles en faisaient, en quelque sorte, un droit personnel que chaque habitant d'un lieu exempt prétendait emporter partout avec lui, ensuite l'église exempte ne croyait pas devoir observer l'interdit porté par l'ordinaire dans l'étendue de sa juridiction, et l'on continuait à y célébrer les offices, non seulement pour les personnes comprises dans l'exemption, mais encore, ce qui était évidemment contraire au privilège, pour les justiciables de l'ordinaire. Les pères du concile s'engagent, en pareil cas, à restreindre le privilège de l'exemption dans ses justes bornes, et déclarent que celui qui aura encouru l'excommunication ne pourra en être relevé que par l'ordinaire lui-même.
2° Le 3 mars 1290 fut rendue une sentence arbitrale entre Hugue, comte de Rodez, l'abbé Guillaume et Astorg d'Aurillac, par Guillaume de Clavières, prieur de Bourg, Pierre Bruni, clerc, juge du Carladez, et Guillaume d'Achillosas, bailli des montagnes, par laquelle fut terminé le long différend et la guerre à laquelle avait donné lieu l'hommage direct de Conros et Labastide que l'abbé Géraud de Cardaillac avait exigé d'Astorg en 1230. Il fut décidé qu'Astorg prêterait foi et hommage au comte de Rodez, et que le comte de Rodez, à son tour, le prêterait à l'abbé d'Aurillac.
29° Après la mort de Guillaume Arnaud, dont la date ne nous est pas connue, l'abbaye fut vacante au moins quelques mois; car, un procès-verbal de visite pastorale de l'archevêque de Bourges de l'année 1291, rapporté par Mabillon, vol. 2, p. 651, constate cette vacance. Pierre VI de Malafayda, de la famille d'Aymeric de Malafayda, patriarche d'Antioche, fut élu en 1291 ou 1292.
Le 29 septembre 1294 fut tenu, à Aurillac, un second concile provincial, dans lequel on accorda pour, deux ans, au roi Philippe-le-Bel, la dixme des propriétés ecclésiastiques pour l'aider à soutenir la guerre contre les Anglais. Simon, archevêque de Bourges, n'assitait pas à ce concile; mais il y était représenté par un délégué; les évêques de Clermont, Cahors, Rodez, Albi et Mende s'y trouvèrent, avec un grand nombre d'abbés, doyens et prieurs.
Le 29 novembre 1296 l'abbé Pierre reçut l'hommage du comte de Rodez pour Conros, Escorailles, Viescamps et Banhars; le 21 octobre 1297 Guy d'Escorailles lui rendit aussi hommage de sa châtellenie ; le 27 octobre 1299 le vicomte de Turenne lui fit foi et hommage pour le château de Servières et La Cintrie; l'abbé fut mis en possession de la tour de Servières, et ses gens y plantèrent sa bannière en criant : AORLHAC, AORLHAC, PER SAN GUIRAL E PER L'ABAT.
Ainsi, l'ordre renaissait dans l'abbaye; ses vassaux reconnaissaient ses droits. Peut-être Pierre de Malafayda en était-il redevable au calme rétabli dans la ville d'Aurillac par les traités dont nous allons dire un mot.
On a vu qu'en 1280 une sentence arbitrale, rendue par Eustache de Beaumarchais, avait défini les droits et les devoirs de l'abbé et des consuls; c'est ce qu'on appelait la première paix, la paix ancienne, véritable charte de la ville. En 1298 une seconde sentence arbitrale, rendue par Guillaume d'Achillosas, bailli des montagnes, expliqua, ratifia et confirma la première paix. L'abbé et les consuls se réunirent pour obtenir la sanction royale et éviter par là toute contestation ultérieure. Il restait cependant encore des points sur lesquels il pouvait y avoir litige entre l'abbé et les consuls ; ils furent réglés par des transactions particulières cette même année 1298. Nous reviendrons sur ces actes importants quand nous nous occuperons des franchises municipales; nous ne les mentionnons ici que pour établir qu'ils eurent une heureuse influence sur la tranquillité du pays.
30° Draconnet fut le 30e abbé d'Aurillac. Le 25 janvier 1303 il reçut l'hommage d'Astorg d'Aurillac pour la châtellenie de Laroquevieille et les terres que tenait Etienne Nicrestang. Le 27 mars 1303 il quittança aux consuls une somme de 500 livres. Le 12 janvier 1308 il reconnut, dans une transaction" faite avec lesdits consuls, que ces derniers devaient être appelés et consultés toutes les fois qu'il serait question d'emprisonner, d'élargir ou de changer de prison un prévenu. De son temps Guillaume Bauffeti, de Veyrac, 86s évêque de Paris, écrivait aux consuls d'Aurillac que, n'ayant pas assez de fortune pour faire face aux frais de son installation, il n'hésitait pas à les prier de lui prêter une somme de 2,000 livres qui lui était nécessaire. Il mourut au commencement de 1311.
31° Guillaume III était abbé le 31 mars 1311, puisque nous avons la quittance du cens qu'il paya ce jour-là au pape en reconnaissance de sa suzeraineté. Clément V, par une bulle du 15 juillet 1312, lui permit de célébrer avec Ips habits pontificaux. Plus tard, il refusa de changer son bâton abbatial contre la crosse épiscopale, et, sur son refus, en 1317 l'évêché que le pape Jean XXII se proposait d'instituer pour la Haute-Auvergne, en démembrement de celui de Clermont, fut érigé à St-Flour. On voit, par une protestation des consuls contre l'emprisonnement, sans information préalable et en leur absence, d'un certain Bossac, savetier, que Guillaume III était encore abbé le 29 mars 1319.
32° Archambaud, qui portait dans ses armes trois lions couronnés, fut abbé d'Aurillac vers 1320; plus tard, et avant 1329, il fut promu à l'évêché de St-Flour en conservant le titre d'administrateur de l'abbaye d'Aurillac. Peut-être à cause de son éloignement et de la tendance de ses officiers à outrepasser les bornes de leur pouvoir, peut-être parce qu'il essaya de faire à Aurillac quelques fonctions épiscopales, il eut de grands démêlés avec les consuls qui ne voulurent pas lui permettre d'entrer en ville en qualité d'évêque. En 1355, conjointement avec Gaillard de Castelnau, prieur de St-Privat, et frère de Guillaume des Ongles, il fonda à Boutonet une chapelle dédiée à saint Jean, et dotée par Pierre de Selves, damoiseau.
Archambaud fit don à l'abbaye d'Aurillac du pressoir et des vignes de Ladirac, près Figeac.
33° Guillaume IV des Ongles fut, dit-on, le 33e abbé d'Aurillac; mais, évidemment on se trompe quand on le fait mourir en 1333, car, s'il a été abbé il n'a pu l'être que de 1335 à 1340, puisque nous avons vu qu'Archambaud fondait, en 1355, la chapelle de Boutonet, et nous allons trouver l'abbé Aymeric le 31 août 1340. On ne dit rien et je n'ai rien trouvé de cet abbé.
34° Aymeric de Montal, d'une ancienne famille du pays qui descendrait, suivant la tradition, d'un neveu de saint Géraud, était abbé d'Aurillac le 31 août 1340, puisqu'il consentit, en cette qualité, ce jour-là même, bail emphytéotique des dîmes de Ladirac à Hugue de Fabrefort, chevalier. En 1341 il reçut l'hommage de Jean de Crozet, sire de Veyrac, pour son repaire de Veyrac; le 12 avril 1344 Astorg d'Aurillac et Dauphine de Latour, sa femme, lui firent hommage de ce qu'ils possédaient dans la châtellenie d'Escorailles ; le 11 décembre de la même année il procéda, avec le comte de Clermont, dauphin d'Auvergne, et Beraud, fils aîné dudit dauphin, sire de Mercœur, à la délimitation de la châtellenie de Vodable d'avec le prieuré de Dauzat ; le 21 juin 1545 le comte dauphin lui rendit foi et hommage de ce que Géraud de Montal tenait à Dauzat; le 3 mai 1347 l'abbé Aymeric et les consuls, après de longs débats, consentirent une transaction fort longue et très curieuse que nous appellerons la troisième paix; nous la ferons connaître quand nous parlerons des franchises municipales. En 1353 Astorg d'Aurillac lui fit hommage pour le péage des Prades, et, le 31 octobre 1355, Durand de St-Christophe, bachelier ès lois, lui rendit son hommage pour l'afar de Junsac. Donc c'est encore par erreur que le père Dominique de Jésus le fait mourir en 1345. Nous pensons qu'il vécut au moins jusqu'à 1357 ou 1358; mais bien certainement il vivait encore le 13 juillet 1350, puisque nous avons un acte fait ce jour-là en sa présence.
35° Pierre V de St-Exupère, d'une noble famille du Limousin : il portait d'or à un lion de gueule. Les abbés d'Aurillac tendaient toujours à s'arroger quelqu'autorité spirituelle sur les habitants de la ville; mais ceux-ci, ou leurs consuls pour eux, s'en défendaient vigoureusement. En voici un exemple : En 1362, à la suite d'une rixe entre les prêtres de la communauté d'Aurillac et les moines de l'abîme, l'abbé Pierre fulmina une sentence d'excommunication contre les habitants qui avaient pris le parti de leurs prêtres. Le 13 août 1362 les consuls en appelèrent au pape, déniant à l'abbé le droit d'excommunier. Le 3 septembre l'abbé se rappelant que, d'après les privilèges de l'abbaye et de la ville, le pape s'était réservé pour lui seul le droit de frapper d'interdit l'abbaye et la ville d'Aurillac, révoqua l'excommunication et en donna une absolution générale; les consuls, toujours aux termes de leur exemption, interjetèrent aussitôt appel de cette absolution, parce que le pouvoir de délit aurait supposé celui de lier, et, le 18 décembre 1362, le pauvre abbé fut obligé de faire révoquer l'absolution par son grand-vicaire.
Quelques jours après, le 22 décembre 1362, le roi Jean accorda à l'abbé Pierre des lettres de sauvegarde, dans lesquelles il rappelle que de tout temps l'abbaye d'Aurillac a été mise sous la protection des rois de France. Il paraîtrait, cependant, que Pierre de St-Exupère n'était pas très bon français, puisque Charles \ fut obligé d'écrire, le 1er-juillet 1368, aux baillis de St-Pierre-le-Moustier et d'Auvergne pour leur enjoindre de contraindre l'abbé d'Aurillac à chasser de ses châteaux les capitaines étrangers et de ne les confier qu'à des Français fidèles. Cet abbé eut encore de sérieux démêlés avec les consuls et même avec ses moines, qui furent obligés de protester, le 31 décembre 1387, contre l'intention manifestée par lui de vendre au duc de Berry et d'Auvergne la moitié de sa justice. L'abbé Pierre VII vivait encore en septembre 1399, puisque, le 22 dudit mois, d'accord avec les consuls, il fit un règlement pour mettre fin à un abus qui s'était introduit dans la communauté des prêtres de l'église Notre-Dame d'Aurillac. Le père Dominique de Jésus le fait mourir le 5 janvier 1407 et inhumer devant la chapelle St-Géraud; les bénédictins prétendent qu'il est nommé en 1408 dans une charte de l'église de Souliac. Si cela est, il aurait tenu l'abbaye cinquante ans.
56° Bertrand II de St-Bauzire, qui avait été abbé de Bernay au diocèse de Lisieux, prit parti pour Pierre de Lune (Benoît XIII) ; en 1410 il consentit un accord avec les consuls sur la manière de procéder contre les bigames et les lépreux, tn 1415 il fonda au prieuré de St-Géraud de Toulouse, un collège pour six religieux qui devaient s'y adonner à l'étude. L'année précédente, 1414, il avait traité avec un Géraud de Murat au sujet d'une chapelle fondée par Pierre de Vernops, évêque de Maguelone, à l'église Notre-Dame d'Aurillac. En 1456 il autorisa Jean de Caissac à fortifier son repaire de Sédages, et mourut l'année suivante, 1417.
37° Hugues de Rochedagon, neveu du précédent, fut le dernier de nos abbés réguliers. Le 18 juin 1463 il homologua et confirma un règlement fait par les habitants d'Aurillac pour l'administration de leur consulat. Ce règlement a été publié dans les Tablettes d'Auvergne, vol. 3, p. 266. Nous en parlerons à l'article des franchises. Il mourut dans son château de St-Etienne, dit le père Dominique de Jésus, non sans soupçon de venin.
38° Jean II d'Armagnac, fils de Bernard, vicomte de Carlat et d'Eléonore de Bourbon, évêque de Castres, fut pourvu de l'abbaye d'Aurillac. 11 reçut, en cette qualité, en 1465, l'hommage de Pierre du Chambon d'Aurillac pour son château de Laforce, paroisse de St-Simon. Si l'on veut connaître l'histoire d'Aurillac pendant son administration, il faut lire les lettres-patentes de Louis XI du 3 mai 1469, insérées dans les Tablettes d'Auvergne, vol, 3, p. 277, et d'autres lettres-patentes du mois de novembre 1470, que l'on trouvera dans la collection générale des lois et ordonnances des rois de France, vol. 17, p. 548. Jean d'Armagnac était à Rome en 1484, lors de l'élection du pape Innocent VIII. Il ne mourut qu'en 1493 ; mais, il paraît qu'il s'était démis de son abbaye.
39° Pierre VIII de Balzac, qui fut aussi prieur de Bort, était abbé d'Aurillac en 1489, suivant Jacques Roger. II l'était peut-être encore en 1493, lorsque l'on bâtissait le clocher de l'église Notre-Dame d'Aurillac.
40° Gratien de Villeneuve, carme, vivait sous le pontificat d'Innocent VIII et d'Alexandre VI. Nonce et confesseur du pape qui l'aimait beaucoup, il fut nommé procureur-général de son ordre en Italie, et confirmé en cette qualité par une bulle d'Innocent VIII; puis, par une autre bulle du 5 mars 1489, nommé orateur du pape dans une députation envoyée vers l'empereur Frédéric III, Maximilien, roi des Romains, et René, duc de Lorraine et de Bar, pour les engager à se liguer contre les Turcs. Gratien vivait encore en 1496.
41° Antoine Ie r de Cardaillac, de la même famille que plusieurs de ses prédécesseurs, paraît avoir été pourvu de l'abbaye en 1499; du moins il plaidait cette année contre Pierre Vital de Marmanhac qui prétendait avoir été canoniquement élu le 25 septembre de la même année. Ce pauvre frère perdit son procès et le monastère ses droits, car Antoine de Cardaillac était encore abbé en 1512. Hélas! On faisait fi du droit des moines de se choisir, parmi eux, un supérieur; on leur imposait des étrangers qui n'avaient souci que de toucher les revenus de l'abbaye, et la discipline se relâchait, l'émulation s'éteignait, l'esprit de corps n'existait plus, au moment même où l'Eglise aurait eJ besoin de la double autorité de la science et de 'la vertu pour combattre le schisme qui allait lui enlever une partie de ses enfants!
42° Ici nous devons faire observer qu'il doit y avoir erreur dans les listes que nous suivons. Les bénédictins nomment pour le 42e abbé Charles de St-Nectaire qui, suivant eux, était abbé en 1520, d'après une charte du monastère de Camerien-Velay.
43° Jean III de Lorraine, archevêque de Narbonne, aurait été, d'après eux, le 45e abbé; mais ils ne disent ni à quelle époque, ni combien de temps ; seulement ils le font mourir en 1550.
44° Après lui ils placent Augustin Spinola, évêque de Perouze, cardinal et camérier du pape, sans explication.
45° Charles II de St-Martin, disent-ils, vers l'an 1556.
46° Jean IV de Cardaillac, qui reconstruit, sur un nouveau plan, la chapelle de St-Géraud, et renferma ses reliques dans une chasse d'argent; il était abbé, disent-ils, vers l'an 1558.
Le père Dominique de Jésus ne compte pas au nombre de nos abbés Pierre de Balzac, que nous avons inscrit le 39e, et il met à sa place Jean de Lorraine. H nomme le cardinal de Perouse le 41e, avant Antoine de Cardaillac; enfin, il ne reconnaît pas comme abbé Charles de St-Nectaire que les bénédictins disent avoir été le 42e, et fait succéder Charles de St-Martin à Antoine de Cardaillac.
Il est possible qu'il ait raison, et que les bénédictins aient confondu Charles de St-Martin avec Charles de St-Neclaire, car le premier était abbé en 1521, ainsi que M. Déribier l'a trouvé dans des titres que malheureusement il n'indique pas, et, après lui, vint Jean de Cardaillac qui fit son entrée à Aurillac en 1530.
Nous ne savons rien de plus sur tous ces abbés, pendant l'intervalle de plus d'un demi-siècle, et, c'est un fait digne de remarque que la lutte vive, ardente, passionnée quelquefois, mais de laquelle jaillissait, au moins de temps à autre, un traité curieux et fécond en enseignements utiles, que cette lutte énergique des consuls d'Aurillac contre les abbés réguliers, ait cessé tout à coup, au moment où la mitre abbatiale n'est plus portée par un moine du monastère, et qu'avec elle tout monument historique de quelque importance disparaisse de nos annales. Tant que les consuls d'Aurillac avaient en face d'eux une autorité supérieure et rivale, leur premier soin, leur unique désir, fut de saper peu à peu cette autorité, d'accroître la leur à ses dépens, et, pour y parvenir, ils durent respecter leurs devoirs et leurs droits, puisqu'ils voulaient contraindre l'abbé à les respecter. Mais, quand l'abbaye fut devenue un simple émolument pour de grands dignitaires étrangers, qui n'avaient plus un intérêt direct à accroître leur pouvoir en restreignant celui des consuls, ceux-ci se firent courtisans pour obtenir des faveurs, pour acheter la protection des abbés de cour, et les franchises municipales leur furent sacrifiées l'une après l'autre. Ainsi, lorsque Jean de Cardaillac, arrivé au château de Belbex, voulut faire son entrée en ville, les consuls, en robes et en chaperons, accompagnés des principaux bourgeois, furent le chercher jusqu'à Belbex. Il y a loin de cette soumission servile à la fierté avec laquelle on attendait autrefois l'abbé dans le cimetière pour lui faire jurer, sur les saints Evangiles, qu'il respecterait les franchises de la ville.
47° Charles II de St-Nectaire, fils d'Antoine, seigneur de St-Nectaire, et de Marie d'Alègre, était aussi abbé du Monestier, autrefois St-Théofred-de-Cameri en Velay. Les auteurs de la Gallia Christiana et le père Dominique de Jésus, vantent sa piété aussi bien que sa noblesse; ils assurent qu'il avait doté le monastère d'Aurillac de plusieurs beaux édifices. Il donna son consentement à la sécularisation de l’abbaye, et se retira dans son autre monastère de St-Chaffre où il mourut, fort âgé, disent-ils, en 1560.
48" Antoine II de St-Nectaire, neveu du précédent, lui succéda pour bien peu de temps; car, en 1561, il permuta avec Martin de Beaune contre l'évêché du Puy.
49° Martin de Beaune était chancelier de la reine Catherine. Ce fut sous son administration qu'une bulle de Pie IV, du 13 mai 1561, enregistrée au parlement de Paris le 23 février 1562, sécularisa l'abbaye d'Aurillac, Dès-lors les bénédictins firent place à de simples chanoines.
Nous nous sommes bornés, pour ces trois derniers abbés, à traduire les quelques lignes que leur consacrent nos auteurs. Cependant, il resterait à vérifier un point historique assez difficile. Il existe une instruction secrète faite, dit-on, à la suite d'un arrêt du 23 juillet 1555, qui impute à l'abbé Charles de St-Nectaire des crimes si révoltants, si monstrueux, qu'il nous paraît non seulement difficile, mais impossible que les consuls et les habitants d'Aurillac, jusqu'alors si prompts à la défense de leurs droits, aient pu les supporter. D'autre part on lui reproche, dans cette instruction secrète, d'avoir laissé tomber, faute d'entretien, les bâtiments du monastère, tandis que, soit le père Dominique de Jésus, qui était d'Aurillac, soit les auteurs de la Gallia Christiana vantent sa piété, sa vie sainte et les nombreuses améliorations par lui faites aux bâtiments du monastère.
Le cadre de ce travail est trop court pour discuter ces deux opinions, diamétralement opposées. Nous nous bornerons donc à dire : 1° que nous avons vu, de nos y eux, il y a quelques années, dans le jardin Gamet, rue du Buys, où des fouilles venaient d'être faites, un portail entier, tout neuf, portant un écusson aux cinq fusées de la maison de St-Nectaire, qui paraissait avoir été renversé violemment et était resté enseveli sous une épaisse couche de terre. C'était évidemment la porte du palais abbatial et l'œuvre de Charles de St-Nectaire, puisque son neveu, Antoine, n'a fait que passer à l'abbaye; 2° que la sécularisation a été demandée par l'abbé et les moines, et que- les consuls se sont fait payer pour y consentir; 3° que nous possédons deux transactions importantes faites par Charles de St-Nectaire en 1548 et 1554, qui constatent qu'il n'oubliait pas les intérêts du monastère; 4° que ni la bulle de sécularisation, ni les arrêts des parlements qui l'ont enregistrée, ne contiennent un mot de blâme contre l'abbé et les religieux ; 5° enfin, que les événements subséquents ont prouvé qu'il y avait alors à Aurillac, et jusque dans le conseil de la ville, des hommes qui, sous prétexte de religion, ouvrirent à l'ennemi les portes de la ville, et y firent commettre toutes sortes d'atrocités, que dès-lors, il est bien possible qu'ils eussent eu recours à la calomnie soit en inventant ce qui n'était pas, soit en grossissant et envenimant ce qui pouvait être vrai au fond, mais insignifiant.
50° Guillaume Violle, conseiller au parlement de Paris, était abbé d'Aurillac lorsqu'il fut promu à l'évêché de Paris en 1568.
51° Aloïsius Pisani, noble vénitien, cardinal sous le titre de St-Vital, prit possession de l'abbaye en 1568. Il mourut à Venise en 1570, la veMle des calendes de juin. C'est dans cet intervalle que la ville d'Aurillac fut surprise par les protestants, le mardi 6 septembre 1569, jour à jamais déplorable. Eglises, palais abbatial, couvents, tout disparut, tout fut détruit par ces sectaires impitoyables ; livres précieux, rares manuscrits, chartes originales, tout fut la proie des flammes. Le meurtre et le pillage furent organisés froidement, et l'on procéda, par ordre des princes de Navarre et de Condé, à la rente, aux enchères publiques, des propriétés de l'abbaye.
52° Georges d'Armagnac, évêque de Rodez, puis archevêque de Toulouse et d'Avignon, ambassadeur de France à Rome et à Vienne, cardinal, etc., prit, en 1578 seulement, possession de l'abbaye, restée vacante depuis huit ans. Ce fut l'archidiacre de Rodez qui fit cette cérémonie pour lui. Les ruines de ce qui avait été autrefois le monastère St-Géraud ne méritaient plus qu'un cardinal vint les visiter. Dom Fabri 1avait administré pendant la vacance. Le 5 août 1581 les protestants essayèrent encore de prendre la ville; ils furent repoussés heureusement. Il n'y avait alors plus rien à détruire; mais ils pouvaient encore faire couler bien du sang.
53° Philippe des Portes, chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris, abbé de Tiron, de Bompart, de Josaphat, etc., etc., poète que Boileau ne maltraite pas, dans l'Art poétique, obtint, au prix d'un sonnet, peut-être, l'abbaye d'Aurillac. Il avait accompagné le duc d'Anjou, en qualité de lecteur, dans son voyage en Pologne; au retour, Henri III le combla de faveurs. Il prit possession en 1585 et mourut en 1606.
54° François de Joyeuse, successivement archevêque de Narbonne, Toulouse et Rouen, qui s'entremit auprès du pape pour réconcilier Henri IV avec l'Eglise, et fut un des trois commissaires qui prononcèrent la dissolution du mariage de ce prince, eut besoin, pour vivre, de l'abbaye d'Aurillac; on ne put la lui refuser. Il mourut le 27 août 1615, doyen du Sacré-Collège, bien qu'il n'eut encore que 55 ans.
55° Charles de Noailles, évêque de St-Flour d'abord, puis de Rodez, d'une famille qui se plaisait, en toute occasion, à protéger la ville d'Aurillac, fut pourvu de son abbaye. Pendant trente ans il lui donna des preuves de sa munificence, et mourut en 1648.
56° Louis Barbier de La Rivière, d'abord régent du collège du Plessis, puis aumônier de l'évêque de Cahors, qui le plaça auprès de Gaston de France, duc d'Orléans : c'était un homme rusé, adroit, d'un caractère méprisable. Il s'insinua dans les bonnes grâces du prince dont il vendait les secrets à Mazarin. Ses intrigues et ses complaisances lui valurent plusieurs riches abbayes, entre autres celle d’Aurillac, où il fut plus tard exilé. Ce personnage fut ensuite promu à l'évêché de Langres, auquel la pairie était attachée; ce qui a fait dire à Boileau:
Le sort burlesque, en ce siècte de ter,
D'un pédant, quand it veut, sait taire un duc et pair.
L'abbé de La Rivière mourut en 1670, laissant un testament dans lequel on trouve : Je ne laisse rien à mon maitre-d'hôtel, parce qu'il est à mon service depuis dix-huit ans.
57° Hercule Manzieri, procureur du duc de Modène, a droit à la reconnaissance des habitants d'Aurillac. Des troupes étant arrivées pour tenir garnison en ville, les consuls, en vertu de leurs privilèges, firent fermer les portes et écrivirent à l'abbé Manzieri, pour lors à Paris, le priant d'en obtenir le renvoi. L'abbé ne perdit pas de temps, obtint l'ordre et l'envoya de suite à Aurillac par un courrier gagé à ses frais. Plus tard les consuls voulurent le forcer à recevoir le remboursement de cette dépense; il refusa d'abord, puis, sur leurs pressantes instances, il accepta, et employa cette somme, et beaucoup du sien, à faire faire imc chasse d'argent pour les reliques de saint Géraud, les protestants ayant fait fondre l'ancienne. Il fit, en outre, don à l'église d'un calice, d'un ornement de grand prix et d'une garniture d'autel complète. Il mourut le 3 avril 1679, après avoir institué son église pour héritière et fait à la paroisse un legs considérable.
58° Léon Pothier de Gèvres, archevêque de Bourges et cardinal, vint, en 1698, prendre possession de l'abbaye d'Aurillac et en affermer les revenus. Il administra l'abbaye pendant 46 ans d'une manière toute paternelle et lui fit beaucoup de bien. Il mourut à Paris presque subitement, à l'âge de 80 ans, le 12 novembre 1714. Son aumônier, Pierre Delzons, prieur de Virazel, fils de Jean Delzons et de Gabrielle de Vixouze, hérita de sa chapelle. Ce prieur, savant distingué, fut le premier instituteur d'Antoine Delzons, depuis président du tribunal d'Aurillac.
59° Jean Sébastien du Barral fut nommé abbé d'Aurillac en 1745, et, en 1752, évêque de Castres. Il céda au roi la justice abbatiale, qui fut réunie au bailliage en 1748.
60° Claude Mathieu du Barral frère du précédent, lui succéda en 1752. Il prit possession, plus tard, de l'évêché de Troyes, et conserva néanmoins son abbaye jusqu'en 1789.


 

L'ÉGLISE DU MONASTÈRE.

Nous ne pouvons terminer le chapitre consacré à l'abbaye d'Aurillac sans dire quelques mots des débris mutilés qui en rappellent le souvenir. Nous avons dit que son église primitive n'existait plus depuis longtemps; mais il faut ajouter qu'il ne reste rien ou presque rien de celles qui lui furent d'abord substituées.
Lorsqu'en 1569 les protestants s'emparèrent d'Aurillac par surprise et y exercèrent, pendant quatorze grands mois, l'autorité la plus absolue, ils se firent un jeu cruel de détruire tous les monuments destinés au culte catholique, et n'épargnèrent pas surtout la vieille et riche abbaye. Ses trésors furent pillés, les ornements sacerdotaux pollués, les chartes anciennes déchirées, et, le vandalisme des sectaires s'acharnant sur les pierres même, les voûtes sombres et solides, les portes décorées des statues des Saints, les colonnes aux chapiteaux délicats, les fenêtres en pierre dentelée, tombèrent sous les marteaux destructeurs. Il ne resta debout que la grosse tour du clocher et peut-être le fond des murs de l'abside, et quelques parties des chapelles de St-Géraud et de Notre-Dame-du-Cceur. Les autres églises de la ville, Notre-Dame d'Aurillac, les églises des couvents des Cordeliers et des Carmes subirent à-peu-près le même sort.
Lorsque le calme fut rétabli, que les protestants eurent quitté la ville et que l'abbé d'Aurillac, d'une part, et les consuls, de l'autre, purent reprendre le libre exercice de leur autorité légitime, on songea à réparer ce grand désastre et à tirer parti de tant de ruines. Mais, pour ce qui était de l'abbaye, tout était à refaire, et la position n'était plus la même.
Depuis 1561 le monastère n'existait plus; il n'y avait plus de bénédictins; l'abbaye était sécularisée, et, à la place des religieux pour qui le cloître était une patrie, il n'y avait que des chanoines formant, à la vérité, un chapitre, mais dont toutes les affections n'étaient pas concentrées dans l'étroite enceinte du cloître et de l'église. D'autre part les revenus de l'abbaye devaient être considérablement amoindris, tant parce que les protestants, maîtres de la ville, avaient battu monnaie en vendant aux enchères publiques ses principaux domaines, que parce que les bénéfices éloignés qui en dépendaient avaient dû nécessairement souffrir aussi des suites funestes de la guerre civile. Ces deux causes réunies ne permirent pas aux abbés d'Aurillac Aloïsius Pisani, Georges d'Armagnac, Philippe des Portes et François de Joyeuse, étrangers, d'ailleurs, tous les quatre, et qui, peut-être, ne vinrent même pas visiter les tristes ruines de notre abbaye, de reconstruire l'église et le cloître, et de la rétablir dans son premier état, ce que des religieux eussent fait bien certainement.
La première conséquence de cet abandon de l'abbaye fut que le palais abbatial n'a jamais été rétabli; la seconde que les chanoines, ne trouvant plus à se loger dans le cloître, détruit de fond en comble, furent réduits à en ramasser les pierres pour se construire, sans plan, sans règle et sans symétrie, des maisons particulières où ils habitèrent isolément; la troisième que l'église antique ne se releva pas de ses ruines, les chanoines s'étant contentés, pendant longues années, d'une modeste sacristie, dans laquelle ils célébraient les heures canoniales, jusqu'à ce que Charles de Noailles, abbé d'Aurillac, eut pris la résolution de construire une nouvelle église.
Mais, alors même, soit manque de fonds, soit fatigue, le nouveau vaisseau resta inachevé et, tel que nous le voyons aujourd'hui, il est évident qu'on avait eu d'abord l'intention de prolonger la nef jusqu'au clocher, qu'une révolution nouvelle a détruit de puis; les fondements existent; ils attestent ce fait aussi bien quête pierres d'attente que l'on remarque encore à l'ignoble muraille qui clôt aujourd'hui l'église; mais on s'est arrêté, et la nef n'a encore qu'une seule travée. Ce fut seulement le 8 septembre 1613 qu'on célébra, pour la première fois,"dans ce que nos annales appellent le chœur de la nouvelle église. Ainsi, pendant soixante-quatorze ans l'abbaye d'Aurillac n'avait pas même eu une chapelle!
Aujourd'hui, ce qui ne devait être que le chœur de l'église abbatiale est l'unique église d'une paroisse de 5,000 âmes; et, quoique tout le monde en reconnaisse l'insuffisance, il est impossible de prévoir à quelle époque on pourra pourvoir au besoins du culte, en réalisant enfin un prolongement indispensable.
Si l'on ajoutait trois travées nouvelles à l'église de St-Géraud actuelle, elle serait régulière, dans de justes proportions, et assez belle encore, quoique dépourvue d'ornements. On y remarque deux belles croisées à quatre meneaux élégants ans deux extrémités des bras de la croix; la chapelle Notre-Dame-du-Cœur est couronnée par une voûte ogivale dont les nombreuses arêtes prismatiques sont supportées par des culs-de-lampcs ornés. Celle de St-Géraud, au contraire, repose sur des colonnes engagées dans les murs latéraux. Il est aisé de reconnaître que cei colonnes appartiennent à l'ancienne église; elles sont tronquées, et les nervures actuelles de la voûte ne répondent pas aux anciennes, dont on voit encore les bases au haut des colonnes. De belles orgues, quelques vieux tableaux, notamment deux ex-voto représentant les miracles de Notre-Dame-du-Cœur et les livres du lutrin, manuscrits des frères Combes, voilà ce qui reste, à-peu-près, de notre abbaye; un assez bon tableau, représentant saint François-Xavier mourant, et quelques autres, viennent de l'ancienne église du Collège.

COUVENTS ET ABUS A AUBIILAC.

Couvent Du Buis. — Il était d'usage autrefois, lorsqu'on fondait une abbaye, de construire; non loin de ses murs, une église pour les femmes, qui n'étaient jamais admises dans l'enceinte consacrée à l'habitation des moines; c'est pour cela que l'on trouve presque partout un couvent de bénédictines auprès des abbayes de l'ordre de St-Benoît. Il est certain qu'à Aurillac les religieuses bénédictines ont d'abord habité dans la ville avant d'être transférées au Buis; il est probable que la rue des Dames a été ainsi nommée, parce que c'était dans cette rue qu'était fondé leur premier couvent, et je crois que l'église Ste-Madeleine, dont il est parlé dans plusieurs titres anciens, avait dû leur appartenir. Mais, à quelle époque remonte ce premier établissement et quand fut-il transféré au Buis? Ce sont des questions auxquelles il n'est pas facile de répondre.
On a prétendu que saint Géraud était le fondateur de l'abbaye du Buis, et qu'elle était, par conséquent, aussi ancienne que son monastère. Si cela était, il me paraîtrait difficile que saint Odon n'en ait pas parlé, dans sa vie de saint Géraud, et qu'il ne restât aucune trace de cette fondation ni dans l'office du saint, ni dans ce qui nous reste de ses panégyriques.
Piganiol de Laforce parle d'une bulle d'Alexandre III de 1161, dans laquelle il aurait pris cette abbaye sous sa protection ; nous n'avons plus cette bulle; peut-être nous servirait-elle à résoudre la question qui nous occupe. D'anciennes notes relatives à l'abbaye du Buis et le catalogue de ses abbesses conviennent qu'on ne connaît pas la date de sa fondation, et l'attribuent aux abbés d'Aurillac sans désignation d'aucun d'eux en particulier. La première des abbesses du Buis dont on ait conservé le nom s'appelait Luce, et était a Luce, et était ainsi désignée dans la bulle d'Alexandre III de 1161; mais le couvent devait être beaucoup plus ancien, puisque le corps de l'abbé Emile, mort avant 1074, qui avait d'abord été inhumé dans la chapelle du Sauveur, en fut relevé et transporté dans l'église Ste,-Madeleine.
Ce fait, consigné dans le catalogue des abbés d'Aurillac, prouverait, cerne semble, que si l'abbé Emile n'est pas le premier fondateur du couvent des Bénédictines, au moins il dût en être le bienfaiteur; il dût le réparer ct l'agrandir. Tout en louant 6a piété et sa douceur, le moine anonyme qui nous a laissé la première notice sur l'abbaye dit qu'il aimait un peu trop la dépense : Impensisdeditus. Ce reproche justifie et confirme ma conjecture à cet égard. Si le bon abbé Emile, chéri de tous ses moines, n'avait employé les revenus de l'abbaye qu'à orner leur cloître et leur église, ils n'auraient eu que des éloges sans réserve à donner à sa piété ; mais, si avec ces revenus il a fondé, réparé ou doté un autre couvent, ses moines ont pu se dire à l'oreille Notre abbé est un excellent homme, mais un peu dépensier.
A cette époque, ai-je dit, le couvent des Bénédictines était établi rue des Dames, au faubourg du Buis, près de la porte qui a conservé ce nom; il pouvait donc et devait même s'appeler le couvent du Buis, l'abbaye du Buis. Cette dénomination n'a pas changé lorsqu'il fut transféré sur la rive gauche de la Jordane, de sorte qu'il est difficile de reconnaître, dans les titres anciens qui parlent de l'abbaye du Buis, s'ils s'appliquent à l'ancienne ou à la nouvelle. Ainsi, je trouve dans le testament de Marine, femme d'Eustache de Beaumarchais, daté de 1280, qu'elle fait plusieurs legs aux religieuses du Buis, mais rien ne m'indique quelle était alors la position de leur couvent.
Ainsi, en-i286 il fut fait une enquête à l'effet d'établir que les religieuses du Buis ne pouvaient payer le décime, réclamé sur les propriétés ecclésiastiques, parce qu'elles étaient si pauvres et si dénuées de tout, qu'elles étaient réduites à mendier publiquement, dans les rues d'Aurillac, pour se procurer le pain et le vêtement indispensables. Mais, où habitaient-elles alors? L'enquête ne le dit pas.
Nous voilà encore réduits à des conjectures, et, pour comble de malheur, le catalogue des abbesses du Buis laisse une lacune de 80 ans entre Luce, abbesse en 1161, et Ida, abbesse en 1241. Nous pensons, cependant, que la translation du couvent sur la rive gauche doit être postérieure aux actes que nous venons de faire connaître. En effet, cette translation a dû coûter assez cher, et ce n'est pas des religieuses réduites à mendier leur pain qui pouvaient en faire les frais; mais cette misère, exposée au grand jour, a pu, au contraire, exciter la générosité soit des abbés d'Aurillac, soit des consuls, soit même des familles riches qui avaient des enfants dans ce monastère, et leurs efforts, réunis, ont dû faire décider la translation dans un nouvel édifice.
Quelques faits semblent corroborer cette conjecture : 1° Après Béatrix de Vernière qui mendiait son pain en 1286, je trouve successivement, au nombre des abbesses du Buis : Raymonde d’Aurillac, de la famille des Astorg ; Bertrande de Cambefort, famille des plus anciennes de la ville; Raymonde de Polignac; Astruguette de La Roque; Hélise de Montal; Béatrix de Veyrac, et cela dans un intervalle de 62 ans. Il est probable que les parents de ces dames n'auraient pas voulu permettre que leurs filles mendiassent dans les rues.
2° A la même époque Pierre de Malafeyda, Draconet et Archambaud étaient abbés d'Aurillac. Ce dernier était, en même temps, évêque de St-Flour, et se montra fort libéral, vis-à-vis de son abbaye. 11 n'est donc pas impossible que les uns et les autres se soient associés pour assurer aux religieuses du Buis une existence honorable.
3° Enfin, Guillaume Beaufeti, évêque de Paris, et né à Veyrac, fonda, en 1319. à Aurillac, près la porte du Buis, un hôpital sous le nom de St-Jcan, après en avoir obtenu l'autorisation par une bulle du pape Jean XXII de cette même année 1319. Je présume que cet hospice dût être établi dans les bâtiments abandonnés par les religieuses, rue des Dames; car, le nouveau monastère, quoique sous l'invocation de la sainte Croix, était vulgairement désigné sous le nom de St-Jeandu-Buis, ce qui, joint au nom de l'hospice, semble bien indiquer que saint Jean était le patron de leur ancienne maison.
Si ces conjectures paraissent plausibles, il faudrait en conclure que la translation dut avoir lieu dans les dernières années du XIII° siècle ou au commencement du XIV°. Voici les noms des abbesses du Buis qui ont pu être conservés:
1° Luce, nommée dans la bulle d'Alexandre III de 11 tM;
2° Ida, rappelée dans un acte de 1241 relatif à la terre de Pouzolat;
3° Béatrix ITM de Veyrac, en 1249;
4« Pétronille de Valette, en 1250 et 1254;
5° Béatrix de Vernière, de 1276 à 1291 : c'est celle qui mendiait son pain; 6° Raymonde d'Aurillac, de 1298 à 1316; fille probablement d'Astorg VI ou d'Aymeric de Montal, son frère;
'7° Bertrande Ire de Cambefort, de 1316 à 1324; cette famille est une des plus anciennes de la bourgeoisie d'Aurillac; elle compte au moins 650 ans de bonne bourgeoise; nous trouvons un Cambefort dans un titre de 1202;
8° Raymonde II de Polignac, de 1326 à 1328;
9° Astruguette de La Roque, de 1530 à 1535;
10° Elise de Montal, de 1336 à 1347; à cette même époque Aymeric de Montal, son frère ou son neveu, était abbé d'Aurillac;
11° Béatrix III de Veyrac, fille de Limaret de Veyrac, religieuse depuis 1309, fut abbesse de 1348 à 1360; il est à remarquer que les propriétés de son père touchaient à celles de l'abbaye;
12° Bertrande II de Rouifignac ou de Messignac fut pourvue de l'abbaye par une bulle d'Urbain III de 1364; elle vivait encore eu 1394;
13° Alasia de Montal, fille de Bertrand de Montal, seigneur d'Yolet, était déjà religieuse en 1354; elle fut abbesse de 1399 à 1420;
11° Irlande de Nieudan fut abbesse de 1429 à 1459, et vendit le prieuré de Lacapelle;
15° Catherine Ire de Croze, ancienne famille de la bourgeoisie d'Aurillac, tint l'abbaye en 1436 \ elle en fit faire le terrier;
16° Galliene de Pouzols, professe du monastère, fut élue par ses sœurs, et son élection fut confirmée par l'abbé d'Aurillac au mois de juillet 1456;
17° Louise de Brezons, d'une des plus illustres familles du Haut-Pays, élevée dans le monastère du Buis, en fut élue abbesse le 12 septembre 1472, et confirmée dans cette dignité par l'abbé d'Aurillac; elle mourut le 28 septembre 1489; 18° Jeanne Ire de Pouzols (de St-Cirgues ou de Malfaras), professe de l'abbaye, fut élue abbesse le 14 octobre 1489, et l'abbé d'Aurillac, ayant confirmé son élection, elle gouverna l'abbaye jusqu'en 1507;
19° Jeanne II de Lanjeac obtint tout à la fois le prieuré de Chassignoles et l'abbaye du Buis; elle fit renouveler le terrier en 1516 et en 1545; sa mort est fixée, par le nécrologe de St-Pierre-de-Caze, au 2 janvier suivant;
20° Gasparine de Chausseron dite d'Anyon fut abbesse.de 1546 à 1550;
21° Marie I" de Senecterre, sœur de Charles de Senecterre, abbé d'Aurillac, obtint l'abbaye, à la suite de la résignation de Gasparine, en 1450 ; elle la résigna elle-même en 1568, et mourut en 1569;
22° Catherine II de Tallac ou de Margeride, fut pourvue, par le pape, de l'abbaye en 1568, après la résignation de Marie de Senecterre; elle en prit possession en 1569, et mourut le 15 octobre 1599 d'une chute sur le pavé de l'église;
23° Suzanne de Pestel, d'une très ancienne famille d'Auvergne, était professe au Buis, et fut nommée abbesse par le roi en i 599; elle prit possession l'année suivante, et mourut en 1636.
Je dois faire remarquer que depuis Jeanne de Lanjeac il n'est plus question d'élections. Le roi s'était attribué le droit de nommer à plusieurs abbayes, que l'on appelait royales par suite de cette usurpation. Les esprits forts du temps ne firent que rire d'une spoliation qui ne frappait que des moines et des religieuses; mais ce premier pas fait, le roi supprima les élections municipales. On ne rit plus alors; cependant, cette seconde usurpation n'était que la conséquence de la première, il faut donc vouloir la justice pour tous;
24° Françoise de Brandon, fille de Pierre de Brandon et de Louise de Salers, fut nommée par le roi et confirmée par le pape; elle en' de longs procès à soutenir pour prendre possession, et le parlement de Paris dût intervenir; elle fit de nombreuses constructions, reforma son abbaye, et mourut un second jour de mars, on ne dit pas quelle année;
25° Marie II de St-Martial-de-Puydeval, professe du monastère de Tulle, fille d'Henri de St-Martial, chevalier, seigneur de Conros, et de Jeanne de Pompadour, fut nommée par le roi le 28 mars 1682, confirmée dans la dignité d'abbesse par diplôme du pape en date du 2 mai 1690, bénie par l'évêque de Tulle le 13 août, et prit possession le 9 octobre de la même année.
Ici se termine l'ancien catalogue dans lequel j'ai puisé ces détails sur les abbesse) du Buis ; j'ai bien peu de choses à y ajouter. La vie du cloître est si uniforme et si paisible, que les petits événements qui peuvent la troubler transpirent peu au dehors.
Eu 1769 l'abbesse du Buis avait nom Françoise-Xavier de La Rochelambert Elle eut, avec M. de Cambefort, un long procès pour s'être permis d'usurper et renfermer, dans l'enceinte de son abbaye, un chemin qui longeait la rivière sur la rive gauche au-dessous de l'Ombrade. Il est probable que sans la Révolution ce chemin eut été rendu au public.
Voici le procès-verbal d'élection de la dernière abbesse, ou plutôt de sa réélection: Ce jourd'hui 25 janvier 1791, à deux heures de relevée, nous Jérôme Lacarrière, officier municipal, nommé par délibération du corps municipal du 23 du courant, pour, en exécution de l'article 26 du titre 2 de la loi du 14 octobre 1790, présider l'assemblée des religieuses de la maison St-Jean-du-Buis, qui doit se tenir conformément audit article, pour nommer une supérieure et une économe, nous nous sommes transportés en ladite maison religieuse du Buis, ou, après avoir annoncé auxdites dames religieuses le sujet de notre transport, elles ont, en notre présence, en la chambre capitulaire, procédé entre elles à la nomination d'une supérieure et d'une économe, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des voix. Par l'événement desquels scrutins la dame Narbonne-Pe'c' » a réuni la pluralité absolue et l'unanimité des voix pour la place de supérieure, et la dame Lacarrière pour celle d'économe, de tout quoi nous avons dressé présent procès-verbal lesdits jours et an que dessus, et ont signé avec nous les» dites dames religieuses, à l'exception de la dame Narbonne qui n'a pu signer, étant détenue dans son lit pour maladie.
On rapporte ordinairement à l'année 1332 la fondation du couvent des Cordeliers à Aurillac. Me Raulhac, ancien adjoint à la mairie d'Aurillac, le premier qui, dans ce siècle, se soit occupé de notre histoire, et à qui nous devons la conservation de nos archives, a déjà prouvé que c'était là une grave erreur historique. On lit partout, en effet, que saint Antoine de Padoue a résidé quelque temps, prêché et enseigné dans le couvent d'Aurillac.
Or, saint Antoine de Padoue mourut le 13 juin 1231, à l'âge de 36 ans; donc il y a, de part ou d'autre, erreur d'un siècle au moins dans ces deux assertions contradictoires.
A la date du 23 mars 1286, j'ai trouvé, aux archives de la mairie, un acte par lequel frère Jehan de Saignes, gardien du couvent des Cordeliers, fait quittance à Durand Dupont, Raymond de Bérenger, Bertrand de Vernhe, Guillaumed'Yssart, Géraud Dalzon et Guillaume Fortet d'un legs de dix livres que Bertrand d'Aost leur avait fait dans son testament. Les cordeliers étaient donc établis à Aurillac depuis quelque temps déjà, puisque ce Bertrand d'Aost était mort longtemps avant 1280. Nous verrons, en effet, dans la première Paix, qu'il avait donné ses maisons à la ville pour l'usage du consulat.
Dans le testament de Marine, femme d'Eustache de Beaumarchais, que j'ai déjà dit être à la date de 1280; elle lègue de quoi habiller vingt cordeliers d'Aurillac.
M. Raulhac dit avoir vu, dans un état de recettes et de dépenses faites en 1287 par Jean de Trye, bailli d'Auvergne, que l'abbé d'Aurillac et ses moines avaient été condamnés à une grosse amende pour avoir exercé des violences contre les cordeliers d'Aurillac. Il ajoute qu'en 1296 le gardien des cordeliers fut dépositaire du testament d'un Astorg d'Aurillac, seigneur de Conros (probablement d'Astorg VI, ou peut-être d'Aymeric de Montal, son frère, ce qui expliquerait la lacune qui semble exister entre Astorg VI et Astorg VII ; voir à l'article Arpajon, page 98.)
Nous possédons encore un acte à la date du 27 avril 1321, dans lequel les consuls d'Aurillac protestent contre la mise en liberté de Pierre des Ongles, Astorg Cambefort et Jean Battud, arrêtés pour violences commises dans la maison des frères mineurs, ou cordeliers, sur Pierre Lafon et Jean de Roques. Tous ces actes promeut évidemment que les cordeliers étaient établis à Aurillac longtemps avant 1332. L'extrait suivant, des annales des frères mineurs, à la date de 1332, va trancher toute difficulté:
Hoc anno in amplum monasterium, capacissimam que ecclesiam, evasit tugurlolum et parvum sacellum, in rcligionis exordio, constructum ad Aureliacum oppidum, dum illnc sanctus Antonius patavinus prœdicaret. (Gonz. in pro. Aquit. 26 conventus Aureliacensis.)
Ainsi, les deux faits en apparence contradictoires s'expliquent. Saint Antoine-de-Padoue a réellement prêché à Aurillac, où, depuis les premiers temps de leur introduction en France, les frères mineurs possédaient un pied-à-terre, une modeste chapelle, et, un siècle après, en 1332, leur chétive masure fut remplacée par un vaste couvent, et leur simple chapelle devint une église assez grande pour contenir beaucoup de fidèles. Voilà', ce me semble, la vérité : Les cordeliers s'introduisirent en France en 1214. Saint Antoine-de-Padoue entra dans l'ordre en l221 ; il prêcha en France, y fonda plusieurs couvents, fut gardien de ceux du Puy et de Limoges, et mourut en 1231. C'est donc vers 1225 ou 1226 que dût être fondé le couvent d'Aurillac..
Un cordelier d'Aurillac, nommé Jean de Rochetaillade, obtint quelque célébrité au XIV° siècle. Froissard en parle dans les termes suivants: En ce temps avoit un frère mineur, plein de grand clergie et de grand entendement, en la cité d'Avignon, qui s'appeloit frère Jean de La Rochetaillade, lequel frère mineur le pape Innocent VI faisoit tenir en prison au chatel de Ba gnolles pour les grandes merveilles qu'il disoit, qui devoient avenir mêmement et principalement sur les prélats et présidents de sainte Eglise, pour les superfluités et le grand orgueil qu'ils démènent; et aussi sur le royaume de France et sur les grands seigneurs de chrétienté, pour les oppressions qu'ils font sur le commun peuple. Et vouloit ledit frère Jean toutes ses paroles prouver par l'apocalypse et par les anciens livres des saints prophètes, qui lui estoient ouverts par la grâce du Saint-Esprit, si qu'il disoit; des quelles moult en disoit qui fortes estoient à"croire. Si en voit-on bien avenir aucunes dedans le temps qu'il avoit annoncé, etc., etc. »
Un autre de nos cordeliers, nommé Guy Hriancon, est l'auteur d'un commentaire sur les sentences.
Le couvent d'Aurillac fut tenu par les Conventuels jusqu'en 1512; cette année, avec le consentement de Paul III, il fut donné aux Observmithtf. Peu de temps après, en 1569, les huguenots s'étant emparés de la ville, mirent le feu au couvent; plusieurs des frères préférèrent la mort à l'apostasie et cueillirent la palme du martyre. Quand la ville fut délivrée on songea à prévenir une nouvelle surprise, et, une bulle de Pie V, du mois de mars 1572, autorisa les cordeliers à occuper, pendant dix ans, une maison dans l'intérieur de la ville. Elle leur avait été donnée par Astorg Bruni, chevalier.
Les malheurs du temps les obligèrent à rester plus longtemps que le pape ne l'avait d'abord jugé nécessaire dans cet asile temporaire et dans la rue à laquelle ils ont donné leur nom. Ce ne fut qu'en 1590 qu'ils purent reconstruire leur couvent, ou plutôt en commencer la restauration; l'ouvrage traîna en longueur malgré les secours nombreux que leur donnaient les consuls et les principaux habitants de la ville. Robert de Senezergues, seigneur de Veyrac, entr'autres, répara l'église à ses frais, et, par reconnaissance, les cordeliers lui concédèrent une chapelle près du chœur; d'autres concessions furent aussi faites, par le même motif, jusqu'en 1631, et le travail fut enfin terminé en 1634. .
Mais, pendant que les habitants d'Aurillac concouraient à l'envi au rétablissement des couvents des cordeliers et des carmes, détruits par les protestants, ces religieux avaient trouvé un autre moyen de prouver à la ville leur reconnaissance et leur dévouement. En 1628 une maladie contagieuse vint porter la désolation à Aurillac et dans les communes voisines, où elle fit mourir 7,000 personnes. Dans cette triste circonstance, tous les ecclésiastiques de la ville rivalisèrent de zèle et d'abnégation pour porter, aux malades et aux mourants, les secours spirituels et temporels dont ils avaient besoin; ils furent presque tous victimes de la charité, et nos annales citent en particulier les cordeliers et les carmes; elles disent qu'il ne resta qu'un seul frère dans le premier de ces couvents et deux dans le second.
En 1666 la foudre tomba sur le clocher des Cordeliers et en abattit la flèche qui fut rétablie de suite. Les cordeliers professaient à Aurillac la philosophie et la théologie; c'était chez eux ordinairement que les consuls choisissaient les prédicateurs de l'Avent et du Carême; leur couvent a été supprimé à la Révolution.
Aujourd'hui le cloître sert de caserne à la gendarmerie, au moins jusqu'à ce que la nouvelle caserne que l'on construit sur le foiral permette de lui donner une destination plus convenable à son origine. L'église, simple, à une seule nef, mais bien voûtée, en très bon état, et décorée depuis peu d'un clocher élégant, sert de paroisse à la partie méridionale de la ville. On y remarque quelques bons tableaux, et les fenêtres des chapelles latérales viennent de recevoir des vitraux coloriés.
Il y a peu de jours, une cérémonie imposante par elle-même et bien intéressante pour la ville d'Aurillac, réunissait, dans l'étroite enceinte de l'église des Cordeliers, tous ceux des habitants d'Aurillac qui avaient pu y trouver place. Mgrs les évêques de St-Flour, de Tulle, de Cahors et de Mende y donnaient la consécration épiscopale à Mgr Gervais Lacabrière, nommé premier évêque de la Guadeloupe. C'est donc enedre à un enfant d'Aurillac qu'il a été donné d'aller dans un nouveau monde et dans une possession chère à la France, à tant de titres, rétablir la discipline ecclésiastique et porter des paroles de paix, de fraternité évangélique et de charité chrétienne à des populations divisées et séparées par des rivalités anciennes et originelles. Espérons que sa douceur, sa bonté, l'ascendant de sa vertu, de son saint caractère et d'un beau talent, produiront dans son nouveau diocèse les heureux résultats que le St-Siége, le Gouvernement et tous les cœurs chrétiens attendent de sa sainte mission.


 

LES CARMES.

M. Raulhac, dont j'ai déjà eu occasion de citer les travaux importants et consciencieux, s'exprime ainsi, à propos de la fondation du couvent des Carmes à Aurillac.

Le temps précis de l'établissement des carmes à Aurillac n'a point été assigné > ni par nos annales, ni par les historiens de l'Auvergne. On trouve cependant, dans nos manuscrits et dans des pièces imprimées, que cette fondation fut faite entre l'an 1300 et 1360; mais les registres de l'Hôtel-de-Ville peuvent cependant fixer nos idées là-dessus. Il est dit, dans une délibération du conseil municipal, prise le 1er mai 1558, que ces pères firent, lors de leur installation, en 1300, un contrat avec nos consuls, contrat par lequel chaque nouveau prieur » de leur couvent serait tenu de venir prêter serment entre les mains de ces magistrats. En cela, s'il me semble, est bien déterminé l'époque de leur arrivée en » cette ville. »

En conséquence, nous croyons pouvoir fixer à l'année 1300 la fondation du couvent des Carmes à Aurillac, par les soins et aux frais de Géraud de Ganhac, propriétaire de l'affar et du château de Ganhac, paroisse d'Arpajon. Cette famille, alors distinguée, s'est éteinte depuis.

Les carmes étaient établis au-dessous des cordeliers, à l'endroit où est aujourd'hui le couvent de Sle-Claire. Ils ont fourni un abbé au monastère d'Aurillac, Gratien de Villeneuve, le quarantième dans la série de nos abbés. Géraud Vigier, vulgairement appelé le père Dominique de Jésus, carme d'Aurillac, est l'auteur de la vie des Trois Saints d'Auvergne, ouvrage curieux par les nombreuses recherches qu'il contient et qui annonce, de la part de l'auteur, une grande érudition, jointe à peu de critique; mais, c'était le défaut de son siècle plus que le sien ; nous ne lui devons pas moins de reconnaissance, car, sans lui, nous saurions peu de chose de notre histoire.

J'ai déjà dit que l'église et le couvent des carmes avaient été détruits par les protestants en 1569. Les consuls donnèrent 16,000 liv. pour les reconstruire, mais, à peine les bâtiments étaient-ils achevés, en 1628, que la peste emporta presque tous les pères, victimes de leur dévouement; il n'y en eut que deux épargnés par la contagion, ainsi que je l'ai déjà dit.

En 1704 le père Delzons, provincial des Carmes, connu en religion sous le nom de père Benoît, fit faire le clocher et l'horloge de son couvent. En 1708 il fit faire l'autel en marbre qui décore aujourd'hui l'église paroissiale des Cordeliers.

L'église des Carmes était, comme celle des Cordeliers, à une seule nef, mai* beaucoup plus large et plus belle. Au-dessus du maître-autel qui est aujourd'hui à l'église Notre-Dame, était placé le baldaquin qui couronne le maître-autel de la paroisse St-Géraud. Ce baldaquin était soutenu par six colonnes que l'on a aussi transportées dans cette dernière église, où elles sont absolument inutiles. Lorsque toutes les décorations de cet autel étaient réunies, il devait être fort riche et d'un bel effet.

La Révolution n'épargna pas plus l'église des Carmes que celle de la paroisse. Aujourd'hui il n'en reste pas pierre sur pierre à l'endroit où elle était située; mais, dans la rue du Collège, on peut voir encore une des portes dont M. Lasmoles, expert, avait acheté les pierres qui forment aujourd'hui le portail des maisons


 

SAINTE-CLAIRE.

Le 7 décembre 1333 Isabelle de Rodez, comtesse de Carlat, fonda, au lieu de Boisset, canton de Maurs, une communauté de douze religieuses qui devaient y vivre conventuellement sous la règle de Sle-Claire. Elle leur donna sa maison ou château de Boisset avec ses dépendances, 240 septiers de seigle, 20 septiers d« froment et 32 livres en argent à prendre annuellement sur les dixmes de sa terre. D'après la règle de Ste-Claire, la supérieure s'élisait tous les trois ans, et, tant que cette règle fut observée, la communauté prospéra. Mais, en 1618 une dame de Rilhac obtint une nomination du roi comme supérieure du couvent de Boisset, et voilà la guerre allumée. En 1626 on crut tout calmer en transférant la communauté a Aurillac, rue d'Aurenque, dans la maison qui appartient aujourd’hui a M. Rochery; mais, les religieuses clairistes ne voulaient pas obéir à une supérieure qui n'avait pas été élue par elles, ni choisie dans leur sein, conformément à la règle de l'ordre.

L'évêque de St-Flour fut obligé d'intervenir, et, après avoir entendu les parties, il fit consentir l'abbesse à donner sa démission, et se joignit aux religieuses pour demander au roi, pour elles, la permission d'élire leur supérieure triennale suivant les lois de leur fondation. Par arrêt du conseil du 50 août 1644, le roi évoqua l'affaire, et, par provision, il fut ordonné que l'évêque ferait nommer une supérieure triennale.

Mais, Mme de Rilhac ne voulut pas obéir et se ligua, dit-on, avec les dames de la Visitation, depuis peu établies à Aurillac. Les choses en vinrent à ce point que de vingt-neuf religieuses dont la communauté se composait, vingt-sept, par transaction du 17 octobre 1650, se retirèrent avec leur dot dans une maison du faubourg des Carmes, et les deux autres ne restèrent avec la supérieure qu'afin qu'on ne put pas dire que la communauté était dissoute. En 1651, après la mort de Mme de Rilhac, elles obtinrent un arrêt du grand conseil qui les autorisait à s'assembler en communauté et à élire une supérieure triennale, ce qu'elles firent, en plaçant leur nouvelle maison sous l'invocation de saint Joseph. Mais, plus tard, lorsqu'elles voulurent reprendre leur ancienne maison, une dame de St-Paul-de-Rilhac, religieuse de St-Bernard, leur opposa une nomination qu'elle avait obtenue du roi en 1678, en vertu de la démission de Mme de Rilhac, leur ancienne supérieure, qui les persécutait ainsi, après sa mort. Ce n'est pas tout, cette. Mme de St-Paul obtint, à force de sollicitations, un brevet du roi à la date du 23 août 1700, qui faisait don aux religieuses de la Visitation de l'abbaye et monastère de Boisset et de Ste-Claire d'Aurillac, vacants, dit le roi, par sa démission. Il s'en suivit un long procès qui durait encore en 1734. Je ne sais trop comment il fut terminé, et si les pauvres clairistes furent entièrement dépossédées; mais, il n'en est pas moins certain que, pour avoir voulu se mêler de l'administration intérieure d'un couvent, jusque-là tranquille, enlever à de pauvres filles un droit dont leur règle et une possession de trois cents ans leur assurait la jouissance, on a porté le trouble dans une communauté paisible, et peut-être on l'a dépouillée des biens qu'elle possédait légitimement.

Quoique cette absurde manie de faire du pouvoir, de tout centraliser et d'attirer tout à soi me vaille un magnifique autographe, et enrichisse ma collection de la signature de Louis XIV et de celle de Colbert au bas de la lettre suivante, je ne puis m'empêcher de déplorer cet abus de la force contre de pauvres filles sans défense, parce que ce fut le prélude d'usurpations plus grandes qui amenèrent enfin la Révolution. Voici la lettre du roi au cardinal, protecteur des affaires de France à Rome:

« Mon cousin », L'abbaye des religieuses de Boisset, de l'ordre de Ste-Claire, au diocèse de  St-Flour, estant à présent vaccante, par la démission volontaire qu'en a faite en  mes mains la dame Louise de Rilhac-de-St-Paul, dernière titulaire qui a possédé ladite abbaye, j'ai bien voulu en faire don aux religieuses de la Visitation de Ste-Marie d'Aurillac pour être le titre abbatial de ladite abbaye esteint et uny au» Ait monastère de la Visitation de St-Maric d'Aurillac. Sur quoy je vous escris cette lettre pour vous en donner avis et vous dire que j'auray bien agréable que vous fassiez en mon nom toutes les poursuites nécessaires pour l'obtention des  bulles d'union de ladite abbaye audit monastère de la Visitation d'Aurillac, suivant les mémoires et supplications plus amples qui vous en seront présentez. Sur ce je prie Dieu qu'il vous ayst, mon cousin, en sa sainte et digne garde. Escrit à Versailles le 16 juillet 1700. Louis. — Et, plus bas, Colbert.

Les clairistes de St-Joseph eurent encore à plaider contre les cordeliers, qui ne voulaient pas les souffrir si près de leur couvent; on transigea cependant, et elles construisirent un vaste bâtiment et une jolie église qui servent aujourd'hui d'hôpital à la ville. Leurs travaux, au moins, n'ont pas été perdus, et leur destination, pieuse et charitable, est encore en harmonie avec la vie sainte et acétique des fondatrices, et les sœurs de Ste-Marthe ne sont pas déplacées dans l'église où priaient autrefois les filles de Ste-Claire.

Aujourd'hui, Aurillac possède encore une communauté des religieuses de Ste-Claire, établie dans l'ancien enclos des Carmes, où elle s'occupe avec succès de l'éducation des jeunes demoiselles.


 NOTRE-DAME

En 1619 M. Robert de Senezergues, procureur du roi, d'accord avec les consuls, demanda, a la supérieure du monastère du Puy, des religieuses de Notre-Dame qui se consacrent à l'éducation des filles. Il fallut quelques années pour approprier les maisons que plusieurs habitants de la ville s'empressèrent de donner pour cet effet, et ce ne fut qu'en 1625 que le même Robert de Senezergues fut lui-même chercher au Puy les religieuses qui devaient former la nouvelle communauté d'Aurillac. Elles t'établirent au bas de la rue de Lacoste, dans une position centrale qui convenait parfaitement au but que l'on se proposait en les appelant à Aurillac.

Nos annales ne disent presque rien de ces dames, qui faisaient le bien sans bruit et sans ostentation. On remarqua seulement, en 1735, que leur nécrologe constatait le décès de 117 religieuses pendant le siècle qui s'était écoulé depuis leur arrivée à Aurillac. Leur église, commencée en 1726, d'après les plans, et sous la direction du père Montanhac, jésuite, fut achevée en 1728 et bénie le 7 août. Lors de la suppression des couvents, en 1792, elle fut d'abord fermée, puis elle devint le siége de l'assemblée populaire. Depuis le rétablissement du culte et la restauration du collège, dont l'église avait été transformée en salle de spectacle, l'église de l'ancien couvent de Notre-Dame est devenue un théâtre où des troupes nomades donnent, de temps à autre, quelques représentations.

Une partie de l'enclos de Notre-Dame, qui était autrefois très vaste, est occupé en ce moment par les dames de l'instruction de l'Enfant Jésus. Cette institution, fondée à Aurillac en 1804, par M Maisonobe et trois autres dames seulement, a pris, depuis quarante-six ans, une rapide extension, grâces au zèle, au talent et à, la direction éclairée qu'ont su lui donner ses trois supérieures, la fondatrice d'abord, puis mesdames Bouchy et Louise Maisonobe, qui lui ont succédé.

Outre un nombreux externat et un pensionnat des jeunes demoiselles parfaitement tenu et dont les succès, toujours croissants, attestent tout à la fois le zèle et l'habileté des maîtresses et l'application des élèves, la maison de l’Instruction, pour mieux répandre autour d'elle le bienfait d'une bonne et solide éducation, s'attache à former, pour les campagnes, de vertueuses institutrices. Le bien qu'elle fait sous ce rapport est immense; chaque année la commission d'examen, chargée de délivrer les brevets de capacité, se plaît à reconnaître et à récompenser le mérite et la solide instruction des jeunes aspirantes qui sortent de cette maison. Elle est, par le fait, une véritable école normale de filles.


 LA VISITATION.

Les religieuses de la Visitation vinrent de St-Flour à Aurillac en 1650, sous la conduite de Mme de Noailles, leur supérieure, proche parente de M. de Noailles, gouverneur de la province, et de M. de Noailles, successivement évêque de St-Flour et de Rodez. A cette époque, la ville avait besoin de protecteurs, elle avait besoin surtout de la protection de M. de Noailles; aussi, lorsqu'une personne de cette famille voulut fonder un établissement au haut de la rue du Collège, dans la maison occupée aujourd'hui par MM. les Missionnaires du diocèse, on ne put lui refuser ses demandes. On permit donc à Mme de Noailles de fermer une petite rue qui mettait en communication la place du Chapitre et la rue du Collège; il n'en reste, de nos jours, que le commencement, à droite de la maison de Mme de Sarrasin. En outre, il y avait alors une petite place appelée de Cajalar, au milieu de laquelle était planté un bel arbre entouré de bancs de pierres, qui faisaient, disent nos annales, les délices du quartier. Il fallut encore féderaux nouvelles religieuses une partie de cette place et abattre l'arbre séculaire, au grand regret de tous les voisins.

Cependant, les visitandines se trouvèrent trop à l'étroit bientôt dans leur première maison, et, dans le fait, elles y étaient bien plus resserrées que les trois autres couvents de femmes dont les clôtures, vastes et aérées, ne laissaient rien à désirer ni pour l’utilité, ni pour l'agrément. Elles achetèrent donc les prairies situées au-dessous de l'enclos des Carmes et y construisirent un vaste couvent, qu'elles furent habiter au mois de juillet 1688. Alors, par l'entremise de M. le marquis de Noailles, lieutenant du roi dans la province, elles firent écrire aux consuls de permettre l'établissement des Recollets dans la maison qu'elles venaient de quitter et dont lesdits pères recollets leur offraient 25,000 livres. Les consuls furent fort embarrassés, n'osant refuser leur consentement et ne se souciant pas cependant d'augmenter le nombre des maisons religieuses. Heureusement pour eux, l'évêque de St-Flour, l'abbé d’Aurillac, les cordeliers et les carmes firent, A ce projet, une opposition si vive et si constante, qu'il fallut l'abandonner.

Les visitandines restèrent dans leur nouveau couvent un peu plus d'un siècle; la Révolution les en chassa, et leur supérieure, M de Roche-Monteix, eut l'honneur d'être exposée au pilori sur la place d'Aurillac pendant ces temps de funeste mémoire. Aujourd'hui, leur immense enclos est divisé; le cloître sert de caserne, l'église et une partie des bâtiments est occupée par le dépôt des Haras, et les prairies inférieures ont été jointes à l'hôpital St-Joseph, ancienne demeure des religieuses de S,e-Claire.

Aurillac, cependant, possède encore des religieuses de la Visitation. Elles sont aussi venues de St-Flour se réunir à quatre anciennes religieuses de la maison dont nous venons de parler; elle ont acquis ce qui restait de l'ancienne abbaye du Buis, et, au moyen de constructions nouvelles, plus coûteuses que bien entendues, elles y ont ouvert un pensionnat de jeunes demoiselles nombreux et bien tenu.


 LE COLLÈGE DES JESUITES.

Le dernier jour du mois de janvier 1548, pardevant Capolet, notaire, dame Jchanne La Treilhe, veuve de feu Ferrando de Villeneuve, bourgeois d'Aurillac, fit donation de la moitié de tous ses biens meubles et immeubles pour l'établissement, à Aurillac, d'un collège dans lequel les enfants pauvres pussent être élevés, nourris et instruits.

Elle nommait curateurs de cet établissement messire Jehan de Veyre, prieur de Ginolhac, et Pierre de Combes, ses parents, et désignait, après leur mort, les deux premiers consuls de la ville, deux bailes de la communauté des prêtres de l'église Notre-Dame et son plus proche parent, pour former le conseil d'administration du collège à fonder.

Il paraît que cette donation de moitié biens, et la demande en partage qu'elle nécessita, donnèrent naissance à d'assez longs débats entre les administrateurs et les héritiers de MTM La Treilhe. Ils furent terminés par une transaction du 26 juillet 1566 entre Jean de Veyre, seigneur du Claux, bourgeois d'Aurillac, maîtres Pierre Bladanet et Guillaume Conthe, prêtres et bailes de la communauté, et honorables hommes maître Nicolas de Talon, docteur en médecine, et Bernard du Mas, seigneur de la Moretie, premier et second consuls, tous cinq agissant comme administrateurs, d'une part; et sire Jean Martin, seigneur de Senhalac, habitant du Mur-de-Barrès, héritier pour moitié, et la famille Caldaguès, héritière de l'autre moitié, d'autre part. Par cet acte le domaine de Besse, paroisse d'Ytrac, divers héritages des affars du Mayniel et Delolm, ainsi qu'environ dix-huit cents livre' de créances furent attribués au collège. Cette donation et plusieurs autre, qu’il serait trop long d'énumérer ici, permirent enfin aux consuls de s'occuper de l'érection d'un collège à Aurillac.

En 1617 on commença à s'en occuper sérieusement; mais, comme il fallait le consentement d'un grand nombre de personnes, ce ne fut que dans le courant de 1818 que l'on convint de confier la direction du collège aux pères de la compagnie de Jésus. M. de Senczergues, premier consul et procureur du roi; M. Molé, avocat et syndic, et M. François Maynard, président, furent chargés de s'aboucher avec les R. P. Dandin, visiteur; Savy, provincial, et Auzorme; et, le 19 février 1619, ils passèrent avec eux un accord à Toulouse, par lequel la ville s'obligeait à construire le bâtiment et à le doter de 3,000 liv. de revenu, et les pères, de leur côté, s'obligeaient à y tenir un personnel suffisant pour cinq classes.

A peine installés, les jésuites, comme les autres religieux de la ville, payèrent leur bien-venue par le sacrifice de leur vie. En 1628 le père Jean-François mourut de la maladie contagieuse dont il avait été atteint en prodiguant ses soins aux malades et aux mourants; le père Clavel, qui en fut aussi atteint,.en échappa comme par miracle.

En 1688 le corps-de-ville arrêta une imposition extraordinaire de 20,000 liv. sur toute l'élection pour la construction du grand bâtiment du collège. On supprima trois petites rues qui traversaient l'enclos actuel et l'on acquit, pour faire l'église, un jeu de paume attenant aux dépendances de l'hôtel du commandeur de Carlat.

Le collège d'Aurillac était vaste, bien aéré, et certainement un des plus beaux qu'il y eut à cette époque. Nous l'avons heureusement conservé dans son entier, et c'est, sans contredit, le plus beau monument de la ville. Les pères jésuites l'ont tenu pendant cent quarante-deux ans, jusqu'à l'époque de leur bannissement, en 4762. Pendant tout ce temps, il fut fréquenté par un nombre considérable d'écoliers, accourus tant des prévôtés d'Aurillac et Maurs que des provinces voisines. Aussi était-il devenu riche ; le domaine de Cologne avait été joint à celui du Besse. Demoiselle Dauphine de Monjuou, femme du Sr Boissière de Layniac, avait donné au collège les domaines qu'elle possédait à Layniac et à Marcolès. Il avait aussi acquis le domaine de Frauziol. Il possédait plusieurs héritages particuliers à Pers, à la Trémolière, à la Ségalassière ; des maisons et des boutiques à Aurillac. On y avait uni le prieuré de Drugeac et les chapellenies de Carlat, la prébende préceptoriale de l'abbaye St-Géraud et une autre de l'église Notre-Dame d'Aurillac. Aussi, de cinq classes seulement qu'il avait en 1620, on était parvenu à compléter le cours entier des études.

Les jésuites ne se bornaient pas à enseigner dans leurs classes; ils fournissaient aux consuls de bons prédicateurs, et, pour conserver et entretenir l'esprit religieux dans toutes les classes de la société, ils avaient établi à Aurillac quatre congrégations : celle des messieurs, celle des artisans, la congrégation des filles de Ste-Agnès et celle des filles des artisans, et les dirigeaient toutes les quatre.

La congrégation des filles de S1e-Agnès, fondée à Aurillac au XVI° siècle par les R. P. du collège, et peu après instituée aussi par eux à St-Flour, fut approuvée par un bref de Clément XI en date du 30 septembre 1707, et s'étendit bientôt dans tout le diocèse de St-Flour. Elle a survécu, a Aurillac, aux pères qui l'avaient fondée, et se conserve encore, en dépit de toutes les révolutions qui ont agite la France depuis sa création. Peut-être que ces filles, simples et pieuses, ne savent pas que leur société, à Aurillac, a été la mère et le modèle de toutes celles qui se sont formées depuis dans le diocèse et ailleurs; mais, nous avons pensé qu'il était juste de ne pas oublier cette institution primitive dans la nomenclature de toutes les bonnes œuvres que notre ville a vu naître ou se développer. Le 3 mars 1764 le roi fit un règlement pour l'administration du collège d'Aurillac qui porte:

« Article 2. — Ledit collège sera composé d'un principal, d'un sous-principal, » de deux professeurs de philosophie, d'un professeur de rhétorique et de cinq » régents pour les seconde, troisième, quatrième, cinquième et sixième classes.

» Article 4. — Les honoraires du principal seront et demeureront fixés à la » somme de 600 liv., ceux du sous-principal à celle de 500 liv., ceux des deux » professeurs de philosophie et de celui de rhétorique à 600 liv, ceux du régent de troisième à 540 liv., ceux des régents de quatrième et de cinquième à 480 liv., et ceux du régent de sixième à 400 liv., le tout par chacun an.

» Article 5. — Voulons toutefois qu'il soit sursis à remplir les places de sous» principal, des deux professeurs de philosophie et du régent de sixième, jusqu'à ce que les revenus dudit collège puissent le permettre; ce qui pourra être ordonné successivement au fur et à mesure de leur augmentation, et par délibération du bureau d'administration dudit collège, et après qu'elle aura été homologuée en notre cour de parlement, à la requête de notre procureur-général et sans frais.

Les consuls n'avaient pas attendu ce règlement pour pourvoir, autant qu'il était en eux, aux besoins des élèves. Par délibération du 22 juin 1762, ils avaient nommé cinq professeurs ecclésiastiques, savoir : M. Picard pour la rhétorique, aux appointements de 300 liv. ; M. Lacoste pour la seconde, à 270 liv. ; M. Lathelise pour la troisième, à 250 liv.; M. Salarnier pour la quatrième, à 240 liv., et M. Espinadel pour la cinquième, à 240 liv. De plus, moyennant 60 liv., les pères cordeliers se chargeaient de la philosophie, et le portier et le sonneur coûtaient 40 liv. Ainsi, au lieu de 600 liv. qu'ils donnaient aux jésuites, il fallait en dépenser 1,400.

Le 15 octobre suivant, dans une nouvelle délibération, on convint de placer au collège un professeur de philosophie aux appointements de 600 liv., et un correcteur qui devait être payé sur les revenus du collège, on ne dit pas à quel taux.

Tous ces ecclésiastiques étaient dignes et capables; de nombreux écoliers fréquentaient le collège, et les administrateurs, par la confiscation des biens des jésuites, se virent bientôt en état d'autoriser l'ouverture d'un pensionnat. Mais, hélas! Moins de dix ans après l'installation du nouveau personnel du collège, Aurillac n'avait plus ses consuls, ses anciennes franchises municipales n'avaient pas été plus respectées que les libertés de l'Eglise; et, vingt ans plus tard, le nouveau collège était fermé, ses immeubles saisis et vendus, son mobilier dispersé, et la riche bibliothèque des jésuites servait à faire des cartouches.

Nouvelle preuve a l'appui d'une observation que j'ai déjà faite plus haut. Un abus de pouvoir est la source de plusieurs autres, une injustice soufferte en légitime de nouvelles; si l'on ne veut pas en être un jour victime soi-même, il faut vouloir la justice pour tous.


 LES HOPITAUX.

L'article 9 de la sentence d'Eustache de Beaumarchais, de l'année 1280, contient ce qui suit:

Seront aussi exempts de la taille ceux qui, jusqu'au nombre de trois, se sont dévoués au service des pauvres dans l'hôpital St-Géraud, siz devant le monastère, pourvu qu'ils aient pris l'habit dudit hôpital, qu'ils servent les pauvres depuis un an entier et qu'ils aient réellement donné audit hôpital leurs personnes et leurs biens.

Il y avait donc dès-lors, et probablement depuis bien longtemps, un hôpital St-Géraud devant le monastère de ce nom. Cela se conçoit, les abbayes recevaient anciennement et hébergeaient tous les pèlerins qui venaient les visiter. Leurs revenus, souvent très considérables, devaient être consacrés, en grande partie, suivant l'intention des donateurs et les décisions des Canons, à secourir les pauvres et les malades. Le codicile de saint Géraud énonce formellement sa volonté à cet égard et in substantiam pauperum. Aussi, parmi les dignitaires de l'abbaye voyons nous figurer constamment l'hôtelier et l'aumônier. Il y avait donc un hospice attaché au monastère St-Géraud, probablement depuis sa fondation, et un aumônier qui distribuait régulièrement ses aumônes dans une petite place attenant à la rue du Buis, sur laquelle on a bâti depuis, mais où se trouvait la fontaine qui porte encore aujourd'hui le nom de fontaine de l'Aumône.

Guillaume d'Auvergne, dont nous avons déjà parlé, évêque de Paris de 1228 à 1248, fonda à Aurillac un second hospice sous le nom d'Hôpital de la Trinité; il devait être placé sur l'emplacement actuel du foiral, proche des Cordeliers, puisqu'en septembre 1775 il fut fait un échange, entre la ville et l'Hôtel-Dieu, des prés de la Bombe et de la Trinité, que les administrateurs de cet hospice cédèrent à la ville pour l'établissement du foiral, en retour de sept œuvres un quart des Prades, aujourd'hui les prairies d'Orinières, et d'une soulte de 3,450 liv. argent.

Plus tard, ainsi que nous l'avons déjà dit, Guillaume Beaufeti, aussi évêque de Paris, fondait, à la porte du Buis, l'hôpital St-Jean, après en avoir obtenu l'autorisation par une bulle du pape Jean XXII de l'année 1519. M. Baulhac, qui a vu cette bulle mentionnée dans un ancien répertoire de l'hospice, dit que le fondateur y est appelé Guillaume d'Orilhac. Son nom véritable était Beaufeti. Il était né à Veyrac, paroisse d’Aurillac, et nous avons de lui une lettre qu'il m'a été impossible, à mon grand regret, de déchiffrer en entier. En voici du moins le commencement, il est curieux:

« Aux vénérables et discrets personnages, ses amis intimes, les consuls de la ville d'Aurillac, Guillaume, par la permission divine, promu, quoiqu'indigne, à l'évêché de Paris, salut, en celui qui est le salut véritable et affection sincère.

Il est d'usage que celui qui a besoin d'aide et de conseils, recoure à ceux en qui il espère fermement trouver secours et protection; voilà pourquoi nous qui sommes sans appui et qui avons besoin de bons conseillers, nous avons pensé qu'il fallait nous adresser à vous, chez qui nous savons devoir trouver ce qui nous manque.

Vous saurez donc que, depuis notre élection à l'évêché de Paris, nous avons vécu sur la bourse de quelques marchands de nos amis, et cependant il nous a  fallu faire de grandes dépenses pour l'expédition de notre affaire, pour envoyer en divers lieux des lettres à des personnes d'une grande autorité et recevoir leurs réponses, d'abord pour faire confirmer l'élection et ensuite pour notre  sacre. Comme aussi pour notre installation dans notre église, pour les ornements de notre chapelle, pour l'ameublement de notre maison, pour les chevaux et leur  harnachement, pour nos habits, ceux de nos domestiques et de toute notre  maison; or, en vertu de son droit de régale, le roi a reçu lui tous nos revenus.

Nous vous prions donc, de tout notre cœur, de vouloir bien, en votre nom et comme pour vous-mêmes, engager les bourgeois d'Aurillac ou les plus riches d'entre eux à nous prêter ou faire prêter, avant la Noël prochaine, une somme de deux mille livres. S'ils veulent bien le faire, veuillez nous la faire parvenir a Paris, avant ladite fête. Quant aux sûretés que vous pourrez désirer, nous vous les donnerons telles que vous les voudrez, chargeant de tous nos pouvoirs à cet égard Pierre Bourgeois et Guillaume Vaureilles, etc. Le reste est entièrement effacé, à l'exception de quelques mots sans suite.

Il est à présumer que nos consuls ne furent pas sourds a cette prière, puisqu'ils ont précieusement conservé pendant cinq cents ans la lettre de Guillaume Beaufeti, et peut-être voulut-il, de son côté, prouver sa reconnaissance en fondant un nouvel hospice dans la ville d'Aurillac, à l'instar de son prédécesseur.

Quoiqu'il en soit, l'exemple donné par ces deux évêques porta ses fruits, et engagea d'autres personnes pieuses et charitables à faire de nouveaux dons en faveur des pauvres. En 1373 une bulle de Grégoire XI autorisa la réunion de l'hospice de la Trinité et de l'hospice St-Jean, et, en unissant leurs ressources, on fonda une nouvelle maison des pauvres dans la rue St-Jacques. Les protestants n'épargnèrent pas plus cette maison que les églises et les couvents; ils la détruisirent en 1569, et, comme le mal bientôt commis est toujours difficile à réparer, il s'écoula quatre-vingts ans avant que les pauvres d'Aurillac pussent avoir un nouvel asile Ce ne fut qu'en 1649 que, par la généreuse intervention de MM. Gourlat, prêtre, et Bru, bourgeois, et grâce aux nombreuses souscriptions que l'on fit dans toute la ville, on put édifier enfin le bâtiment qu'on appelle aujourd'hui l'Hopital-Vicux.

Depuis la Révolution, les hospices ont profité d'une partie des biens ecclésiastiques non vendus. Celui d'Aurillac a été transféré dans le couvent des religieuses de Ste-Claire, ainsi que nous l'avons déjà dit. Mais, nous ne devons pas oublier les anciens bienfaiteurs de notre vieux hôpital : François Chanut, le dernier descendant d'une famille souvent honorée du consulat, qui lui avait légué, en 4663, son domaine de Cuelhes, et Raymond Casses qui lui légua, en 1676, un domaine dans la paroisse de Giou. Noue n'oublierons pas, non plus, M. le comte Charles de Beauclair qui, par testament déposé à Me Charmes, notaire, le 1er mars 1817, a légué trois beaux domaines à notre nouvel hospice.

Du reste, pour être juste envers tous, nous croyons devoir insérer ici la liste des bienfaiteurs de l'hospice, telle qu'elle a été publiée par M. Gkognieb en 1847.

Bienfaiteurs de l'EIegjpice d'Aurillac.

1° Année 1280. Mme Eustache de Beaumarchais, d'Aurillac, rente en faveur des pauvres;

2° 1373. Mme Raimond de Grisac, d'Aurillac, une maison à Aurillac;

3° 1377. Le pape Grégoire XI, de Rome, 500 florins;

4° 3 septembre 1535. M. Cabrol, d'Aurillac, deux prés à Arpajon;

5° 1649. Les habitants d'Aurillac, MM. Gourlat, prêtre, et Bru, bourgeois, d'Aurillac. Au moyen des dons des habitants d'Aurillac et par les soins de MM. Gourlat, prêtre, et Bru, bourgeois, de la même ville, l'hôpital, détruit en 1569 par les religionnaires, commença, en 1649, à être rétabli sur le même emplacement qu'il occupait;

6° 1630. M. Gourlat, prêtre, d'Aurillac. (M. Gourlat, prêtre, fonda deux chapelains pour desservir l'hôpital);

7° 14 juin 1663. M. François Chanut, avocat, d'Aurillac, le domaine de Cuelhes;

8° 16 mai 1666. M. Bernard Lamargié, 100 liv.;

9° 19 mai 1666. M. François Fortet, archi-prêtre et official de l'évêque de St-Flour, 300 liv.;

10° 30 décembre 1675. M. Raimond Casses, bourgeois, d'Aurillac, le domaine de Casses;

H» 1681. M. Paul Verdier, d'Aurillac, 500 liv.;

12° 26 mars 1693. Demoiselle Catherine Constans, d'Aurillac, une chambre; 13° 15 décembre 1696. Demoiselle Marie Legendre, d'Aurillac, rente de 165 liv. 19 s. 6 d.;

14° 10 juillet 1705. M. Roudier, prêtre, d'Aurillac, une maison et deux jardins; 15° 8 janvier 1710. M. François de Senezergues, médecin, d'Aurillac, 4,800 liv.; 16° 14 décembre 1714. M. Puech, de St-Saury, le domaine de la Serre; 17° 26 novembre 1719. Demoiselle Fournier, d'Aurillac, deux boutiques; 18° 1er janvier 1730. M. Caumeil, curé de Maurs, une maison à Aurillac; 19° 9 septembre 1740. Demoiselle Podevigne, d'Aurillac, une maison à Aurillac;

20° 1747. M. Nicolas d'Orinière, d'Aurillac, rente de 500 liv.; 21° 5 juin 1747. M. François Dclorme, d'Aurillac, rente de 500 liv; 22° 8 novembre 1749. M. Delort, d'Aurillac, rente de 325 liv.; 23° 1er juillet 1751. M. Pierre Lacarrière, prêtre, d'Aurillac, rente . capital 2,464 liv.;

2-4° 17 juillet 1754. Demoiselle Marie Degoutte, d'Aurillac, 200 liv.; 25° 31décembre 1774. M. Pierre de Cambefort, prieur de Jussac, d'Aurillac, 3,000 liv.;

26» 24 août 1775. Dame Christine Lescure, veuve d'Aguzon, d'Aurillac, 5,000 liv.;

I

27° 11 juillet 1780. M. Basile Delsol, conseiller du roi, d'Aurillac, 2,000 liv.;

28° 1785. M. Jean Pradenhes, propriétaire, d'Aurillac, 1,000 liv.;

29° 7 juillet 1786. M. François Houades, d'Aurillac, 5,000 liv.;

30° 7 avril 1788. M. Pierre Lagout, de St-Cernin, 300 liv.;

31° 3 novembre 1803. M. Etienne Lolier, curé d'Aurillac, 1,097 liv. 16 sous;

32» 26 avril 1805. M. Dusseaux, médecin, d'Aurillac, 300 fr.;

33° 22 mars 1806. Dame Marguerite Laclède, épouse de M. Pierre Puech, d'Aurillac, 200 fr.;

34° Dame veuve Cortès, née Crozet-Laplaze, d'Aurillac, 50 fr.;

35° 17 mai 1808. M. Charles Vidal, prêtre, d'Aurillac, 100 fr;

56° 23 mars 1809. M. François Charmés, notaire, d'Aurillac, 300 fr.;

37° M. Pierre Montal, d'Aurillac, 150 fr.;

38° 26 décembre 1810. Dame Cabrespine, épouse Textoris, marchand, d'Aurillac, 600 fr.; -39° M. le chevalier Joseph de Lagarde, d'Aurillac;

40° 1811. Dame Anne Barricr, épouse de M. Charmes, notaire, d'Aurillac, 250f.;

41° 14 mai 1811. M. Pierre Souniac, d'Aurillac, un tiers de pré à Giou;

42° 2 octobre 1812. Dame Guiennot, veuve de M. Perret, magistrat, d'Aurillac, 300 fr.;

43° 15 mars 1813. M. Chapsal, curé de Moissac, 300 fr.;

44° 1814. M. Joseph Ferluc, homme de loi, d'Aurillac, 200 fr;

45° 12 février 1816. M. Daudé, lieutenant au 36e de ligne, d'Aurillac, 200fr.;

46° 31 mars 1816. M. Pautard, orfèvre, d'Aurillac, 400 fr.;

47° 12 février 1816. Marie Escarpit, veuve Lacassagnc, d'Aurillac;

48° 7 septembre 1816. Dame Mabit, veuve Roques, d'Aurillac, 1,400 fr.;

49° Dame Contuiïe, veuve Maury, d'Aurillac, 300 fr.;

50° Anne Rouget, célibataire, d'Aurillac, 326 fr.;

51° M. Antoine Fel, célibataire, de Pers, 200 fr.;

S2° 11 novembre 1816. Marie Delmas, célibataire, d'Aurillac, 300 fr.;

53° 14 décembre 1816. M. le comte Charles de Beauclair, d'Aurillac, trois domaines, Lasbarthes, la Bonnetie et Espalivet, situés dans la commune de PaiJherols;

54° M. Guillaume Cheylus, prêtre, de St-Cirgues-de-Jordane, 10>0 fr.; 55° 16 juillet 1818. Demoiselle Anne Laveissière, de St-Cirgues-de-Jordane, 100 fr.;

56° 1er août 1818. M. Dommergues, prêtre, 150 fr.;

57° 7 juin 1819. Dame Marie-Jeanne Besombes, d'Aurillac, 300 fr.;

58° 10 mars 1820. M. Joseph Souniac, prêtre, d'Aurillac, 300 fr.;

59° 23 novembre 1822. Demoiselle Marie Courbaize, d'Aurillac, 400 fr.;

60° 10 j^in 1824. Dame veuve Vaurs, d'Arpajon, 535 fr.;

61° 20 octobre 1824. M. Jean Manhes, tailleur, d'Aurillac, 300 fr-;

62° 13 décembre 1824. M. Puech, avocat, ancien président du tribunal de commerce d'Aurillac, 300 fr.;

63° 8 septembre 1825. M. Claux, ancien magistrat, d'Aurillac, un domaine, Puechmaige, situé dans la commune de St-Cernin;

64° 23 octobre 1825. Dame Debons, supérieure de l'hospice d'Àurillac, 372 fr.,

65° 10 février 1827. M. Jean Delrieu, propriétaire, d'Aurillac, 600 fr.;

66° 25 septembre 1827. M. Antoine Chinchon, de Jaleyrac, 200 fr.;

67° 2 avril 1830. M. Antoine Delzongles, prêtre, d'Aurillac, 600 fr.;

68° 27 avril 1830. Dame Catherine Cavalhac, veuve Lacombe, d'Aurillac, 300 fr.;

69° 30 janvier 1831. Dames Grassal et Viallanes, d'Aurillac, 2,000 fr.;

70° .30 décembre 1831. Dame Cantuel, veuve Latapie, d'Aurillac, 100 fr.;

71° 30 décembre 1831. M. Meallet, chevalier de Cours, d'Aurillac, 25,000 fr.,

72° lerjuin 1833. M. François Geneste, chirurgien à Lisbonne, d'Aurillac, 6,000 fr.;

73° 6 avril 1835. Dame Reyt, veuve Pelet, avoué, d'Aurillac, 600fr.;

74° 10 juin 1835. Dame Jeanne Lestrade, veuve Salgues, d'Aurillac, 300 fr.,

75° 4 janvier 1836. M. Ladurantie, prêtre, d'Aurillac, 300 fr.;

76° 22 octobre 1837. M. Claude Bernard, négociant, d'Aurillac, 100 fr.;

77° 4 juillet 1838. M. le comte de St-Martial-de-Conros, d'Aurillac, 10,000 fr.,

78° 12 mai 1841. M. Antoine Lachaux, d'Arpajon, 50fr.; »

79° 4 août 1841. Dame veuve Labro, née Descaffre, d'Aurillac, 200 fr.;

80° 10 janvier 1843. M. Esquirou-Lavignac, ancien maire d'Aurillac, 100,000fr. Le legs de M. Lavignac se composa de biens mobiliers et immobiliers; la valeur en a été approximativement fixée;

81° 23 février 1843. M. Bernard Boudet, notaire à Aurillac, 200 fr.;

82° 23 juin 1843. M! l'abbé Vergnes-de-Bossac, d'Aurillac, 12,000fr.;

83° 29 juillet 1844. M. Bourgeade, négociant, d'Aurillac, 300 fr.

Aurillac, te 22 janvier 1847.

CERTIFIÉ EXACT:

Le Maire, Président de la Commission de l'Hospice.

Y-F. QBOCtariER.


 LA CHAPELLE D'AURENQUE

Dans la nuit du 4 au 5 août 1581 les protestants, réunis en armes au Mur-de-Barrès, tentèrent, bien qu'en pleine paix, de s'emparer de nouveau de la ville d'Aurillac. A l'aide de deux échelles, un certain nombre d'entre eux étaient déjà sur les murailles, et leur trompette criait - Victoire. La sentinelle de la tour Malras avait été tuée et l'ennemi, se dirigeant le long du rempart vers la porte d'Aurenque, croyait aussi surprendre le factionnaire qui veillait à la tour Seyrac; mais, il avait entendu du bruit, donné l'alarme et défendit courageusement son poste. Voyant qu'ils ne pouvaient pénétrer dans la tour, les protestants descendirent, par. le toit, dans une maison qui en était proche. Mais, les habitants d'Aurillac accouraient en foule et entrèrent avec eux dans la maison. Tandis que l'on combattait avec acharnement dans les chambres hautes, quelqu'un eut l'idée de mettre le feu à une écurie attenant à cette maison. Le feu la gagna en un instant et Confondit, dans un même désastre, amis et ennemis.

Sept de nos compatriotes perdirent la vie dans cette nuit malheureuse. Guy de Veyre et Pierre Moles, bourgeois; Me Pierre Combes, notaire ; Guillaume Maurie, pelletier; Laurens Guiral, praticien; Jean Laparra, cordonnier, et Jacques Lagarde, maréchal.

Les protestants s'enfuirent, abandonnant échelles et trompette.

En action de grâces de cette délivrance de la ville, il fut résolu, le 22 du même mois, dans une assemblée générale du corps-de-ville, 1° que chaque année, le 6 août, il serait fait une procession générale où assisteraient les chanoines de l'église St-Géraud, les prêtres de l'église Notre-Dame d'Orlhac, les religieux de St-Françcis et les carmes; les religieuses de St-Jean-du-Buis, les consuls, magistrats et habitants de la ville; les bailes des confréries avec leurs torches et armoiries; en un mot tous les corps de la ville, car les trois autres couvents de religieuses n'ont été fondés que plus tard;

2° Qu'au-dessous de la tour Seyrac, et à l'endroit où l'on avait combattu, il serait construit une chapelle où chaque dimanche on célébrerait la messe pour remercier Dieu, la sainte Vierge et saint Géraud de la protection qu'ils avaient accordée à la ville et pour le repos des âmes de ceux qui avaient péri en combattant;

3° Que le 6 août il serait chanté, à perpétuité, dans l'église St-Géraud, une messe solennelle de Requiem pour le repos des âmes de ceux qui étaient morts pour la défense de la ville, et que ce jour serait observé comme jour de dimanche par tous les habitants jusqu'après la fin de l'office;

4° Qu'enfin la trompette abandonnée par les protestants serait conservée à la maison commune avec une inscription rappelant l'origine de ce trophée et les noms des victimes.

Ce vœu a été rempli. La chapelle d'Aurenque, que nous possédons encore, a été construite sur le lieu même où se sont passés les événements que nous venons de rapporter. La trompette des protestants est encore à la bibliothèque de la commune, et, lors de la dernière restauration de la chapelle, par les soins éclairés de M. Grognieb, ancien maire, les noms des défenseurs de la ville ont été rétablis sur les murs, en face de l'autel.

On peut voir encore, avec intérêt, dans la chapelle d'Aurenque, trois tableaux qui représentent le combat, l'embrasement et la procession. Nous ne les recommandons pas comme peinture, ce serait une dérision, mais à cause des costume» et de la couleur locale.

Guy de Veyre, qui périt le 5 août, était frère du premier consul, capitaine de son-quartier, et fiancé, dit-on, avec une demoiselle de Cayrol; au milieu des débris calcinés de ses camarades et des ennemis, on ne le reconnut qu'à une bague que lui avait donnée sa fiancée. Il y a peu d'années encore, qu'au-dessus de l'ogive de la chapelle du Sacré-Cœur, au Monastère, on voyait un écu contenant une main d'homme. Une vieille tradition, que je ne garantis pas, assure que M"e de Cayrol, fidèle à son fiancé, ne voulut jamais se marier, qu'elle fit réparer cette chapelle et graver sur la pierre la main qui lui avait servi à reconnaître les restes de Guy tic Veyre. Voilà le sujet d'une légende intéressante.

Je regrette que cette pierre n'ait pas été respectée ; vraie ou non, cette tradition avait quelque chose de respectable, et, nous sommes si pauvres sous ce rapport, qu'un souvenir touchant méritait plus d'égards.

Mgr De Mabgieryf. a rétabli, depuis quelques années, la procession du 5 août, et, à cette occasion, Mgi; Bertaud, évêque de Tulle, dans une improvisation vive, animée, ardente, pleine de mots heureux, d'expressions hardies, de métaphores inattendues, d'un luxe de poésie qui n'appartient qu'à lui seul, a rappelé les motifs patriotiques et chrétiens qui avaient porté nos pères à l'instituer. C'était la première fois que Mgr de Tulle se faisait entendre à Aurillac; il nous donna à tous une haute idée de son rare talent.


 NOTRE-DAME DU BON-SECOURS.

Le 11 décembre 1762 les habitants du faubourg St-Marcel demandent au conseil l'autorisation de construire, hors du mur de ville, une chapelle sous l'invocation de Notre-Dame du Bon-Secours. Cette autorisation leur fut accordée le 12 février 1763; on leur permit d'ouvrir le mur de ville, et on leur abandonna les pierres qui restaient encore de la démolition de la porte des Fargues.

La chapelle de Notre-Dame du Bon-Secours fut donc construite au bas du Gravier, touchant la grille qui fermait l'allée de M. d'Orinière, aujourd'hui de M. lldefonse Charmes, notaire. Elle était fort commode pour ce quartier et pour les promeneurs qui ne manquaient pas le soir d'y aller faire leurs prières. Les murs sont encore debout; mais elle sert maintenant de remise à l'hôtel St-Pierre, du sieur Alaux. .


 CHATEAU ET ÉGLISE ST-ETIENNE.

Cet ancien édifice, qui domine la ville d'Aurillac, est composé en ce moment de plusieurs bâtiments irréguliers de diverses époques. La tour carrée elle-même porte encore les traces de plusieurs constructions d'âges différents.

Des fondations, à la hauteur de cinq mètres environ, on peut reconnaître les restes de l'édifice primitif en pierres brutes, ou du moins le cachet du XI° siècle. Le premier et le second étage semblent accuser le XIII° siècle, et l'on peut supposer qu'ils ont été rebâtis après que la révolte armée des habitants d'Aurillac contre leur abbé eut été apaisée. Enfin, le sommet de la tour, bien qu'abaissée aujourd'hui, laisse soupçonner une réparation postérieure aux guerres de religion du XVI° siècle ou de cette époque.

La chapelle ou l'église du château, que nous avons eu la douleur de voir détruire de nos jours, était, avant la Révolution, une paroisse sous l'invocation de saint Etienne. C'était un joli morceau d'architecture gothique. Elle communiquait au château par un passage voûté qui existe encore. En 1568 la crainte des protestants avait fait murer la grande porte du château et l'on n'y arrivait que par ce passage.

Les abbés d'Aurillac résidaient souvent au château de St-Etieune ; ils y entretenaient un capitaine et une petite garnison. N.-Pierre de Selves, damoiseau, seigneur de St-Victor, était châtelain de St-Etienne en 1347; Nicolas Bombardel l'était en 1425, et Juan Bombardel en 1467 ; Blaise de Carrière en 1568 et 1589; c'était un officier distingué de la maison de Chavagnac. François de La Grange était capitaine du château de St-Etienne en 1659, et Jacques de Montal, sieur de Salvagnac, le remplaçait en 1660; enfin, en 1704, cette charge était confiée à Charles de St-Gille.

M. Beynaguet, dernier prieur ou curé de St-Etienne, a légué, au collège d'Aurillac, une rente annuelle de 15 francs pour une médaille d'argent qui s'accorde chaque année au meilleur discours latin fait par les élèves des hautes classes.

En 1791 la municipalité d'Aurillac vendit le château et la chapelle de St-Etienne à Mme de Fontanges de Velzic. Ils étaient devenus la propriété de Mgr de Marguerye, évêque de St-Flour, qui y avait placé les missionnaires du département pour s'y reposer pendant quelques semaines des fatigues de leur ministère. Mais, la ville d'Aurillac vient de racheter tout cet enclos ; il est occupé en ce moment par l'école normale primaire du département, confiée à la direction éclairée des Frères de la Doctrine chrétienne. Cette école contient vingt-cinq élèves-maîtres, séparés en trois divisions. Le cours entier des études y est suivi avec succès, et les élèves peuvent profiter à la fois et des leçons et des bons exemples que les dignes frères leur donnent tous les jours, en s'oubliant eux-mêmes et se sacrifiant pour l'accomplissement de leur sainte mission.

La vue dont on jouit de la terrasse du château est délicieuse : c'est un panorama vivant et varié, comme on n'en trouve que dans les pays de montagne. Le bâti-» ment, en lui-même, n"a rien de remarquable; mais, quand on ouvre les portes qui font communiquer ensemble quatre grandes pièces flanquées d'une élégante tourelle à chaque extrémité, le contraste que présente, d'un côté, la vue des hautes montagnes de la chaîne du Cantal, et, de l'autre, la riche plaine qui s'étend au dessous d'Aurillac est d'un effet vraiment magique. La ville d'Aurillac déploie au-dessous du château tous ses bâtiments, un peu trop uniformes, il est vrai; mais, vue de haut et encadrée par de beaux arbres, une rivière au cours capricieux, plusieurs canaux et de riches prairies, le tableau n'est pas sans grâce et sans beauté.

RECLUSERIE8.

Il y avait autrefois, hors de la porte d'Aurenque, et probablement sur le coteau entre cette porte et St-Etienne, deux recluseries, l'une supérieure et l'autre inférieure. Nous manquons de détails sur l'origine et la destination de ces établissements, qui devaient être, selon toute apparence, des hermitages ou des cellules dans lesquelles les personnes qui voulaient se consacrer à Dieu d'une manière plu particulière se renfermaient et quelquefois se faisaient murer, ne laissant qu’une lucarne pour recevoir l'air et la nourriture. Aussi ne puis-je que constater le fait que l'existence de ces recluseries, souvent mentionnées dans nos anciens titres, et laisser à de plus heureux que moi le soin de rechercher ce qu'elles ont été.


ORIGINE DU CONSULAT.

La ville d'Aurillac a joui, pendant plusieurs siècles, d'un consulat, dont les attributions étaient fort étendues, et de franchises telles qu'elles constituaient une sorte de république au milieu de la France. Nous allons en parler mais, ici se présente une question fort grave : A quelle époque remonte ce consulat?

Pour répondre d'une manière certaine à cette question, il faudrait connaître au juste quelle était la constitution des Gaules avant l'invasion, où, si on le préfère, la conquête romaine. Les Gaulois, divisés en différents peuples et plusieurs grandes fédérations, avaient des lois et des constitutions qui pouvaient différer, en quelques points, mais qui cependant avaient, chez toutes les familles celtiques, une origine commune et un air de famille qu'il est aisé de reconnaître dans César et dans Tacite. Chez tous ces petits peuples il y avait deux classes : les chefs et les soldats; mais, chez ces deux classes, liées entre elles par des devoirs et des intérêts mutuels, dominait un sentiment élevé de la dignité personnelle, de la liberté de l'homme. On laissait volontiers les chefs discuter et décider les affaires minimes; mais, s'agissait-il d'un intérêt majeur, tous voulaient donner leur avis; de minoribus principes consultant, de majorilnis omnes. Les soldats ne survivaient jamais à leur chef; mais, ils l'avaient choisi eux-mêmes, et se réservaient le droit de le quitter, s'il ne leur convenait pas : duces ex virtute sumunt; et, cette indépendance de l'homme était tellement dans les mœurs celtiques, qu'elle s'est perpétuée sous le régime féodal, pendant lequel tout vassal, en abandonnant son fief, pouvait recouvrer sa liberté première. (Qui fief nie ou fief rogne, fief perd. — Etablissements de St-Louis.) *

Le lien qui unissait les chefs et les soldats était donc purement volontaire, basé sur une confiance mutuelle, sur une réciprocité d'égards et de sacrifices; les soldats vivaient aux dépens du chef, partageaient avec lui tout ce qu'il possédait: Ils règnent avec lui, dit César, mangent de ce qu'on sert sur sa table, usent de ses vêtements, mais aussi ils meurent avec lui, et il n'y a pas d'exemple qu'aucun d'eux ait reculé devant la mort qui les menaçait ensemble.

Outre ces deux classes d'hommes distingués, il y en avait deux autres, moins considérées sans doute, mais cependant plus heureuses, en Auvergne, chez un peuple simple et dont les mœurs étaient pures, que partout ailleurs : les colons, libres, et qui pouvaient être propriétaires. Sidoine s'exprime ainsi, en parlant d'un émigrant auvergnat : « L'Auvergne est la patrie d'Amantius : ses parents, sans être d'une origine distinguée, sont d'une condition libre ; s'ils ne peuvent étaler » des ancêtres illustres, ils ne craignent pas, du moins, qu'on leur en trouve qui » aient passé par quelque servitude. » Et plus, loin, il décrit leur petit patrimoine.

Outre cette nombreuse classe d'hommes libres, il y avait celle des esclaves qui se composait probablement des prisonniers de guerre, ou de ceux à qui, quelque faute ou la passion du jeu, avaient fait perdre leur liberté. Mais, dit Tacite, ils faisaient, en quelque sorte, partie de la famille et étaient traités avec beaucoup de douceur.

M. de Châteaubriant dit, à ce sujet, dans ses Etudes historiques, vol. 3, p. 28: « L'esclavage était de droit commun chez les Romains comme chez les Barbares,  mais beaucoup plus doux chez ces derniers. La conquête ne changea rien à cet  état de choses; ceux qui étaient libres restèrent libres, ceux qui étaient esclaves  restèrent esclaves. »

Voilà donc les quatre éléments de la société gauloise. Or, il est évident qu'elle reposait sur le triple principe de l'association, de l'élection, de la délibération en commun, au moins des trois classes libres. Les Commentaires de César le prouvent à chaque page, non seulement chez chaque peuple en particulier, mais aussi dans chaque grande confédération de plusieurs peuples gaulois. Cela résume évidemment encore des nombreuses factions dont il sut si habilement profiter.

« 11 y a des factions dans la Gaule, dit-il, non seulement dans chaque cité, dans chaque canton, dans chaque village, mais presque dans chaque maison; les hommes les plus généralement considérés sont les chefs de ces factions. »

Or, je soutiens que, sans le droit individuel de se choisir un chef, de suivre un parti, de délibérer sur les affaires publiques, il n'y aurait pu y avoir les factions dont parle César, et, sans la participation de chaque ville, chaque canton et chaque cité à l'administration, ces factions n'auraient pas eu d'aliment, pas de raison d'être. Donc il est tout à fait inutile de chercher, dans le droit romain, l'origine de l'organisation intérieure de nos villes; les bases sur lesquelles elle reposait existaient dans les Gaules longtemps avant qu'on n'y connut le nom romain, et, si nous trouvons à Rome quelque chose de semblable, n'oublions pas que les premiers habitants de l'Italie étaient des Celtes, comme nos pères, et que leur constitution et leur langue primitive étaient les mêmes qu'au-delà du Rubicon.

Ceci posé, revenons à Aurillac. J'ai dit que la fondation de l'abbaye avait attiré autour du cloître une population nombreuse qui s'était d'abord groupée en orle autour de son enceinte. Qu'insensiblement cette première enceinte, devenue trop étroite, des faubourgs avaient dû s'étendre au-delà jusqu'au point de devenir la ville véritable.

Je dois, à cet égard, appeler l'attention sur un fait qui n'a point encore été remarqué, au moins à ma connaissance. Nos anciens titres ne mentionnent pas seulement un consulat à Aurillac; ils en rappellent trois : le consulat d'Aurenque, le consulat d'Olmet et le consulat des Ponts, ou, comme on l'appelle dans un acte de 1299, le consulat du Pont-Supérieur. L'existence d'un triple consulat semble, en effet, résulter de plusieurs actes qui mentionnent les maisons destinées à ces trois consulats, les aumônes qui s'y distribuaient, les obligations contractées envers eux. Elle semble résulter encore de ce fait non moins constant que, longtemps après leur réunion en une seule maison commune et tant que nous avons eu six consuls, on en a toujours nommé deux de chaque quartier, et six conseillers d'Aurenque, six d'Olmet et six des Ponts. Enfin, parce que dans nos archives, ainsi que cela résulte des anciens inventaires, les titres relatifs à la charité du St-Esprit étaient aussi divisés en trois liasses : celle d'Aurenque, celle d'Olmet et celle des Ponts, quoique les titres ainsi divisés frappassent souvent sur des maisons qui ne faisaient pas partie du quartier auquel on les attribuait.

Toutes ces circonstances réunies me font croire qu'il dut se former, dans le principe, trois faubourgs ou trois villages hors la première enceinte du monastère. L'un, vers le bas du coteau d'Aurenque, l'autre sur le bord de la rivière auprès d'un ormeau dont il aura pris le nom, et le troisième sous les murs mêmes de l'abbaye et près du fossé, rempli d'eau, qui lui servait de défense. Ce dernier aura pris le nom des Ponts au moyen desquels on franchissait ce fossé. Ces trois faubourgs ou villages, séparés et formant un triangle, auront pu avoir chacun, dans le principe, une administration distincte; mais, à mesure que la population augmentait, ils ont dû se rapprocher, et c'est alors, sans doute, qu'ils se seront réunis pour construire, au centre de ce triangle, l'église Notre-Dame d’Aurillac, qui devint la paroisse de toute la ville. Alors aussi les trois consulats durent être confondus en un seul, aussi bien que les trois conseils, quoique, pour éviter tout conflit, ménager les amours-propres et sauvegarder les droits de tous, on ait toujours eu soin de choisir les consuls et les conseillers en nombre égal dans chaque quartier, et que chacun d'eux ait encore conservé la disposition des ressources qu'il apportait ai a masse commune. 9

Je ne donne ce que je viens de dire que comme une conjecture. Mais, à quelle époque remonterait cette réunion et la construction de l'église paroissiale? C'est une question a laquelle je ne pourrais répondre.

On pourrait conclure, d'une bulle du pape Urbain II, de l'année 1096, que déjà il y avait à Aurillac d'autres églises que celle de l'abbaye, car il parle du territoire libre circonscrit entre quatre croix, des églises et des cimetières qui s'y trouvaient; mais, cette bulle ne s'explique pas d'une manière assez positive pour nous aider à résoudre la question. Il en est de même de plusieurs autres bulles dont j'ai parlé dans la liste des abbés; toutes supposent une population déjà agglomérée autour du monastère, mais ne nomment ni l'église paroissiale, ni les consuls.

Le premier acte dans lequel je trouve mention expresse des bourgeois d'Aurillac, appellation qui indiquait, à cette époque, l'existence d'une commune organisée, est le traité fait entre le comte de Toulouse et l'abbé Pierre V en 1180. J'en conclus qu'à cette époque il ne devait y avoir qu'un corps unique, puisqu'il était assez fort déjà non seulement pour faire la guerre à l'abbé, mais pour l'obliger à demander du secours à son puissant voisin.

J'ai parlé d'une sentence arbitrale, sans date, mais que M. Bourlange, qui l'a collationnée, assure être de la lin du XII° siècle, et, sur le témoignage de ce savant magistrat, je lui ai donné la date de 1190. Or, cette sentence est rendue par B. d'Auzole, bourgeois d'Aurillac, et Arnaud de Tournemire, prieur de Jussac; et ce sont, d'une part, l'abbé, le couvent, le cellerier et l'aumônier d'Aurillac ; de l'autre, les deux frères, Astorg d'Aurillac et Durand de Montal, qui les ont pris pour arbitres. J'en conclus que dès-lors le titre de bourgeois d'Aurillac devait avoir quelque importance, puisque, non seulement on en choisit un pour juge, mais on lui donne le pas sur un ecclésiastique, un dignitaire de l'église, on le nomme le premier.

Le 8 octobre 1202 accord entre les consuls d'Aurillac et les chanoines de Provins, par lequel lesdits chanoines donnent à ferme, à perpétuité, aux consuls et à la communauté d'Aurillac, l'entière maison, construite en pierre, appartenant à de Raymond Lagène, située près de l'église de St-Aygulphe, et l'écurie située au derrière de cette maison, propre à loger dix chevaux pour les marchands d'Aurillac qui viennent tous les ans à la foire de St-Aygulphe. Les consuls déclarent, de leur côté, que les marchands d'Aurillac n'iront pas s'établir dans une autre maison pour y vendre leurs marchandises, sans le consentement desdits chanoines. On convient qu'au cas seulement ou les marchands d'Aurillac ne viendraient pas en assez grand nombre et porteraient moins de vingt trous es de marchandises, les chanoines pourraient loger avec eux d'autres marchands dans la maison. Qu'enfin, s'il éclatait un incendie dans la ville de Provins, il serait permis aux chanoines d'autoriser les locataires des maisons de bois à placer momentanément leurs marchandises dans la maison de pierre affermée aux consuls d'Aurillac. Sont garants de cette convention Géraud Cambefort, Astorg de Bredons, Hugues Fabri, Raymond Godin, Pierre de Roque, Géraud de Borèze, Guillaume Maille, Durand Dumoulin et Durand Labctte, de Mauriac.

C'est M. La Cabane, conservateur des manuscrits à la bibliothèque royale, qui m'a donné copie de ce titre, extrait des archives de Provins, et j'en conclus qu'en 1202 le commerce des habitants d'Aurillac avait déjà pris une assez grande extension et leur consulat devait être ancien déjà, puisque, au lieu de se borner à l'administration intérieure et locale, il étendait au loin sa sollicitude pour le bien-être de ses commettants et traitait à perpétuité pour sauvegarder leurs intérêts.

En présence de ces trois actes, il me parait impossible de contester l'existence, déjà ancienne, du consulat à Aurillac, et d'une bourgeoisie riche et fortement constituée. J'en trouverais, au besoin, de nouvelles preuves dans un acte du 9 août 1232, scellé du sceau des consuls; dans un bref de Grégoire VII de 1233, qui somme Archambaud de Bourbon de mettre à la raison les habitants d'Aurillac, révoltés contre leur abbé, qui ont détruit de fond en comble son château de St-Etienne; dans un traité de 1238 entre l'abbé et Raymond VII, comte de Toulouse, dont il invoque encore le secours, etc., etc.

Ce n'est pas une institution naissante, une institution nouvelle qui peut agir avec cette liberté d'allures, cette confiance en l'avenir que dénotent ces actes; et se sentit-elle assez forte pour le faire, elle ne serait pas acceptée par les seigneurs voisins et par son propre seigneur, comme nous l'avons vu dans la sentence arbitrale que je citais tout à l’heure. Donc cette institution était ancienne à la fin du XII° siècle.

D'où provenait-elle? Il y a quatre opinions en présence. Ceux qui veulent trouver partout des origines romaines, disent c'était un municipe, une cité romaine, un reste de l'occupation des Gaules, de la conquête. Mais, si la ville n'existait pas avant l'abbaye, si les montagnes d'Auvergne n'ont été ni conquises, ni occupées, si les Arvernes ont conservé' leurs mœurs et leurs habitudes celtiques, si notre organisation intérieure n'a aucun rapport avec le régime municipal des Romains, il faudra bien abandonner cette hypothèse inadmissible.

Quant à la niaiserie, prétendue historique, qui attribue à Louis-le-Gros l'affranchissement des communes, il y a longtemps que tous ceux qui s'occupent sérieusement de l'histoire de France en ont fait justice et ont établi, sans réplique, que - le seigneur d'une ville et d'une trentaine de petits fiefs qui ne pouvait aller de Paris à Etampes sans tirer l'épée, n'avait ni le droit, ni la volonté, ni la force nécessaire pour affranchir les sujets d'autres seigneurs, aussi indépendants et aussi maîtres chez eux que lui, et dont plusieurs étaient beaucoup plus puissants. Nous verrons d'ailleurs, bientôt, que les habitants d’Aurillac, ayant voulu reconnaître qu'ils tenaient du roi leurs franchises, le parlement fit justice de cette prétention ridicule, et le roi lui-même fut obligé de reconnaître qu'elle était mal fondée. Il y a donc chose jugée à cet égard, n'en parlons plus.

D'autres disent, puisque l'abbé d'Aurillac était seigneur de la ville, fait reconnu et avoué non seulement par les habitants, mais par le roi lui-même, il faut, de deux choses l'une, ou que l'un des abbés, n'importe lequel, ait volontairement accordé à ses vassaux leurs franchises et libertés, et, par exprès, le droit de former une commune et d'avoir un consulat, un sceau et des armes; ou que les habitants aient usurpé ces droits sur leurs abbés par conjuration et par violence.

Ce dilemme ne me paraît pas concluant. Dans l'un comme dans l'autre cas, en effet, il y aurait eu une époque fixe, précise, conservée dans la mémoire de tous, et qui aurait constaté soit la concession, soit l'usurpation. Dans les longs procès dont nous allons parler, qui ont si longtemps divisés l'abbé et les consuls, et dans lesquels l'abbé soutenait que les habitants d'Aurillac n'avaient pas le droit de conserver leur consulat, il n'aurait pas manqué de dire qu'ils l'avaient violemment et malgré lui constitué à telle ou telle époque, dans telle ou telle circonstance. Les consuls, de leur côté, auraient soutenu qu'il leur avait été concédé par tel ou tel abbé.'

Loin de là, jamais il n'est parlé d'une concession quelconque, jamais on ne précise une époque à laquelle le consulat n'existait pas, et, après d'interminables débats, les uns et les autres sont obligés de reconnaître que la ville d'Aurillac tient de saint Géraud son consulat, ses franchises, ses libertés, ses maisons même et le terrain sur lequel elles reposent; donc évidemment il n'y a eu ni concession, ni usurpation.

Est-ce à dire que saint Géraud ait donné à une ville, qui n'existait qu'en germe de son temps, la constitution qu'elle a eu depuis et dont nous allons faire connaître l'économie? Non, sans doute. Mais, si, longtemps avant saint Géraud et avant l'entrée des Romains dans les Gaules, les Arvernes avaient l'habitude de s'associer par groupes, cantons et cités; s'ils se choisissaient des chefs pour la guerre, un conseil de vieillards pour leur administration intérieure, il est évident que celles de leurs familles qui se sont réunies les premières autour des murailles de l'abbaye ont dû s'associer, se régir et se gouverner, suivant l'usage du pays, se choisir des chefs et composer un conseil pour maintenir entre elles le bon ordre, la paix, et régler ce qui devait être fait dans l'intérêt de tous.

S'il est impossible que les choses ne se soient pas passées ainsi, il n'est pas étonnant qu'on n'ait jamais pu assigner une date à l'origine du consulat, puisqu'elle aurait été antérieure même à la fondation de la ville; il n'est pas étonnant que l'on trouve des consuls, non seulement à Aurillac, mais dans toutes les communes du Cantal, même dans celles qui n'ont pas de bourg, parce que partout où il y avait une association d'hommes il a fallu une administration, une mise de fonds dans l'intérêt commun ; et, il est à remarquer que, dans nos campagnes, on appelle encore le percepteur lou cosso, nom primitif de nos consuls que les clercs ont, plus tard, traduit en latin par le nom de consul.

Cette liberté primitive explique pourquoi les habitants des châtellenies de Conros et de Laroquebrou, quoique répartis en plusieurs villages ou hameaux séparés, jouissaient des mêmes libertés que les habitants renfermés dans les murs d'Aurillac; elle explique les articles 7 et 8 du titre 2 de la Coutume d'Auvergne, dont le premier défend aux habitants d'une justice qui n'ont ni corps commun, ni consulat, de s'assembler pour leurs affaires communes sans la permission de leur seigneur, et le second déclare que, dans le haut-pays d'Auvergne, les habitants n'ont pas besoin de demander cette permission et peuvent s'assembler, sans autorité de justice, pour faire luminiers ou jurés, qui ont l'administration des affaires communes des lieux, villages ou paroisses dudit pays. Une note mise au bas de cet article explique que par ces mots luminiers ou jurés on entend les syndics des - communautés, collecteurs ou consuls, noms qui leur sont donnés indistinctement.

Ainsi, ce triple droit d'association, de réunion et d'élection est juridiquement reconnu à tous les lieux, villages et paroisses du haut-pays d'Auvergne. Or, il y avait dans ce haut-pays plusieurs centaines de seigneurs différents; on ne peut soutenir qu'ils se sont tous entendus pour faire, a tous leurs vassaux, cette triple concession; donc évidemment ce droit était antérieur, général, primitif; donc c'est là l'origine véritable de notre consulat.

Avant d'entrer dans les détails, établissons encore, par quelques citations, combien était incontestable le droit des consuls. 51 mars 1254 vente par R. Rolland, Hugues d'Auzolle, J. Fortet et P. Ferragut, consuls d'Aurillac, d'un chazal sis à côté de la porte des Cabrols ; 20 juin 1256 vente par Guillaume Betz, damoiseau, à G. de Velian, de l'affar de l'Anglade, paroisse d'Ally. Ces deux actes sont en langue romane, mais le premier est rendu authentique par l'apposition du sceau du consulat, et le second par l'apposition du sceau de l'abbé. Donc ces deux sceaux étaient également connus, également authentiques. Mais, voici qui tranche toute difficulté : on trouve dans le recueil des Olim, vol. 1er, page 74, un arrêt du parlement de Paris de l'octave de la Chandeleur, 1258, rendu dans les circonstances suivantes:

En l'année 1257, avant l'expiration du temps pour lequel les consuls d'Aurillac avaient été nommés, une faction, soutenue, conseillée et peut-être excitée par l'abbé Aymar, avait déposé lesdits consuls et en avait nommé d'autres. Le fait de cette conjuration ayant été prouvé devant la cour, ainsi que la complicité de l'abbé, et l'usage où étaient les consuls de rester un an et jour en charge, le parlement condamne à l'amende les factieux et l'abbé, et ordonne que l'on suive, a l'avenir, les usages anciens pour l'élection des consuls.

Ainsi, le parlement de Paris reconnaît, après enquête, le droit des consuls; il le consacre par arrêt; il inflige une peine à l'abbé, et celui-ci ne conteste pas ce droit que la cour déclare ancien; il ne soutient pas qu'il a été Usurpé par violence, que c'est un attentat contre sa seigneurie temporelle! Il le reconnaissait donc, il l'avouait.

Au mois de septembre 1261, autre arrêt du parlement, cette fois contre des habitants d'Aurillac pris en leur nom particulier; on n'en peut rien induire.

Mais, voilà qu'en 12G6 les consuls d'Aurillac font ce que six cents ans plus tard le libérateur OConnel a voulu faire contre la reine d'Angleterre. L’abbé, en sa qualité de seigneur temporel, avait seul le droit de rendre la justice. Les consuls d'Aurillac établissent un tribunal arbitral et engagent tous les habitants à lui soumettre les discussions qu'ils ont entre eux. La cour de l'abbé devient déserte ; il se plaint au roi de cette innovation préjudiciable à ses droits. Le 29 juin 12-60 St-Louis ordonne à Raoul de Trapis, sénéchal de Périgord, de se rendre à Aurillac pour y faire une information. Le sénéchal est à Aurillac le 10 août, il fait appeler les consuls devant l’abbé, qui le requiert de les interroger. Les consuls lui répondent qu'ils ont nommé des pacificateurs pour étouffer les procès, que ce n'est pas chose nouvelle à Aurillac, et qu'elle ne peut nuire aux droits de l'abbé, qu'ils reconnaissent pour leur seigneur, ayant, à ce titre, toute juridiction temporelle.,

Ainsi, l'abbé recourait au roi contre une usurpation de ses droits dont il accusait les consuls d'Aurillac, pris en leur qualité de consuls; il ne leur déniait pas cette qualité ni les droits qui en résultaient, il ne se plaignait que d'un abus de ce droit. Voici plus encore.

Le 22 août 1270 acte par lequel Astorg d'Aurillac, chevalier, vend à Durand de Montal, aussi chevalier, son oncle paternel, tout ce qu'il possédait dans les paroisses de St-Gerons,- Vicscamp, St-Etienne, Ayrens, Crandelles, Ytrac et Omps. L'abbé Guillaume attache son sceau à cet acte, et il souffre qu'Etienne Genre et Jean de Valette, pour eux, et Guillaume Rolland, Louis Delhorn ct Raymond Langlade, consuls d'Aurillac, attachent à côté du sien le sceau du consulat.

Enfin, en 1271, au mois de novembre, arrêt du parlement de Paris qui condamne les consuls d'Aurillac à 600 liv. d'amende, 400 liv. pour le roi et 200 liv. pour l'abbé, parce que lesdits consuls avaient arraché une barrière dont un quidam, se disant emphytéote de l'abbé, avait entouré une certaine place d'Aurillac. L'abbé l'ayant fait rétablir, avait intimé défense aux consuls de l'arracher de nouveau; le nommé Gilon, gardien de l'abbaye pour le roi, leur avait fait la même inhibition; ce qui n'avait pas empêché les consuls de la faire enlever et jeter au feu, et même d'injurier l'abbé et le gardien.

Ces faits, ces plaintes, ces procès, ces accords constituaient évidemment une reconnaissance formelle du consulat, un aveu juridique de son existence et de ses prérogatives, et cependant nous allons voir un abbé d'Aurillac tout remettre en question, tout contester, tout nier. C'est pour nous chose fort heureuse, car, sans ce long procès, nous ne posséderions pas les précieux documents qui vont nous révéler l'organisation intérieure de la ville.


RECONNAISSANCE DU CONSULAT.

En 1277 un grave différend s'émut entre l'abbé et les consuls. L'abbé refusa, contrairement à ce qui avait été observé jusqu'alors, d'autoriser les consuls à assister aux enquêtes, faites devant sa cour. Les consuls, de leur côte, se déclarèrent vassaux du roi et lui firent hommage du consulat, des murs, portes et fossés de la ville, le reconnaissant pour leur seigneur. Dénégation du droit du consulat par l'abbé.

Sur ce procès, et le 30 août 1277, mandement de Philippc-Ie-Hardi à Elie Galtier, chanoine de Périgueux, et Guillaume Rupbi, clerc de Clermont, leur ordonnant de se rendre à Aurillac, d'y convoquer l'abbé et ceux qui se disent consuls de la ville, de recevoir leur serment et les preuves qu'ils jugeront à propos d'administrer, sur les articles respectivement produits par eux devant la cour du parlement. Le roi envoie aux susdits commissaires un pli cacheté contenant les articles interloqués, et leur ordonne de renvoyer au prochain parlement les enquêtes qu'ils feront, aussi sous bon cachet.

18 octobre 1277 ouverture du procès-verbal des commissaires enquêteurs. Après quelques débats préliminaires inutiles à rappeler, on ouvre le pli envoyé par le roi, et voici ce qu'on y trouve.

ARTICLES DES.ABBÉS ET DU COUVENT.

L'abbé et le couvent entendent prouver, contre les consuls et la communauté prétendue:

1° Qu'ils sont, au nom du monastère, seuls seigneurs de la ville d'Aurillac et de ses dépendances, qu'ils y ont la haute et basse justice, et qu'ils l'y ont rendue par eux-mêmes et par d'autres, de temps immémorial;

Que saint Géraud, de qui ils tiennent leur droit, était seul seigneur de ladite ville et qu'il en avait le domaine dans toute sa plénitude, qu'eux-mêmes ont la possession ou quasi-possession des choses susdites et de tout ce qui constitue le domaine souverain, et en ont joui, par eux-mêmes ou par d'autres, de toute ancienneté;

2° Que les habitants de la ville sont sujets du monastère et lui prêtent serment, qu'ils sont justiciables de l'abbé et du couvent, tant pour leurs biens que pour leurs personnes, qu'il en est ainsi de temps immémorial ; qu'ils suivent l'abbé à la guerre, et lui doivent une foule de devoirs et de services, contraires à la liberté; qu'ils sont donc hommes de pôte homines potestatisj;

3° Que l'abbé et le monastère, en qualité de seigneurs de la ville, ont joui, de tout temps, des murs, fossés et espaces vides de la ville, du droit de criée, de la garde des clefs des portes; qu'ils ont saisi et incarcéré ceux qui y commettaient des délits; qu'ils ont fait démolir les édifices appuyés sur les murs sans leur congé; qu'ils ont fait pécher les fossés et couper les arbres et les herbes excrus sur leurs bords, qu'ils ont appuyé des édifices aux murs de ladite ville, percé ces murs pour y asseoir des poutres et faire entrer dans le monastère l'eau du fossé, et enfin reçu les droits de lods et ventes sur les maisons appuyées auxdits murs;

4° Que les murs et fossés de ladite ville sont situés dans la censive du monastère, et que, de temps immémorial, les terres contiguës auxdits murs et fossés paient un cens à l'abbaye ou à son préposé;

3° Qu'ils ont également joui, au même titre, des places vides et découvertes situées dans ou hors la ville, en les donnant ou cédant pour un cens annuel, en percevant les lods et ventes sur les maisons construites sur ces emplacements, en punissant les délits qui s'y commettent, en confisquant les biens des délinquants, en levant les amendes encourues par les habitants de la ville, en fermant et clôturant lesdites places vides, percevant les fruits qu'elles produisent, coupant les arbres, qui y croissent, enfin, en faisant enlever le fumier, les bois et les autres dépôts qui les embarrassent;

6* Ils offrent de prouver que, lorsqu'on publie quelque ordonnance ou défense dans la ville à laquelle une peine soit attachée, cette publication est toujours faite de par l'abbé, à raison de la seigneurie et do la punition, car l'amende est toujours perçue par lui; qu'enfin lorsqu'un nouvel abbé fait son entrée en ville, on lui présente, comme au seigneur, les clés, et cela depuis un temps assez long, pour acquérir le droit, ainsi que cela est notoire dans le pays;

7° Que de plus les habitants d'Aurillac ont reconnu, par eux-mêmes et par leur procureur, en la cour de parlement, que l'abbé était leur seigneur et qu'il avait haute et basse justice à Aurillac sur les murs, les fossés et les places vides; qu'ils ont eu recours à lui, et, qu'à leur requête, il les a réclamés et revendiqués comme ses hommes, les a ainsi exemptés de la chevauchée et de l'ost du roi, et que, dans leurs procès contre ledit abbé, on a toujours suivi le style du parlement de Paris;

8° Que les habitants d'Aurillac, qui sont hommes de pute et personnes singulières, ne pouvaient s'avouer du roi et reconnaître tenir de lui les murs, les fossés et les places vides de la ville, le droit de criée, la garde des clés, toutes ces choses faisant partie de la seigneurie, et cependant, autant qu'il était en eux, ils lui en ont fait hommage, ce qui est contraire à leur condition et à la nature de ces droits;

9° Que c'est témérairement, d'eux-mêmes et par voie de fait, que les habitants d'Aurillac ont usurpé le consulat, le sceau, la maison commune, le droit de convoquer le peuple, de recevoir son serment, de lui imposer des tailles, de saisir, gager pour leur paiement, de porter des armes dans la ville malgré les prohibitions de l'abbé, toutes choses qu'ils ne pouvaient faire, étant hommes de pote, sujets du monastère et liés à lui par un serment, d'où il suit qu'ils l'ont fait de mauvaise foi; qu'ainsi ils n'ont pu acquérir une possession utile, contrairement a leur serment et de mauvaise foi, ni par conséquent, malgré l'abbé qui est le seigneur justicier de la ville, former un corps et une communauté, car, il n'y a pas de corps sans tête; ils n'ont donc ni possédé, ni prescrit le droit de former un corps;

10° Que, dans le cas même où lesdits habitants feraient preuve de quelque possession ou de quelque jouissance ancienne, elle ne vaudrait rien, car ils n'en ont jamais eu un juste titre; de plus, elle n'aurait jamais existé sans contradiction, car l'abbé et le monastère ont toujours fait leur possible pour s'y opposer; elle a même été plusieurs fois troublée et interrompue ; or, l'usage du pays, l'usage même du royaume de France ne permettent pas à de tels hommes de posséder de tels droits; ils n'ont pu les acquérir, surtout les avouer d'un autre que de l'abbé, principalement lorsqu'ils ne représentent pas une concession ou donation à eux faite soit par le roi, soit par vu autre seigneur, et qu'ils avouent n'en pas avoir.

ARTICLES DES CONSULS ET DE LA COMMUNAUTÉ.

Les consuls et la communauté des habitants offrent de prouver, contre l'abbé et le couvent:

1° Que de temps immémorial et, par exprès, depuis dix, vingt, trente et quarante ans, eux et leurs prédécesseurs ont publiquement, paisiblement et de bonne foi, au nom de la communauté, la saisine, la possession ou quasi-possession des murs, fossés et autres fortifications de la ville, la garde des clés et des portes, el l'usage commun des rues, places et espaces vides qui sont dans la ville; que, pendant le même temps, ils ont, à volonté, réparé, démoli et réédifié lesdits murs, les portes et fortifications, ouvert et fermé les portes, changé clés et serrures, nettoyé et clos lesdits fossés, péché les poissons qui s'y trouvaient, coupé les arbres qui y prenaient racine et les herbes qui y croissaient, permis ou défendu d'y pêcher ou faucher, puni ceux qui contrevenaient à leurs défenses, permis ou défendu d'appuyer sur lesdits murs, en un mot, qu'ils en avaient joui comme seuls vrais propriétaires, ou du moins assez longtemps pour en avoir acquis la propriété par prescription;

2° Que, dès longtemps et pendant longues années, eux et leurs prédécesseurs tiennent et ont tenu du roi les murs de la ville et les clés des portes ; qu'en qualité de vassaux ils ont remis au roi ou à son mandataire lesdites clés, et qu'elles leur ont été rendues par lui ; qu'ils lui ont fait aveu et prêté serment, ce qu'ils offre de prouver par le registre même de la cour et par d'autres preuves légitimes;

3° Ils offrent encore de prouver, contre l'abbé, qui a avancé qu'ils possédaient sans droit leur consulat, le sceau commun, le trésor, la maison commune, les crieurs publics, les trompettes, la levée des tailles et le droit de contraindre à les payer, le guet à pied et à cheval avec ou sans armes, la réception du serment par les consuls, etc. ; que les habitants de la ville d'Aurillac sont libres, bourgeois, francs et exempts de toute espèce de servitude ; qu'ils l'ont été de tout temps, et ont la saisine et possession de leurs franchises et libertés par dix, vingt, trente, quarante ans et depuis un temps immémorial; qu'ils ont toujours été réputés libres et le sont, tant aux termes du droit que par la coutume du lieu;

4° Que les habitants de la ville d'Aurillac se régissent par le droit écrit, qu'ils l'ont toujours suivi depuis dix, vingt, trente, quarante ans et de temps immémorial; qu'aux termes de ce droit, il est permis aux communautés d'avoir des consuls ou administrateurs de la communauté, une sceau, une arche et une maison commune; qu'ils ont le droit de lever la taille et toutes les autres prérogatives attachées à un municipe; qu'à ce titre les consuls et la communauté d'Aurillac, et leurs prédécesseurs, ont toujours eu un consulat, un sceau, un trésor, une maison commune, des crieurs publies, des trompettes; qu'ils ont fait faire des publications toutes les fois qu'ils l'ont voulu, fait des défenses, établi des peines, imposé et levé des tailles, ordonné des veilles et patrouilles avec ou sans armes, posé des gardes pour veiller sur les murs et les portes de la ville pour la défense et la conservation de leurs droits; que les consuls ont convoqué et réuni la communauté, reçu son serment, infligé des peines à ceux qui leur désobéissaient, et cela publiquement, paisiblement, de bonne foi, depuis un temps immémorial et plus que suffisant à prescrire;

5° Que l'abbé et le couvent ont souvent eu recours aux consul» dans leurs besoins; qu'ils les ont reconnus comme consuls, les ont requis et assignés en cette qualité, et ont plaidé contre eux comme consuls et représentant la communauté; que de tout temps les moines, l'abbé et leurs prédécesseurs, et, par exprès, depuis dix, vingt, trente et quarante ans se sont servis et se servent encore communément pour donner l'authenticité à leurs actes du sceau des consuls, lequel sceau, à Aurillac et dans les environs, est réputé authentique, fait foi et est d'un constant et continuel usage depuis un temps immémorial;

6° De plus, ils entendent prouver, mais par commune renommée seulement, ou de toute autre manière possible, que de toute ancienneté leurs prédécesseurs ont joui du consulat, du sceau, de la maison commune et des autres choses susdites, en vertu des concessions à eux faites par les anciens rois de Fiance, et par des . chartes et privilèges concédés par ces rois; mais que la ville d'Aurillac, ayant été ravagée et pillée jusqu'à trois fois par des malfaiteurs et des ennemis du royaume, ces chartes et privilèges de la communauté, comme aussi les titres particuliers d'un grand nombre d'habitants ont été détruits, enlevés ou emportés, ainsi que cela est notoire à Aurillac et dans la province;

7° Ils offrent encore de prouver, qu'encore bien que les consuls d'Aurillac aient, de temps immémorial, le droit de faire des publications dans la ville et d'entretenir, à cet effet, des crieurs et des trompettes, l'abbé et ses moines les ont troublés dans ce droit, en arrêtant et frappant les crieurs publics, brisant les trompettes, les jetant avec les insignes royaux dans la bouc et les foulant aux pieds.

J'ai rapporté tout au long les dires des parties, afin de montrer que la passion les emportait, l'une et l'autre, au-delà de la vérité et de l'intérêt même de leur défense. Il paraît, du reste, qu'on le leur fit comprendre et qu'elles consentirent à prendre pour arbitre Eustache de Beaumarchais, sénéchal de Toulouse et d'Albi, qui rendit, le 15 juillet 1280, la sentence arbitrale que nous allons analyser et qu'on appela première Paix, parce que c'était l'accord le plus ancien entre les parties.

 

En 1277 un grave différend s'émut entre l'abbé et les consuls. L'abbé refusa, contrairement à ce qui avait été observé jusqu'alors, d'autoriser les consuls à assister aux enquêtes, faites devant sa cour. Les consuls, de leur côte, se déclarèrent vassaux du roi et lui firent hommage du consulat, des murs, portes et fossés de la ville, le reconnaissant pour leur seigneur. Dénégation du droit du consulat par l'abbé. 

Sur ce procès, et le 30 août 1277, mandement de Philippc-Ie-IIardi à Elie Galtier, chanoine de Périgueux, et Guillaume Rupbi, clerc de Clermont, leur ordonnant de se rendre à Aurillac, d'y convoquer l'abbé et ceux qui se disent consuls de la ville, de recevoir leur serment et les preuves qu'ils jugeront à propos d'administrer, sur les articles respectivement produits par eux devant la cour du parlement. Le roi envoie aux susdits commissaires un pli cacheté contenant les articles interloqués, et leur ordonne de renvoyer au prochain parlement les enquêtes qu'ils feront, aussi sous bon cachet.

18 octobre 1277 ouverture du procès-verbal des commissaires enquêteurs. Après quelques débats préliminaires inutiles à rappeler, on ouvre le pli envoyé par le roi, et voici ce qu'on y trouve.


 

PREMIÈRE PAIX.

1° Des enquêtes. — Toutes les fois que la cour de l'abbé devra faire une enquête, elle fera prévenir les consuls et leur fera connaître le jour, l'heure et les motifs de cette enquête, afin qu'ils y puissent assister, s'ils le veulent; le jour fixé ne pourra être changé sans les prévenir de nouveau. Les consuls assisteront aux enquêtes, avec voix consultative seulement, comme prud'hommes, pour éviter tout soupçon, mais sans participer à aucune juridiction et sans émoluments, à moins que l'abbé ne leur permette d'en recevoir.

Une fois prévenus, qu'ils se présentent ou non, l'enquête n'en suivra pas moin» son cours, et la sentence sera prononcée tant en leur absence que présence. Mais aussi ne se fussent-ils pas présentés le premier jour, ils seront admis, sans difficulté à quelque moment qu'ils se présentent. Toutefois, ils jureront de ne révéler à personne ce qu'ils auront vu ou entendu.

2° Du pouls du paifi. — Si le viguier de l'abbé ou les consuls pensent que le pain mis en vente par les boulangers n'a ni le poids, ni la qualité, ni le prix indiqué par les mercuriales du grain, ils doivent se réunir, et, d'un commun accord, nommer des prud'hommes pour vériGer le fait et peser le pain. Si la plainte est fondée, le pain fait en fraude sera rompu et distribué aux pauvres; en cas de refus du viguier, l'abbé l'obligera à faire son devoir.

3° De la draperie. — Tant qu'il plaira aux consuls que le drap qui se fabrique a Aurillac ait une largeur, une longueur et un poids déterminés, toute contravention à ce règlement sera punie d'une amende qui appartiendra par moitié à l'abbé et aux consuls. Mais, si les drapiers employaient dans la confection de leurs draps de matières étrangères, l'abbé, comme seigneur, punirait seul cette falsification eï percevrait seul l'amende. Il y aura .un prud'homme établi, d'un commun accord, pour l'examen des étoffes.

4° Des blessures. — L'abbé et sa cour n'ont pas le droit de poursuivre d'office ceux qui ont fait à d'autres des blessures avec la main, le pied ou le poing, même avec effusion de sang, mais sans l'emploi d'aucune arme; il faut qu'ils soient saisis par la plainte du blessé. Lorsqu'au contraire les blessures auront été faites avec une arme ou un corps contondant, comme pierre, bâton, etc., ils pourront poursuivre d'office et percevoir l’amende, sauf pourtant le cas où les blessures auraient été faites par un père, Un mari, ou un maître à leurs enfants, leurs femmes ou leurs domestiques, en leur administrant une légère correction; car alors, y evj-il un peu de rang, la cour n'a pas le droit d'intervenir.

En cas de. meurtre ou de mutilation, on doit suivre la loi et l'usage.

5° Du consulat. — La communauté de la ville doit avoir un consulat, les consul» des conseillers, un trésor commun, un sceau, des armes, le tout au nom de la communauté. Les consuls ont le droit de recevoir le serment des habitants, et doivent jouir à tout jamais des franchises et libertés qui conviennent à une commune, et qu’ils possèdent de toute ancienneté.

6° Pu sceau des consuls. — Les consuls pourront recevoir et rendre authentique, par l'apposition de leur sceau, tous contrats, en matière réelle ou personnelle, même les ventes d'immeubles sis dans l'intérieur des croix ou oratoires de la ville d'Aurillac, qu'ils soient ou non de la seigneurie de l'abbé ou du monastère. Mais, ils ne peuvent sceller de leur sceau les ventes ou autres contrats relatifs aux biens situés hors de l'enceinte des croix de la ville d'Aurillac et qui sont fiefs, arrière fiefs, de la seigneurie ou censive de l'abbé, du monastère ou des prieurés qui en dépendent.

Tout ce qui a été fait de contraire par le passé conservera foi et vigueur, et le secrétaire du consulat jurera de dénoncer, dans le mois, soit à l'abbé, soit à tout autre seigneur, le prix des ventes qui pourraient être faites devant lui à l'avenir, afin qu'ils en puissent percevoir les lods.

7° Des murs, fossés, portes et clés. — 11 y a des murs, fossés et parapets qui entourent la ville, d'autres qui servent d'enceinte au monastère. Les premiers appartiennent aux consuls qui, au nom de la communauté, sont chargés de les réparer, réédifier, nettoyer et garder, comme ils l'ont fait jusqu'à ce jour, sauf à l'abbé et à ses gens la libre entrée et sortie. En conséquence, les consuls convoqueront les habitants pour la garde des murs, et puniront tous les contrevenants soit par une amende qui leur appartiendra, soit par la confiscation des matériaux déposés contre lesdits murs. Quant aux seconds, ils appartiennent à l'abbé, au nom du monastère.

La police accordée aux consuls sur les murs et fossés ne comprend pas les crimes dont la connaissance est et demeure réservée à la cour de l'abbé.

8° Du guet. — Chacune des parties étant intéressée à la conservation de la ville, l'abbé devra fournir quelques sergents pour faire le guet et les patrouilles avec les habitants, lorsqu'il y aura un juste sujet de craindre quelque attaque. Cependant, si l'une des parties seule croyait avoir juste sujet de crainte et que l'autre refusât de se joindre à elle, chaque parite pourrait seule faire garder la ville. Les criminels qui seront saisis par le guet seront, dans tous les cas, déférés à la cour de l'abbé.

9° De la taille. — Les consuls auront le droit de répartir les tailles communes sur les habitants, de les lever, de leur propre autorité, et de contraindre les récalcitrants à les payer, sans avoir à rendre compte à d'autres qu'aux conseillers de la ville, défense à l'abbé de recevoir aucune réclamation à cet égard. Seront cependant exempts de la taille commune le bailede l'abbé dans la ville, ses cuisiniers et domestiques, le cuisinier du camérier, ceux du cellerier, de l'infirmier, de l'hôtelier et de l'aumônier, s'ils exercent par eux-mêmes leur office, et ceux qui, jusques au nombre de trois, se sont dévoués au service des pauvres dans l'hôpital St-Géraud, sis devant le monastère, pourvu qu'ils aient pris l'habit dudit hôpital, qu'ils servent les pauvres depuis un an entier et qu'ils aient réellement donné audit hospice leurs personnes et leurs biens.

18° Des criées. — Dans toutes les publications qui se feront dans la ville pour convoquer le peuple, réunir le conseil, prendre les armes, commander le guet, appeler à la réparation des murs et fossés, on ne désignera, comme par le passé, aucun nom de dignité. Dans tous les autres cas, on dira: De pur l'abbé et les consuls.

i\° De la reconnaissance du consulat. — Une fois seulement, à chaque mutation d'abbé, les consuls d'Aurillac et leurs successeurs reconnaîtront tenir de Mgr Saint-Géraud, de l'abbé et du monastère, les murs et les fossés de la ville, le consulat et tous les droits ci-dessus spécifiés, et dont its jouissent de toute ancienneté; pareille reconnaissance sera faite à l'abbé actuel. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, par la faute ou l'abus des consuls, ou de leurs conseillers, l'abbé venait à invoquer contre eux quelque déchéance, la cause ne serait pas portée devant la cour de l'abbé, mais devant celle du roi, seigneur suzerain.

12° De la saisie du consulat. — En aucun cas et sous quelque pré texte que ce soit, l'abbé no pourra saisir le consulat ni les droits de la commune. S'il y avait plainte contre l'un des consuls ou contre tous, les consuls, au nom de la commune, donneraient caution à l'abbé et à sa cour, et il serait fait droit.

13° Des clés de la ville. — Une fois seulement, à chaque mutation d'abbé, les consuls seront tenus de remettre les clés de la ville à l'abbé, en reconnaissance de sa seigneurie, et l'abbé de les leur rendre au nom de la commune.

14° Des perquisitions. — Si, à l'occasion de quel vol ou d'un autre délit, il est nécessaire de faire quelque perquisition, l'abbé appellera, avant tout, deux ou trois des consuls pour y assister, ou, à leur défaut, quelques prud'hommes, pour éviter tout soupçon.

15° De ta vente des maisons et des cens. — Il sera dit des droits de lods et ventes à l'abbé pour rétablissement de cens nouveaux et à proportion desdits cens. Pour ce qui a été fait jusqu'à ce jour il n'est rien dû.

16° Des maisons du consulat. — Les maisons que Bertrand Aost a léguées aux consuls et à la communauté d'Aurillac leur appartiendront à perpétuité avec toutes leurs appartenances, pour l'usage du consulat. Elles paieront le cens que doivent les maisons, et les consuls n'y pourront construire ni forteresse, ni tour, ni prison.

17° Des acquisitions dans le fief de l'abbé. — Que si a l'avenir, à quelque titre que ce soit, les consuls acquerraient quelques biens immeubles dans la seigneurie du monastère, ils seraient tenus, dans l'année, de les mettre hors leurs mains en les transmettant à personnes capables de les posséder.

18° De la poursuite. — Si quelqu'un fait la guerre à l'abbé ou exerce des violences contre ses châteaux, prieurés, repaires, ou dans leurs appartenances, les consuls d'Aurillac seront tenus de fournir à l'abbé deux cents fantassins armés qui le suivront, à leurs frais, jusqu'à quatre lieues, pendant une nuit et un jour; mais, si l'abbé veut les retenir plus longtemps, ce qu'il aura droit de faire, il pourvoira à leur dépense. Il en sera ainsi, à moins que les autours des violences n'offrent de los réparer et ne donnent caution de s'en rapporter aux consuls ou à d'autres prud'hommes.

19° Du serment. — Chaque abbé, après sa nomination, réunira le peuple dans le cimetière ou au monastère; on placera devant lui les saints Evangiles, et il jurera aux hommes de la ville d'Aurillac, grands et petits, de faire à tous bonne justice, sans acception de personne, de les écouter, de les défendre en bon seigneur, sauf les droits du monastère.

Après cela, tous les habitants âgés de vingt ans ou émancipés jureront à l'abbé qu'ils lui seront fidèles et le regarderont comme leur seigneur, sauf leurs bons usages et libertés. Quant à l'abbé actuel, pour un bien de paix, et pour cette fois seulement, on se contentera de sa parole, foi d'ecclésiastique, donnée à l'autel en habits pontificaux.

20° Article général. — S'il reste quelque point douteux sur lequel l'arbitre n'ait pas prononcé et qui ne puisse être décidé soit par cette sentence, soit pur des usages notoires, l'abbé et sa cour seront tonus d'appliquer le droit écrit.

21° A qui appartient la seigneurie de ta ville? — La seigneurie de la ville appartiendra à l'abbé, au nom du monastère, sauf ce qui vient d'être prononcé et toutes les coutumes, usages et libertés de la ville d'Aurillac.

22° Remise du passé. — Les parties se tiendront respectivement quittes, du passé jusqu'à ce jour, de tout ce qu'elles pouvaient se réclamer réciproquement, pour quelque cause que ce soit.

23° Réserve des droits du roi. — L'arbitre réserve expressément les droits du roi pour tout ce qu'il a prononcé et omis de prononcer, et son approbation et sa juridiction en tout.

24° Confirmation et approbation. — Enfin, l'arbitre ordonne aux parties d'approuver, louer, confirmer', ratifier la sentence qu'il vient de prononcer. En conséquence, l'abbé Guillaume; Pierre de Besse, prieur; Pierre de Jauffres, syndic, louent, approuvent, confirment, ratifient ladite sentence et y attachent leurs sceaux. Les consuls Durand Rolland, Durand Dalpon, Mathieu Bruni, Pierre Dclborn et Vitalis Fabri la ratifient également et y apposent le sceau de la communauté; enfin, Eustache de Beaumarchais, arbitre, à la prière de toutes les parties, y fait appendre le sien.

Telle est, en substance, la fameuse sentence d'Eustache de Beaumarchais, la première Paix, la Paix ancienne de la ville d'Aurillac. Il semble qu'approuvée par toutes les parties et ratifiée par elles, tous procès devaient être terminés; il n'en fut pas ainsi.

D'une part la seigneurie de l'abbé était reconnue, mais amoindrie, effacée par la surveillance incessante des consuls, sans lesquels il ne pouvait presque rien faire; mais assujettie à l'obligation de prêter lui-même le premier serment sur l'Evangile à tous les habitants d'Aurillac, avant de recevoir leur serment de fidélité; donc l'abbé n'était pas satisfait. D'autre part les consuls avaient fait hommage au roi; ils s'étaient avoués de lui, et les justiciers du roi n'étaient pas disposés à lâcher une proie qui s'était offerte d'elle-même. Le parlement de Paris annula donc la sentence arbitrale d'Eustache de Beaumarchais.

Le 6 février 1284 le roi écrivit à Guillaume de Trapis, chanoine d'Orléans, et à Jean de Morencères, chanoine de Reims, qu'il avait précédemment chargé Elie tialtier et Guillaume Ruphi de faire une enquête à Aurillac sur les questions qui divisaient l'abbé et les consuls; qu'un projet de transaction et une sentence arbitrale rendue entre parties ne leur avaient pas permis de remplir cette mission, mais que le parlement ayant annulé cette sentence, il les chargeait d'aller faire l'enquête ordonnée. Les commissaires se rendirent à Aurillac, et le 11 mai 1281 l'abbé leur présenta requête pour faire ouïr ses témoins.

J'ai déjà publié l'analyse de cette enquête de l'abbé dans l'Annuaire de 1849. C'est, évidemment, le titre le plus curieux que nous possédions; mais il a trop d'étendue pour l'insérer ici. Il nous suffira de dire qu'au mois de février 1288 PhilippeIc-Bel déclara, par lettres-patentes que nous avons heureusement conservées, que plusieurs procès s'étant élevés entre l'abbé d'Aurillac et les consuls, un compromis fut signé, par lequel ils choisissaient Eustache de Beaumarchais pour arbitre; que celui-ci ayant prononcé sa sentence arbitrale, elle fut approuvée et observée pendant quelque temps par les parties ; qu'ensuite l'abbé chercha à s'en affranchir, sous prétexte que Philippe III, père de Philippe-le-Bel, l'avait désapprouvée. La cause, portée à la cour, le parlement, après avoir consulté le roi, ordonna qu'elle serait observée en son entier. L'abbé et les moines demandèrent alors a être admis à attaquer cet arrêt par voie de supplique; leur demande ayant été accueillie, ils ont fait valoir tous les moyens qu'ils ont voulu tant contre la sentence elle-même que contre l'arrêt de la cour, et conclu à être remis au même et semblable état qu'auparavant. Les consuls ayant demandé, au contraire, le maintien de la sentence et du premier arrêt, la cour du parlement, parties ouïes, a, de nouveau, ordonné que ladite sentence fut à toujours exécutée. C'est pourquoi, dit le roi, de notre certaine science, nous voulons et ordonnons que toutes ces sentences et arrêts soient exécutés, et, en foi de ce, nous avons fait apposer notre sceau aux présentes lettres.

Ainsi, malgré la vive opposition du soigneur abbé et des moines d'Aurillac, malgré l'intérêt réel qu'avait le roi à devenir seigneur d'une ville dans laquelle il n'avait aucune autorité, puisque, 1° par arrêt de 1273 l'abbé avait fait juger contre lui que les habitants d'Aurillac ne devaient pas au roi le service militaire qu'il requerrait d'eux contre le comte de Foix. (Chopin, du Droit des religieux, liv. 2, tit. 3, article 22) ; 2° puisque, par un autre arrêt de 1274, rappelé dans l'enquête faite par ordre du parlement, il lui avait fait faire défense de rendre la justice à Aurillac ni dans aucune autre terre de Saint-Géraud; 3° puisqu'enfin, par suite de ce dernier arrêt, le roi avait été obligé de prier l'abbé de lui accorder un délai pour chercher, dans nos montagnes, quelque endroit non sujet de l'abbaye où il put loger son bailli royal.

Malgré, dis-je, l'opposition de l'abbé et l'intérêt du roi, le parlement de Pans ordonne, par deux fois, l'exécution pleine et entière de la sentence d'Eustache de Beaumarchais, qui proclame hautement que le consulat d'Aurillac existe de toute ancienneté, et qu'il est tellement indépendant de la seigneurie féodale de l'abbé, que celui-ci ne peut le saisir, ni le retrairc, ni le confisquer, bien qu'il y eut désaveu formel et aveu fait à un autre, et alors même qu'à l'avenir il y aurait commise ou félonie; car, ce sont là évidemment les conséquences de l'article 12 de la sentence : En aucun cas et sous quelque prétexte que ce soit, l'abbé ne pourra saisir le consulat ni les droits de la commune. Cela résulte également de l'article 21 qui déclare que la seigneurie appartient a l'abbé, sauf ce qui vient d'être prononce et toutes Us tout urne», usages et libertes de la ville d'Aurillac ; et, enfin, du serment des habitants qui jureront d'être fidèles à l'abbé et de le regarder comme leur seigneur, sauf leurs bous usages et leurs libertés.

Le roi et le parlement reconnaissaient donc, comme Eustache de Beaumarchais, qui faisait remonter à saint Géraud les immunités de la ville aussi bien que la seigneurie de l'abbé, une origine égale aux unes et a l'autre,• ils reconnaissaient deux droits distincts, mais parallèles, qui ne devaient pas se confondre, mais marcher de front en se prêtant un mutuel appui. Cependant, on avouait, de part et d'autre, qu'il n'y avait pas de titre constitutif du consulat; l'allégation des consuls, qu ils le tenaient de quelque roi, n'avait pu soutenir les regards de la justice; donc évidemment il ne pouvait avoir d'autre origine que celle que nous lui avons assignée.

Maintenant, pour justifier de plus en plus notre opinion, il nous reste à faire voir que les abbés d'Aurillac ont enfin reconnu eux-mêmes le bon droit des consuls. . Ce ne fut pas sans peine qu'ils se décidèrent à reconnaître leurs torts, car, battus devant le parlement et au conseil du roi, ils en appelèrent au pape. Les consuls les suivirent, sans hésiter, devant cette nouvelle juridiction. Le 16 avril 1296, sentence du pape Boniface VIII qui relève l'abbé et le monastère d'Aurillac des déchéances qu'ils auraient pu encourir en n'usant pas des privilèges à eux accordés par les papes ses prédécesseurs; mais, à l'audience même opposition des consuls, et le pape ajoute que cette faveur ne pourra préjudicier en rien aux droits des consuls. Laissons là cette procédure qui n'offre que peu d'intérêt, et passons au second accord entre l'abbé et les consuls. .


 

DEUXIÈME PAIX.

Pierre de Malafayda, abbé d'Aurillac, et les consuls passèrent enfin un compromis qui chargeait Huguc de Camburat, Bernard Bastide et Guillaume d'Achillosas, chevalier, bailli des montagnes, de statuer sur tous leurs différends. Voici leur sentence, appelée deuxième Paix:

1° Quant aux dépens que peut exiger la cour de l'abbé, on décide que, pour toute cause n'excédant pas 49 sols de valeur, la cour ne touchera de chaque partie que 6 deniers par jours employés au procès. Au-delà de 50 sols, elle touchera 12 deniers par jour de chaque partie. Si l'objet de la demande est indéterminé, on l'estimera équitablement pour fixer les dépens. S'il s'agit de l'exécution de sentences, lettres, obligations, etc., les frais ne seront exigibles qu'après que le procès sera terminé. Outre les dépens ci-dessus, le juge taxera équitablement un salaire pour le greffier et les sergents; chaque ajournement coûtera au plus 18 deniers. Si une partie comparait sur la demande de l'autre sans ajournement, et confesse, dès le premier jour, la dette qu'on lui réclame, on n'exigera d'elle aucun dépens,. à moins qu'il ne soit fait écriture de sa confession, auquel cas elle devra seulement les frais dus à l'écrivain;

2° Lorsqu'une personne aura été arrêtée par le baile de l'abbé ou par ses gens, pour fait qui requière la prison, elle ne pourra être détenue, selon les cas, que dans la ville d'Aurillac ou dans le château de St-Etienne seulement ; si elle est reconnue coupable elle paiera 3 sols pour droits de geôle, si elle est reconnue innocente elle ne paiera rien.

Mais, avant de mettre en prison l'individu arrêté, on devra le faire garder convenablement soit dans une maison de la ville, soit dans le château, jusqu'à ce que, dans le plus bref délai possible, la cour de l'abbé, en présence des consuls ou de deux d'entre eux, ou après les avoir dûment appelés, ait fait une instruction sommaire sur la nature du crime et la gravité des présomptions qui s'élèvent contre le prévenu, afin de savoir s'il doit être gardé à vue, mis en prison, ou jeté au fond de la tour. Dans ce cas, comme dans celui où le fait imputé n'emporte pas notoirement une peine corporelle, si le prévenu préfère avoir des gardes, on ne lui en donnera que deux ou trois, selon les cas, et chacun sera taxé à la deniers pour vingt-quatre heures.

Les prisonniers pourront user de leur fortune et de celle de leurs amis pour leurs besoins, et, pour être sûr que rien ne leur manque, le baile de l'abbé devra les laisser visiter une fois par semaine par deux prud'hommes, choisis par lui en présence de ceux qui l'en auront requis; ces prud'hommes ne devront être ni de la livrée ni de la maison de l'abbé, et ils jureront de ne rien révéler au prisonnier de l'instruction dirigée contre lui.

Enfin, nul ne pourra être arrêté à Aurillac, pour cause réelle ou personnelle de particulier à particulier, s'il offre de donner caution, ou s'il jure qu'il ne peut donner que>sa caution juratoire, à moins qu'il ne se soit soumis à la contrainte par corps dans les actes de la cour ou dans des lettres scellées du sceau de l'abbé. On s'en rapportera, pour tout le contenu en cet article» à des arbitres et aux hommes de la ville;

3° Lorsqu'il y aura enquête on appellera les consuls, puis on donnera par écrit, au défendeur, les articles sur lesquels doit porter l'enquête ou le fait dont il est prévenu, selon qu'il s'agira d'articles ou de prévention. Si le défendeur veut répondre précisément et sous serment, on lui accordera un délai de dix jours, passé lequel délai il sera tenu de fournir ses réponses. Puis, s'il y a matière à procès, on lui donnera encore -deux délais de huit jours pour proposer ses défenses, lesquels délais passés il ne sera plus admis à les proposer.

Après cela, s'il y a lieu, il sera encore donné au défendeur trois délais successifs de quinze jours chacun, pour prouver ses défenses; lesquels délais passés, il ne sera plus admis à présenter ses preuves, à moins qu'il ne jure que le fait qu'il veut prouver est venu à sa connaissance depuis peu, ou qu'il n'a pu s'en procurer plutôt la preuve; auquel cas le nouveau délai à accorder est abandonné à l'appréciation du juge. Dans tout cela on devra toujours appeler les consuls et procéder en leur présence, ou eux dûment appelés;

4° Mesures graves. — Si quelqu'un, appelé devant la cour pour avoir fait à autrui des blessures graves, veut répondre volontairement hors la présence des consuls et avouer le fait sans serment, la cour pourra le condamner et percevoir l'amende sans appeler les consuls; si au contraire il ne veut pas répondre hors la présence des consuls, la cour devra les appeler comme pour les enquêtes; mais, cela fait, le prévenu sera tenu de jurer immédiatement, en présence des consuls, ou eux dûment appelés, sans délais et sans signification d'articles, qu'il est prêt à répondre à l'interrogatoire, à confesser le délit qu'on lui impute, ou à proposer et prouver sa défense, en présence des consuls; que si, au contraire, il niait le fait imputé, il serait procédé à l'enquête, comme en matière sommaire, les consuls appelés et présents, comme il est dit à la Paix;

5° Des contumaces. — Lorsque le prévenu se sera enfui, on fera, à Aurillac, une perquisition, suivant ce qui est dit à la première Paix; cette perquisition ne l'ayant pas fait découvrir, un sergent de l'abbé le citera en son domicile, s'il en a un, ou au lieu qu'il avait coutume d'habiter s'il n'a pas de domicile, à comparoir, à jour fixe, devant la cour. Il appellera en même temps les consuls, pour qu'ils aient à se présenter le même jour.

Après deux citations semblables, le juge ou le baile de la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, fera crier dans l'auditoire par un dés sergents: — « Si tel homme est ici et qu'il comparaisse, il sera procédé avec lui comme avec présent et contre présent. '' S'il ne comparaît pas, la cour donne défaut, et le défaut est écrit sur ses registres. Après quoi le juge ordonnera aux sergents de le citer trois fois publiquement en ces termes:

« Tel homme, soupçonné de tel fait, était cité pour aujourd'hui avec sauf-conduit, » pour procéder sur ledit fait, ainsi que de droit; il n'est pas venu, la cour l'a mis » en défaut; je le cite à cette heure péremptoirement qu'il vienne, de sa personne, » tel jour, pour procéder sur ledit fait, il aura sûreté. »

Le sergent le citera en outre à son domicile, s'il en a un, ou au lieu qu'il habitait. Après quoi, toujours en présence des consuls ou eux dûment appelés, la cour ordonnera aux trompettes de publier ce premier défaut, et de le citer publiquement dans les carrefours de la ville en ces termes:

« Ecoutez ce que nous faisons savoir communément à tous, de par Mgr l'abbé et les consuls, un tel était soupçonné d'être 'l'auteur de tel crime, on le dit du » moins; il a été cité personnellement à comparoir tel jour devant la cour de Mgr l'abbé pour assister à l'instruction dudit crime, comme il est juste et raisonnable de le faire ; il n'est pas venu, ni personne pour lui avec pouvoirs suffisants; la cour l'a mis en défaut et lui a fixé tel jour pour comparoir personnellement devant elle; s'il ne vient pas, la cour prononcera contre lui, comme de raison sera. »

Il sera ainsi cité, l'on fixera jour par défaut trois fois et l'on publiera les deux autres défauts de la même manière. Après un quatrième défaut et une quatrième citation publique à son de trompes, il sera tenu pour averti et l'on procédera contre lui, comme de droit. Le délai entre chaque citation sera de quinze jours.

Toutes ces procédures préliminaires terminées, la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, examinera lesdits défauts, l'instruction sommaire faite dans le principe sur le crime, et ordonnera une enquête plus solennelle, plus exacte et plus régulière. Si, d'après le résultat de cette seconde enquête, le prévenu doit être absous, la cour, après avoir ouï ou requis le conseil des consuls, prononcera l'absolution avant l'expiration de huit mois.

Si, au contraire, l'enquête emportait la peine du bannissement, la cour le prononcerait, après un an révolu, ouï où requis pareillement l'avis des consuls. La sentence, quelle qu'elle soit, sera écrite dans les registres de la cour, en présence des consuls, et publiée en ces termes dans l'auditoire:

.1° Au cas d'absolution. — « Un tel était soupçonné de tel crime, sur lequel il a été cité personnellement et péremptoirement une fois, deux fois, trois fois, quatre fois publiquement et suffisamment; la cour l'a trouvé innocent et l'a absous. »

2° Au cas de bannissement. — « Car, il n'est venu, et la cour a trouvé contre lui cause de bannissement. La cour de Mgr l'abbé le bannit donc de la ville d'Aurillac et de ses dépendances. Elle commande à tous de le tenir pour banni; qu'aucun homme n'ait l'audace de le recevoir; qui fera le contraire sera puni sans miséricorde par Mgr l'abbé; la cour le condamnera aux peines de droit et lui fera payer l'amende imposée aux receleurs de criminels et de bannis. »

Ensuite les trompettes publieront le bannissement dans les carrefours de la ville en ces termes:

« Ecoutez ce que nous faisons savoir communément à tous, de par Mgr l'abbé » et les consuls, qu'ainsi soit qu'un tel fut soupçonné de tel crime et a été cité personnellement et péremptoirement, à cause dudit crime, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, suffisamment et solennellement; il ne s'est pas présenté ni  fondé de pouvoirs suffisants pour lui, et la cour a trouvé cause de bannissement » contre lui. La cour de Mgr l'abbé le bannit donc de la ville d'Aurillac et de ses » dépendances, et recommande à tous que personne n'ait l'audace de le recevoir à » Aurillac ou dans ses appartenances, qui le contraire fera sera puni par Mgr l'abbé sans aucune merci, comme receleur d'hommes criminels et bannis. »

Si cependant après l'enquête solennelle il y avait doute entre l'absolution et le bannissement, il serait sursis par la cour, toujours en présence des consuls. On statuerait seulement sur la suffisance des citations à la fin des six mois courus depuis la dernière, et, s'il ne comparaissait pas dans les six mois suivants, il serait procédé; de sorte que l'année de l'annonciation du bannissement ne commencerait qu'après l'expiration de ces six mois, et, cette année expirée, il pourrait être banni, s'il y avait lieu.

6° Des criées et publications. — Lorsque quelqu'un aura perdu ou trouvé à Aurillac un objet mobilier Ou un animal, on pourra publier, dans les rues et carrefours, sans trompettes ni instruments, ou faire publier, de la voix seulement, par les crieurs de la ville, en ces termes:

« Que celui qui a trouvé une clé de telle façon, ou un couteau, ou un âne de tel  poil, etc., vienne à moi et je le récompenserai. »

Ou bien:

« Que celui qui a perdu une clé, ou un âne, ou un chaperon, etc., vienne me trouver, je le tirerai de peine. »

On pourra, de la même manière, sans permission de l'abbé ni des consuls, crier ou faire crier, de la voix seulement, les fruits, laine, poissons ou autres choses à vendre, en disant:

« Du bon vin, à 3 deniers la coupe, à la maison d'un tel, etc. »

On publiera ainsi, même avec les trompettes, pourvu qu'on ne mentionne pas le nom de l'abbé ni des consuls, les tournois, les joutes, les jeux, etc., sans en demander l'agrément à personne.

Les publications des foires et marchés, d'ouverture de nouvelles boutiques, seront faites à son de trompes, de par l’abbé et les consuls, à la requête de celui qui aura demandé leur agrément.

Au contraire, les publications des biens des mineurs, ou autres meubles et immeubles qui doivent être vendus en justice, seront faites, par un sergent de l'abbé, en l'église Notre-Dame d'Aurillac ou au monastère St-Géraud, les jours de dimanche ou de fête, en présence du peuple, en ces termes, avant qu'on en ait rien offert:

« La maison de tel homme se vend par l'autorité de la cour de Mgr l'abbé, qui  la voudra acheter vienne tel jour, on la lui vendra. » Quand un prix aura été offert, on dira:

« La maison de tel homme se vend par l'autorité de la cour de Mgr l abbé, on en veut donner tant, qui voudra en donner davantage n'a qu'à venir tel jour devant ladite cour. »

On publiera de même les autres jours jusqu'à l'adjudication.

Si cependant il arrivait que l'on dût vendre des biens par l'ordre d'un souverain, alors les publications seraient faites de par l'abbé et les consuls.

7° De la montre des armes. — On publiera la revue des armes de par l'abbé et des consuls, en indiquant le lieu et le jour où elle doit être faite. Au jour et au lieu indiqués, la montre des armes sera faite à l'abbé ou à son lieutenant, et aux consuls, sans préjudice de ce qui est ordonné à cet égard dans la première Paix. Si, à cette occasion, un consul ou l'un des habitants recevait quelque mauvais traitement, l'abbé serait tenu de prendre en mains sa défense et de poursuivre la réparation du dommage, par lui-même ou par un fondé de pouvoir spécial, qui prêtera serment de défendre les habitants d'Aurillac dans les bailliages des montagnes, aux frais de l'abbé.

Pans l'étendue desdits bailliages, les habitants d'Aurillac pourvoiront eux mêmes à leur dépense personnelle; mais, hors des bailliages, l'abbé ou son fondé de pouvoir sera tenu d'y pourvoir soit au moyen des privilèges de l'abbé, soit de toute autre manière.

Ceux qui ne paraîtraient pas à la montre des armes encourront une amende qui appartiendra aux consuls, suivant l'usage et comme il est dit à la première Paix.

8° De la fabrication des draps. — Lorsque les deux prud'hommes élus chaque année pour la vérification des étoffes s'accorderont pour décider que, dans la fabrication de l'une d'elles, on a employé une matière qui n'y devait pas entrer, on portera ce drap devant la cour de l'abbé pour y procéder sur ce fait de falsification. Si au contraire les deux prud'hommes ne sont pas d'accord, on appellera le tiers juré, élu aussi chaque année. S'il reconnaît lui aussi la falsification, le drap sera porté devant la cour qui prononcera, dans les quarante jours, une condamnation ou une absolution, selon qu'elle croira devoir le faire, mais en présence des consuls ou eux dûment appelés. Cependant, si le prévenu demandait des délais, comme pour une enquête, ils lui seraient accordés. L'amende sera de 50 sols tournois pour la première faute, de 100 sols pour la seconde et de 150 pour la troisième. Pour une quatrième récidive et au-delà, le juge arbitrera lui-même la peine. De plus, le tiers du drap sera brûlé publiquement, et les deux autres tiers seront distribués aux pauvres par les consuls et le baile.

9° De ta saisie et des scellés. — La cour de l'abbé ne pourra faire de saisie, d'apposition ou de remotion de scellés qu'en présence des consuls ou de deux d'entre eux, et, s'ils ne veulent se présenter qu'en présence de deux voisins honnêtes de la ville, comme il est ordonné dans la Paix pour les perquisitions. La cour, si elle en est requise, devra donner copie de l'inventaire des biens aux amis de celui à qui ils appartiennent.

10° De la garde des biens des prévenus. — Lorsqu'il s'agira de saisir les biens d'un prévenu, on ne commettra pas un sergent pour gardien, mais la cour, en présence des consuls ou eux dûment appelés, comme pour les enquêtes, fera faire un inventaire exact des meubles, en double expédition ; elle en retiendra une et remettra l'autre au saisi ou à ses amis. On pourra, ainsi, laisser lesdits meubles où ils sont, si le saisi ou ses amis donnent caution de les représenter, ou les déposer dans la maison d'un prud'homme de la ville, qui les gardera gratuitement. Dans l'un comme dans l'autre cas, on prendra sur lesdits meubles les aliments nécessaires à la femme, aux enfants et aux domestiques du prévenu.

11° De ta dénonciation de nouvel œuvre. — Si quelque personne d'Aurillac fait dénonciation de nouvel œuvre, elle devra, avant tout, jurer, devant le juge, qu'elle n'agit ni par haine, ni par colère, ni par envie de nuire. Puis, le jour même de la dénonciation ou le lendemain au plus tard, elle proposera et exprimera, devant la cour, un motif raisonnable de dénonciation, sinon et faute de ce faire, dans ledit délai, celui qui bâtissait sera autorisé à continuer sans caution.

Si au contraire un motif raisonnable est proposé, que celui qui construisait soit tenu de suspendre ses travaux pendant huit jours, et, pendant ce second délai, le dénonçant sera tenu de prouver le motif raisonnable proposé par lui.

S'il fait cette preuve, défense sera faite de continuer, et ce qui était déjà fait sera enlevé et détruit; s'il ne la fait pas, on autorisera la continuation des ouvrages moyennant caution de les enlever au cas où il serait démontré plus tard qu'ils n'auraient pas dû être faits.

12° Des lépreux et des bigames. — Les parties s'accorderont entre elles amiablement quant à la manière de procéder contre les lépreux et les bigames. (Il y a, en effet, un traité particulier.)

13° Des rixes avec armes. — Lorsqu'un habitant d'Aurillac en attaquera un autre avec des armes sans le blesser, il en sera quitte pour perdre ses armes. Si la personne attaquée avait elle-même dégainé pour se défendre, elle ne devrait pas perdre les siennes; mais, s'il y avait doute sur l'agresseur véritable, les armes des deux parties seraient déposées ou séquestrées entre les mains d'un prud'homme de la ville, jusqu'à ce que le doute fut éclairci. On ne fera aucune instruction à cet égard, sans appeler les consuls comme pour les enquêtes.

14° Des arbitrages. — Quant aux arbitrages que les consuls ont prononcé ou prononceront dans la suite, qu'ils aient ou non reçu le serment des parties, accordé ou refusé des dommages, la cour, ajoutant pleine foi aux lettres scellées du sceau des consuls, devra ordonner leur exécution pure et simple d'office et sans épices. Si même la cause est minime, elle devra s'en rapporter au rapport oral des consuls ou de l'un d'entre eux, et en ordonner l'exécution, à moins que celui contre qui elle devra être faite ne s'y oppose pour motif raisonnable ; qu'il n'affirme, par serment, que ce motif est sincère, et que, dans les huit jours, il prouve qu'il est de telle nature que, s'il est établi, il doit empêcher l'exécution de la chose jugée.

Si la cour de l'abbé négligeait de faire droit à cet égard, le requérant pourrait s'adresser au souverain pour le prier de faire ramener l'arbitrage à exécution. Le sergent qui fera l'exécution aura un salaire convenable taxé par le juge.

L'abbé et sa cour connaîtront des affaires personnelles contre les consuls et entre eux, et feront exécuter leurs sentences, excepté dans les cas prévus et spécifiés dans la première Paix.

15° Taxe du vin. — Lorsqu'il paraîtra utile à l'abbé et aux consuls de taxer le vin, il sera taxé par l'abbé en présence des consuls et de leur consentement. S'ils ne voulaient ou ne pouvaient s'accorder à cet égard, deux prud'hommes seraient élus, l'un par l'abbé, l'autre par les consuls, et ceux-ci, après avoir prêté serment entre les mains de l'abbé en présence des consuls, feraient la taxe devant eux. Au cas où les deux prud'hommes ne pourront s'entendre, ils seront contraints à choisir un tiers qui n'appartiendra ni à la livrée, ni à la maison de l'abbé, et le tiers fera la taxe avec ou sans eux. La taxe faite, l'abbé la fera publier en présence des consuls, et dans la publication on dira : De par l'abbé et les consuls.

L'amende encourue par ceux qui n'observeront pas la taxe sera levée par l'abbé ou son représentant, et, en outre, celui qui vendra du vin au-dessus du prix taxé sera contraint de vendre à la taxe, qu'il le veuille ou non, le restant du tonneau; en cas de récidive, il perdra, de plus, une charge de vin qui sera distribuée aux pauvres par le baile et les consuls. Si quelqu'un vendait à la taxe du vin gâté ou corrompu, ce vin serait confisqué, jeté dans la rue, ou, suivant les cas, distribué aux pauvres.

16° Les revendeurs. — Personne, à l'avenir, n'achètera à Aurillac ni dans ses dépendances, ni dans un rayon d'une lieue autour de la ville, des fruits, poisson ou gibier pour les revendre lui-même ou pour les céder à des revendeurs, avant que la cloche n'ait sonné l'heure de tierce au monastère St-Géraud; ni aucune espèce de blés ou de légumes, avant que lesdits blés et légumes n'aient été portés à la Pierre qui est devant ledit monastère, et, pour l'avoine, avant qu'elle n'ait été portée ou à ladite Pierre,ou devant l'église Notre-Dame d'Aurillac, et que la cloche n'ait sonné midi. De plus, il est expressément défendu d'acheter à Aurillac ou dans un rayon d'une lieue plus d'une émine d'avoine à la fois, lorsqu'on la portera pour la vendre à la ville, si ce n'est dans un de ces deux endroits seulement. On établira des mesures fixes et poinçonnées, comme mesures légales; elles seront confiées par l'abbé, en présence des consuls, à un homme du monastère. Il y aura aussi une mesure authentique en pierre pour l'avoine devant l'église Notre-Dame d'Aurillac. Pour chaque contravention à cet article on paiera à l'abbé ou au mesureur public 18 deniers tournois.

Enfin, à la requête des consuls, ou, s'ils négligeaient de le faire, à la requête d'autres prud’hommes de la ville, on vérifiera, de temps à autre, l'exécution de tout ce dessus.

17° Forme de l'encan. — Il sera établi seulement deux crieurs publics, chargés de vendre à l'encan dans la ville les choses dont il vient d'être parlé, qui leur seraient confiées par des particuliers pour les revendre; personne autre qu'eux ne pourra vendre ainsi dans la ville les choses appartenant à autrui; cependant, tout propriétaire pourra vendre sa propre chose dans les rues, par lui-même ou par d'autres, mais sans encan. Ces crieurs publics seront nommés par Mgr l'abbé ou sa cour, en présence des consuls ou de deux d'entre eux; ils prêteront serment et donneront caution de loyalement remplir leur office.

18° Du poids. — Il sera, de plus, établi à Aurillac, par l'abbé ou son peseur, d'accord avec les consuls, certains poids grands et petits, savoir : Le quintal, le demi-quintal, le quart de quintal, la pesée, la demi-pesée, le quart de pesée, ta livre, la demi-livre, le quart de livre, le demi-quart de livre, lonce, la demi-once, le quart d'once, demi-marc, quart de marc, et autres poids connus à Aurillac. Ces poids seront poinçonnés par l'abbé et les consuls. Dans les contrats on usera de ces poids et jamais d'autres. Les contrevenants seront punis d'une amende de 18 deniers, au profit de l'abbé et du peseur; si l'on soupçonnait quelque fraude on ferait, au besoin, perquisition ou enquête, conformément à la Paix.

19° Du peseur. — L'abbé el les consuls désigneront un prud’homme qui prêtera serment à la cour de l'abbé, en présence des consuls. Il sera préposé à la garde des poids, établis comme il vient d'être dit, et ce dans une maison choisie par l'abbé et les consuls vers le centre de la ville. Toutes choses vendues au poids dans la ville, au-dessus d'un quart de quintal, devront être pesées dans ce poids public, à moins que les deux parties ne soient d'accord de s'en rapporter au poids de l'une d'elles. Les choses confiées à des conducteurs pour être exportées hors de la ville ou pour y être importées de dehors, devront aussi, lorsqu'on voudra les peser, ne l'être que dans ce poids public, par le peseur juré ou son mandataire. Le peseur recevra pour salaire un denier tournois pour chaque quintal pesé, et une maille tournois pour chaque pesée de moins d'un quintal.

Les contrevenants, aux dispositions ci-dessus, seront punis chaque fois d'une amende,de 20 sols tournois, applicable par moitié à l'abbé et aux consuls. Les profits et les dépenses du poids seront aussi partagés entre l'abbé et les consuls; dans les dépenses entreront le salaire du peseur et le loyer de la maison affectée au poids. Cependant, les consuls n'auront aucune juridiction a cet égard; la tour de l'abbé connaîtra seule des contraventions et prononcera l'amende, mais toujours en présence des consuls ou eux dûment appelés.

Deux fois l'an le baile de l'abbé vérifiera les poids en présence des consuls. En cas de prévarication du peseur, l'enquête sera faite en leur présence; la cour statuera, mais l'abbé seul aura l'amende.

20° Du ban des jardins, blés et prés. — Lorsque les consuls croiront utile de faire garder les récoltes, ils en préviendront l'abbé ou son lieutenant. Le baile de L'abbé se rendra à l'église Notre-Dame d'Aurillac, jurera, en présence du peuple assemblé, de faire loyalement cette garde, et la confiera de suite à deux sergents qui feront le même serment.

L'amende à percevoir des infracteurs du ban appartiendra au baile et à ses sergents; elle sera, pour la nuit de 10 sols tournois; pour le jour, de 18 deniers; tournois. Pour chaque grosse bête, de 3 deniers tournois; pour chaque porc, chèvre, bouc, mouton ou brebis, de 2 deniers; pour une oie, de 1 denier.

Cependant, on ne pourra rien exiger de ceux qui, avec la permission du propriétaire des biens, ou de sa femme, ou de ses enfants, entreraient dans leurs jardins, blés, terres ou vergers, et y cueilleraient quelques fruits.

De même on ne pourra rien exiger de ceux qui, appelés par un propriétaire, sa femme ou ses enfants, iraient les joindre en traversant des jardins, terres ou vergers d'autrui sans y rien cueillir. On s'en rapportera, à cet égard, au témoignage de ceux qui les auront appelés.

Seront aussi exempts d'amende ceux qu'une inondation ou autre accident sérieux aura forcés à passer chez autrui; ceux qui, en poursuivant leurs bestiaux échappés, seront contraints d'entrer dans des héritages soumis au ban, pourvu qu'ils nv prennent rien, et enfin les étrangers qui affirmeront, par serment, n'avoir pas connu le ban.

Si dans tous ces cas il s'élevait quelques difficultés et s'il y avait doute sur la perception du ban, il serait statué par le baile, en présence d'un ou de deux consuls; enfin, s'il y avait nécessité de recourir à la cour, elle statuerait, après enquête, sans délais ni dépens.

Les parties n'entendent, par tout ce dessus, préjudicier en rien ni à la juridiction de l'abbé, ni aux droits qu'ont les consuls, aux termes de la Paix, de garder les murs, les portes et les fossés de la ville, et de percevoir l'amende des délinquants.

21° De la prohibition. — Lorsqu'il sera nécessaire de défendre, pendant un certain temps, de passer avec char ou de toute autre manière dans quelque partie de la ville, cette prohibition sera faite, après avoir consulté les consuls, par le baile ou un curial de l'abbé, conjointement avec un ou deux consuls.

22° Réparation des rues. — S'il s'élève quelque difficulté au sujet de la réparation des rues et chaussées, et que le baile de l'abbé et les consuls ne puissent l'apaiser sur les lieux, la cour pourra en être saisie, à la requête des consuls ou même des notables de la ville. Elle fera, en présence des consuls, une information sommaire, et jugera sans délais et sans frais, de manière à lever tout obstacle a la réparation. Dans tous les autres cas, on se conformera à l'usage.

23° Du finement des Lauzières. — L'abbé en jouira seul depuis la mi-mars jusqu'à la fauchaison, ensuite il sera compris dans les appartenances du pré Monjol.

24° Des prés Monjol et Comtal. — Les habitants d'Aurillac pourront mener leurs troupeaux dans les prés Monjol et Comtal aussi longtemps qu'ils seront prés, depuis la fauchaison jusqu'à la mi-mars, en payant à l'abbé, pour chaque grosse bête chevaline avec ou sans poulain, 6 deniers tournois; pour chaque bœuf, ou vache avec ou sans veau, 5 deniers tournois; pour chaque bête menue, i denier, pour tout le temps ci-dessus fixé pour la dépaissance du pré.

25° Du péage des Prades. — Du consentement de l'abbé, et avec l'agrément des consuls de la ville et des habitants, Astorg d'Aurillac et ses héritiers continueront à percevoir le péage accoutumé sur les marchandises qui y sont assujetties, aux foires St-Géraud et S1e-Luce, et cela au-dessous et aux pieds de l'arbre appelé de la Prade, situé à la Prade commune des habitants de ladite ville, devant la maison de B. de Parlan, le chemin par lequel on va d'Aurillac au gué de Belmon et l'estrade Migière entre deux; ledit lieu confrontant, d'une part, avec ledit chemin, et, de l'autre, avec le chemin par lequel on va à la Maladrerie, la propriété et possession du dit terrain rcstjnt à la communauté de la ville d'Aurillac.

26° La maison commune. — Les maisons appartenant à la communauté desdits habitants qui ont appartenu à Bertrand d'Aost et sont situées devant la maison d'Avezac, lui resteront en pleine propriété, mais à la charge d'abaisser la tour qui y tient, nonobstant toutes lettres ou jugements intervenus ou à intervenir, sauf ce qui est dit à la première Paix.

27° Maison de Valetz et taitle commune. — La maison qui fut autrefois de Valetz et qui sert aujourd'hui à l'établissement de l'hôpital St-Géraud, sera franche et quitte des tailles de la ville tant qu'elle servira audit hôpital; mais, si elle était convertie à d'autres usages qu'à celui de l'hôpital et des pauvres, elle serait soumise à la taille commune.

28° Le Moulin-Neuf. — Le meunier du Moulin-Neuf joignant la porte St-Etienne, qui, par lui-même et de sa personne, desservira ledit moulin, ne sera pas soumis aux tailles que l'on imposera dans la ville, au moins pour ledit moulin; car, s'il avait en ville d'autres biens, il y serait soumis pour ceux-là.

29° Le messager du couvent. — Le couvent a, en ce moment, un messager, et pourra toujours en avoir un qui, en raison de cet office, et tant qu'il le remplira lui-même, ne sera pas imposé aux tailles de la ville.

30° Le meunier du camérier. — De même aussi le meunier du camérier, tenant le moulin du Huis inférieur sous le mas de Limagne, ne sera pas imposé aux tailles de la ville, pour raison dudit moulin ; mais seulement pour ses autres biens, s'il en a.

31° Absolution téniralt. — Tous procès, devant quelque juridiction que ce soit, demeurent éteints, et les parties renoncent respectivement à tous dommages et intérêts.

32° Des arbitrages. — Les consuls n'entraveront plus la justice de l'abbé en cherchant à s'attirer des arbitrages ; la cour de l'abbé ne cherchera plus à s'attirer la connaissance des blessures légères.

33° Nouveau serment. — Enfin, pour éviter, autant que possible, de nouvelles discussions, les officiers de l'abbé d'une part, tous les agents des consuls de l'autre, ajouteront un serment qu'ils sont tenus de prêter, qu'ils exécuteront loyalement soit la présente sentence, soit la première Paix en tous les points auxquels il n'y est pas dérogé par les présentes. Le même serment devra aussi être prêté par l'abbé actuel et par ses successeurs dans les six mois de leur retour de Rome, après quoi les consuls et les habitants prêteront, en ses mains, le serment ordonné par la première Paix.

34° Les parties se réservent expressément tout l'effet de la première Paix, sauf dans les points auxquels il est dérogé par la présente sentence, l'acceptent, la louent, la confirment, s'obligent à l'exécuter à peine de 200 marcs d'argent pour chaque contravention, payables par le contrevenant à la partie adverse, et hypothèquent, à cet effet, d'une part les biens de l'abbaye, de l'autre ceux du consulat.

35° Enfin, les parties s'obligent à faire confirmer par le roi la présente sentence, elles en jurent l'exécution et y apposent leurs sceaux.

En effet, au mois de décembre 1305 cette seconde Paix fut confirmée par le roi, et, comme elle ratifiait et approuvait la première, et obligeait l'abbé et ses officiers, les consuls et tous leurs agents à s'engager par serment a exécuter loyalement la sentence d'Eustache de Beaumarchais, j'ai eu raison de dire que nos abbés eux-mêmes avaient été réduits à reconnaître que le consulat avait une origine aussi ancienne que leur seigneurie, que ces deux institutions remontaient au moins à saint Géraud.


 ORGANISATION DU CONSULAT.

J'ai été obligé, malgré moi, de donner trop d'étendue au chapitre qui précède; l'espace me manque. Je ne dirai donc rien d'autres accords intervenus la même année 1298 entre l'abbé et les consuls, non plus que d'un traité très curieux du 3 mai 1347, imprimé chez P. Picut en 1843. Je passe de suite au mode d'élection des consuls.

Aucun titre connu ne nous apprend la manière dont les consuls étaient nommés aux XII°, XIII° et XIV° siècles; mais un règlement, approuvé par l'abbé le 18 juin 1163, et par lequel les habitants d'Aurillac déclarent qu'ils veulent revenir à l'ancien usage, négligé depuis vingt ans, nous fera connaître probablement la forme la plus ancienne. Voici en substance ce qu'il contient:

Tous les habitants de la ville étaient divisés en dix corporations ou corps d'état: celle des nobles et bourgeois, celle des clercs et notaires, celle de St-Martial ou des marchands, la confrérie de St-Géraud que je crois avoir été celle des pelissiers, et la confrérie de St-Jacqucs qui, outre les pèlerins, comprenait peut-étre les marchands ambulants, colporteurs et émigrants. Ces cinq corporations, sans doute en raison du nombre et de l'importance de leurs membres, nommaient chacune tous les ans deux bailes pour les gouverner et représenter, à elles cinq dix bailes.

La confrérie de St-Blaise pour les tisserands; celle de St-Martin pour les meuniers, boulangers, marchands de grains, etc.; celle de Notre-Dame pour les tailleurs et gens d'aiguille; celle de St-Jean pour les maçons, chaufourniers, etc., et celle du Corps-de-Dieu qui, probablement, réunissait alors les forgerons, armuriers et gens à marteau, nommaient chacune annuellement un baile.

Il y avait donc à Aurillac quinze bailes, élus par les dix corporations, qui représentaient le corps commun des habitants. C'était là le premier degré d'élection.

Tous les ans ces quinze bailes, réunis aux vingt-quatre conseillers sortant de charge et aux six consuls dont les pouvoirs expiraient, élisaient tous ensemble dix-huit nouveaux conseillers pour l'année qui allait commencer. Voilà l'élection au deuxième degré.,

Enfin, les dix-huit nouveaux conseillers auxquels s'adjoignaient les six consuls sortant de charge pour former le nombre de vingt-quatre conseillers de l'année nouvelle, élisaient, par un troisième degré d'élection, les six nouveaux consuls.

Tel était le système électoral suivi à Aurillac. Il avait pour base le suffrage universel, sans cohue, puisqu'il n'était pratiqué qu'au premier degré dans les dix corporations, entre gens d'un même état, se connaissant parfaitement et marchant sous la même bannière, qui nommaient, pour les représenter, ceux-là mémo qu'ils jugeaient les plus dignes d'être les chefs de leur corporation. Ces bailes, élus chaque année, se réunissaient pour élire le conseil nouveau avec les élus de l'année précédente, expression, comme eux, du suffrage universel, et ils ne nom. maient que dix-huit conseillers sur vingt-quatre, parce que les six consuls sortant de charge étaient, de droit, conseillers l'année suivante, pour faire connaître aux nouveaux venus les affaires commencées avant leur élection. Il nous semble qu'un pareil plan ne manque ni de sagesse, ni de prudence, ui de prévoyance, et qu'il dénote une grande connaissance du gouvernement représentatif.

Pour ménager tous les intérêts et peut-être, comme je l'ai dit, par une suite naturelle de la fusion des trois parties qui ont formé la ville, on nommait six conseillers et deux consuls d'Aurenque, même nombre d'Olmet et autant du quartier des Ponts. L'élection faite, elle était publiée le premier dimanche de septembre à l'église paroissiale, où le peuple était réuni. Les nouveaux consuls prêtaient serment entre les mains des anciens, et le dimanche suivant les conseillers nouveaux prêtaient serment entre les mains des nouveaux consuls.

Les charges municipales étaient entièrement gratuites et obligatoires, sous peine d'amende pour un premier refus, et de perdre les droits de cité pour un second.

Les consuls ne pouvaient faire une dépense au-dessus de dix livres, ni imposer aucune taille sur les habitants sans le consentement des quinze bailes représentant le corps commun.

Quand une imposition ou taille était résolue, elle était répartie par deux consuls, quatre conseillers, six bailes et deux laboureurs de la paroisse. Le rôle restait un mois à la maison consulaire à la disposition de tout réclamant, et les réclamations étaient jugées par les consuls.

Il y avait un receveur obligé de rendre compte tous les mois aux consuls et conseillers. Cette place était adjugée à celui qui s'en chargeait au plus bas prix, pourvu qu'il donnât bonne caution; et chaque année, en sortant de charge, les consuls et le receveur faisaient apurer leur gestion en présence des quinze bailes.

Peut-être quelques-uns de mes lecteurs trouveront-ils cette organisation municipale trop simple, trop naïve, trop arriérée. Mais, nos pères auraient peut-être plus de raison de s'étonner de nos élections tumultueuses, de l'obligation où nous sommes de demander l'autorisation de réunir le conseil, l'autorisation de délibérer sur tel ou tel sujet, l'approbation des délibérations, l'autorisation de construire et l'approbation des plans, etc., etc. Ils se réunissaient, eux, quand ils le voulaient; ils imposaient les tailles qui leur paraissaient nécessaires; ils les répartissaient et en faisaient le recouvrement sans en rendre compte à personne autre qu'au conseil de la ville. Le roi Philippe-le-Bel le reconnaît formellement par lettres-patentes du 14 mars 1309. Ils se gardaient eux-mêmes et n'étaient pas tenus de recevoir garnison dans leurs murs. Charles VI, dans des lettres du 9 juillet 1381, les autorise à fermer leurs portes à tous capitaines de gens de pied et de cheval, excepté toutefois le connétable ou l'un des maréchaux de France. Louis XI reconnaît, dans ses lettres-patentes du 3 mai 1469, qu'il n'a pas le droit de nommer un capitaine pour garder la ville d'Aurillac, et révoque, en conséquence, le sieur de Ferrière, à qui il avait donné ce commandement. lis faisaient la paix et la guerre avec les seigneurs du voisinage; les prenaient à leur solde, et refusaient, les armes à la main, de payer une imposition arrachée, par surprise, à Charles V par son frère, le duc de Berri et d'Auvergne; comme ils résistaient aussi, les armes à la main, aux exactions du duc de Nemours, seigneur de Carlat; et les rois les approuvaient, ainsi que cela résulte des lettres-patentes de Charles V du mois de mars 1364 et 15 mai -1376, et de celles de Louis XI déjà citées. Enfin, leur sollicitude s'étendait bien au-delà des limites de la ville et de la paroisse. Ils établissaient des ponts, entretenaient des guets, veillaient à la sûreté des routes, faisaient venir des approvisionnements, s'occupaient, en un mot, avec la plus entière liberté, de tout ce qui pouvait être utile à la ville en particulier et au pays on général. Nous avons déjà fait voir comment ils fondaient le collège d'Aurillac, aidaient à tirer de ses ruines le couvent des Carmes et celui des Cordeliers, faisaient venir du Puy les religieuses de Notre-Dame pour l'instruction des jeunes personnes; ce sont de nouvelles preuves de cette liberté d'action, de ce pouvoir étendu, de cette large initiative en fait d'administration dont ils jouissaient sans conteste. Si donc sous d'autres rapports ils étaient assujettis à quelques devoirs vis-à-vis du seigneur abbé, on peut dire que l'obligation où était le seigneur de les consulter surtout, de ne rien faire qu'en leur présence et en quelque sorte sous leur surveillance, amoindrissait tellement sa seigneurie, que les habitants d'Aurillac jouissaient d'une entière liberté et des droits les plus étendus qu'il fut alors possible de désirer.


 A QUOI TENAIENT LA FORCÉ ET LA LIBERTÉ DES HABITANTS D'AURILLAC ?

La réponse à cette question est bien facile : à leur union. Nos pères possédaient tout ce qui peut unir les hommes: une même foi, un même intérêt, la même ambition.

Les institutions du Moyen-Âge avaient pour fondement, pour règle et pour lien la croyance de l'Eglise catholique. Partout les débris de l'ancienne société gauloise ou romaine avaient été disputés aux Barbares par les évêques; les moines avaient défriché le sol dévasté et devenu désert; la population, éparse ou fugitive, n'aVait trouvé d'asile et de refuge qu'autour des églises, et de protection que dans leurs immunités. C'était donc aux pieds des autels que s'étaient formées les nouvelles associations qui devaient constituer la France; aussi les vit-on toutes se placer successive ment sous le patronage immédiat de la Sainte-Vierge et des Saints. Les premiers étendards sous lesquels se rangeait le peuple n'étaient autres que les bannières des églises çu de leurs corporations, et l'oriflamme elle-même était la bannière de saint Denis. L'église de chaque commune fut donc le point de réunion de l'association; c'était là ou dans le cimetière qui en bordait les murs qu'on délibérait sur les affaires communes, qu'on choisissait les consuls et syndics, qu'on les proclamait, qu'on recevait leur serment, qu'on promettait de leur obéir; c'était là que l'on donnait assignation à une commune, qu'on publiait les ventes des biens, que l'on consultait le peuple assemblé sur le» traités, les transactions sur toutes les affaires qui l'intéressaient.

C'était encore à l'église que le peuple se réunissait pour assister aux offices, entendre la parole de Dieu, participer aux sacrements, célébrer toutes les époques de la vie depuis le baptême donné à l'enfant jusqu'aux derniers devoirs rendus aux morts. Il n'y avait pas une fête, pas une joie, pas une circonstance heureuse sans réunion dans l'église, tout jusqu'à certaines saturnales burlesques que la foi naïve de nos pères excusait peut-être et que nous ne concevons plus aujourd'hui, la fête des fous, la messe des ânes, etc., y attirait un nombreux concours. Là se trouvait réuni tout ce qui intéressait nos aïeux, la chapelle et la bannière de la corporation, le banc des dignitaires, où l'on cherchait à mériter une place par une vie entière de probité, de bonnes œuvres; le tombeau de la famille dans lequel reposaient ceux qu'on avait aimés et près desquels on devait reposer un jour. Il n'est donc pas étonnant que chacun alors fut plus étroitement attaché à cette foi antique, sucée avec le lait, et qui était devenue une partie intégrante de la vie civile, do la vie de famille, de la vie de l'âme. C'était le lien le plus fort qui put unir les membres d'une même paroisse.

A ce lien, déjà si fort par lui-même, venait s'en joindre un autre. La société était divisée en plusieurs corporations qui avaient chacune leur patron, leur chapelle, leur trésor, leurs droits, leurs privilèges; tous les membres de ces corporations avaient appris, dès l'enfance, à aimer ce patron, à parer son autel; plus tard ils s'étaient réunis sous sa bannière. Ils avaient entendu faire souvent l'éloge de ceux de leur famille ou de la confrérie qui avaient été promus à la dignité do baile, qui avaient commandé la compagnie, remporté les prix dans les joutes ou combattu vaillamment dans l'occasion. Peut-être y avait-il eu quelquefois rivalité entre quelques-unes des corporations, et l'esprit de corps faisait un devoir à tous de ne pas laisser déchoir celle dont on faisait partie; c'était là un lien nouveau, un juste sujet d'émulation qui engageait les confrères à se surveiller eux-mêmes et se surveiller les uns les autres, parce qu'ils avaient tous un intérêt commun, celui de la corporation.

Un troisième mobile qui devait unir encore entre eux les membres des corporations, c'était leur admission dans les charges municipales, l'éligibilité au consulat dont l'honneur rejaillissait sur tous; c'était la conservation des franchises de la ville, souvent attaquées par les abbés, mais toujours défendues avec énergie tant que subsista l'union des corporations. Peut-être le désir de les accroître encore au détriment de l'abbé, ambition naturelle et commune à tous, unissait-il encore davantage les habitants d'Aurillac.

Mais, voilà que le XVI° siècle commence; quelques moines, que fatigue le célibat ecclésiastique, jettent le froc, et, sous prétexte de reformer l'Eglise et le relâchement de la religion romaine, prêchent une doctrine nouvelle dont l'austérité ne craint pas d'autoriser la bigamie.

Mon intention, on le pense bien, n'est pas de faire ici l'histoire du protestantisme en Auvergne : je ne m'occupe que d'Aurillac et dois me contenter de rappeler les faits qui s'y sont passés; mais, comme on a accusé nos consuls et le sire de Brezons d'avoir abusé de leur autorité au .mépris des édits royaux et qu'on veut déverser sur eux tout le blâme, il doit m'être permis de rétablir, en peu de mots, la vérité.

Tout le monde savait, à Aurillac, que les deux leviers avec lesquels Luther prétendait renverser l'Eglise romaine étaient l'appât des plaisirs et le pillage des biens ecclésiastiques. Les ruines amoncelées par le protestantisme en Allemagne, en Suisse, en Angleterre et jusque dans notre province d'Auvergne en étaient des preuves sensibles. Ce n'était pas une liberté spéculative qu'il réclamait; à peine introduit dans une ville, il s'attaquait ouvertement à tout ce qui avait été jusqu'alors un objet de vénération pour les habitants. Les sectaires abattaient les croix, déchiraient les images de la Sainte-Vierge, insultaient et menaçaient les ecclésiastiques et les citoyens restés fidèles à leur religion, et s'emparaient violemment de l'administration.

Telle a été leur conduite à Issoire. (Imberdis, vol. I, p. 50.)

Certes, une telle conduite ne devait pas attirer à la nouvelle religion les hommes raisonnables; elle devait avoir et elle eut, en effet, les plus funestes conséquences. Partout où le protestantisme s'introduisit, l'union des corporations fut brisée, et leurs membres se divisèrent en deux camps d'autant plus irréconciliables qu'il n'était pas possible d'attendre quelque modération de la part de ceux qui prenaient les armes pour rompre violemment avec le passé, et une abnégation absolue de ceux qui voulaient maintenir la foi ancienne, sanctionnée et protégée parles lois de l'Etat.

Aussi est-ce de ce moment que date la décadence des institutions municipales; les villes, devenues une arène où deux parties se déchiraient mutuellement, le roi ne manqua pas de saisir l'occasion qui s'offrait pour lui d'interposer son autorité et de s'attribuer des droits que, sans cette division, on ne lui aurait jamais laissé prendre. Nous allons en voir une preuve évidente 1} Aurillac.

J'ai dit, dans la série des abbés, que déjà en lîioS il y avait à Aurillac quelques familles protestantes, et que plusieurs membres du conseil n'avaient su se défendre du poison de l'hérésie. Tant que l'abbé, seigneur haut justicier, avait pu tenir d'une main ferme les rênes de l'administration, ils étaient demeurés tranquilles; mais, à la nouvelle de la sécularisation de l'abbaye, ils se crurent certains de l'impunité, s'assemblèrent en tumule et prêchèrent ouvertement la nouvelle doctrine. Il est probable que les consuls et l'immense majorité des habitants ne virent pas avec plaisir cette levée de boucliers, et ne leur permirent pa« de s'assembler dans la ville même, puisque, d'après nos annales, ils se réunissaient dans une grange hors la porte St-Marcel, appelée de Ganiot. Mais, les exhortations violentes et passionnées des prédicateurs provoquaient nécessairement des rixes, et, cette année 1561, de Brezons, lieutenant pour le roi dans le gouvernement d'Auvergne, vint à Aurillac, accompagné de plusieurs gentilshommes, au nombre .desquels on cite M. de Caillac. Il venait pour rétablir l'ordre et faire cesser les réunions tumultueuses des protestants. Ceux-ci résistèrent à force ouverte; il fallut combattre; plusieurs furent tués les armes à la main, d'autres pris, livrés à la justice et condamnés à être pendus. L'année suivante, 1562, nouveaux troubles, nouveau combat qui eut le même résultat.

Les protestants se plaignirent au roi; le sire de Brezons et les consuls furent mandés à la cour; ils s'y rendirent, la trouvèrent à St-Gcrmain-en-Laye. Mais, on avait autre chose à faire que de les ouïr; il leur fallut suivre la cour de St-Germain à Lyon, de Lyon à Toulouse, de Toulouse à Bayonne et de cette dernière ville à Bordeaux. Là seulement on daigna se souvenir que depuis deux ans ils attendaient une audience. Brezons perdit son gouvernement et les consuls revinrent à Aurillac absous, mais ruinés.

Cependant, les protestants avaient toujours les yeux sur Aurillac, attendant l'occasion de s'en emparer. Elle leur fut offerte par un traitre appelé Prantinhac. Le 5 septembre 1569 plusieurs soldats des capitaines Laroque et Bessonies s'introduisirent en ville déguisés en paysans, et furent reçus et cachés chez Prantinhac et ses adhérents. La nuit suivante lesdits capitaines s'approchèrent sans bruit de la porte St-Marcel qu'ils firent sauter à l'aide d'un pétard, et, à l'instant, les soldats introduits dès la veille et les protestants, armés, descendant dans la rue, firent main-basse sur les habitants catholiques réveillés par l'explosion, au moment même où ils sortaient de leurs maisons à demi nus et presque sans armes.

Voici en quels termes M. André Imberdis raconte les tristes suites de cette surprise déplorable:

« Les catholiques perdent cent vingt des leurs et laissent prisonniers les consuls.

On les applique immédiatement à la torture, ensuite ils sont pendus. Après ces

premiers exploits, les religionnaires brûlent, au milieu de la place publique, tous les titres et archives de la cité. Ils dévastent les églises et les détruisent. Le palais abbatial, la maison consulaire, les hôpitaux, le monastère de St-Pierre,

Plusieurs autres couvents sont successivement brûlés. L'abbaye royale du Buis, ordre de St-Benoit, est totalement ruinée. L'église de St-Géraud, si noble et si belle avec les arcs-boutants gothiques de son vaisseau extérieur, son chœur entouré de colonnes, isolé par un jubéaux chapiteaux brodés de feuilles d'acanthe et de palmier, ses arches élancées retenues par de larges piliers au dehors, son vaste parvis précédant le portail du milieu; si belle avec les bas-reliefs du soubassement portant doucement des colonnettes légères, et si éloquente avec  l'histoire du Jugement Dernier, cette page lugubre écrite au tympan du fronton. La sainte basilique ne fut pas respectée; des bras stupides se levèrent contre le  monument, et l'abbaye, l'église, le couvent, admirable trilogie, se couchèrent dans la poussière. On exposait dans l'église les reliques du fondateur, le pieux comte Géraud. Jean de Cardaillac, abbé du monastère, leur avait fait faire, en 1536, une châsse en argent, du poids de 80 mars. Les reliques furent jetées au » feu; la chasse disparut.

Cependant, pour assurer plus tard l'exécution de ses desseins sur Aurillac, le » comte (Montmorin de St-Hérem) se ménagea des intelligences secrètes. Les consuls Amaury de Fraissy et Géraud Bobesi, Antoine Fortet, receveur des deniers, Géraud de Veyre, etc., se prêtèrent à seconder les projets du gouverneur; ils devaient lui remettre les clés de la ville; mais le succès ne couronna pas leurs efforts. La conspiration avant été découverte, le lieutenant criminel » Lamire, qui prenait le titre de président du présidial civil et criminel d'Aurillac, superintendant des finances des princes de Navarre et de Condé, les condamna à avoir la tête tranchée ou à périr dans diverses tortures. Plusieurs victimes marchèrent à la mort la tète haute, le pas assuré; d'autres faiblirent et demandèrent inutilement grâce avec des larmes et des cris de commisération. La femme de Bobesi eut le courage d'accompagner son mari jusqu'au lieu du supplice; le coup fatal put seul la séparer de lui et mettre fin à ses consolations et à ses embrassements. Pendant tout le temps que les religionnaires se maintinrent à Aurillac, quatre cents catholiques, dont plus de cent trente chefs de fa mille, subirent  le dernier supplice. D'Ambres inventa un tourment pour les  prêtres. On les enterrait jusqu'au menton, et leur tête servait de but pour la mort, après avoir servi de jouet pour d'infâmes outrages. Le sang le plus généreux coula sans pitié. Toute merci fut refusée.

A part la description un peu trop poétique, peut-être, de l'église St-Géraud, le fond de ce récit est vrai et exact. Loin d'exagérer les horreurs commises à Aurillac par les protestants, il ne dit pas que Fraissy et Bobesi, Géraud de Veyre et Antoine Fortet furent mis à la torture et qu'on leur serra les jambes dans des presses à drap, au point de les faire venir ternes comme des assiettes, disent nos annales; qu'on les suspendit par les bras après leur avoir attaché aux orteils des poids de deux ou trois quintaux, en sorte qu'il fallut les porter ensuite sur l'échafaud déjà demi-morts des suites de cette torture. Il ne dit pas que Lamire et ses dignes acolytes n'avaient organisé cette terreur et imaginé ces supplices que pour extorquer de l'argent; que Géraud Vigier aîné, entre autres, après avoir été torturé six fois, deux fois mis à la presse et quatre fois suspendu, fut taxé A 400 écus, auquel prix on lui laissa la vie, ou du moins ce qui lui en restait ; il ne dit pas que le sire do Tournemire, vieillard de 85 ans, fut vendu ou livré au capitaine des rcitres, Monge, faute d'avoir pu payer la somme de 1,300 Ht. à laquelle il était estimé, et qu'après un an de prison il fut racheté par ses enfants; il ne dit pas que, pour activer le paiement des sommes auxquelles chaque bourgeois était taxé, on jetait bas le toit de sa maison, que l'on mit aux enchères les propriétés de l'abbaye, et que nous avons un registre entier contenant les procès-verbaux d'adjudication, faites avec autant de solennité que si le citoyen Lamire avait été le véritable représentant de la justice.

Mais, lorsqu'on dit, pour pallier en partie ces atrocités, que les consuls s'entendaient avec M. de Montmorin pour lui livrer les clés de la ville, on avance un fait non seulement dénué de preuves, mais impossible. Les consuls nommés le 2 septembre 1569 étaient Jean Vigier, greffier d'appeaux ; Bernard Dumas, bourgeois; Jacques Combes, Pierre Moles et Guillaume Coste, marchands, et Jean Delzons, apothicaire. Ils n'étaient en charge que depuis l'avant-veille, 4 septembre. M. Imberdis dit lui-même qu'ils restèrent prisonniers des protestants le 6 au matin. Les vainqueurs nommèrent à leur place François de Cros et Hugues Grandjean, marchands; Jean Rey t, Georges Ferrier, faiseur de fuseaux; Cesari Cortez, maquereau, et Pierre Blanc, potier. L'année suivante, 1570, ils nommèrent encore François Labardelli; Jean Solerie, médecin ; Hugues Grandjean; Etienne de Sartres; Antoine Jaulhac, et Géraud Boissadel, tous huguenots. Donc les consuls, pendant l'occupation de la ville, ne pouvaient correspondre avec M. de Montmorin, et, ceux que désigne M. Imberdis n'étant pas consuls, ne pouvaient livrer les clés de la ville, qui était, d'ailleurs, gardée par les reitres du capitaine Monge. Ainsi, tout prétexte leur manquait; ils n'en cherchaient même pas.

On se rejette sur la conduite du sire de Brezons en 1561, que l'on qualifie de monstrueuse, êt l'on prétend, d'après les mémoires de Condé, que l'ordonnance du 51 janvier 1560 accordait aux protestants le libre exercice de leur culte dans quatre villes du gouvernement d'Auvergne, Issoire, St-Pourçain, Guéret et Aurillac. Je suis fâché d'avoir à donner un démenti à ces mémoires; mais l'ordonnance de 1560 ne contient pas un mot de cela.

Quant à la conduite du sire de Brezons, je ne suis pas chargé de la défendre ; je dois faire remarquer seulement qu'il représentait le souverain, dont il avait probablement les instructions; qu'on lui avait résisté les armes a la main, au mépris de l'édit du 17 janvier 1561, qui prohibait le port d'armes sous peine de la hait; qu'il livra ses prisonniers â la justice, et que celle-ci instruisit leur procès. Mais, pour nos consuls, il faut remarquer aussi qu'ils n'avaient aucune juridiction, aucun pouvoir judiciaire ; que, par conséquent, on ne peut les rendre responsables de ce qui fut alors bien ou mal jugé.

Le 10 octobre 1570 les protestants, armés, sortirent de la ville; cependant, pour un bien de paix, on consentit encore à nommer des consuls moitié de chaque religion. Ce furent pour les catholiques François Jueri, Pierre Moles et Jean Bardél, et pour les huguenots Jean Solerie, médecin, Antoine Jaulhac ct Géraud Boissadel. L'année suivante, 1571, seulement, le consulat put être rendu en entier aux catholiques.

Il était impossible que, dans cette longue agonie de plus de treize mois, pendant laquelle il n'était presque pas une famille catholique qui n'eut eu à souffrir une injure personnelles sans parler des pertes incalculables que la destruction de tant de monuments faisait éprouver à la ville; il est impossible, dis-je, que la soif de la vengeance n'eut pas fermenté dans tous les cœurs. Aussi quand Pierre Moles, marchand, apprit à Lyon la nouvelle de la St-Barthélemy, accourut-il en poste à Aurillac. Les nouvelles qu'il portait à peine connues, on ferma les portes, on se saisit de tous les protestants qu'une prompte fuite n'avait pas mis à l'abri de cette réaction furieuse, on les enferma dans les prisons de Colonhe et la salle-basse de l'hôtel Malras, et le peuple, en délire, vengea dans leur sang les victimes de 1569.

Il est bien pénible d'avoir a raconter des scènes aussi déplorables. Puissent-elles nous faire comprendre à tous Combien l'union est désirable dans toute société, et à quel excès peut porter l'esprit de parti. Aurillac a payé bien cher ces luttes sanglantes. A partir de cette époque, les gouverneurs de la province prirent l'habitude de venir à leur gré avec une suite nombreuse dans la ville. Le roi ou les ministres ne cessèrent d'y envoyer des troupes en garnison; de nouvelles charges furent créées, le tout au détriment des finances de la ville, qui payait tous les frais de ces innovations.

Au mois de mars 1605 parurent des lettres-patentes qui réduisaient à trois le nombre des consuls, un pour chaque quartier, et qui enlevaient aux bailes des confréries leurs voix délibératives dans les assemblées. En revanche, le parement des robes consulaires, qui n'était que de satin, fut fait en velours.

MM. les membres du présidial, pour s'emparer plus aisément d'une partie des attributions des consuls, briguèrent les charges consulaires t:t se les firent attribuer presque exclusivement par la faveur des gouverneurs et des intendants. Puis en 1707 l'état des finances les ayant rendues pénibles et difficiles, ils s'en firent dé charger, et elles retombèrent, de tous leurs poids, sur les avocats et les riches bourgeois.

Ce n'est pas tout, déjà en 1526 Géraud Labeau, boucher, ayant été» élu consul, avait, il est vrai, siégé en cette qualité; mais, soit modestie de sa part, soit opposition de ses collègues, il ne prit pas le chaperon, marque de la dignité consulaire, première atteinte à la liberté des élections et à l'égalité des citoyens.

En 1671 on fit nommer les consuls par M. Lecamus, intendant; en 1674 ils le furent par M. de Marle, qui était alors intendant; il fit la même chose en 1683; M. Desmarct, intendant, les imita en 1691. Cette même année le roi créa les charges de procureur du roi et de secrétaire-greffier près l'Hôtel-de-Ville. En 1699 et 1734 autres nominations des consuls par M. l'intendant; et enfin en 1764 édit pour l'établissement des maires et échevins dans toutes les villes du royaume. Le premier consul sera désormais appelé maire; les autres recevront la dénomination d'échevins. 1773, autre édit portant qu'à l'avenir les maires et échevins seront à la nomination du roi, et qui défend aux villes de les nommer à partir de cette année. Enfin, en 1781 les charges de maires et d'échevins sont devenues vénales, et ont été vendues et achetées comme suit:

1° Celle de maire, par M. Leygonic de Pruns, 5,000 liv.;

2° Celle de lieutenant de maire, par M. Carrière, conseiller....;

3° Celle de 1er échevin, par M. Claux, avocat, 1,200 liv.;

4° Celle de 2e échevin, par M. Croizet-Lassagne, procureur, 1,200 liv.;

5° Celle de 5e échevin, par M. Raulhac, marchand, 1,200 liv.;

6° Celle de 4e échevin, par M. Chahlat, procureur, 1,200 liv.;

7° Celle de procureur du roi, par M. Crozet-d'Auterive....;

o, .n.nn i> ( par M. Prince, marchand....;

8° et 9° Celles d’assesseurs par M;

10° Enfin celle de secrétaire-greffier de l'Hôtel-de-Ville, par M. Maurel, notaire.

Je m'arrête ; j'aurais trop à dire si je voulais exprimer tout ce que m'inspire la dégradation d'une institution autrefois si grande, si forte, si patriotique quand elle avait pour elle l'assentiment de toute la ville, quand elle la représentait réellement. Aussi bien nous voilà arrivés à la Révolution, et le temps d'en écrire l'histoire n'est pas venu encore. Laissons ce soin à nos enfants.


 L’ÉGLISE NOTRE-DAME D AURILLAC.

Aussi loin que nous remontions dans l'histoire d'Aurillac, nous y retrouvons toujours la vieille église Notre-Dame qui portait le nom de la ville; mais, pas un titre, pas un document écrit n'indique ni la date de sa fondation, ni les noms des fondateurs.

Cette église, construite en partie sur l'emplacement de l'Hôtel-de-Ville actuel et de la place qui est au-devant, était grande, belle, en forme de croix et a trois nefs séparées par de légères colonnes. L'une de ces colonnes, assure-t-on, surmonte en ce moment la fontaine de la place Monthyon. Elle était précédée d'un clocher formant un porche ouvert de trois côtés et faisant face à la rue de la Marinie. A droite et à gauche, et le long des collatéraux, étaient les chapelles des confréries. Ces collatéraux ne se prolongeaient pas au-delà des bras de la croix; l'abside était terminée par le chœur et deux chapelles latérales. Outre les trois portes princi pales du porche dont j'ai déjà parlé, il y en avait deux autres, l'une à chaque bras de la croix. Cette église avait été détruite en 1569 par les protestants comme les autres monuments religieux de la ville, et ne fut réparée de manière à pouvoir y célébrer le culte divin qu'en 1605. M. de Lagarde, secrétaire du roi, lui fit don, cette même année, d'une statue de la Vierge en argent pesant 40 mars et de valeur de 1,200 liv.; elle fut reçue par contrat de Leygonic, notaire, du 21 décembre 1605. Les réparations extérieures de l'église et des clochers ne furent achevées qu'en 1613.

Ainsi, pendant trente-six ans entiers les habitants d'Aurillac avaient été privés de leur église paroissiale, et, après qu'on eut commencé d'y célébrer les offices divins, il leur fallut encore huit ans de travaux pour la terminer. Pendant cet intervalle de trente-six ans on avait été réduit à se réunir dans une autre église ou vaste salle, sise rue Trans-las-Parros, qui fut, depuis, convertie en jeu de paume. Cette église, dont nous ignorons absolument la destination primitive, était située sur l'emplacement occupé aujourd'hui par les maisons de MM. Majonenc, banquier, et Vigier, président honoraire du tribunal. Lorsque ces messieurs, il y a quelques années, réparèrent ces maisons, on trouva, dans le mur de refend qui sépare encore aujourd'hui la cuisine de M. Allgier de ses salons, les fenêtres ogivales de l'ancien édifice.

Revenons à l'église Notre-Dame d'Aurillac. J'ai dit que je n'avais trouvé aucun document qui constatât son origine et sa fondation. Le savant et modeste Raulhac, que j'ai eu occasion de citer déjà plusieurs fois comme le premier qui, dans ce siècle, se soit occupé de notre histoire, après avoir dit que cette église était assez richement dotée pour former une communauté de soixante prêtres pourvus chacun d'un revenu de trois cents francs, ajoute à son texte la note suivante:

Cette communauté, selon Piganiol de Laforce (Nouvelle Description de la  France, vol. 11, p. 195), était la plus belle du royaume. Dans les premiers  temps on y recevait indistinctement tous les prêtres nés et baptisés à Aurillac;  mais en 1517, par arrêt du parlement de Paris, le nombre d'agrégés qu'elle devait renfermer fut réduit et fixé à soixante. Pour apercevoir les commencements de cette autre grande institution, il faut remonter à l'an 1215; alors le quatrième concile de Latran ayant décidé que les moines, qui avaient exercé jusque-là toutes les fonctions ecclésiastiques dans les terres de leurs dépendances, devaient se retirer dans leurs cloîtres. Il fallut pourvoir aux besoins spirituels des peuples, et des prêtres séculiers, sous le nom de recteurs ou de vicaires perpétuels, furent chargés de ce ministère. L'érection de la cure de Notre-Dame, en cette ville, semble dater de cette époque; c'est ainsi, du moins, qu'on le trouve écrit dans un mémoire publié vers l'an 1726 par le chapitre d'Aurillac contre le sieur Forgeron, curé dudit lieu. Alors aussi, sans doute, il parut nécessaire de donner à ces pasteurs d'actifs coopérateurs, pour l'entretien desquels des âmes pieuses firent peu à peu un riche fonds. Par une bulle donnée vers le milieu du XIV° siècle, le pape Clément VII permit à cette communauté d'avoir un sceau particulier, des archives, et de nommer des syndics.

Cette opinion de M. Raulhac peut être juste et fondée ; mais elle suppose l'existence de l'église, desservie par les moines avant 1215, puisque ce serait alors seulement qu'on aurait nommé un curé pour remplacer les moines qui se retiraient. Donc la question de l'origine et des auteurs de la fondation de l'église reste entière.

A cet égard on ne peut guères répondre que par des conjectures. Voici cependant deux faits qui peuvent nous mettre sur la voie. D'abord il est certain, et M. Forgeron, curé, cité par M. Raulhac, le reconnaît dans son mémoire, que le curé d'Aurillac devait payer annuellement, au chapitre St-Géraud, quatre-vingts septiers de froment, et que cette redevance s'appelait anciennement le pain du matin ou message de mars, parce qu'elle se payait alors au mois de mars. Il est évident que cette redevance, qui devait fournir pendant un mois le pain nécessaire aux moines, suppose une concession primitive de terres ou de cens. J'ai dit que partout où nos abbés fondaient des églises, ils abandonnaient au desservant les revenus de leurs terres, et ne se réservaient, pour le monastère, qu'un cens et la nomination du titulaire, en signe de suzeraineté. 11 ne serait donc pas impossible qu'ils eussent agi de même à Aurillac.

Mais, d'une autre part, il n'est pas moins certain que les soixante prêtres communalistes étaient entretenus par de nombreuses fondations, appelées chapellenies, dotées par des habitants d'Aurillac et dont le patronage appartenait aux consuls. Ils les conféraient eux-mêmes à ceux qui leur paraissaient avoir les meilleurs titres et le plus de capacité. Ils avaient la police de l'église; la sonnerie leur appartenait; mais l'abbé nommait le curé.

Il y avait donc là encore partage de l'autorité entre l'abbé et les consuls; ne pourrait-on pas conclure que l'un des premiers abbés avait primitivement doté et peut-être même construit la première église Notre-Dame d'Aurillac entre les trois faubourgs dont la réunion a formé la ville, que plus tard, la réunion opérée, les consuls ont reconstruit cette église sur un nouveau plan et l'ont rendue digne de la ville nouvelle qu'elle devait desservir. Ce qui me paraît confirmer cette explication, c'est que, lorsque après 1569 on a été dans l'obligation de la restaurer en entier, ce sont les consuls qui ont fait seuls la dépense.

A la date des 18 et 22 septembre 1399, je possède deux titres curieux qui justifieraient encore cette conjecture. Ils constatent qu'un abus assez grave s'était introduit dans la communauté de l'église paroissiale. Dans- le principe, lorsqu'un jeune prêtre était admis à prendre rang dans cette communauté, il en invitait les syndics à prendre part à un petit repas de bien-venue modeste et frugal; peu à peu l'usage s'introduisit d'en inviter un plus grand nombre, et enfin la communauté entière. Ce n'était rien encore; mais, sous prétexte d'ordonner la fête, la communauté en vint à nommer des commissaires qui se rendaient chez le récipiendaire trois jours à l'avance pour en régler les préparatifs. Bientôt ces commissaires trouvèrent les volailles du pays trop maigres, le vin trop froid, etc. ; ils exigèrent que l'on fit venir des pays voisins ce qu'il y avait de mieux en vins et victuailles do toute espèce en sorte que le dîner de bien-venue se changea en véritables noces de Gamache. Outre le scandale qui en résultait, le récipiendaire, obligé de nourrir cinq ou six commissaires trois jours à l'avance, de gorger les soixante communalistes le jour de la fête et d'abreuver encore le cinquième jour la Commission qui venait manger les restes, était fort heureux lorsqu'il en était quitte pour avoir dépensé d'avance un an de son revenu.

Il ne fallut pas moins que l'intervention de l'abbé et des consuls, et le consentement des plus sages de la communauté, pour faire cesser cet abus, et, grâce à leur accord, l'abbé fit un règlement d'après lequel le dîner susdit ne dût être composé, pour chaque assistant, que d'un pain de froment, un quart et demi de bon vin pur, meure d'Aurillac, et d'un quartier de mouton pour quatre. L'abbé, dans ce règlement, déclare qu'il le fait du consentement des consuls qui se disent patrons de l'église. Ainsi,s'il ne leur reconnaît pas expressément ce droit de patronage,il ne le leur conteste pas non plus et le rappelle même, ce qui justifie pleinement mon assertion.

Je crois inutile de rappeler ici l'arrêt du parlement de Paris du 22 mars 1547, rapporté par Papon et cité par M. Raulhac; il me suffira de dire qu'il ne réduit pas lui-même le nombre des communalistes à soixante, mais veut seulement qu'il soit réduit à un nombre proportionné aux revenus de l'église, cent ou quatre-vingts, par exemple.

Il parait qu'effectivement le nombre des communalistes fut fixé à soixante par suite de cet arrêt; mais, ce ne fut pas la seule réduction. Le 21 février 1618, pour faciliter la fondation du collège, le conseil autorisa les consuls à demander l'union des différentes chapellenies et la réduction à quarante du nombre des communalistes. Cette délibération n'eut pas de suite, ou du moins ne fut pas entièrement exécutée; car, j'en trouve une autre du 0 août 1760qui autorise aussi les consuls â. demander la réduction à quarante, et une seconde, du 6 août 1763 formulant le même vœu par ce motif qu'il y a dans la paroisse quinze à seize mille communiants, que quatre vicaires ne suffisent pas pour une population si nombreuse, et qu'il en faudrait au moins six. Une troisième, enfin, du 50 juin 1764, dans laquelle on demande encore la réduction à quarante places, dont trente-cinq seulement seraient effectives : deux seraient données aux vicaires, deux aux choristes et enfants de chœur, et une au collège. Cette fois on avait obtenu un arrêt du parlement; le conseil décide qu'il sera exécuté, malgré l'opposition des communalistes. J'ai tout lieu de croire que cette réduction eut lieu, en effet, puisqu'à la date du 19 avril 1786 nos registres contiennent une dernière délibération, par laquelle le conseil n'est pas d'avis d'autoriser une réduction nouvelle à vingt-six membres seulement, proposée par la communauté; mais, il ajoute qu'il consentira qu'elle soit réduite à vingt-huit, à condition que les revenus de deux de ces places soient affectés à un curé et un vicaire pour u:ic nouvelle paroisse que l'on établirait soit au Chapitre, soit au collège, et que cinq des communalistes conservés aideraient le curé et le vicaire de cette paroisse nouvelle:,

Ce projet ne put être mis à exécution; la Révolution éclata bientôt après, et la vieille .église paroissiale, dans laquelle le peuple d'Aurillac s'était si souvent réuni, où les anciens consuls lui prêtaient serment de défendre énergiquement ses droits et ses privilèges, fut d'abord abandonnée, puis sacrifiée à de mesquins intérêts. Je me suis fait une loi de ne rien dire d'une époque encore trop rapprochée de nous; mais, il m'est permis de regretter qu'Aurillac, déjà bien pauvre en monuments religieux, n'ait pas au moins su conserver la plus belle de ses églises, celle qui portait son nom et qui lui aurait rappelé tant d'honorables souvenirs.

Aujourd'hui une partie de l'emplacement de la vieille église est occupée par la place d'Armes; sur l'autre partie on a élevé un hôtel-de-ville, marqué au coin de tout ce qui se fait de nos jours. La façade, régulière et simple, a assez d'apparence; mais il n'y a pas de profondeur, et sa distribution intérieure permet à peine d'y entasser les bureaux nécessaires dans une mairie.


 LA CHARITÉ DU ST-ESPRIT.

Les consuls d'Aurillac, outre les nombreuses attributions que nous avons déjà fait connaître, en avaient encore une fort importante. Il y a toujours eu et il y aura toujours, malheureusement, des pauvres; de même qu'il y aura toujours des hommes valides et des infirmes. Voilà pourquoi la Religion fait un précepte rigoureux de la charité. Dans le Moyen-Âge les institutions charitables étaient très nombreuses, et, pour les perpétuer aussi longtemps que possible, au lieu de sommes à distribuer immédiatement, tous les donateurs fondaient, suivant leurs moyens, des rentes foncières perpétuelles. Toutes ces rentes réunies formaient un revenu annuel considérable, principalement en grains, que les consuls distribuaient aux pauvres à la Pentecôte, dans les trois consulats dont j'ai parlé. C'est ce qu'on appelait la charité du St-Esprit, probablement à cause de l'époque où se faisait cette distribution. Il est bien peu de testaments des XII°, XIV° et XV° siècles dans lesquels on ne trouve une disposition en faveur de cette charité, dont l'origine est entièrement inconnue. Le grain seul qu'elle distribuait s'élevait au moins à deux cents septiers annuellement.

Presque toutes ces rentes ont été perdues à la Révolution. C'est le résultat le plus net de toutes les commotions politiques. On prétend toujours les faire dans l'intérêt des classes souffrantes, et ce sont elles qui en sont les premières victimes. Les anciennes institutions civiles s'écroulent, mais la charité chrétienne leur survit et s'efforce de continuer le bien qu'elles ne peuvent plus faire. C'est ainsi que l'archiconfrérie du St-Esprit, établie à Aurillac avec l'autorisation de frère Antoine de Cardaillac, 41e abbé, par Jean Rebier, prieur de Thiézac, son vicaire-général, le 1e r mai 1512, confirmée par Charles de Noaillcs le 16 septembre 1630 et par M. le cardinal de Gèvres en 1691, continue encore de nos jours, autant que la modicité de ses revenus le lui permet, la distribution de pain que faisaient autrefois nos consuls.


 CÉRÉMONIES.

Je ne puis m'empêcher de transcrire ici un petit cahier à la date du 8 août 1631, intitulé:

« Mémoire de ce que MM. les consuls et greffier de la Maison-de-Ville sont obligés de faire durant l'année.»

Premièrement, après que les nouveaux consuls sont créés à la Maison-de-Ville, le dernier va trouver le second et tous deux le premier, pour communiquer ensemble et visiter monsieur le gouverneur, s'il est en ville, et autres.

Le 1er jour de janvier les vieux consuls, avec les officiers, s'assemblent en la Maison-de-Ville, vont à la Grand'Messe, où M. le lieutenant-général, s'il est en ville, se trouve. Laquelle achevée, le premier consul fait une harangue au peuple, et icelle achevée, le valet des sieurs consuls appelle à haute voix les consuls nommés. S'ils se présentent ils prêtent serment èz-mains dudit sieur lieutenant-général, ou, en son absence, du premier consul, et, si l'un d'eux ne se présente pas, est contre eux donné défaut. Et ce fait, les vieux et nouveaux consuls, et officiers vont au Monastère, et les nouveaux consuls prêtent serment » èz-mains de l'official du seigneur abbé d'entretenir la paix faite entre ses prédécesseurs et la ville. Et après se rendent à ladite Maison-de-Ville et chacun se retire en sa maison; les valets suivent les vieux consuls.

Ledit jour tous les consuls ensemble vont au sermon, qui se dit chez les pères jésuites, et, à la sortie, vont ouïr les vêpres à l'église paroissiale.

Le lendemain les vieux consuls s'assemblent avec les nouveaux, et officiers, tant du seigneur abbé que de la ville, à ladite Maison-de-Ville, baillent et délivrent les clés des portes, et autres choses et papiers desquels ils sont chargés, et en est dressé procès-verbal par le greffier, attesté et signé par eux.

Si l'un desdits consuls ne prend rang et place au banc, il ne se trouve en aucune assemblée publique, et à l'église entre dans le chœur, et à la Maison-de-Ville au banc qui est au bout de la table.

Lesdits consuls font faire douze flambeaux pour les honneurs de la ville : deux pour les messes des Morts, avec deux cierges et deux pour chacun d'eux, le tout de deux livres pièce.,

Le premier jour des Rois lesdits consuls prennent la robe rouge, et vont à la grand'messe et à l'offrande, et les faut conduire à vêpres.

Le premier vendredi de l'année lesdits consuls assemblent les vieux conseillers de l'année auparavant, avec les frairies qui ont assisté à leur nomination, pour élire dix-huit conseillers, savoir six de chaque quartier. Le premier consul vieux nomme le premier du quartier d'Aurenque; le premier bourgeois nomme le premier des Cordeliers, et le notaire du quartier des Ponts. Le greffier en fait la publication à haute voix, et les consuls portent ledit jour la robe rouge.

Par arrêt du mois de décembre 65%, est dit que le dernier consul ira chercher M. le lieutenant-général avec le secrétaire et valets ; il y a opposition, et le secrétaire y va avec les valets seulement.

Le vendredi après lesdits consuls font autre assemblée en laquelle ils envoient chercher par les valets les conseillers nommés, desquels le premier consul reçoit le serment, bien que M. le lieutenant-général soit présent, lequel est envoyé chercher par le secrétaire et deux valets. Et est faite élection de quatre auditeurs des comptes et trois commissaires de police, et fait, après, d'autres propositions, si bon leur semble. Lesdits consuls portent ledit jour leur chaperon seulement.

Si M. le gouverneur arrive en ville, les consuls sont obligés de l'aller visiter avec leurs chaperons, assistés de leurs officiers. Ils lui font, d'ordinaire, présent  de demi-douzaine de boîtes de confitures, deux pains de sucre, six flambeaux de deux livres chacun, quatre quarts d'hypocras, les deux grandes pintes de vin  commun, lequel est porté par les valets et présenté par le secrétaire.

Le jour de la Notre-Dame de la Chandeleur se fait procession générale, en  action de grâces de la délivrance de la maladie contagieuse, lequel jour les habitants se. remirent en ladite ville. Lesdits consuls portent leurs cierges allumés, » ainsi que leurs officiers. Ces cierges sont du poids d'une livre pour les sieurs consuls et de trois-quarts pour les officiers, lesquels cierges ils font faire aux dépens de la ville. M. le lieutenant-général assiste a ladite procession, et, pour y aller, se trouve à l'église.,

Le premier jour de Carême le sermon se dit à la fin de la grand'-messe, et les » consuls ne vont pas à l'offrande. Le Mercredi-Saint les consuls s'en vont à l office à l'heure de vêpres, à l'église Notre-Dame. Le Jeudi-Saint les consuls vont à l'office avec les robes rouges et assistent à donner la communion, et fournissent leur vin et chandelles ledit jour,et font leur communion. L'après-dîner se rendent à l'église Notre-Dame, et ledit sieur lieutenant-général s'y rend aussi et officiers, et, tous ensemble, avec le corps-de-l'église, vont visiter les églises et gagner le pardon. Ils fournissent des petits cierges : un à Notre-Dame-des-Neiges; un à St-Roch; deux à St-Géraud (au Monastère); un à Notre-Dame-du-Cœur; un à St-Etienne; un à St-Jean-du-Buis; un à Notre-Dame-des-Carmes; un aux pères St-François; un à Notre-Dame-d'Arpajon, un à Notre-Dame-de-Leyniac; un a St-Antoine; un à St-Roch-de-St-Simon; un à Notre-Dame-de-Pailherols; un a Notre-Dame-del-Castel.

Tous lequels lesdits consuls sont obligés d'envoyer auxdites églises. La veille de la Fête-Dieu les consuls se rendent à la Maison-de-Ville avec les officiers, et vont à vêpres avec leurs robes rouges. Ils font porter, par trois pauvres, trois flambeaux de quatre livres chacun, qu'ils-font allumer au-devant du grand-autel durant les vêpres, et s'en retournent en icelle avec les violons, et le lendemain aussi pour aller à la messe.

Ledit jour de la Fête-Dieu se fait la procession générale pour la ville, où assistent seulement les carmes et les cordeliers. Le poêle du St-Sacrement est préparé par les bouchers et porté par M. le gouverneur, le lieutenant-général, les consuls, ou, à défaut d'eux, les vieux consuls ou, les officiers de la ville. Les violons marchent au-devant du St-Sacrement. Le dimanche d'après la Fête-Dieu il y a aussi procession, et les consuls vont à vêpres aux Cordeliers. » La veille de l'Octave ils vont aussi à vêpres en la même forme; le lendemain grand'messe, et petite procession avec le poêle du St-Sacrement et les violons. » Le jour Notre-Dame-des-Neiges, les consuls sont présents à l'église Notre-Dame, où ils se trouvent pour entendre la messe et prédication avec leurs robes rouges, leurs officiers, et, de là, avec la procession, se rendent au Monastère avec les violons pour y prendre le poêle et le St-Sacrement, et faire la procession générale dans toute la ville. M. le lieutenant-général se trouve à l'église pour assister à la messe et à la procession.

Le lendemain, jour de la Transfiguration, lesdits sieurs consuls, assistés de leurs officiers, s'assemblent à la Maison-de-Ville, et, de là, vont au Monastère faire dire la messe de Requiem pour ceux qui furent tués lors de l'attentat sur la ville ; les flambeaux allumés, le procureur d'office et le greffier posent le drap, et, après le sermon et la messe, le procureur d'office distribue deux sols à chacun des chanoines, et les consuls, avec les prêtres de l'église, venus en procession au Monastère, s'en vont à la chapelle d'Aurenque faire les prières accoutumées, et le greffier leur distribue deux sols à chacun. Le collecteur porte aux carmes et aux cordeliers leur portion. Les consuls, le juge, le procureur d'office, le greffier et le collecteur soupent ensuite ensemble.

Le jour de Notre-Dame-d'Aoùt l'un des consuls va à vêpres et demande la châsse de saint Gcraud au doyen des chanoines, pour la porter à la procession le jour do la Révélation de St-Géraud, et ledit jour Notre-Dame-d'Août se fait une procession générale en l'honneur de ce que le roi voua la France â Notre Dame.

Le 22 août, veille de la Révélation de St-Géraud, les consuls, avec leurs robes rouges, officiers et violons vont à vêpres au Monastère, et font porter, par trois pauvres, trois flambeaux de quatre livres chacun, qui demeurent allumés devant le grand-autel pendant vêpres. Le jour suivant lesdits consuls s'assemblent à la Maison-de-Ville, et, tous ensemble, vont au Monastère à la messe et de là à la procession avec les violons. Ils vont aussi à vêpres en même forme.

Le 4 octobre, jour de St-François, les consuls et officiers sont priés, par le cordeliers, de venir à la grand'messe et sermon. Ils dînent dans le couvent; mais, pour le dîner, les consuls en voient cinq écus d'or.

Le 10 octobre on fait une procession générale, en commémoration de ce que ce jour-là les huguenots ont quitté la ville. Tous les ordres y assistent ; les prêtre et religieux partent de l'église avec les consuls, et vont au Monastère prendre les chanoines. Le lendemain procession de St-I)enis.

Le lendemain de la Toussaint les consuls, assistés de leurs officiers, font dire une messe-haute de Requiem et distribuer 240 pains d'un sol pièce, qui se  donnent aux dépens de la ville.

Le vendredi après la Noël, suivant l'arrêt du conseil, est faite la nomination des consuls avec l'assistance des conseillers de la Maison-de-Ville, deux bourgeois, un avocat, un notaire, deux de la frairie de St-Géraud, deux de St-Jacques, deux de St-Martial, deux de Notre-Dame, deux de St-Jean, un de St-Eloi, un de St-Martin, un de St-Blaise, un de la Fête-Dieu, et, avant la nomination, l'on dit la messe du St-Esprit. Le premier consul prend le serment des nominateurs.

Si pendant l'année l'un des consuls vient à décéder, les autres assistent à son convoi, et portent, avec deux des vieux consuls, les cordons de soie noire, que la ville fournit; l'enterrement fait, les consuls marchent avec les parents. Il est fait de même pour M. le lieutenant-général. Les officiers de la ville marchent après les chaperons.

Si les consuls sont invités à des premières messes, noces ou baptêmes, ils tiennent le second rang. Aux messes des morts ils marchent après les parents, précédés de leurs valets. Lorsqu'ils vont voir soutenir des thèses ils prennent la robe rouge. »

Cette citation paraîtra bien longue au plus grand nombre de mes lecteurs, je ne l'ignore pas; mais, elle fait mieux connaître les habitudes et les mœurs de nos pères, dans la première moitié du XVII° siècle, que ne le ferait une savante dissertation; et, c'est la vie intime, l'intérieur des villes et des familles que l'on regrette, avec raison, de ne pas trouver dans nos Histoires de France. De nos jours les questions de préséance et d'étiquette préoccupent fort peu; mais, nos pères pensaient qu'une magistrature était d'autant plus respectable que ceux qui en étaient revêtus se respectaient davantage et savaient mieux se faire respecter. Voilà pourquoi nous ne devons pas penser que les consuls d'Aurillac étaient guides par un sentiment de vanité puérile lorsqu'ils plaidaient devant le parlement pour avoir le pas sur M. le lieutenant-général, pour faire enlever un banc que messieurs du présidial avaient fait placer à l'église, pour conserver la droite dans les processions, etc. Non, toutes ces choses étaient peu importantes par elles-mêmes. Ce qu'ils se proposaient, avant tout, c'était de maintenir le consulat au premier rang, de le faire regarder comme la plus ancienne et la plus respectable institution de la ville, de ne lui laisser rien perdre de l'autorité dont il avait autrefois joui. Aussi étaient-ils intraitables quand il s'agissait de la personne ou de l'autorité des consuls.

En 1617 M. de Conros, se permettant de percevoir le péage, auquel il avait droit, plus près de la ville que ne le comportaient le titre et l'usage, délibération du conseil qui engage les consuls à le faire reculer jusqu'à Berthou. Le deuxième consul va signifier cet ordre au fermier du péage; M. de Conros s'emporte et envoie son écuyer, le sieur Nauthonier, insulter le consul à son domaine de Cavanhac. Le conseil prend aussitôt le fait et cause du consul; Nauthonier est arrêté, mis en prison, et l'on poursuit criminellement. L'abbé s'entremit et sollicita un accommodement, et, pour lui faire plaisir, on voulut bien se désister des poursuites; mais, à quelle condition? L'écuyer de M. de Conros est extrait de sa prison, on le conduit à la Maison-Commune; là, à genoux, en présence de l'abbé, de son juge, du procureur du roi, du lieutenant-général, d'un grand nombre de notables et de tout le conseil réuni, il est obligé de requérir humblement grâce et pardon.

En 1662 nouvelle entreprise de M. de Conros. Cette fois les consuls montent à cheval, courent aux Prades bien accompagnés, se saisissent des gens de M. de Conros et les mettent tous en prison.

En 1627 le sieur Pounhet, vicaire, ayant insulté Jean Delzons, avocat, deuxième consul, le conseil décide qu'il sera poursuivi criminellement, et, en attendant, on lui supprime tous les bénéfices qu'il tenait de la ville. En 1632 le même conseil arrête qu'on poursuivra le sieur Cortez, bourgeois, pour avoir parlé insolemment, et le chapeau sur la tête, aux consuls Rouzier et Aiguesparses.

Il serait facile de multiplier ces exemples; mais ils suffisent pour faire connaître l'énergie avec laquelle les consuls savaient faire respecter leur autorité et leur caractère. Certes ils avaient bien raison, car ils n'épargnaient ni peine, ni sacrifices quand il s'agissait des intérêts de la ville. En 1628 le sieur Hérault, premier consul, était à Paris pour les affaires de la ville ; on lui mande qu'une épidémie contagieuse s'est déclarée à Aurillac, il accourt en poste et, tant que dure la maladie, il se prodigue et se dévoue au salut de tous.

En 1656 le régiment de royal-infanterie avait été envoyé pour tenir garnison à Aurillac; les consuls ne voulaient pas lui ouvrir les portes, et il menaçait de les enfoncer. M. Pages de Vixouze, premier consul, monte à cheval, vole à Paris à franc étrier, y arrive en 48 heures et revient dans le même temps avec l'ordre de faire camper le régiment; mais aussi avec un œil de moins, il l'avait perdu dans cette course rapide.

Quand des magistrats comprennent ainsi leurs devoirs et les remplissent avec autant de zèle, on conviendra qu'ils sont respectables et qu'ils ont bien acquit le droit de se faire respecter.


 DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE.

Nous avons déjà fait voir que toute justice appartenait, dans le principe, à l'abbé d'Aurillac, non seulement dans la ville, mais sur toutes les terres qui dépendaient de son abbaye. C'est un fait incontestable, puisque, par arrêt du parlement de Paris, l'abbé fit défendre au roi, en 1274, de tenir ses assises soit à Aurillac, soit dans aucune des terres de saint Géraud. Il faut donc expliquer maintenant comment les rois de France parvinrent à établir des tribunaux dans notre ville.

Dans toutes les constitutions celtiques ou germaniques le droit était personnel et non territorial. Ce droit personnel de choisir la loi par laquelle on voulait être régi, fut respecté parla conquête. Il était commun aux divers peuples qui envahissaient la Gaule. C'est ce qui explique la constitution générale de Clotaire Ior, qui porte, article 4 : Entre Romains, nous ordonnons que les procès soient jugés suivant la loi romaine. Voilà pourquoi les Francs laissèrent aux Bourguignons, vaincus, leur nom, leurs lois, leur administration: pourquoi Pépin, ayant conquis la Septimanie, un traité solennel laissa aux habitants. Goths ou Romains, leurs seigneurs, leurs lois, leurs libertés. (Lavallée, vol. i, p. 116.)

Plus tard, lorsque sous les derniers rois de la seconde race l'unité de la France fut rompue, que les rois, impuissants à défendre leurs sujets, les abandonnèrent à leurs propres forces, la France se découpa en une infinité d'associations plus ou moins considérables, basées toutes sur ce double principe : 1° que celui que l'on reconnaissait pour seigneur s'obligeait à protéger ses vassaux et à leur rendre bonne justice; 2° que les vassaux, de leur côté, s'engageaient à servir le seigneur à la guerre et à l'assister dans sa cour de justice. Le droit devint territorial, en ce sens qu'il fit partie intégrante de la seigneurie; mais il resta personnel, parce que le vassal pouvait toujours désavouer son seigneur en renonçant à ce qu'il tenait de lui, et s'avouer d'un autre.

Dans ce système il est évident que ni Hugues Capet, ni ses successeurs immédiats n'avaient aucun droit de justice hors de leurs domaines particuliers, et que, sous ce rapport, tous les autres seigneurs justiciers étaient leurs égaux.

Mais déjà, sous la deuxième race, un grand nombre d'églises et d'abbayes dont les titulaires étaient aussi entrés dans le mouvement féodal, avaient requis et obtenu la sauve-garde royale, et s'étaient, ainsi, placés sous la protection des rois. D'autres les reconnaissaient pour fondateurs, et le clergé, qui avait adopté la loi romaine, par tradition et dans l'intérêt de sa hiérarchie, regrettait l'unité rompue et tendait à la rétablir; d'autre part les vassaux du clergé, plus tranquilles, plus riches et plus éclairés que ceux des seigneurs laïques, voyaient, dans l'autorité royale, un contre-poids à celle de leurs seigneurs et y faisaient appel volontiers.

Toute la politique des rois de France tendit donc à profiter de cette double disposition des esprits, dans les terres ecclésiastiques, à se réserver toujours le protectorat des églises et des abbayes, où ils envoyaient un gardien pour faire respecter leur sauvegarde; à accepter l'aveu que tout vassal ecclésiastique ou tout possesseur d'alleu voulait bien leur faire, et à se poser d'abord comme médiateur, et plus tard comme juge, entre les seigneurs et leurs vassaux.

Les gardiens, sergents, prévôts ou baillis qu'ils envoyaient ainsi dans les abbayes, sous prétexte de les protéger, moitié soldats, moitié légistes, saisissaient toutes les occasions de se rendre nécessaires et firent bientôt une double brèche dans le droit féodal: 1° en provoquant des appels à la justice du roi, seigneur suzerain, chose inconnue jusqu'alors; 2° en inventant les cas royaux qui ne pouvaient être jugés que parla cour du souverain. Par cette double innovation la cour du roi, qui fut depuis appelée le parlement, fut saisie d'une infinité de causes qui auraient dû être décidées, en dernier ressort, par les cours seigneuriales; et l'exécution des arrêts du parlement, confiée aux mémo6 officiers qui avaient tout fait pour le saisit', fut une source nouvelle de contestations et de procès.

Ce premier point obtenu, il n'y avait plus qu'un pas à faire pour établir, à poste fixe, sous le nom de bailliage, des espèces de tribunaux de première instance, pourvoyeurs du parlement de Paris. C'est ce que Philippe-le-Hardi essaya, sans succès, à Aurillac, en 1274. Mais, les bourgeois s'étant reconnus vassaux du roi et le parlement ayant refusé d'abord d'homologuer la première Paix, le consulat fut séquestré entre les mains du roi, et l'on profita de cette circonstance et des longs débats qui divisèrent, pendant 18 ans, l'abbé et les consuls, pour établir des prévôtés royales. Il y en avait trois dans le Cantal en 1319: celle d'Aurillac, composée de dix sergents; celles de Saint-Flour et de Mauriac, qui en avaient sept chacune ; et, en outre, il y avait deux sergents généraux.

Quant au bailliage, dont l'abbé n'avait pas voulu permettre l'établissement a Aurillac, il dut être d'abord ambulatoire, comme celui d'Andelat; car, nous croyons qu'il ne faut pas le confondre avec le bailliage ducal qu'Alphonse, frère de SaintLouis, d'abord, et qu'après lui Jean, duc de Berri et d'Auvergne, établirent dans leur terre d'Auvergne. Il paraît que ce bailli ducal fut établi d'abord au château de Crévecceur, puis à St-Martin-Valmeroux, et enfin transféré à Salers en 1564. Le bailliage royal n'avait pas d'abord de résidence fixe; il dut même se confondre avec le bailliage ducal après la mort d'Alphonse, en 1271, jusqu'à la création d'un nouvel apanage en faveur de Jean, en 1360, parce que, pendant cet intervalle do 89 ans, la terre d'Auvergne avait fait retour à la couronne.

Mais, lorsque Jean eut, en 1360, pris possession de son apanage, il se présenta uqe occasion favorable pour fixer, à Aurillac, le bailliage royal; on se garda bien de la laisser échapper.

Dans l'acte de constitution d'apanage, le roi Jean s'était expressément réservé la garde des églises cathédrales et de fondation royale, suivant la politique que j'ai déja indiquée; il avait même, pour constater ce droit, envoyé à toutes les églises d'Auvergne des lettres de sauve-garde; celles de notre abbaye sont à la date du 22 décembre 1362. En conséquence, les églises d'Auvergne soutinrent qu'elles ne devaient pas ressortir du duché, et refusèrent de reconnaître le bailli du duc; premier procès. «

D'autre part, le duc, ayant obtenu du roi la permission de lever, dans sa terre d'Auvergne, un franc et un florin par feu, ses officiers voulurent percevoir cette imposition à Aurillac et dans le Garladez. Les habitants prétendirent, à bon droit, qu'ils ne faisaient pas partie de la terre d'Auvergne et refusèrent le paiement, les armes à la main; il y eut du sang répandu de part et d'autre; second procès.

En conséquence, Charles V, par lettres-patentes du mois de juillet 1366, ordonna provisoirement que les procès soit des exempts, c'est-à-dire des terres ecclésiastiques, qui se disaient exemptes de la juridiction ducale, soit des habitants d'Aurillac, ressortiraient au bailliage de St-Pierre-le-Moûtier, son siége le plus proche. Mais, St-Pierre-le-Moûtier était a 50 lieues d'Aurillac; il était dispendieux et pénible d'aller plaider devant un juge aussi éloigné. Aussi regarda-t-on comme une faveur l'établissement d'un lieutenant de ce bailli à Aurillac. Ce fut Pierre Dalzon, bourgeois d'Aurillac, qui fut investi de cette lieutenance; et je trouve une sentence rendue par lui dès le 16 février 1368; une autre du 17 du même mois; une troisième du 16 octobre 1369 en faveur de l'abbé, du vicomte de Cariât et des consuls, contre les officiers du duc de Berri et d'Auvergne, qui voulaient encore les contraindre à payer une imposition jetée sur le duché.

Voilà comment le bailliage fut établi à Aurillac. Le 24 janvier 1370 Charles V accorda de nouvelles lettres de sauvegarde à la ville et à l'abbaye. Le 13 septembre 1371 le juge de l'abbé protesta en vain contre l'exercice, à Aurillac, de la justice royale. Le roi confirma, au mois d'août 1372, le mandeburdum de Charles-le-Simple; il évoqua, le 21 décembre même année, le procès pendant entre les consuls et le duc de Berri; le 15 mai 1376 il fit défense aux ducs de Berri et d'Auvergne de s'attribuer la justice sur les terres des exempts, et, grâces au concours des intérêts de l'abbé et des consuls, son bailli continua à résider à Aurillac.

Le bailliage n'était qu'un premier degré de juridiction, et beaucoup d'affaires, susceptibles d'appel, ne méritaient pas l'honneur d'être soumises au parlement de Paris. Or, le bailliage d'Aurillac s'étendait, d'après les lettres-patentes du mois d'août 1372, sur toutes les terres des exempts du haut-pays d'Auvergne, et en 1523 on l'avait démembré pour instituer à St-Flour un bailliage nouveau. On crut donc nécessaire d'établir à Aurillac, en 1361, un siége présidial auquel ressortiraient les bailliages de Vie et de St-Flour. Le présidial connaissait, par appel et en dernier ressort, de toutes causes ue dépassant pas 230 livres une fois payées, ou 10 Iiv. de revenu.

Cependant, l'abbé d'Aurillac conservait toujours sa justice seigneuriale; il maintenait son juge et ses attributions anciennes, notamment pour le criminel et la police. Cet état de choses, source continuelle de conflits, dura jusqu'en 1748, époque à laquelle Mgr du Barral la céda au roi, sous quelques réserves. Le bailliage et le présidial, réunissant alors toutes les attributions judiciaires, furent composés: 1° d'un lieutenant-général civil et d'un lieutenant-général criminel qui étaient, en même temps, présidents; 2° d'un lieutenant particulier; 3° d'un assesseur civil et criminel; 4° d'un chevalier d'honneur qui siégeait l'épée au côté; 5° de neuf conseillers. Le parquet se composait d'un procureur du roi, de deux avocats du roi et d'un substitut du procureur du roi. Il y avait, en outre, un conseiller du roi, receveur des consignations et commissaire aux saisies réelles ; un receveur des émoluments du sceau de la chancellerie présidiale, et deux greffiers, l'un civil et l'autre criminel.

De l'élection. — II fut en outre créé à Aurillac, en 1629, une élection, c'est-à-dire une juridiction qui connaissait, en premier ressort, des différends concernant les tailles, subsides, aides et autres impôts. Elle était composée d'un président, d'un lieutenant, de deux conseillers, d'un procureur du roi et d'un greffier. Elle avait dans son ressort 95 paroisses.

La création de toutes ces charges devint fort onéreuse pour la ville, pat ce nue, d'une part, les officiers de l'élection étaient exempts de la taille en raison de leurs charges, et que, de l'autre, ceux du présidial s'en firent exempter moyennant finance. Mais les consuls, en vertu des titres anciens que j'ai fait connaître, les contraignirent toujours, les uns et les autres, à paver leur part des dépenses municipales; en ce qui les concernait ils ne souffraient pas de privilège.


 ÉTAT ACTUEL DE LA VILLE D AURILLAC.

Aurillac, chef-lieu du département du Cantal, est le siége de l'administration supérieure. M. le Préfet du département y réside dans un hôtel agréable, situé au centre de la ville, dont l'une des façades donne sur la place de la Préfecture et l'autre sur un joli jardin qui s'ouvre sur la belle promenade du Gravier. Il est assisté par un conseil de préfecture composé de trois membres, et le travail est réparti entre quatre bureaux qui occupent quinze employés.

C'est à la préfecture que se réunissent le conseil général du département, composé de vingt-trois membres, et le conseil d'arrondissement, qui en compte neuf.

La ville est administrée par un conseil municipal de vingt-trois membres, dans le sein duquel ont été choisis le maire et ses deux adjoints. Le receveur municipal, le commissaire de police et son adjoint, l'architecte-voyer, le préposa en chef de l'octroi et les employés de la mairie, au nombre de quatre, reçoivent leurs instructions do M. le Maire.

Aurillac est aussi le centre des principales administrations: — Pour les finances, M. le Receveur général du département y tient sa caisse, dans laquelle font leurs versement les trois receveurs particuliers de St-Flour, Mauriac et Murat, et vingt-et-un percepteurs pour l'arrondissement d'Aurillac. M. le Payeur du département réside aussi au chef-lieu.

La direction de l'enregistrement et des domaines compte, à Aurillac, son directeur et son inspecteur, un vérificateur, un conservateur, deux receveurs, un premier commis, un garde-magasin, un commis de comptabilité et trois surnuméraires.

La conservation des forêts y est représentée par un conservateur, un inspecteur, un sous-inspecteur, un garde - général, un brigadier sédentaire et deux commis temporaires.

La direction des contributions directes se compose, à Aurillac, du directeur, de l'inspecteur, du premier commis, de deux contrôleurs et d'un surnuméraire.

La direction des contributions indirectes y compte le directeur, l'inspecteur, les premier et deuxième commis de direction, le receveur principal, entreposeur, le contrôleur de ville, un receveur à cheval, le contrôleur de la garantie, l'essayeur six commis-adjoints et deux surnuméraires.

Le service des ponts et chaussées, à Aurillac, se compose d'un ingénieur en chef, de deux ingénieurs ordinaires, neuf conducteurs et un piqueur. Les routes qui traversent la commune d'Aurillac sont:

1° La route nationale n° 120 de Rodez à Limoges, par Bozouls, Montsalry, Lafeuillade, Aurillac, Argentat et Tulle;

2° La route nationale n° 122 de Toulouse à Clermont, par Gaillac, Villefranche, Figeac, Maurs, Aurillac, St-Cernin, Mauriac, Bort, Tauves et Rochefort;

5° La route nationale n° 126 de Montauban à St-Flour ne part réellement que d'Aurillac, puisque jusque-là est elle n'est autre pour nous que la route n° 122; elle passe à Vic, Thiézac, à la percée du Lioran, à Murat et à St-FIour, où elle rejoint la route n° 9.

Les chemins vicinaux sont confiés a une administration départementale qui se compose, à Aurillac, de l'agent-voyer en chef, de l'agent-voyer d'arrondissement et de quatre agents-voyers ordinaires.

L'administration des postes entretient, à Aurillac, un inspecteur, un directeur, deux commis, un surnuméraire, trois facteurs. Nous avons, en outre, un maître de poste; et enfin il y a chaque jour six départs et six arrivées de courriers, et trois distributions.

Aurillac possède encore un dépôt d'étalons régi par un directeur, un agent spécial et un vétérinaire, et une succursale du dépôt de remontes d'Auch, confiée à un capitaine-commandant, un capitaine-acheteur, un lieutenant, un maréchal-deslogis et un vétérinaire.

Pour le recrutement un capitaine, un lieutenant et deux sous-officiers résident à Aurillac.

Le service de l'intendance militaire se compose du sous-intendant, d'un adjudant d’administration, du garde-magasin, d'un commis et d'un préposé au chauffage.'

La gendarmerie est composée du capitaine-commandant la compagnie, du lieutenant-trésorier, du premier lieutenant, du maréchal-des-logis, d'un brigadier et ne onze gendarmes a cheval, formant deux brigades.

Nous avons, à Aurillac, deux hospices, l'hospice municipal et celui des aliénés; ils sont tous deux administrés, sous la présidence de M. le Maire, par une commission de cinq membres. Deux médecins et deux chirurgiens sont attachés à l'hospice civil, et un cinquième docteur à l'hospice des aliénés. Il y a, en outre, un receveur, un économe, un inspecteur des enfants-trouvés, un aumônier et onze sœurs de Nevers. La population moyenne des deux hospices s'élève à 420 personnes.

La justice est rendue, à Aurillac : 1° par un tribunal de première instance, composé d'un président, de trois juges dont l'un est chargé de l'instruction, de trois juges-suppléants, de M. le procureur de la République, de son substitut, d'un greffier et de deux commis-greffiers; 2° par deux justices de paix, l'une pour le canton nord, l'autre pour le canton sud; chacune d'elles se compose d'un juge de paix, de deux suppléants et d'un greffier; 3° pour les affaires consulaires par un tribunal de commerce, composé d'un président, de quatre juges, trois suppléants et un greffier. Il y a en outre, à Aurillac, deux agents de change.

L'ordre des avocats compte 25 membres inscrits au tableau et deux stagiaires. Les avoués sont au nombre de neuf. Il y a de plus, a Aurillac, cinq notaires et dix huissiers.

La maison d'arrêt est confiée à un geôlier en chef qui a sous ses ordres un porte-clefs. Une commission de surveillance de huit membres, sous la présidence de M. le Maire, est attachée à cet établissement. Les sœurs de St-Vincent-de-Paul sont chargées des fournitures nécessaires aux détenus.

La ville d'Aurillac, avons-nous dit, se divise en deux paroisses, St-Géraud et Notre-Dame-aux-Neiges; chacune d'elles a un curé et quatre vicaires. Il y a en outre, dans la ville, quatre communautés religieuses qui ont chacune leur aumônier, les religieuses de Sle-Claire, dans l'ancien enclos des Carmes; les dames de l'Instruction, dans celui de Notre-Dame; la Sle-Famille, sur l'emplacement du cloître de St-Géraud; la Visitation, dans l'ancienne abbaye du Buis. Huit sœurs de St-Vincent-de-Paule sont chargées, par le bureau de bienfaisance, de porter dei Secours à domicile et de l'instruction gratuite de 300 jeunes filles; elles occupent deux maisons jointes ensemble par des jardins, l'une rue d'Aurenque, l'autre ruo de Lacoste. Les missionnaires du département occupent la maison qui fut le berceau des dames de la Visitation.

La ville d'Aurillac fait de grands sacrifices pour répandre le bienfait de l'instruction. Elle entretient:

1° Les écoles chrétiennes, divisées en deux sections et confiées à dix frères sous la direction du frère Àmance qui, par 28 ans de résidence, a acquis droit de cité, et l'estime et l'affection de toute la ville par son zèle infatigable, et les immenses services qu'il a rendus à la classe ouvrière;

2° Une école primaire supérieure, dirigée aussi par les frères des Ecoles chrétiennes; cette école a un nombreux pensionnat qui attire, à Aurillac, les jeunes gens des départements voisins;

5° Une école normale primaire, confiée aussi aux frères de la Doctrine chrétienne. Cette institution est, à la vérité, entretenue par le département et par l'Etat; mais la ville a acquis le château de St-Etienne et a fait de grandes réparations pour l'y recevoir convenablement;

4° Enfin, la mairie d'Aurillac pourvoit seule aux dépenses d'un collège communal, placé dans le bel et vaste bâtiment de l'ancien collège des jésuites. Dirigé par des maîtres habiles et dévoués, cet établissement peut soutenir la concurrence de tous les collèges voisins; les études y sont fortes, et chaque année les épreuves du baccalauréat témoignent du zèle de messieurs les professeurs et de l'application des élèves.

Aux termes de la loi du 15 mars 1850, une académie départementale a été établie à Aurillac. Elle se compose du recteur et du secrétaire de l'académie, et d'un conseil académique de onze membres ; les attributions du conseil académique sont déterminées par la loi sus-relatée. Trois autres commissions relèvent de lui: 1° la commission d'examen, composée de sept membres,

 2° le bureau du collège, qui en a cinq; 3° la commission de surveillance de l'école normale, aussi de cinq membres.

Il y a enfin, à Aurillac, un inspecteur des écoles primaires de l'arrondissement. En résumé, dans les différents établissements que nous venons d'énumérer pour l'instruction des jeunes garçons seulement, on trouve un personnel de 48 professeurs, 5 fonctionnaires, 27 personnes de la ville, chargées de la surveillance ou de l'administration, et au moins 950 jeunes élèves, sans parler des écoles particulières. Les sœurs de St-Vincent-de-Paule, les dames de l'Instruction, les pensionnats de Ste-Claire et du Buis, celui de la Ste-Famille qui reçoit les jeunes orphelines et a ouvert une école pour les sourds-et-muets, et neuf institutrices brevetées donnent une solide instruction à un nombre au moins égal de jeunes filles. On peut donc dire hardiment qu'il est peu de villes qui fassent plus de sacrifices pour l'instruction publique qu'Aurillac; peu de villes où elle soit plus répandue, plus à la portée de tous et plus solide, quoique notre département ait été stigmatisé d'une teinte noire par M. Dupin.


 VILLAGES ET HAMEAUX DE 1A COMMUNE D'AURILLAC.

1° Anjony, hameau qui tire son nom d'une ancienne famille de la  bourgeoisie d'Aurillac. Un de ses membres a fait construire le joli château de ce nom sur le plateau et près du bourg de Tournemire. Il appartient aujourd'hui à M. Manhès, ancien avoué, frère du général de division comte Manhès.

2°Aron, hameau et jolie maison proche de l'hippodrome, à droite de la route n° 122. Il a appartenu successivement aux familles d'Aymeric, de La Roque, de Malvezin et Rochery.

3° Baradel, hameau et autrefois petit château qui servait de limite à la châtellenie de Conros, à celle de Belbex et au territoire des habitants d'Aurillac. 11 y a eu une famille de Baradel à Aurillac. Plus tard ce petit château appartenait à la famille de Féliquier. Il est aujourd'hui aux messieurs Charmes.

A° Belbex, village sur le chemin d'Ytrac. C'était autrefois un château, siége d'une des châtellenies. de l'abbaye d'Aurillac. L'abbé y entretenait un baile et une petite garnison. Plus tard il fut donné en fief à la famille de Caissac. En 1569 les protestants commirent les plus grands dégâts non seulement dans le château de Belhex, mais dans toutes les propriétés qui en dépendaient : ils en abattirent tous les arbres, détruisirent l'étang, renversèrent les clôtures, en sorte que lorsqu'ils procédèrent ensuite à l'adjudication, ils n'en trouvèrent que 6,000 liv. Cette somme ayant paru minime au Sr Lamire, il nomma des experts pour en faire l'estimation. Ceux-ci déclarèrent, dans leur rapport, que, dans l'état où l'on avait mis la châtellenie, elle pouvait bien ne pas valoir davantage. En conséquence, elle fut adjugée au seigneur de Malras.

Le domaine de Belhex appartient aujourd'hui a M. Bonnefons, président du tribunal civil.

5° Berthou, village près la route n° 122. C'était là qu'autrefois les Astorg d'Aurillac percevaient le péage dont il est parlé dans la première Paix de 1280. Le chemiu qui unissait la croix du Vialenc à celle de Ste-Anne ou de Couissy passait au-dessous de Berthou et s'y croisait avec le chemin qui conduisait au gué de Belmont dans la châtellenie de Conros.

6° Boudieu, village au sud-ouest d'Aurillac, qui a longtemps appartenu à la famille de La Roque. M. de Lentilhac y a aujourd'hui un beau domaine. Les six localités que nous venons de désigner sont toutes du canton sud.

7° Braqueville, jolie propriété à mi-coteau, sur la rive droite de la Jordane et près du chemin d'Aurillac à St-Simon, canton nord. Elle était autrefois à la famille Fabriques, et aujourd'hui elle appartient à Mme de Maumont.

8° Ureisse, hameau à gauche de la route n° 122. Il appartenait à une famille. Daudin de Breisse, ennoblie sous Louis XIV, et plus tard à la famille Esquirou, qui se l'est divisé : une partie a été vendue à l'hospice, une autre appartient encore à M. Esquirou de Parieu, représentant du peuple, et, il y a peu de temps, ministre de l'instruction publique.

9° Brouzac, hameau sur la rive droite de la Jordane, à coté des Camps-Migières. C'est la propriété de M. Fontête, banquier.

10° Cantuel, hameau sur la rive gauche de la Jordane, au-dessus d'Aurillac. Il appartient en ce moment à M. Laborie, avocat.

11° Cap-Blanc, moulin sur la rive droite de la Jordane et le chemin d'Aurillac à St-Simon, appartient à M. Couderc-de-St-Chamant, ancien receveur général.

12° Caustac, hameau au-dessus du faubourg du Buis sur l'ancienne route d'Aurillac a St-Flour; il appartient à Mme Delzangle, femme de M. Lathelize, avocat.

13° Collet, hameau près d'Aron, qui appartenait, en 1721, à François de Malvezin. ^

14° Conthe, hameau sur la rive gauche de la Jordane, au-dessus d'Aurillac, appartient a M de Sarrazin.

15° Coissy, hameau aussi sur la rive gauche de la rivière, mais au-dessous de la ville. M. Majonenc aîné, à qui ce domaine appartient, y a fait, depuis dix ans, de grands travaux, tant en construction que pour en augmenter les produits.

16° Croizet, village à mi-coteau dans le vallon de Giou-de-Mamou; la route royale y passait autrefois. On pense que l'une des quatre croix qui circonscrivaient le territoire libre de la ville était placée, près de ce village, au point culminant qu'on appelle le Pas-de-l'Etang. J'ai vu encore, au Croizet, une pierre portant une triple effigie de J.-C. crucifié, d'où je eonclus que le nom primitif devait être feu Croizet et, et que l'ancienne croix aura donné son nom au village construit au dessous.

17° Cuelhe, hameau sur le chemin d'Ytrac; il a pris son nom d'une ancienne famille de la bourgeoisie d'Aurillac qui y avait fondé plusieurs chapellenies ; il passa ensuite à la famille Chanut dont le dernier membre en fit don à l'hospice, ainsi que je l'ai déjà dit.

18° Dtconquans, moulin et foulon au-dessus d'Aurillac, sur la rive droite de la Jordane.

19° Escanis, hameau sur le nouveau chemin d'Ytrac, entre Lascanaux et Rreisse.

20° Fabrègues, château mentionné dans le testament de saint Géraud et où demeurait, de son temps, Raymond, son neveu. Cette belle propriété, sise sur le chemin d'Aurillac à St-Simon, sur la rive droite de la Jordane, a longtemps appartenu à la famille de Pouzols, puis à celle de Sarret; aujourd'hui elle appartient à M. Esquirou de Parieu, maire d'Aurillac.

21e Fontrouge, hameau au-dessous du bois de Lafage, appartenait, en 1280, à Marine, veuve de Pons-de-Ville, bourgeois d'Aurillac, et épouse, en secondes noces, d'Eustache de Beaumarchais. Cette dame qui, clans son testament, lègue son corps à son premier mari en ordonnant qu'on l'ensevelisse dans son tombeau, et ses biens au second, fait plusieurs legs assis sur ce domaine de Fontrouge, qui appartient aujourd'hui à M. Marty, ancien négociant.

22° Guairguette, autrefois Grégori, hameau sur la nouvelle route du Pont-desEscures, appartient à M. Duclos, avoué.

23° Garric, hameau près de l'ancien chemin de Ganhac.

24° Gaubert, hameau au-dessus du Buis, près de l'ancienne route de St-Flour.

25° Gazard, hameau près du chemin d'Aurillac à Donne. Ce domaine, qui a longtemps appartenu à la famille de Pouzols, est aujourd'hui la propriété de M. Séguiniol, Maurice, frère de M. le docteur Séguiniol, adjoint à la mairie d'Aurillac.

26° Julien, hameau derrière l'hippodrome.

27° La Borie-Basse, hameau.

28° La Borie-Hautte, jolie propriété à mi-coteau, entre les chemins de Donne et de St-Simon; elle appartient à M. Deconquan-de-Lacan.

29° La Comlnmine-Basse, belle et riche propriété sur la grand'route d'Aurillac à Vic, dans le vallon de Mamou, appartenant à M. Chapsal, négociant.

30° La Cundamine-Haute ou Mirabel, hameau situé aussi dans le vallon de Mamou et au-dessous du bois de Lafage, que M. le général Higonct a réuni à son domaine de Veyrac.

31° La Moissetie hameau, autrefois petit fief dé l'abbaye, avec Castelet, dont il reste quelques parties. Il y a eu pendant longtemps, à Aurillac, une famille Moisseti qui tirait son nom de ce petit manoir. Plusieurs membres de cette famille ont été viguiers ou juges de l'abbé, et, en cette qualité, ils recherchaient et faisaient arrêter les malfaiteurs, et, lorsqu'ils avaient été condamnés par le jury, convoqué par eux pour les juger, ils exécutaient eux-mêmes la sentence, en pendant, mutilant ou fustigeant, de leur propre main, les coupables.

32° La Montade, hameau presque contigu à Berthou, où était autrefois La Maladrerie. Les héritages qui l'entourent sont encore désignés au cadastre sous le nom de Les Matamies. En 1628, pendant la maladie contagieuse qui fit à Aurillac tant de ravages, les consuls y firent établir des baraques pour loger les malades et les faire traiter par les médecins.

33° La Ponetie, hameau, aujourd'hui village, sur la route d'Aurillac à Arpajon et aux bords de la Jordane. Il y avait autrefois, à Aurillac, une famille Ponbeti qui se confondit avec la famille Fraissy; elles ont longtemps possédé ce vaste domaine, principalement composé de prairies; il est aujourd'hui divisé.

34° Las-Canaux, hameau sur la route d'Aurillac à Tulle et à Clermont, par Mauriac. En 1636 il appartenait à Jean Arigier, interprète de langue allemande à Soleure, où il mourut. En 1660 il était devenu la propriété de la famille Dulaurent; en 1678 il était à J.-Ble Lollier-de-Passefons, et aujourd'hui il appartient à M. Maisonobe, négociant.

35° Le Barrai, hameau sur la route d'Aurillac à Vic, aux portes mêmes de la ville. Il appartenait, en 1734, à M. Verdier-de-Puycastel, seigneur de Senezergues Il devint ensuite la propriété de M. Laval, ancien juge d'instruction au tribunal d'Aurillac, qui, par un rare et heureux privilège, a conservé, jusqu'à l'âge de 94 ans, toute la fraîcheur d'espiit, la mémoire, la propreté et la gaîté de la jeunesse. Il est possédé aujourd'hui par M. Marty, ancien négociant.

36° Le Cayla, hameau aux portes d'Aurillac, un peu au-dessus des routes réunies de Rodez et de Maurs.

57° Le Laurent, hameau près de la montagne de Marmiers, entre les routes de Rodez et de Maurs. Il appartient à M. Chibret, maître de postes.

58° Le Menut, usine à cuivre sur le chemin d'Aurillac à St-Simon.

59° Les Cudiliers, hameau entre les routes de Rodez et de Mauriac, belle propriété de M. Raulhac, docteur en médecine, fils aîné de M. Raulhac, ancien adjoint à la mairie d'Aurillac, à qui nous devons la restauration du collège d'Aurillac, la conservation de nos archives, et des recherches consciencieuses et fort étendues sur notre histoire locale. Sous le titre d'Annotations sur l'Histoire d'Aurillac, ce savant modeste et laborieux a réuni un si grand nombre de faits qu'on ne peut guères que glaner après lui.

40° Le Vialenc, hameau sur la route de Tulle, à l'embranchement de l'ancien chemin d'Ytrac. C'était l'emplacement d'une des quatre croix qui limitaient le territoire libre d'Aurillac.

41° L'Hippodrome. La race des chevaux d'Auvergne était autrefois renommée pour sa constitution robuste, son ardeur infatigable et sa légèreté. Depuis 30 ans aussi le Gouvernement a-t-il institué des courses annuelles à Aurillac ; ces courses ont nécessité le tracé d'un hippodrome sur la route de Maurs; un concierge y habite avec sa famille.

42° Limagne, joli village sur une colline entre Aurillac et Fabrègues, sur le chemin de St-Simon. Il a donné son nom à Pierre de Limagne, un de nos abbés. Une partie appartient à la famille Constrastin qui, depuis longtemps, est avantageusement connue à Aurillac; l'autre à M. Bayle, directeur de l'enregistrement et des domaines, qui s'est plu à embellir et orner, avec goût, un des sites les plus agréables que l'on puisse trouver autour d'Aurillac : une vue délicieuse d'un côté, sur la ville, et, de l'autre, sur les montagnes; de frais ombrages, et une eau toujours pure font, de son enclos, une retraite charmante.

43° Maison Dejou, hameau. On donnait ce nom à une auberge construite par le sieur Dejou sur la route de \ic, au-dessous du rocher de Couissy; mais il l'a cédée à M. Majonenc, dans les propriétés duquel elle était construite; aujourd'hui elle est réunie à son domaine de Couissy.

Dejou en a construit une autre au tournant du chemin des Carmes, et là il n'est déjà plus seul, et dans quelques années il s'y formera un village.

44° Maison Mondot, hameau sur la route de Maurs, un peu au-dessous de l'hippodrome. Là, comme au tournant des Carmes, nous verrons probablement se créer un village; déjà depuis quelques années on y a construit une usine à faïence dont les produits, excellents, sont recherchés à Aurillac et aux environs.

45° Maisons-Neuves des Prades, à la bifurcation des routes de Rodez et de Maurs, et, sur la première de ces routes, il existe déjà plusieurs maisons auxquelles on a donné le nom des Prades communs de la ville, sur l'emplacement desquelles elles sont construites.

 46° Maison-Neuve du Pont-de-la-Pierre. Le Pont-de-la-Pierre ayant été transporté, depuis peu, près de la Ponetie, par suite de la rectification de la route de Maurs, a néanmoins conservé son nom. Le sieur Castel, de la Ponetie, a construit, à peu de distance, une maison qui a pris aussi le nom du pont.

47° Marmiesse, jolie campagne sur la rive droite de la Cère, au-dessous d'Aurillac et proche le chemin du Bousquet. Elle a appartenu longtemps à la famille Canteloube, qui avait donné son nom au pont de bois, reconstruit en pierres en 1548, et appelé depuis ce temps Pont-de-la-Pierre.

M. Marmiers, dernier propriétaire, l'a vendu, il y a quelques années, à M. Conturîe, et s'est retiré auprès de ses enfants, mariés dans le département du Lot. C'est encore une ancienne famille que nous perdons.

48° Massigoux, hameau qui était, en 1735, à Louis Cortcz, aide-major du régiment d'Auvergne; il est situé au-dessus du nouveau cimetière.

49° Montroucou, hameau au-dessus de la Moissetie.

50° Morou, hameau près de Conthe, sur la rive gauche de la Jordane. C'est d'une terre de ce domaine, qui appartient à M. Milhau, que viennent les eaux de la fontaine dé la ville.

51° Noalhac, jolie campagne bien bàtie à mi-coteau, sur la rive gauche de la Jordane, entre Morou et Cantuel. Elle se cache au milieu des arbres et y forme une agréable retraite, rafraîchie par de belles eaux. Elle appartient à M. Leygonia de Pruns.

52° Patey, hameau et usine à cuivre sur la rive droite de la Jordane, au dessou de l'Ombrade.

53° Peyrolles, autre usine a cuivre sur la route d'Aurillac à St-Simon, appartenant à M. Delrieu.

54° Sistrières hameau dans la plaine, au-dessous de Couissy, appartenait autrefois à la famille Fraissy.

35° Soulerie, hameau dans la plaine, sur le chemin qui conduit d'Arpajon au Bousquet, et qui sert de limite aux deux communes d'Aurillac et d'Arpajon. Il y avait là autrefois un village qu'on appelait Carrofol, peut-être parce que le chemin dont je viens de parler y était coupé par un autre allant à la Peyrusse. J'en ai trouvé des vestiges en plantant des arbres. Mon grand-père l'a acheté, en 1782, de Mme de Cambefort.

56° Touloitsctie, hameau près du cimetière, à l'embranchement des anciennes routes de Naucelles et du Pontet.

57° Travades, hameau sur le chemin d'Aurillac au Bousquet. Il appartient aux héritiers de M. Carrier-Dangeny, ancien commissaire des guerres à Aurillac.

58° Tronquièrts, château à droite de la route de Maurs, au-dessus de l'hippodrome. C'était autrefois un village, dont Pierre Labroha était le principal propriétaire en 1624. Peu de temps avant la Révolution, M. d'Orinière, receveur des finances, en fit l'acquisition, et y dépensa des sommes considérables pour faire une campagne agréable dans un terrain plus que médiocre. Il se ruina et fut exproprié. Cependant, ses dépenses n'ont pas été perdues entièrement; il y a, à Tronquières, un beau parc planté avec goût et de vastes jardins. M Roger Ducos, à qui il appartient, en a le plus grand soin, et c'est un des beaux enclos du pays.

59° Ventareh, hameau près de Limagne.

60° Vergnots, petit château sur l'ancienne route d'Aurillac au Pontet, dans une très agréable position, cachée au milieu des arbres. Il a appartenu d'abord à une famille de ce nom, puis à la famille de Chanmeil, et fut porté, par mariage, dans la famille de Cambolas, de Toulouse; enfin, les religieuses de Notre-Dame en firent l'acquisition. Confisqué sur elles à la Révolution, il a été vendu, et appartient aujourd'hui au sieur Delmas.

61° Veyrac. Il y avait autrefois a Veyrac un village dont une maison appartenait à la famille Boaufeti, qui a donné un évêque à Paris et un bienfaiteur à Aurillac. Il y avait aussi un château qui appartenait, en 1-341, à Jean Crozet. Hélène, sa fille, épousa Durand Dumoulin, licencié ès-lois, qui devint ainsi seigneur de Veyrac. Plus tard, et par alliance aussi, Veyrac passa dans la famille de Laroque de Senezergues.

Marguerite de Senezergues ayant épousé Antoine de Fraissy de La Ponetie, il devint par suite seigneur de Veyrac. Louise de Fraissy ayant épousé Jean-François de Jugeal-de-Veillan, lui porta, à son four, la seigneurie de Veyrac; et, par son mariage avec M Augustine de Veillan, M. le général Higonet est aujourd'hui propriétaire de ce vaste et beau domaine.

Personne n'ignore les immenses services que M. le général Higonet a rendu à l'agriculture dans le département du Cantal et combien, par ses soins assidus, sa persévérance et les profondes connaissances théoriques et pratiques qu'il a acquises, et surtout par son exemple et les succès qu'il a obtenus, il a contribué, depuis vingt ans, à propager, chez les propriétaires et les fermiers, l'essai des nouvelles méthodes. Veyrac a été, sous ce rapport, une ferme-modèle véritable d'autant plus remarquable que, sans rien coûter au département ni à l'Etat, elle a réalisé et fait réaliser de notables améliorations.

62° Veyraguet, vaste et beau domaine sur la route n° 126 d'Aurillac à St-Flour, dans le joli vallon de Mamou. Il appartient, depuis plusieurs siècles, à la famille Destanne, dont plusieurs membres ont occupé, à diverses époques, les siéges de la magistrature à Aurillac. M. Destanne de Demis, qui le possède aujourd'hui, membre du Conseil général pour le canton de Laroquebrou, en a de beaucoup augmenté la valeur, par les acquisitions qu'il a faites et les soins continuels qu'il donne à la culture.


 POPULATION.

Nous n'avons que fort peu de données sur l'état de la population ancienne de la commune d'Aurillac. Nous savons seulement qu'au commencement du XVII° siècle nos consuls pouvaient conduire huit cents bourgeois armés au siége de Carlat, et que plus tard ils affirmaient qu'il y avait dans la commune quinze à seize mille communiants.

L'Annuaire de 1817 lui donne 9,180 habitants; celui de 1850 lui en donne 40,704, et le nouveau recensement porte en tout 10,90(5 habitants.

Nous avons pensé que le relevé suivant, fait avec le plus grand soin sur les registres de l'état civil pendant cinquante ans, offrirait un grand intérêt.

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