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CARLAT

 — Cette commune dépend du canton de Vic-sur-Cère, qu'on nomme aussi Vic-en-Carladès. et de l'arrondissement d'Aurillac. Elle est bornée au nord par la commune de Saint-Etienne-de-Capels; au sud, par celle de Brousse; à l'est, par Cros-de-Montamat, et à l'ouest, par Vezac. Elle est arrosée par la petite rivière la Rastenne, qui coule du nord au sud, et qui la limite avec Cros-de-Montamat; par le ruisseau de Carlat. qui prend sa source près du bourg, et enfin par celui d'Ambenne et autres cours d'eau qui, après s'être réunis, vont se jeter dans le Goul, au-dessous de Ronesque. Ces divers ruisseaux, souvent torrentueux, ont creusé dans le sol de profonds ravins et formé des pentes tellement rapides, qu'on est obligé de les cultiver à la pioche.

La superficie de la commune de Carlat est de 2,050 hectares, dont 22 en jardins et vergers, 760 en terres labourables, 323 en prairies, 416 en pâturages, 274 en bois, 177 en châtaigneraies et 79 en bruyères ou terres vagues. Le sol, quoique assez bien cultivé, est en général de médiocre qualité; son produit consiste principalement en seigle, blé-noir, avoine, châtaignes et fourrages.

La population, d'après le dernier recensement, est de 991 habitants, répartis dans 18 petits villages ou hameaux et 178 maisons. Ici, comme dans le reste du département, une partie des habitants émigre l'automne, afin d'utiliser le temps de la morte saison. Quant à l'industrie locale, elle est nulle, et le commerce ne consiste que dans la vente du bétail.

Le chef-lieu est un petit bourg situé à environ 13 kilomètres est-sud d'Aurillac et à peu près à la même distance de Vic-sur-Cère. L'église actuelle a été construite par les soins d'Anne de Fiance, vicomtesse de Carlat, duchesse de Bourbonnais et d'Auvergne, au commencement du XVI° siècle; on y remarque les armes de la princesse sculptées à la voûte, quelques peintures à fresque, le tableau du maître-autel représentant la décollation de saint Jean-Baptiste et une inscription qu'on trouvera plus loin.


LE CHATEAU.

Le bourg de Carlat est dominé par une énorme roche de basalte qui supportait jadis un château fort dont l'origine se perd dans la nuit des siècles et qui, au moyen âge, passait pour la plus forte place de l'Aquitaine. Le vaste plateau basaltique sur lequel il était assis, n'a guère moins de 40 mètres de hauteur; il est isolé, taillé à pic de tous côtés et entouré d'horribles précipices qui en rendent l'abord presque impossible. Un chemin très-étroit, creusé en zig-zag, de main d'homme, dans le roc vif, en permet seul l'accès. Ainsi, à l'abri de la sape, de la mine et de l'escalade, et d'ailleurs défendu à la crête du rocher par une ligne continue de murs épais, de bastions et de hautes tours crénelées, constructions à la fois gigantesques et solides, qui rendaient impuissante l'action des engins de guerre employés avant l'usage de la poudre, le château de Carlat pouvait braver les attaques les plus vigoureuses; aussi le fit-il mainte fois impunément; et si, dans certaines circonstances, il fut soumis, l'ennemi ne dut jamais ses succès qu'à la ruse, à la famine ou à la trahison (Annales de Saint-Bertin , Deluguet, Sistrières, Audigier, etc., etc.).

Outre la ligne de forts qui couronnait le plateau dans tout son développement, il y avait à l'intérieur, comme dernier retranchement, une vaste place d'armes flanquée de grosses tours qu'on avait baptisées des noms de Tour-Noire, Tour-Guillot, Tour-Margot, Tour-St-Jean. Sur les côtés, régnaient les bâtiments militaires, l'hôtel du gouverneur, le palais appelé Bridoré, résidence des vicomtes; une église qui fut longtemps paroissiale; un couvent de religieuses , et une commanderie que l'ordre de Saînt-Jean-de-Jérusalem avait recueillie de la dépouille des templiers, après leur suppression , en 1312. En dehors du principal corps de la place, à quelque distance de la base du rocher, régnait tout autour un mur de circonvallation. Ce mur, nommé la Fausse Braye, avait 4 mèt. d'épaisseur et 400 mèt. de développement; il y a lieu de croire que sa construction était de beaucoup postérieure à celle du château, et qu'elle était l'œuvre de Jean de France, duc de Berry, que Deluguet a nomme le grand bâtisseur, ou bien celle des d'Armagnac, au XV° siècle.

On fait remonter l'ancienneté du château de Carlat à l'époque de la domination romaine, ce qui n'a rien d'invraisemblable; certains auteurs ont même cru en reconnaître la description dans l'une des épîtres de Sidoine-Apollinaire; mais ce point a été contesté par d'autres érudits dont les objections paraissent fondées.

Désireux de nous appuyer autant que faire se pourra sur des preuves de quelque valeur, nous n’adopterons pas tout ce qui a été écrit sur Carlat; mais si nous admettons que cette citadelle existait déjà dans ces temps reculés , il nous sera impossible de méconnaître l'importance du rôle qu'elle dut jouer, placée comme elle l'était à la base du mont Cantal, a l'extrémité méridionale de l'Auvergne , alors que cette province Adèle devint le dernier rempart de l'empire de Rome dans les Gaules, envahi par les Goths , les Visigoths et les Francs, qui s'en disputaient les lambeaux (420-472).

Le fait avancé par des écrivains modernes que la forteresse de Carlat aurait un instant arrêté les armes victorieuses de Clovis après la célèbre bataille de Vouillé, en 507, n'est pas suffisamment prouvé, nous en convenons; Grégoire-de-Tours, auteur presque contemporain et Auvergnat, n'en parle pas; toutefois, il ne faut pas oublier que les écrits de ce saint évêque témoignent d'une préférence marquée pour les Francs dont il aimait à louer les actions , à vanter les succès, et que, dans cette disposition d'esprit, il a pu ne pas tenir compte de certaines circonstances de détail favorables à leurs adversaires. Nous nous croyons donc autorisés à considérer comme vraisemblable l'événement dont il s'agit, avec d'autant plus de fondement, que l'histoire vient au secours de notre opinion. En effet, elle nous apprend que les Auvergnats, alors soumis aux Visigoths, combattirent vaillamment pour eux, combattirent même presque seuls à Vouillé. L'élite de leurs guerriers y périt, il est vrai, accablée par le nombre; mais il est permis de croire que, loin d'abattre le courage d'une nation aussi belliqueuse, déterminée à défendre ses foyers , cette défaite dut au contraire exalter son patriotisme , doubler son énergie, et c'est d'elle .assurément et de ses alliés les Ruthènes et les Vélaunes, dont l'histoire a fait mention quand elle a dit que les peuples qui habitaient entre la Dordogne, la Garonne et le Rhône avaient multiplié les obstacles sur les pas de Thierry, leur terrible oppresseur. Dans des circonstances aussi graves, aussi solennelles, la position inexpugnable de Carlat fut-elle négligée? On ne peut le supposer.

L'importance de cette forteresse dut s'accroître encore lorsque l'Auvergne eut tant à souffrir des irruptions soudaines des Barbares, si fréquentes en ces temps- là, et surtout durant ces luttes opiniâtres que les ducs d'Aquitaine et de Gascogne, descendants de Clovis, soutinrent contre les Carlovingiens au VIII° siècle.

Cependant, pour être exact, nous devons dire que la première fois dont il est fait nominativement mention de Carlat dans l'histoire, c'est sous le règne de Louis-le-Débonnaire, et voici à quelle occasion : Avant de s'asseoir sur le trône de Charlemagne, son glorieux père, Louis était roi d'Aquitaine , et il avait en pour successeur dans ce pays, en 814, un fils du premier lit qui régna sous le nom de Pepin I°; mais à la mort de celui-ci, en 838, et sans égard pour les enfants qu'il laissait, l'empereur disposa de la couronne d'Aquitaine en faveur de Charles, son fils du second lit, qui fut plus tard empereur sous le nom de Charles-le-Chauve. Les seigneurs aquitains, mécontents de ce choix, se déclarèrent pour Pepin II, fils du roi défunt, et prétendirent le soutenir par la force des armes. A cette nouvelle, Louis-le-Débonnaire, irrité, s'achemina en Auvergne à la tête d'une puissante armée; à son approche, les résolutions fléchirent, la plupart des villes et châteaux se soumirent, la forteresse de Carlat seule osa résister, et sans l'entremise de Gérard, comte d'Auvergne,beau-frère de Pepin II, qui ménagea un accommodement, peut-être le monarque français aurait-il échoué dans son entreprise. Il est constant du moins qu'il se hâta de se réfugier à Poitiers, et ce ne fut pas sans avoir couru de grands dangers (Annales de St-Bertin. Dom Bouquet, t. VI, p. 203. — Dom Vaissctte , t. i, p. 525. — Fauriel, t. iv, p. 184 et suiv. — L'Ancienne Auvergne, t. it, p. 31-32).

Le château de Carlat, dont l'histoire se liera désormais à celle de ses vicomtes, fut encore assiégé ou surpris plusieurs fois, savoir : à la suite d'une défaite éprouvée par la noblesse du pays, dans un combat livré en 1370 aux Anglais qui s'en emparèrent; ils en furent chassés par les ducs de Berry et de Bourbon, réunis en 1372. L'année suivante, Mérigot-Marchés, chef de pillards, s'en saisit par ruse et le rendit pour de l'argent, en 1377. Les Anglo-Gascons l'occupèrent de nouveau en 1379 et 1387, et ne consentirent à l'évacuer, en 1389, que moyennant une grosse somme négociée par le comte d'Armagnac, au nom des Etats de la province, qui la payèrent. En 1469 et 1476, le château de Carlat, dans lequel s'était enfermé Jacques d'Armagnac, vicomte du lieu, alors rebelle, eut à subir deux nouveaux siéges; le premier ne dura pas moins de dix-huit mois; le second, de plus courte durée, fut suivi de l'arrestation et du supplice du prince révolté. De 1568 à 1583, Carlat tomba successivement au pouvoir des protestants et des catholiques, et, en 1602, une femme courageuse, profondément blessée dans ses affections d’épouse, y brava la toute puissance du gouverneur de la Haute-Auvergne qui dut compter avec elle. Cet événement a été le dernier de l'existence de Carlat comme forteresse, celle-ci ayant été rasée par ordre de Henri IV, en 1603.

Ces divers faits d'armes, que nous venons de grouper à la hâte, se présenteront de nouveau sous notre plume au fur et à mesure que nous avancerons dans la chronologie qui va suivre, et alors nous ajouterons quelques détails, autant du moins que peut le comporter le cadre restreint dans lequel nous sommes obligé de nous renfermer.


LE CARLADÈS.

Le pays de Carladès, auquel le château de Carlat a donné son nom, était originairement un alleu ou franc-alleu, c'est-à-dire , un territoire possédé en toute franchise, ne devant ni foi et hommage, ni redevances ou servitudes quelconques; ne relevant, comme on disait alors, que de Dieu et de l’épée du leude qui le possédait, sauf cependant la souveraineté du roi, toujours réservée, toujours respectée. Ces sortes de terres provenaient de concessions faites par le chef de l'Etat, quelquefois à titre héréditaire, plus souvent à titre de bénéfice amovible, à ceux des principaux leudes qui, par des services éclatants, avaient mérité de grandes récompenses. Cet alleu, contrairement aux assertions des historiens locaux, subit au X° siècle la transformation à peu près générale qui s'opéra alors dans les propriétés nobles; il fut soumis au régime féodal héréditaire, ainsi que le constatent de nombreux actes de foi et hommage prêtés et reçus par ses vicomtes; les convocations au ban, arrière-ban, etc., etc. Toutefois, nous ferons remarquer en passant que les fiefs de l’Auvergne, pays essentiellement allodial, conservèrent en partie ce caractère de liberté dont ils avaient joui dès le principe; car ils ne furent jamais assujettis à d'autres charges que celles de la foi et hommage et du service militaire, sans aucun droit utile au profit du suzerain. C'est cette nature de fiefs que l'on nommait : fiefs d'honneur (Chabrol, t. m, p. 154. — Laplace, p. 387).

Le pays du Carladès, situé partie en Auvergne, partie en Rouergue, s'étendait sur les deux rives de la Cère, depuis le mont Cantal, qui le domine au N.-E., jusque vers la ville de Maurs, au S.-O., tandis que la Jordanne le limitait au N.-O. et la Truyère au S.-E. La vicomté de Murat, qui relevait de toute ancienneté de celle de Carlat, y fut définitivement réunie en 1414, de sorte que la superficie totale, suivant un mémoire imprimé en 1789, ne comprenait pas moins de cent dix lieues carrées, et renfermait une population de plus de soixante mille habitants, payant en tailles et dixmes six cents mille livres. Les principales localités étaient: Murat, Vic, Carlat, Montsalvy, en Auvergne, et le Mur-de-Barrès, en Rouergue. Le nombre des paroisses était d'environ cent; celui des principaux fiefs dépassait ce chiffre. Nous en donnerons la nomenclature, ainsi qu'un aperçu sur les juridictions particulières auxquelles était soumis ce pays avant 1789 (Mémoires imprimés ct inédits . manuscrit de Sistrières; Notice historique sur Montsalvy, par Muratet, p. 16).


LEUDES , COMTES ET VICOMTES DE CARLAT.

Suivant Audigier, Teillard , Dulaure, Marlhou et des mémoires inédits , Carlat et le Carladès auraient été jouis, à l'époque romaine, d'abord par Fronton, sénateur d'Auvergne, ensuite par la maison de Ferréol. Ce nom nous rappelle le tribun Ferréol, chef d'une légion stationnée à Vienne, en Dauphiné, qui, sous l'empereur Dioclétien, tenta sans succès de soustraire au martyre, Julien, le saint patron de la ville de Brioude, et qui l'endura lui-même pour avoir sauvé de l'outrage la tête déjà inanimée de son ami et coreligionnaire (292-305).

De la maison de Ferréol sortirent plusieurs préfets du prétoire, dans les Gaules, sous Valentinien III (423-450), et Tonnance Ferréol, contemporain de SidoineApollinaire, en 478, est regardé, par beaucoup d'historiens estimés, comme l'ancêtre de nos rois de la seconde et troisième races (Y. Thomas d'Aquin, Dubouchet, Ducliesne, Bosc, de Gaujal, etc.). La tradition veut aussi que Syagrius, général de l'empire et gouverneur des Gaules, ait possédé Carlat; on sait que ce chef, après avoir été battu par Clovis devant Soissons, en 485, se réfugia auprès d'Alaric, roi des Visigoths; mais que celui-ci, ayant été menacé, se vit contraint de le livrer au vainqueur, qui le fit décapiter en 487.

Nos lecteurs comprendront sans peine qu'en rappelant ces diverses données historiques sur Carlat, nous n'entendons point en garantir l'authenticité ; en effet, pour parvenir à dissiper l'épais nuage qui les enveloppe, il y aurait beaucoup à discuter, peut-être même beaucoup à réfuter; nous ne nous engagerons pas dans cette voie obscure et sans issue probable. Nous nous permettrons cependant une simple remarque, la voici : parmi les historiens du pays, les uns semblent indiquer Carlat comme ayant été la résidence des Ferréol; d'autres la fixent à Trévidon, près Milhaud. Qui a donc raison, et qui nous dira si les terres de Milhaud et de Carlat étaient alors, comme elles le furent plus tard, dans les mains d'une même famille? Personne, assurément. Il n'en est pas moins vrai que de cette supposition est née celle d'après laquelle les vicomtes de Carlat et de Milhaud, au X° siècle, descendaient des Ferréol, possesseurs de ces terres cinq cents ans auparavant. Une opinion, mieux fondée en vraisemblance, est celle qui rattachait les vicomtes de Carlat aux comtes du Rouergue et de Toulouse, et cependant, au lieu de preuves solides, nous ne voyons , dans les savantes recherches de Doat, de Deluguet, de Vaissette, d'Anselme, de Gaujal et des auteurs de l'Art de vérifier les dates, nous ne voyons, disons-nous, que des conjectures insuffisantes , tandis que d'autres sont tombés dans de graves erreurs; il suffira de peu de mots pour le démontrer.

Il est évident que les derniers ont confondu deux races distinctes, en confondant le comté du Rouergue avec le comté de Rodez, ce qui est absolument différent. Le premier, qui, dès le principe, comprenait tout le Rouergue, sauf la vicomté de Milhaud , qui du reste en relevait, fut donné par Charlemagne à un leude nomme Gilbert , mort avant 820, et demeura le patrimoine de ses descendants directs , les comtes du Rouergue et de Toulouse, marquis de Gothie, jusqu'à l'époque du mariage , en 1241, de Jeanne de Toulouse, fille et héritière du comte Raymond VII, avec Alphonse de France; et, à la mort de ceux-ci, en 1271, le Rouergue fut réuni a la couronne. Le comté de Rodez, au contraire, formé seulement d'une partie de la ville de ce nom, appelée le Bourg, et d'un certain nombre de châteaux dès environs, fut détaché de celui du Rouergue et engagé à Richard, vicomte de Carlat, par Raymond IV, dit de Saint-Gilles, au moment où ce prince se disposait à partir pour la croisade, en 1096. Alphonse Jourdain, son fils, ratifia et compléta cette aliénation en 1112; mais, nous le répétons, elle ne comportait qu'une enclave dans le Rouergue, comme qui dirait le département de la Seine dans celui de Seine-et-Oise. Cette comparaison paraîtra originale, n'importe, elle n'en sera pas moins juste. Le comté de Rodez s'accrut par la suite et s'étendit à un tiers du Rouergue environ (L'Art de vérifier les dates, Annales du Rouergue, lettre Anselme, Vaissette).

Ce Richard, vicomte de Carlat, acquéreur du comté de Rodez, en 1096, descendait, ainsi que nous allons le voir, d'un autre Richard , vivant on 910, et de Bernard I, aussi vicomte de Carlat et de Milhaud en 932, contemporain d'Ermengaud, comte du Rouergue, mais avec lequel la communauté d'origine est douteuse; l'alliance de Raymond III, comte du Rouergue et de Toulouse, avec Richarde de Milhaud, en 985, doit être regardée à plus juste titre comme le premier lien de parenté entre les deux maisons.

Ainsi, sans avoir égard à des degrés généalogiques que nous considérons comme mal établis, nous commencerons notre chronologie des vicomtes par:

Richard I, vicomte de Carlat, qui, suivant Dom Coll, vivait en l'an 910. On ne sait rien de lui, si ce n'est qu'il fut père du suivant.

Bernard I, vicomte de Milhaud, en Rouergue, et de Carlat, en Auvergne, qui promulgua, au mois d'avril de la première année du règne du roi Raoul, reconnu en Rouergue en 932, une charte par laquelle il donna à l'abbaye de Conques l'église de Sansac, située dans son office de Carladès fin ministerio Cartladense), et un autre lieu appelé Vixouse, dans la vigairie d'Arpajon (Gallia christiana, 1.i, Preuves, colonne 239,1. Il souscrivit encore, au mois de juillet 935, une charte d'Ermengaud, comte du Rouergue, marquis de Gothie, en faveur de l'abbaye de Vabres [Vaissette, t. H, p. 73, 74, 87, 134. — Baron de Gaujal, t. i, p. 99, 181). Bernard I laissa quatre fils : 1° Béranger I, qui continua la lignée des vicomtes de Milhaud, et qui fut le bisaïeul de Béranger II, que nous retrouverons ci-après; à cette branche de Milhaud appartenaient : Richard, et autre Richard, père et fils, qui vivaient au XI° siècle (1002 à 1050), qu'on a mal à propos rangés parmi les vicomtes de Carlat; 2° Bernard II, vicomte de Grèzes et de Gévaudan , père de Rigaud , mort sans postérité , et d'Etienne de Milhaud, qui fut vicomte de Gévaudan après son père; mais qui, n'ayant pas eu d'enfants d'Angelmonde, sa femme, laissa sa succession à Richard II, vicomte de Milhaud , son cousin; 3° Gilbert I, qui suit; Géraud, que l'on suppose avoir été la tige des vicomtes de Murat, éteints en 1439.

Gilbert I, vicomte de Carlat, troisième fils de Bernard I, lui succéda dans le Carladès. C'est lui qu'on accuse de s'être rendu redoutable à ses voisins et d'avoir arraché plutôt qu'obtenu de Géraud de St-Ceré, abbé d'Aurillac, la cession de dix mille manses ou métairies, qu'il réunit à sa vicomte en 962. A la rigueur, cette version peut être vraie; il nous semble, toutefois, qu'à une époque où l'église exerçait une influence pour ainsi dire absolue sur les grands et sur le peuple, le chef d'une abbaye aussi considérable que celle d'Aurillac n'aurait manqué -ni de protecteurs puissants, ni de bras dévoués pour le défendre contre les violences du vicomte, d'où nous concluons qu'il y eut des concessions volontaires réciproques, et que si l'abbé céda ses manses, ce fut à titre féodal et sous la réserve de la foi et hommage que l'abbaye réclamait plus tard, et dont on ne devrait pas chercher ailleurs l'origine. Gilbert vivait encore sous le règne du roi Robert, proclamé en 996, et fonda un couvent à Therondels, en Rouergue, vers l'an 1000 (Chabrol, t. iv, p. 648. — Bosc, t. it, p. 354. — De Gaujal, t. i, p. 1 84.) Gilbert I avait épousé une dame nommée Agnès, qui lui donna pour fils et successeur:

Gilbert II, vicomte de Carlat ; il épousa, vers l'an 1020, Nobilie, vicomtesse de Lodève, fille et héritière d’Odon, vicomte de Lodève. Ces époux firent, en présence de Bernard , leur fils aîné, donation de la manse de Sers à l'abbaye de Saint-Guilhem-du-Désert, le 5 des nones d'octobre 1048. Nobilie de Lodève vivait encore après 1070 (Vaissette, t. n, 83,592, Preuves, colonne 216. — Chabrol, p. 648). Gilbert II eut deux enfants : 1° Bernard, nommé dans la donation de l'an 1048 et qui mourut sans postérité; Odile ou Adèle, vicomtesse de Carlat, mariée à Béranger II, son cousin, qui suit.

Béranger II, vicomte de Milhaud, descendant au quatrième degré de Bernard I, vicomte de Carlat et de Milhaud, dont nous avons déjà parlé, succéda à Richard II, son père, dans la vicomté de Milhaud et de Gévaudan , et il épousa, vers 1050, Adèle De Carlat, sa cousine , fille de Gilbert II, qui précède , et de Nobilie de Lodève, de manière qu'il réunit sur sa tète les vicomtés de Milhaud, de Gévaudan , de Carlat et de Lodève (Annales du Rouergue, par la baron de Gaujal, t. i, p. 189, 195). Béranger II avait plusieurs frères morts sans postérité, parmi lesquels nous devons nommer Bernard et Richard, deux illustres personnages par leur mérite, successivement abbés de Saint-Victor de Marseille, tous deux promus au cardinalat; le premier en 1066, le second en 1073, après avoir rempli avec une grande distinction d'importantes missions en Espagne et en Allemagne, sous les pontificats d'Alexandre II et Grégoire VII. Richard monta sur le siége archiépiscopal de Narbonne en 1106 et mourut en 1121. Béranger II fut présent à une donation que Hugues I,.comte du Rouergue, et Richarde de Milhaud , sa mère, firent à l'abbaye de Conques, le 29 février 1051 (Baluze, t. n, p. 51). 11 donna l'église de N.-D.-de-Lespinasse de Milhaud à l'abbaye de Saint-Victor de Marseille, en 1070, et concéda, en 1073 ou 1075, à saint Gausbert, le terrain nécessaire a la fondation du monastère de Montsalvy, avec de nombreux privilèges, se réservant néanmoins la foi et hommage et le droit de juridiction, ce qui fut confirmé plus tard par des transactions de 1270 et 1325. A cette fondation, concourent Nobilie de Lodève, belle-mère de Béranger; Adèle de Carlat, sa femme, et leurs trois fils, Gilbert, Richard et Raymond (De Gaujal, t. i, p. 195. — Dictionnaire d'Expilly , article de Montsalvy. Chabrol, p. 648, 691. — Muratet, p. 4, 16, 17, 38, 39). Béranger II refusa d'abord à l'abbé d'Aurillac la foi et hommage que celui-ci réclamait; mais le pape étant intervenu, il se soumit à cette formalité, qu'il accomplit vers 1073 (Chabrol, le père Anselme). Du mariage de Béranger II avec Adèle de Carlat naquirent trois fils, savoir : 1° Gilbert III, qui va suivre; 2° Richard III, dont l'article viendra après celui de son frère aîné; 3° Raymond, qui vivait en 1075 et dont on ignore la destinée ultérieure.

Gilbert II, vicomte de Milhaud, de Gévaudan et en partie de Carlat. Il figure avec son père et ses frères dans l'acte de cession faite à saint Gausbert, fondateur de Montsalvy, en 1075. Il consentit, au mois de mars 1103 , avec Richard, son frère, à l'union de l'abbaye de St-Sauveur de Sévérac, en Rouergue, à l'abbaye de St-Chaffre, en Velay; s'allia avec Gerberge, comtesse de Provence et d'Arles, et, par suite de ce mariage, il prit le titre de comte, vers l'an 1100. Gilbert étant mort en 1108, ne laissant que deux filles; Gerberge, sa veuve, fit donation, le 1°r février de l'année suivante , à Douce , sa fille aînée, de presque tous les domaines dont elle jouissait en Provence, ainsi que de tous ceux qui avaient appartenu au comte Gilbert. Deux jours après, suivant l’Art de vérifier les dates, et en 1112, suivant d'autres, Douce fut mariée à Raymond Béranger III, comte de Barcelonne, auquel elle porta cette riche succession. Stéphanie Ou Etiennette De Carlat, sa sœur, épousa, en 1115, Raymond, sire de Baux, en Provence, auquel elle apporta en dot quatre-vingts terres considérables dont la nomenclature se trouve dans d'Expilly, article de Provence, et dans les Annales du Rouergue, par de Gaujal, t. i, p. 219.

Du mariage de Douce de Carlat avec Raymond Béranger III, sortit cette nombreuse lignée de rois qui régnèrent sur l'Espagne et qui s'éteignit en la personne de Jeanne, dite la Folle, épouse de Philippe I, empereur d'Allemagne, et mère du célèbre Charles-quint.

La maison royale d'Aragon posséda longtemps le comté de Provence avec les vicomtés de Milhaud et de Gévaudan, et fit valoir ses droits sur Carlat. jusqu'à ce que le roi d'Aragon, Alphonse II, s'en départit en faveur de Hugues II, vicomte de Carlat, comte de Rodez, en 1167, sauf cependant la foi et hommage qu'il se réserva. Alphonse II fut moins généreux envers Douce II, de Barcelonne, sa cousine, comtesse de Provence, vicomtesse de Milhaud et de Gévaudan; car, au lieu de protéger cette jeune princesse contre les prétentions du comte de Toulouse, il s'empara de ses domaines, qu'il donna à son frère, Raymond Béranger d'Aragon, en 1168. Ceci rectifie une confusion de personnes qui s'est glissée dans l'article relatif à Arpajon, p. 97, où il est dit par erreur que Douce II avait épousé Raymond Béranger, comte de Barcelonne, tandis que c'était sa bisaïeule, Douce de Carlat, mentionnée ci-dessus; Douce II mourut sans avoir été mariée, en 1172 l’Art de vérifier les dates, p. 743, 759, 760, 761. — Annales du Rouergue, p. 103, 104).

Richard III, fils puîné de Béranger II et frère de Gilbert III, est nommé avec eux dans la donation de Montsalvy. Il acquit en 1096, de Raymond IV, dit de Saint-Gilles, comte du Rouergue et de Toulouse, le comté de Rodez, qui, ainsi que nous l'avons déjà dit, n'était qu'une enclave de celui du Rouergue. Ce ne fut d'abord qu'un engagement pour subvenir aux frais de l'expédition d'outre-mer; mais Alphonse Jourdain, fils de Raymond, convertit cet engagement en aliénation définitive, en 1112. Richard III fit foi et hommage, pour sa portion du Carladès, à Gausbert ou Gosbert, abbé d'Aurillac en 1120, en ces termes: Iou garde à Guasbert, abbat omyere personne tiou den aquesta hora advene ton fidel serven am fe et sen agam si com hom deu esse à son siniour meum esse et perus sauve. C'est-à-dire: Je rends à toi, Guasbert, abbé, l'hommage personnel qui t'est dû; dès ce moment, je deviens ton fidèle serviteur , avec loyauté et sans tromperie, ainsi qu'on doit l'être envers son seigneur, sauf néanmoins mon avoir et pouvoir (De Gaujal, 1.i, p. 209). Richard ne vivait plus en 1135; il laissa d’Adélaïde, sa femme, un fils qui lui succéda; ce fut:

Hugues I, comte de Rodez, vicomte de Carlat en partie, que son père avait associé à son pouvoir en 1124 , s'étant croisé la même année pour la défense de la terre sainte , le pape Honoré II le plaça, lui, sa famille et ses terres, sous la protection du Saint-Siège (Manuscrits de Colbert). On ignore s'il satisfit à l'engagement qu'il avait pris à cet égard; mais on doit le supposer, car il n'est plus fait mention de lui en France jusqu'à la date de 1142, où on le voit entrer dans une ligue contre Alphonse Jourdain, comte de Toulouse. Cette ligue, qui avait pour objet la succession du comté de Provence, fut aussitôt dissoute que formée et n'eut, par conséquent, aucune suite. Hugues I rendit hommage à Raymond Béranger IV, comte de Barcelonne, co-seigneur de Carlat en 1150, et mourut en 1154. C'était, disent les historiens du Rouergue, l'un des seigneurs de son temps qui donnèrent le plus d'encouragements aux poètes troubadours (Le père Anselme, t. n. — Vaissette, t. u, p. 473. — De Gaujal, t. i, p. 211, 216, 219, 220). Ermengarde de Creysscl, sa femme, lui donna quatre fils : 1°Raymond, mort jeune; 2° Hugues, qui fut l'héritier et qui va suivre; autre Hugues, évêque de Rodez, mort en 1211 ; 4° Richard , qui eut en partage la vicomte de Lodève; il ne laissa pas de postérité.

Hugues II succéda à son père en 1154; il prit une part glorieuse à la guerre qui se faisait alors en Auvergne et en Languedoc contre les Anglais, et ses services étaient tellement appréciés, que l'évêque de Rodez, Pierre, prédécesseur de son frère, dans une lettre qu'il écrivit au roi pour s'excuser de ne pouvoir se rendre à la cour, s'exprimait ainsi : Le comte de Rodez, père de la patrie suppléera à mon défaut (Duchesne, t. iv, p. 699. — Vaissette, t. u, p. 505). De retour de Paris, le comte Hugues II et son frère, devenu évêque de Rodez, voulant régler leurs droits respectifs et pourvoir à la sûreté des personnes et des biens dans leurs domaines, promulguèrent, en 1164, un règlement relatif à la garde et à la police du pays. Ce règlement, qu'on appela Commun de Paix, fut approuvé par le pape Alexandre III, en 1170, et la taxe qu'il établissait pour l'entretien des gens d'armes, se percevait encore en 1789. Un traité signé à Arles, en 1167, entre Alphonse II, roi d'Aragon, et le vicomte Hugues II, remit celui-ci en possession du château de Carlat et de la partie de cette vicomté que Douce de Carlat avait portée en dot à Raymond Béranger III, comte de Barcelonne, en 1 1 1 2, sauf pourtant la foi et hommage que le roi d'Aragon se réserva en souvenir de l'origine de son aïeule- Hugues II transigea de nouveau avec son frère, l'évèque de Rodez, en 1195, en présence de Guillaume II, vicomte de Murat, et de plusieurs autres seigneurs du Rouergue, et il testa l'année suivante. Il avait épousé Agnès d'Auvergne, fille du comte Guillaume VIII et d'Anne de Nevers. De cette union naquirent cinq fils: 1° Hugues III, en faveur duquel il abdiqua en 1195; Gilbert, qui eut en apanage tous les biens situés au-delà du Tarn; 3° Bernard, religieux à la Chaise-Dieu; 4° Henri, moine à Conques; 5° Guillaume , qui succéda à Hugues III, son frère aîné.

La plupart des généalogistes et historiens de la maison de Carlat-Rodez ont donné pour deuxième femme ou maîtresse, au comte Hugues II, Bertrande d'Avalon (Alias de Valon) ou d'Amalon. Nous croyons, nous, que cette dame fut la femme de Hugues III, qui suit, ainsi que nous espérons le démontrer.

Hugues III, vicomte de Carlat, comte de Rodez, associé au pouvoir par son père, en 1195, mourut l'année suivante. Baluze, qui le nomme Hugues V, parce qu'il mêle les degrés des comtes du Rouergue avec ceux des comtes de Rodez, lui donne pour femme Béatrix d'Avalon , et, en cela, nous croyons que cet auteur est dans le vrai; mais on s'est trompé quand on a dit cette dame issue de la maison d'Avalon, en Bourgogne; car, soit qu'elle se nommât d'Avalon, Alias de Valon , ou bien d'Amalon, suivant d'autres, elle appartenait au Rouergue; les explications données à ce sujet dans le Nobiliaire d'Auvergne , 1.1, p. 130, et t. vu, p. 26, nous paraissant très-satisfaisantes. Au surplus, l'union dé Bertrande d'Avalon ou d'Amalon avec Hugues III nous semble d'autant plus probable, que les auteurs qui ont écrit le contraire, tout en convenant que ce dernier laissa plusieurs enfants, n'ont pu faire connaître le nom de leur mère ; ils n'ont même pas su dire au juste si Bertrande fut la légitime épouse ou seulement la concubine de Hugues II. De ces vagues assertions, nous devons conclure qu'il y a eu erreur, provenant sans doute de ce qu'on a pu attribuer à Hugues II des actes qui étaient du fait de son fils, Hugues III ; tels, par exemple, que le testament de 1196; et, de cette confusion, est née celle qui a empêché de reconnaître la véritable position de Bertrande d'Avalon dans la maison de Carlat-Rodez.

Quoi qu'il en soit, voici les noms des enfants que Hugues III laissa en bas âge: Henri, Jean, Bernard , Hugues et Richard ;' mais, soit à cause de leur extrême jeunesse , soit peut-être que le mariage de leur père n'eût pas obtenu l'entière approbation du comte Hugues II, qui vivait encore, celui-ci désigna pour lui succéder Guillaume, son cinquième fils, qui suit (l'Art de vérifier les dates, p. 745. — Baluze, t. I, p. 299. — Le père Anselme, t. n, p. 697. — De Gavjal, t. i, p. 91, 245. — De Barrau. t. i, p. 225).

Guillaume, établi vicomte de Carlat, comte de Rodez, au préjudice de ses neveux, en 1196, paraît avoir eu de pressants besoin d'argent, car nous le voyons, en 1207, se déclarer débiteur envers Hugonet le Monedier, de Rodez (le directeur de la monnaie), d'une somme de 1300 sous rodunois, pour le paiement de laquelle somme plusieurs seigneurs du pays, entr'autres Guillaume d'Estaing, se rendirent caution. L'année suivante, le 7 mars, le comte Guillaume engagea encore à Raymond VI, comte du Rouergue et de Toulouse, pour le prix de 20,000 sous, plusieurs châteaux provenant de la dot de sa femme, qui s'obligea elle-même dans l'acte. Jusqu'à présent, on avait connu cette dame sous le nom d'Idoine de Canillac; aujourd'hui, M. de Barrau et M. l'abbé du Bousquet, qui écrivent, chacun de son côté, l'histoire du Rouergue, nous font connaître qu'elle se nommait Idoine de Séverac, comme étant fille de Guy IlI, sire de Sévérac et de Béatrix de Canillac. Quoi qu'il en soit, l'union d'Idoine et de Guillaume demeura stérile {De Gaujal, t. i, p. 91, 248. — De Barrau, t. i, p. 225 , 472. — L'abbé du Bousquet, p. 34). Se voyant sans enfants, le comte Guillaume institua pour son héritier, en 1208, Guy II, comte d'Auvergne, son cousin-germain, qui céda ses droits à Raymond VI, comte de Toulouse et du Rouergne; mais Henri, dont nous allons parler, s'étant déclaré son compétiteur, il en résulta une petite guerre promptement terminée en faveur de ce dernier (Baluze, t. i, p. 299. — De Gaugal, t. i, p. 92, 249. — Ve Barrau, 1.i, p. 225).

Henri I, que les uns disent fils de Hugues II, mais qui, très-probablement, était né de Hugues III et de Bertrande d’Avalon, Alias de Valon ou d'Amalon, ainsi  que le font présumer Baluze et le père Anselme, fut d'abord exclu de la succession , avec ses frères, et relégué dans la terre de Bénavent. Devenu homme, il entreprit de faire valoir ses droits au comté de Rodez et à la vicomté de Carlat, et sa cause ayant trouvé des partisans, il se mit résolument à leur tête, ce qui obligea le comte de Toulouse à lui abandonner la possession des Etats dont il avait été injustement privé par son aïeul et son oncle. Il consentit néanmoins, par le traité qui fut passé entre les parties, à Rocamadour, vers 1210, à payer au comte de Toulouse une indemnité de seize cents marcs d'argent, pour le paiement de laquelle il engagea au même comte la ville de Rodez et deux autres terres considérables. Henri I, pressé par les instances réitérées de l'évêque de Rodez, rendit hommage le 7 novembre (ou décembre) 1214, â Simon de Montfort, chef des croisés, en Albigeois, qu'il lui répugnait de reconnaître pour suzerain. Le comte Henri prit la croix. à Clermont, des mains du cardinal Robert, légat du pape Honoré III, qui, par bulle du 28 avril 1217, mit ses terres sous la protection du Saint-Siège pour tout le temps de son absence. Henri n'eût pas mieux demandé, peut-être, que de s'éloigner immédiatement, afin d'échapper aux exigences des partis qui se déchiraient dans le Midi; il en fut empêché cependant; il dut même prendre part au siége de Toulouse, et c'est du camp, devant cette ville qu'il data son testament, au mois d'août 1219. Par cet acte de dernière volonté, fait de l'exprès consentement d'Algayette de Scorailles, son épouse bien-aimée, des biens de laquelle il disposait en même temps, le comte Henri institua héritier Hugues, son fils aîné; donna à Guibert, son puîné, les châteaux de Vic, Polminhac, Marmiesse, Scorailles, St-Christophe et autres biens; il dota sa fille Guise de 400 marcs d'argent; fit des legs aux églises de Montsalvy , Bonneval, Aubrac., Aurillac, Sansac et aux templiers de Carlat. Quant à sa femme, il lui laissa la faculté, si elle voulait se faire religieuse, de disposer de 200 sous de rente en faveur de la maison où elle se retirerait; il lui confia en outre le .gouvernement de ses Etats et la tutelle de ses enfants pendant son absence. On a donné trois autres fils à Henri I; c'était une erreur, car, outre qu'il n'en fait nulle mention dans son testament, on a reconnu que ces trois prétendus fils, nommés : Bernard, Jean et Hugues, étaient ses frères, et l'un d'eux a été la tige de la branche de Bénavent, qui subsistait encore en 1780 (DeGauljac, 1.i, p. 91.—DeBarrau, t.i ,p.225). Le comte Henri I partit pour la Terre-Sainte en 1220, et mourut à Acre, après avoir fait, au mois d'octobre 1221, un second testament comfirmatif du premier. Algayettc de Scorailles lui survécut longtemps et gouverna ses Etats avec sagesse, pendant la minorité de son fils. L'histoire nous la représente en femme accomplie autant par sa beauté et sa vertu, que par de rares qualités. Hugues Brunet, gentilhomme du Rouergue et troubadour célèbre, l'aima et composa en son honneur la plupart de ses poésies; Pétrarque et Nostradamus les ont citées. Algayette traita avec ses parents de Scorailles en 1254.

Hugues IV, comte de Rodez, vicomte de Carlat, resta plusieurs années sous la tutelle de sa mère, avec laquelle on le voit figurer dans divers actes. Il rendit hommage à Jacques 1, roi d'Aragon et de Majorque, étant à Montpellier, le 18 janvier 1237; transigea le 8 octobre 1239 avec le comte de Toulouse qui, tant en son nom qu'en celui du comte d'Auvergne, lui fit abandon de tous les droits qu’ils avaient à prétendre sur la ville et le comté de Rodez. Il dédommagea en terres Henri de Rodez-Bénavent, son cousin-germain, du tort que lui avait fait éprouver Hugues II, leur aïeul. Après avoir ainsi réglé les affaires de sa maison, le comte Hugues IV se déclara pour Raymond VII, comte de Toulouse, contre le roi Saint-Louis, en 1243; mais après la paix de Lorris, conclue la même année, il s'empressa de prêter serment de fidélité au monarque, et il accomplit la même formalité à l'égard du prince Alphonse de France, époux de Jeanne de Toulouse, à Beaucaire, en 1250 (ou 1249). Hugues avait pris la croix à Toulouse , le jour de l'Epiphanie 1244; mais le projet de croisade formé alors ayant été ajourné, il se contenta de fournir 100 livres tournois au comte de Toulouse, pour une expédition semblable que ce prince méditait en 1247 et qui n'eut pas lieu. Par charte de l'an 1246, confirmée par ses successeurs, le vicomte de Carlat donna des coutumes aux habitants de Mur-de-Barrez, et leur permit de se constituer en corps de communauté. C'est le 11 mai 1258 que fut conclu le traité par lequel le roi Saint-Louis céda au roi d'Aragon plusieurs places situées au-delà des Pyrénées, et reçut en échange les vicomtés de Milhaud et de Gévaudan, avec plusieurs autres terres et villes importantes du Midi. Par une clause de ce traité, le roi d'Aragon, à l'exemple de ses ancêtres, se réserva la foi et hommage de la vicomté de Carlat, et le vicomte Hugues IV la lui rendit à Montpellier, en 1262. Hugues testa au château de Montrosier, le 24 août 1271, substituant à Henri, son fils, Henri de Rodez-Bénavent, son cousin-germain. Il mourut en 1274, et fut inhumé à Nonenque. Il avait épousé, en 1230, Isabeau de Roquefeuil, fille et héritière de Raymond I, vicomte de Creyssel, et de Dauphine de Turenne. De cette union vinrent deux fils et quatre filles : 1° Henri II, qui lui succéda; 2° Pierre, prévôt de l'église cathédrale de Mende; 3° Valpurge, mariée en 1271 à Guillaume de Randon; 4° Dauphine, épouse de Pierre Pelet, seigneur d'Alais; 5° Alix, religieuse à Nonenque; 6° Algayette, épouse d'Amaury de Narbonne, seigneur de Taleyrand.

Henri II, comte de Rodez, vicomte de Carlat et de Creyssel, gouvernait déjà avant la mort de son père. 11 traita, en décembre 1268, avec Alphonse de France, comte de Toulouse et de Poitiers, seigneur de la terre d'Auvergne, au sujet des chateaux de Calvinet, Sénezergues et Muret, pour lesquels il fit foi et hommage au prince, au château de Peyrusse en Rouergue. Le pape Clément IV lui accorda, la même année 1268, un singulier privilège, celui de ne pouvoir être excommunié par aucun légat du saint-siège sans l'expresse permission de sa sainteté. Henri II transigea, en 1270, avec le prévôt de l'église de Montsalvy, qui reconnut que son monastère et ses dépendances étaient du ressort de la justice de Carlat. Deux ans après, le roi Philippe-le Hardi ayant convoqué les seigneurs du royaume pour marcher contre le comte de Foix, le vicomte de Carlat alla au rendez-vous à la tête de 7 chevaliers à bannière, de 26 chevaliers bacheliers, 97 écuyers et 26 arbalétriers. Cette campagne très-courte se termina par l'arrestation du seigneur rebelle qui fut emprisonné, puis relâché en 1273. Marquèse de Peyre, veuve de Pierre IV, vicomte de Murat, lui rendit hommage le lendemain de l'Ascension 1274, au nom de Guillaume, son fils, qui renouvela plus tard cette formalité. Le 4 mai 1284, Henri II, vicomte de Carlat, et Astorg d'Aurillac, baron de Conros, entre lesquels il y avait débat à cause de l'hommage des terres de Conros, la Bastide, Viescamp et autres, voulant s'accorder et mettre fin aux déprédations journalières qui se commettaient de part et d'autre, passèrent un compromis, à Aurillac, par lequel ils jurèrent de se conformer à la décision de trois arbitres choisis, qui furent : Hugues d'Escole, chevalier du roi; Pierre Bos, sénéchal du Rouergue et Jacques Lemonié ou Lemoine, bailli royal des montagnes d'Auvergne. Intervinrent comme garants solidaires de cette promesse : Durand de Montai, Pierre de Brezons, Guillaume d'Estaing, Henri de Bénavent, Guillaume, vicomte de Murât, Pierre de Mascon, Hugues de la Roche et Guillaume de Cardaillac. Il parait cependant que la difficulté durait encore en 1290, époque à laquelle Guillaume d'Achillose, nouveau bailli des montagnes, la trancha en décidant que les seigneurs de Conros prêteraient foi et hommage aux vicomtes de Carlat et que ceux-ci la prêteraient, à leur tour, à l'abbaye d'Aurillac qui la réclamait en vertu de son ancien droit.

Une semblable contestation, entre le même vicomte de Carlat et celui de Murat, fut réglée à St-Flour, le premier lundi de juin 1285, sous l'arbitrage de Béraud de Mercœur, d'Astorg d'Aurillac et de Gilbert de Pierrefort, qui décidèrent que le vicomte de Murat serait tenu de faire hommage au vicomte de Carlat, ce qui fut exécuté le même jour. Le nombre des paroisses sur lesquelles s'étendait alors la vicomté de Murat, et désignées dans l'acte, ne s'élevait pas à moins de trente. Furent présents à ce traité comme garants, ou en qualité de témoins : Henri de Bénavent, Gilbert de Marcenac, Guy de Teyssières, Itier de Bréon, Amblard de Dienne, Guillaume de Château neuf, Armand de Chambon, Bérauger de Saillans, Bertrand de Brossadol, Raymond de Fololhes, Guillaume de Bénavent, Béraud de Cabrières, Guillaume de Verdesun, Vesian de Cédail, Rigal de Durban, Guillaume de Turlande, Geraud de Teyssières, Amblard Gascon, Geraud de Naucazc, Guillaume de la Vaissière et plusieurs chanoines-comtes de Brioude.

Le vicomte Henri II servit en 1288 et les années suivantes, en Gascogne et Guienne, sous Robert, comte d'Artois, et contribua par sa valeur à la prise de Dax, sur les Anglais, en 1296. L'année suivante, il était à l'armée de Flandre et, à son retour, il rendit, le 29 septembre, hommage à l'abbé d'Aurillac, pour les terres de Conros, Scorailles, Viescamp et Banhars. En 1304, le vicomte Henri fut de nouveau convoqué pour la guerre de Flandre à laquelle il conduisit 80 hommes d'armes. Ce fut sa dernière campagne.

On le voit, la carrière de Henri II fut bien remplie : strict observateur de ses devoirs envers ses suzerains, il sut amener par l'exemple ses plus puissants vassaux à reconnaître les leurs envers lui. Il eut d'autres mérites qui le recommandent à la postérité ; vaillant homme de guerre, il servit bien son roi et son pays; généreux et bon, il se fit aimer de ses sujets. Voici comment s'exprime à son égard, Bosc, historien du Rouergue : < Le comte Henri II fut un des vaillants hommes de son siècle; il rendit de grands services au roi dans les guerres de Gascogne et de Flandre contre les Anglais. Il accompagna toujours le comte d'Artois dans ses expéditions militaires. Sous son règne, les habitants du Rouergue furent délivrés de la servitude, et l'on voit, par de nombreuses  Chartres, qu'il s'occupait sans relâche d'assurer le bien-être de ses peuples et qu'il leur accordait toutes les libertés compatibles avec les idées du temps. On doit ajouter à sa gloire qu'il protégea les lettres et les troubadours. C'est de son vivant qu'on commença à bâtir cette belle cathédrale de Rodez, qui élève encore son front majestueux au-dessus de tous les autres monuments dont naguère on a embelli notre cité.

Henri II fit son testament au château de Gages, le 11 août 1301, et il mourut le 4 septembre 1304. Son corps fut inhumé dans le cloître de l'abbaye de Bonneval, où son tombeau se voyait encore à la fin du dernier siècle. La plupart des seigneurs du pays assistèrent à ses funérailles célébrées par 900 prêtres; 1102 torches éclairaient l'église tendue de 140 draps de soie. Nous prenons ces nombres dans les historiens du Rouergue, vraisemblablement mieux instruits que l'abbé Muratet qui les porte au double. Henri II avait été marié trois fois: 1° en 1256, a Marquése de Baux, de la Provence, famille déjà alliée à la sienne. De ce premier lit vint : Isabelle de Carlat-Rodez, d'abord fiancée à Robert III, dauphin d'Auvergne, comte de Clermont, en 1278; mais ce mariage n'ayant pas eu lieu, elle épousa, en 1290, Geoffroi V, sire de Pons, en Saintonge, seigneur de Ribérac et vicomte de Turenne, auquel elle porta la vicomté de Carlat. La seconde femme de Henri II fut Mascaronne de Comminges, fille de Bernard IV, comte de Comminges et de Cécile de Foix. De ce deuxième lit naquirent un fils, mort jeune après avoir été fiancé à Alix de Mercœur, et trois filles, savoir: 1° Béatrix, alliée le 17 novembre 1295 à Bernard VIII, sire de Latour-d'Auvergne. Elle fut dotée des châteaux de Scorailles, de Saint-Christophe, et de 6,000 livres tournois; 2° Valpurge, mariée en 1298 à Gaston d'Armagnac, vicomte de Fezensaguet; elle eut en partage les baronnies de Creyssel, de Roquefeuil, Cornus, etc.; 3° Cécile, la plus jeune, hérita du comté de Rodez, et elle épousa en 1298 Bernard VI, comte d'Armagnac, tige de la seconde race des comtes de Rodez. La troisième femme de Henri II fut Anne de Poitiers-Valentinois, qui, devenue veuve sans enfants, se remaria, en 1313, à Jean, dauphin d'Auvergne, comte de Clermont.

Geoffroi De Pons, époux d'Isabelle de Rodez, vicomtesse de Carlat, depuis 1290, fit un armement de guerre contre Elie de Maumont et Aimeric de La Chassaigne, qui le traduisirent, pour ce fait, en 1301, devant le Parlement, lequel ordonna une enquête dont on ignore la suite. Il servit en Flandre en 1302, fut armé chevalier, ainsi que son fils, par le roi Philippe-le-Bel, en 1313, et testa en 1317. On remarque , parmi les témoins de cet acte de dernière volonté , Géraud de Naucaze, chevalier du Carladès, dont le nom a été mal traduit en celui de Neufchèse par un auteur étranger. Geoffroi mourut la même année, ainsi qu'on le voit par divers actes de sa femme. Le passage de Geoffroi de Pons en Carladès n'est marqué par aucun fait important relatif au pays, si ce n'est par l'hommage qu'il rendit au chapitre de Brioude, à cause du château de Mur, en 1312, et plusieurs transactions passées avec les autres co-héritiers de Henri II, son beau-père. Isabelle de Rodez, sa veuve, lui survécut au-delà de dix ans; elle plaidait avec Anne de Poitiers-Valentinois, troisième femme de son père , en 1317, confirma en 1322 de précédentes transactions passées entre elle et son mari, d'une part, Béatrix de Rodez et Bernard de La Tour-d'Auvergne, son époux, de l'autre. Isabelle, vicomtesse de Carlat, fit donation, au mois de mars 1325 , de certains biens situés en Carladès, à Bernard et Bertrand de La Tour, ses neveux, donation qu'elle révoqua au mois de juillet suivant, comme arrachée par obsession , et surtout comme portant atteinte à celle qu'elle avait précédemment faite à Renaud de Pons, son fils. Toutefois, elle dédommagea ses neveux quelques jours après, par le don de la forêt de la Galeste , située dans la mouvance du chapitre de Brioude. De ces actes en sens divers, Baluze conclut qu'Isabelle de Rodez était d'un esprit inquiet et volage; il nous semble qu'il eût été plus juste de dire qu'elle se montra conséquente en annulant un acte contraire a ses dispositions antérieures, et qu'elle satisfit d'ailleurs à la promesse faite à ses neveux, en les gratifiant d'une autre propriété dont elle pouvait librement disposer. La vicomtesse Isabelle fonda A Carlat, en décembre 1323, le couvent de Sainte-Claire, se réservant, pour elle et ses successeurs, la nomination des abbesses et de trois religieuses. Ce couvent fut transféré par Anne de France , au commencement du XVI° siècle, à Boisset, et à Aurillac, en 162l3 (Manuscrit de Deluguet, p. — Description de la France, par Dulaure, 5° partie, p. 576. — Présent ouvrage, t. i, p. 155.) La vicomtesse Isabelle mourut en 1328, laissant de son mariage deux fils : Renaud IV, qui suit, et Geoffroi de Pons, évêque de Maillezais, mort en 1333.

Renaud IV, sire de Pons, vicomte de Carlat et de Turenne en partie, seigneur de Blaye et Riberac, gouverneur de la Navarre, etc. Il confirma, le mardi après Pâques 1319, le don d'une rente fait par Isabelle de Rodez, sa mère, à Sybille de Naucaze, fille de Géraud de Naucaze, bailli de Carlat; reçut un grand nombre d'hommages de ses vassaux du Carladès, de 1321 à 1335 , et traita, le mercredi après la fête de la Pentecôte 1335, avec le commandeur de Carlat, Pierre du Vernet, de l'ordre de St-Jean-de-Jérusalem. qui reconnut tenir de lui tout ce que sa commanderie possédait dans l'étendue de la sénéchaussée de Rodez et du bailliage d'Auvergne. Renaud IV céda, en 1343, à Astorg d'Aurillac, baron de Conros, tous les péages de la rivière de Cère, depuis l'Oradoux-de-Vezac jusqu'à Laroquebrou, sous la réserve de la justice. Le prix de cette vente devait être employé au rachat du château de Blaye. Le même vicomte dispensa Amblard IV, seigneur de Dienne, et ses successeurs, de lui livrer les clés de son château, ainsi qu'il y était obligé dans certaines circonstances. Il aliéna encore à Géraud de Gagnac un grand nombre de rentes à prélever dans les paroisses de Prunet. Labrousse, Teissières-les-Bouliès et Ytrac. — Le vicomte Renaud IV servait devant Montendre, en 1338, à la tête de 210 sergents d'armes. Le 1°r mars 1343, Astorg d'Aurillac rendit hommage à Renaud IV, à cause des châteaux de Conros, Labastide, Viescamp et dépendances. Cet acte renferme les noms d'un grand nombre de localités qu'il serait trop long de rappeler ici; il fut passé à Aurillac, en présence de Guy de Ganhac, bourgeois de ladite ville; de Guillaume Rolland, sénéchal du Rouergue; d'Arnaud Vigier, Amblard de Dienne, Vézian de Montal, Henri de Vixouze, Pierre de Feirières , chevaliers ; Eustache Fabry , Amblard de Montamat, Raymond de Folholes, Geraud de Carlat, Rigald de Tourtoulon, Adhémard de Montjoui, damoiseaux; Rigald Lavergne, discrets hommes maîtres; 1ran de Ceriers, Jean de Crozet, Durand Dumoulin et Hugues Lageneste, jurisconsultes, témoins spécialement appelés. Il paraît que le vicomte Renaud IV fut un moment en désaccord avec le roi Philippe-de-Valois, et qu'il traita secrètement, en 1340, avec le roi d'Angleterre, sous la protection duquel il plaça toutes ses terres ; mais il était revenu, dès l'an 1345 , sous la bannière de France, et servit cette année et les années suivantes en Languedoc et en Saintonge. Il fut tué à la bataille de Poitiers , le 19 septembre 1356 , laissant de son mariage avec Jeanne d'Albret, qu'il avait épousée en 1319, onze enfants, dont:

Renaud V, sire de Pons, vicomte de Carlat et en partie de Turenne, capitaine pour le roi au pays du Périgord et du Limousin, porta le titre de seigneur de M ont fort, du vivant de son père. Sur le point de partir pour l'armée , il testa en 1356, désignant pour administrateurs de Renaud, son fils, nobles seigneurs Aimeric de La Roche, Jean Le Meingre, Guillaume de Vassal et Aimar de Polignac (de la Saintonge). Il périt avec son père à la bataille de Poitiers. Renaud V avait été accordé, dès l'an 1332, avec Marguerite de Comminges , encore au berceau; mais celle-ci étant morte avant la célébration du mariage, il épousa une fille de Guillaume Flotte, seigneur de Ravel, chancelier de France, et d'Elips de Mello. De cette union vinrent deux fils : Renaud, qui suit, et Elie de Pons, évêque d'Angouléme.

Renaud VI, sire de Pons, vicomte de Carlat et en partie de Turenne, seigneur de Riberac, etc. etc. Il était encore jeune lors de la mort de son père. Ce fut, par la suite, l'un des plus célères guerriers du XIV° siècle; mais comme il faudrait beaucoup nous étendre pour le suivre dans toutes ses expéditions, nous nous bornerons à mentionner quelques-unes des glorieuses actions qui lui méritèrent la confiance et les faveurs de trois rois : Charles V, Charles VI et Charles VIL — Français de cœur, mais intéressé à la conservation des grandes terres qu'il possédait en Guienne , Renaud VI porta d'abord les armes pour l'Angleterre, ce qui occasionna l'occupation de Carlat par les troupes françaises. Le prince de Galles, pour le dédommager de cette perte, lui donna, en 1369, le comté de Périgord dont il ne jouit jamais. Rentré au service de France, en 1370, Renaud VI ne le quitta plus et devint l'un des plus redoutables ennemis des Anglais. Dès l'an 1371, on le voit seconder puissamment le connétable Duguesclin, en Poitou, notamment aux siéges de Montmorillon et de Moncontour; il battit les Anglais dans divers combats, reconquit sur eux les villes de Saintes, Cognac, St-Maixent, St-Jean-d'Angely et plusieurs autres places, et mérita par ses exploits les titres glorieux de père, protecteur et conservateur des deux Aquitaines. Charles VI le constitua conservateur des trèves en Poitou, Saintonge et Angoumois. Il eut la gloire, en 1395, de vaincre et de faire prisonnier le fameux Captal de Buch, l'un des meilleurs généraux du parti anglais. Il fut moins heureux en Picardie, où, selon Froissard, il demeura prisonnier de l'ennemi dans un combat entre Guines et Ardres , où furent également pris plusieurs autres capitaines français de renom, tels que Chatillon, Mornay, de Nesles, St-Paul. En 1408, il était conservateur des trèves en Auvergne et Guyenne; il mourut en 1427.

A ne considérer Renaud VI que comme vicomte de Carlat, nous voyons qu'il ne resta pas inactif; la forteresse de Carlat était alors le point de mire de tous les partis; ils se la disputèrent à outrance; la contrée soutirait horriblement de cet état de choses; des sacrifices devenaient nécessaires pour assurer le repos du pays; Renaud en donna l'exemple. C'est dans ce but qu'il aliéna à Bertrand de Montal, baron de Laroquebrou, plusieurs fiefs et rentes situés aux villages de Miremont, Peuch, Luc, Pers, Roziers, St-Gerons et Roumegoux, le tout sous la réserve de la foi et hommage et de la juridiction supérieure ; puis il imposa, sur ses vassaux du Carladès, un florin par feu pour subvenir aux besoins de la chose publique. Au produit de cet impôt vint se joindre celui de 27 sols 2 deniers voté par les Etats de la province pour la délivrance du château de Carlat; la ville d'Aurillac elle-même y contribua pour une forte somme. Ces faits se passèrent dans l'intervalle de 1370 à 1379. Cette dernière année, le 9 août, Jean II, comte d'Armagnac et de Rodez, agissant au nom des Etats, traita avec un certain Gausserand de Caupène, capitaine de Carlat pour les Anglais, au sujet de l'évacuation de cette place et du château d'Ausols; il fut en même temps conclu une trêve qui, de la part des Routiers, « embraissait un grand nombre de leurs companies » ce qui n'empêcha pas ces brigands de reparaître et de s'emparer de nouveau des forts qu'ils avaient abandonnés moyennant finance, ainsi que le constatent d'autres capitulations des années 1387, 1388 et 1390. Jacques Breton, de la garnison de Carlat, de l’obéissance du roi d'Angleterre, ayant fait prisonnier à Cromières Louis de Cère , de t'obéissance du roi de France , une contestation relative à la rançon s'en suivit; ils se battirent en champ clos, à Rodez, le 2 janvier 1389, avec tout le cérémonial d'usage, en présence du comte d'Armagnac, entouré d'un grand nombre de chevaliers et d'écuyers : et les partis se joignirent, et l'Anglais tomba tout après, et se rendit, et fut désarmé au champ, gisant à terre, et jette hors la lice (De Gaujal, t. n, p. 24 à 33). Louis de Cère, vainqueur de Jacques Breton, était un gentilhomme de Vic-sur-Cère (V. le Nobiliaire).

Renaud VI, sire de Pons, dont l'illustre lignée s'est éteinte le 19 janvier 1843, en la personne d'Augustine-Eléonore de Pons, veuve de Louis-Yves du Bouchet-de-Sourches, marquis de Tourzel, vendit la vicomté de Carlat à Jean de France, duc de Berry et d'Auvergne. On n'est pas d'accord sur la date de cette vente: . Chabrol la fixe au 4 novembre 1386; Sistrières et Dulaure, au 9 juillet 1392; Deluguet, au 19 juin de la même année, et Audigier, au mois de décembre 1393. Quoi qu'il en soit, ce prince ne la conserva que peu de temps, en ayant disposé bientôt après en faveur de Bonne de Berry , sa fille qui, devenue veuve d'Amédée VII, comte de Savoie , épousa en secondes noces Bernard VII, comte d'Armagnac. Ce mariage se fit d'abord par procuration, à Chambéry, le 8 mars 1393; les fondés de pouvoir étaient: Marqués de Beaufort-Canillac et Guillaume de Solages La cérémonie en personne eut lieu à Rodez, au mois de décembre suivant, en présence du père de l'épouse. L'année précédente, le duc de Berry avait sollicité et obtenu du roi la remise des arrérages des impositions, tailles et fouages, ainsi que l'exemption de toutes contributions pendant deux ans en faveur des habitants du Carladès, et ce , en considération de ce qu'ils avaient souffert pendant que les routiers occupaient les châteaux forts du pays.

Bernard VII, Comte D'armagnac et de Rodez , vicomte de Carlat par Bonne de Berry, sa femme, avait succédé à Jean III, son frère, tué devant Alexandrie, en Piémont, au mois de juillet 1391. Les princes de la maison d'Armagnac, descendants de Clovis par Caribert, petit-fils de Chilpéric et de la trop fameuse Frédégonde {l'Art de vérifier les dates), conservèrent toujours dans le caractère un reste de cette humeur farouche qui distinguait leurs premiers ancêtres; la plupart furent traîtres, assassins, faux-monoyeurs ou incestueux. Bernard VII, lui-même, bien que doué de quelques grandes qualités, se montra ambitieux insatiable, despote inflexible et cruel. Il ne recula jamais devant le crime , quand le crime devait servir à satisfaire ses passions. Dès l'an 1397, dit un historien, Bernard avait donné carrière à la fougue de son caractère, en faisant traîner en prison l'archevêque d'Auch, pour de légères discussions d'intérêt. On raconte qu'il destinait un traitement semblable à l'évêque de Rodez , lorsque celui-ci, cheminant paisiblement vers le château de Gages, résidence du comte , reçut un avertissement salutaire qui le fit rétrograder. En 1402, pour se venger d'une légère offense, Bernard envahit les terres de son parent, Géraud d'Armagnac, comte de Pardiac, vicomte de Fezenzaguet et de Creyssel, qu'il dépouilla et fit périr, ainsi que ses deux fils, de la mort la plus atroce, en 1404. (V. Froissard — Y Art de vérifier les dates — De Gaujal). C'est ainsi que, sous prétexte de refus de la foi et hommage que lui devait Renaud II, vicomte de Murat, il abusa de sa puissance pour s'emparer des domaines de son vassal. Renaud II, assiégé dans son château avec Jean de Murat, son frère, et le sire d'Apchier, son beau-père, s'y défendit avec opiniâtreté; mais contraint de se rendre, il fut enfermé dans la forteresse de Carlat, d'où il parvint à s'évader, après dix-huit mois de captivité, et à se réfugier dans les Etats du duc de Bourgogne. Pendant la guerre entre les deux vicomtes, leurs partisans prirent et reprirent plusieurs châteaux, et firent éprouver au pays des maux incalculables. Un capitaine nommé Ferradoc, partisan de Renaud II, assiégea le château de Carlat et tenta de s'y introduire par surprise; mais ayant échoué dans sa tentative, il s'en dédommagea en s'emparant de ceux de Muret, Messilhac , Montamat et Polminhac. Cependant, Bonne de Berry, qui résidait à Carlat et qui avait failli tomber au pouvoir de Ferradoc, convoqua le ban et l'arrière-ban qui, non seulement parvint à battre et désarmer Ferradoc, mais encore à prendre sa revanche sur les terres des partisans du vicomte de Murat (L'Ancienne-Auvergne). C'est alors que la vicomté de Murat, confisquée au profit de d’Armagnac, fut réunie de fait â celle de Carlat. Est-ce peut-être aussi à ces évènements qu'il convient d'attribuer les motifs de la condamnation à mort prononcée par le bailli de Carlat, le 19 mars 1414, contre Pierre de la Gleïole, chevalier, gouverneur de Carlat, convaincu de trahison et de concussion (Inventaire des titres de Carlat).

Bernard VII, grand capitaine, habile administrateur et jouissant d'un grand crédit comme chef de la faction d'Orléans, à laquelle il avait donné son nom, reçut l'épée de connétable à la fin de 1415; devint en même temps premier ministre et profita de son influence sur l'esprit affaibli du roi Charles VI, pour se faire investir des principales charges du royaume et pour faire reléguer à Tours la reine Isabeau de Bavière, dont la conduite, du reste, ne justifiait que trop cette mesure. Cette précaution n eut pas, toutefois, le résultat que le ministre tout puissant s'en était promis; car Isabeau, ayant été délivrée par le duc de Bourgogne et conduite à Troye, elle y établit le foyer de ses intrigues et prit le titre de régente. Bientôt après, les Bourguignons surprirent la capitale; le comte d'Armagnac, d'abord caché dans la maison d'un maçon, y fut découvert quelques jours après et massacré par la populace, le 12 juin 1418. Les historiens ne sont pas d'accord sur le lieu où il fut inhumé. Il laissa de Bonne de Berry, qui lui survécut jusqu'à l'année 1435, quatre enfants : 1° Jean IV, qui lui succéda dans les comtés d'Armagnac et de Rodez, et dont nous n'avons pas à nous occuper; 2° Bernard, vicomte de Carlat, dont l'article suit; 3° Bonne d'Armagnac, mariée à Charles, duc d'Orléans; 4° Anne d'Armagnac, épouse de Charles d'Albret, comte de Dreux.

Bernard D’armagnac, que nous nommerons Bernard VIII pour le distinguer de son père, fut plus connu sous le titre de Comte De Pardiac , comté usurpé, comme on sait, sur Géraud d'Armagnac, leur parent. Bonne de Berry, sa mère, lui donna , en 1423, la moitié de la vicomté de Carlat; il obtint le surplus, avec la vicomté de Murat, par transaction intervenue en 1423 , entre lui et Jean IV, comte d'Armagnac et de Rodez, son frère; il paraît néanmoins qu'il n'en eut la pleine jouissance qu'après la mort de sa mère, décédée au château de Carlat, en 1435. Il épousa, le 25 juillet 1429, Eléonore de Bourbon, fille et héritière de Jacques de Bourbon, comte de la Marche et de Castres, ce qui, avec ses domaines héréditaires, formait un bel Etat princier. Bernard VIII ne démentit pas les antécédents de sa race : le maréchal de Sévérac, tout dévoué à la maison d’Armagnac, l'avait fait son héritier, par testament du 11 avril 1421 ; mais cet acte ayant été annulé par d'autres dispositions du 7 mai 1426, faites en faveur du fils aîné de Jean IV, comte d'Armagnac, Bernard VIII résolut de se venger. Il dissimula d’abord, dit M. de Gaujal; mais un jour que le maréchal était allé sans précautions au château de Gages, Bernard, qui s'y trouvait, le fit assassiner par ses gens et pendre ensuite à l'espagnolette d'une fenêtre. Ceci se passait en l'année 1427, et tel était l'état déplorable de faiblesse dans lequel la guerre civile et la guerre étrangère avaient alors réduit l'autorité, que non seulement ce crime resta impuni, mais il n'empêcha pas le vicomte de Carlat, comte de Pardiac, d'être placé en qualité de gouverneur auprès du dauphin, depuis Louis XI. « Ils furent dignes l'un de l'autre, ajoute M. de Gaujal; mais l'élève était le moins » coupable des deux : peut-être ne fit-il qu'imiter l'homme cruel et dissimulé » qu'imprudemment on lui avait donné pour conseil. »

Indépendamment de la foi et hommage que rendirent à Bernard VIII ses vassaux du Carladès, nous devons signaler de ce vicomte quelques actes relatifs à cette partie de ses domaines. Ainsi, il transigea, en 1435, avec Renaud II, vicomte de Murat, qui lui abandonna tous ses droits sur cette vicomté, moyennant indemnité , ce qui permit à Bernard d'Armagnac de promulguer , le 10 mars 1442, des lettres portant réunion définitive de la vicomté de Murat à celle de Carlat. L'année suivante, il autorisa un seigneur de La Garde à bâtir un château fortifié, sous la réserve de pouvoir en faire usage en temps de guerre; et il transigea , le 25 septembre 1459, avec Aymeric de Méallet, au sujet de la justice et vassalité du château de Fargues, paroisse de Vitrac. Le vicomte Bernard mourut en 1462, ne laissant que deux fils : 1° Jacques d'Armagnac, qui va suivre; 2° Jean d'Armagnac, évêque de Castres, de 1460 à 1193 ; il fut impliqué dans le procès de son frère et obligé de se réfugier à Rome, jusqu'après la mort du roi Louis XI, arrivée en 1483.

Jacques D'armagnac, Duc De Nemours, pair de France, comte de Pardiac, de la Marche , de Beaufort, vicomte de Carlat et de Murat, épousa, le 12 juin 1462, Louise d'Anjou, fille de Charles, comte du Maine, et d'Isabelle de Luxembourg. Louise d'Anjou, issue d'une branche cadette de la maison de France qui régnait à Naples, était cousine-germaine du roi Louis XI. Cette parenté si proche, le souvenir d'une jeunesse passée dans l'intimité de famille et sous un même maître, auraient dû établir, entre le monarque et le fils de son gouverneur, des liens d'amitié et de fidélité à toute épreuve; il en fut autrement : les mêmes leçons développèrent chez les deux élèves des défauts analogues qui, loin de les unir, devaient les éloigner l'un de l'autre. Louis XI, roi ombrageux et despote, se défia toujours de son condisciple; Jacques d'Armagnac, prince remuant et fourbe, se mêla à toutes les intrigues ourdies contre son royal parent. Lors de la ligue dite du Bien-Public, il s'enferma dans la ville de Riom, avec Jean V, comte d'Armagnac, son cousin, le duc de Bourbon, le sire d'Albret et Antoine de Chabannes, comte de Dammartin; mais le roi, étant venu en personne les assiéger dans cette place, les princes rebelles lui firent des propositions de paix que le monarque accepta et signa dans l'abbaye de Mozat, faubourg de Riom, le 4 juillet 1465. Ce traité, confirmé par ceux de Conflans et de St-Maur, du mois d'octobre suivant, portait, de la part des princes: soumission entière, promesse d'être fidèles à l'avenir, et, au cas contraire, ils consentaient à êtreexcommuniés. Ces promesses, ces serments, on ne tarda pas à les oublier, et le roi, ayant acquis la preuve que les d'Armagnac s'étaient engagés à favoriser une descente des Anglais en France, fit marcher simultanément deux armées contre les rebelles; la première, sous le commandement d'Antoine de Chabannes, comte de Dammartin, pénétra dans l'Armagnac et le comté de Rodez, qui furent confisqués sur le comte Jean V; la seconde armée , conduite, à ce qu'il paraît, par Jean Blosset, sénéchal de Normandie, vint investir Carlat, et le siége , dit-on, ne dura pas moins de dix-huit mois. Nous l'avouons bien sincèrement, nous nous sommes surpris à douter de la réalité de ce siége dont nous n'avons lu nulle part les détails , et, à l'exception de Chabrol et de Dulaure, qui l'a répété, nous ne connaissons aucun de nos vieux historiens qui en fasse mention. D'un autre côté, à moins que la place renfermait une prodigieuse quantité de munitions de guerre et de bouche, on ne concevrait pas qu'indépendamment de tout autre cause, la famine n'eût pas forcé plus tôt Jacques d'Armagnac à se rendre. Nous pensions donc que ce prétendu siége de dix-huit mois pouvait bien n'avoir été qu'une simple démonstration, l'envoi de quelques troupes dans le pays pour surveiller le vicomte de Carlat pendant la guerre qui se faisait alors contre son cousin, le comte d'Armagnac; mais Chabrol et Dulaure, énonçant le fait sous forme d’affirmation, nous devons nous incliner devant leur autorité respectée. Ce qu'il y a de certain, c'est que le 17 janvier 1 469, il fut conclu à Saint-Flour, entre Antoine de Chabannes-Dammartin, stipulant au nom du roi, et Jacques d'Armagnac, un traité par lequel ce dernier renouvelait ses assurances de fidélité, consentait, en cas de récidive, à ce que ses terres fussent confisquées, ses privilèges de pair de France abolis et à être jugé par tels

juges qu'il plairait au roi de choisir. Il fut en outre convenu qu'il serait mis de garnisons royales dans les châteaux forts de Lombes , diocèse d'Alby; de Murat, en Auvergne; Crassant et Montaigu , en Combrailles; et, de plus, que tous les vassaux nobles du vicomte prêteraient serment au roi, ce qui fut accompli en Carladès , au mois d'avril 1470, entre les mains de Draguinet de Lastic, chambellan du roi, délégué à cet effet. Les noms de ces vassaux ont été publiés dans le 7° volume du Nobiliaire d'Auvergne; toutefois, comme il s'agit d'un fait spécialement local, nous croyons devoir les reproduire ici. C'étaient : Antoine d'Apchier, Marie de Balzac, N. de Baltbazard, Jean de Boisset, Guillaume de Boisset, Quirin de Breu , Guy de Cabanes, Rigal de Cayrac, Begon de Cambon, Guillaume Cat, Amaury de Cabanes ou de Chabannes , co-seigneur de Laroquebrou , Pierre de Chambaron , Jean de Col, Antoine de Cologne , Hugues de Conquans, Antoine Courtel, Jean David, Jacques de Delolin-d'Entraigues, Raymond de Gasc, Bertrand de Greffeulhe, Béranger d'Issard-d'Entraigues, Rigal de La Carrière, Bernard de Lodières, Pierre de Lolière, Jean de Malzaras, Catherine de Marcenac, Jean de Mérinhac, Bernard de Montai, Pierre de Montai, Amaury de Montai, Guillaume de Montai, Jacques de Murat-de-Faveyrolles ou Fan eyroles, N. d'Ouvrier, Géraud du Peyroux, Jean du Pont, Bonnet de Ponsonnailles, Louis de Pouzols, Raymond de La Roque, Jean de Scrviéres, Jean de Sévérac, Guillaume du Teil, Hector de Teissières. Aimeric de Valiech, Jean de Valiech , Pierre de Valon , Guittard de LaVeyssière, Guillaume de Vigouroux , Herail ou Guiral de Vixouses, Annet de La Volpilière, Pierre d'Yolet.

Après d'aussi solennels engagements, devait-on s'attendre à un nouveau manque de foi ? C'est cependant ce qui arriva : Le comte d'Armagnac, Jean V, après avoir été pardonné plusieurs fois, renoua ses criminelles intrigues avec le roi d'Angleterre, ce qui amena de nouveau les troupes royales devant Lectoure, où il périt le 5 mars 1473. Charles d'Armagnac, son frère, vicomte de Creyssel, avait partagé sa révolte; il fut saisi et enfermé à la Bastille, d'où il ne sortit qu'après la mort de Louis XL II ne restait donc de cette puissante race que Jacques d'Armagnac, vicomte de Carlat, comte de Pardiac, toujours surveillé, toujours suspecté, parce qu'il ne cessait de tremper dans toutes les conspirations. Le connétable de St-Paul, autre félon décapité en décembre, l'avait accusé de complicité en plein procès, et, à ce témoignage non équivoque de sa culpabilité , nous pouvons en ajouter un autre qui n'est pas sans valeur: ce sont ces lettres du 27 avril 1475, par lesquelles Louis XI, à la prière de Jacques d'Armagnac, accordait l'exemption de servir au ban à trente-un gentilshommes , ses serviteurs, familiers et domestiques, sous le vain prétexte que ceux-ci étaient continuellement occupés auprès de sa personne. Nous le demandons , dans quel but le vicomte avait-il sollicité ces lettres? Dansc quel but? il est facile de le deviner : Par cette indigne manœuvre, Jacques d'Armagnac privait le roi du concours utile de trente-un gentilshommes, alors qu'il s'agissait d'une campagne contre le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne, ses complices, et, peut-être aussi, avec l'arrière-pensée d'employer les mêmes familiers à quelque folle entreprise. Voici leurs noms : Bernard de Benavent, Guillaume de Chalencon, Sebastien de Cocural, Louis de Camborn, Guyot de Dienne, Mondot de Lescure , Guillaume de Feniers , Jacques l'Hermite, Pierre de Jou,

Pierre de Ligonnes, Guillaume de Luchat, Bonnet de Montal, Jean de Montamat, Cheron de Monjou, Henri de Pompignat, Louis du Puy-du-Coudray , Balthazard de La Roche, Jean de Rolland-de-Valon , Bonnet de Sales, Rigal de Taussac, Guillaume Traverse, Pierre de La Ville, Jacques de Vixouses. Plusieurs de ces gentilshommes appartenaient à la Marche ; en tont cas , il est fort remarquable que dans cette liste il n'en figure pas un seul de ceux qui prêtèrent serment au roi en 1470.

Malheureusement pour Jacques d’Armagnac, ses prévisions ne se réalisèrent pas; avant la fin de l’année, Louis XI avait fait sa paix avec le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne; le connétable de Saint-Paul avait péri sur l'échafaud, Jacques d'Armagnac devait succomber. Sommé de paraître devant le Parlement et n'ayant pas obéi, Pierre de Bourbon, sire de Beaujeu, vint l'assiéger dans Carlat où il aurait pu se défendre longtemps, disent les historiens, s'il n'eût pas jugé à. propos de se rendre , sur la promesse qu'il obtiendrait son pardon; mais le roi désavoua le sire de Beaujeu , prétendant que celui-ci avait excédé ses pouvoirs, et Jacques d'Armagnac, après avoir été traîné de prison en prison, fut enfermé à la Bastille, dans une cage de fer, d'où il écrivit au roi une lettre pleine de repentir et d'humilité; nous croyons devoir en reproduire quelques fragments que nous trouvons dans la cinquième partie de la description de la France , par Dulaure (article Carlat).

« Mon três-redouté et souverain seigneur, tant et si humblement que faire je  puis, me recommande à votre grâce et miséricorde... Sire, j'ai tant méfait envers Dieu et envers vous, que je vois bien que je suis perdu, si votre grâce et miséricorde ne s'étend, laquelle, tant et si humblement et en grande amertume, et contrition de cœur, que je puis, vous supplie et requiers, en l'honneur de la benoîte passion de N.-S.-J.-C. , et mérites de la benoîte Vierge-Marie et des

grandes grâces qu'il vous a faites, faites-moi grâce et à mes pauvres enfants;  ne souffrez que pour mes péchés, je meure à honte et confusion, qu'ils vivent

en déshonneur et au pain quérir; et si avez en amour ma femme, plaise vous avoir pitié du malheureux mari et orphelins.... Tant et si très-humblement que faire je puis , vous requiers pardon , grâce et miséricorde; je vous servirai bien et loyaument, que vous connaîtrez que je suis vrai repentant, et que force de

bien faire, veux amander mes défauts. Pour Dieu, sire, ayez pitié de moi et de mes pauvres enfants. Ecrist en la cage de la Bastille, le dernier jour de janvier 1475 (vieux style). Signé le pauvre Jacques. »

Louis XI ne se laissa pas fléchir, loin de là ; il se hâta au contraire de profiter des concessions que lui avait faites son prisonnier, par le traité de St-Flour; il le fit juger par le Parlement, dégarni de pairs et assisté de commissaires, qui le condamna à avoir la tête tranchée, ce qui eut lieu le même jour, 4 août 1477. Nous n'ajoutons pas foi à la tradition, d'après laquelle Louis XI aurait fait placer sous l'échafaud les enfants du supplicié, afin que son sang rejaillit sur eux. Le corps de Jacques d'Armagnac fut immédiatement enlevé par cent cinquante cordeliers munis de torches, qui l'ensevelirent dans leur église. Cet évènement tragique causa à Louise d’Anjou, alors enceinte, une impression si funeste, qu'elle en mourut de douleur au château de Carlat. Sa dépouille mortelle, accompagnée de cinq évêques, fut transportée aux Cordeliers de Rodez.

Il ne paraît pas que Jacques d'Armagnac ait résidé ailleurs qu'à Carlat; on l'y retrouve aux principales époques de sa vie. C'est à lui qu'il convient d'attribuer la première pensée de bâtir une église dans le bourg de Carlat; il y a, en effet, une transaction passée le 26 mars 1468, entre ce vicomte et les fondés de pouvoir du grand-maître de l'ordre de St-Jean-de-Jérusalem, par laquelle ces derniers autorisent Jacques d'Armagnac à construire au bourg de Carlat, dépendant dudit ordre, une chapelle annexe de celle du château, et ce, sous certaines réserves et indemnités que nous ferons connaître lorsque nous nous occuperons de la commanderie. Ce projet, ajourné sans doute à cause des événements qui survinrent alors , et que nous avons racontés , fut repris et mis à exécution par Anne de France, duchesse de Bourbonnais et d'Auvergne, au commencement du xvi° siècle. En 1469, Jacques d'Armagnac avait conclu avec Marguerite de Murat, héritière de Renaud II et femme de Louis de Louet, chambellan du roi, un nouveau traité qui le rendait enfin paisible possesseur de la vicomté de Murat. Le 1" septembre de la même année, le même vicomte concéda aux habitants de Thiézac les trois foires qui se tiennent encore aujourd'hui dans cette localité.

L'arrêt qui avait condamné à mort Jacques d’Armagnac, avait aussi prononcé la confiscation de ses biens au profit du roi, qui en disposa comme suit: la vicomté de Carlat fut donnée à Jean Blosset, qui avait commandé les troupes devant cette place en 1469; la vicomté de Murat échut à Jean Dumas , seigneur de l'Isle ; le Mur-de-Barrès et Flagnat, à Hector de Méalet, seigneur de Beaufort, en Rouergue. Cet état de choses ne fut pas définitif: Jacques d'Armagnac laissait six enfants auxquels on ne tarda pas à rendre justice; ils se nommaient: 1° Jacques, mort de la peste, à Perpignan, où il avait été envoyé après la catastrophe de son père; 2° Jean, mort sans postérité en 1499; 3° Louis, duc de Nemours, comte de Guise, pair de France, vice-roi de Naples, tué le 28 avril 1503, à la bataille de Cérignoles , en Italie; en lui s'éteignit le dernier mâle de cette race antique et puissante qui, pendant plusieurs siècles, avait rempli la France et l'Europe de son nom; 4° Marguerite, mariée à Pierre de Rohan, seigneur de Gié, maréchal de France; 5° Catherine , alliée en 1484 à Jean II, duc de Bourbon; 6* Charlotte, épouse de Charles de Rohan , fils d'un premier lit du maréchal de Rohan, précité.

On voit que les enfants de Jacques d'Armagnac ne furent pas traités en gens déshonorés. Dès son avènement au trône , Charles VIII s'était empressé de leur restituer le duché de Nemours avec plusieurs grandes terres; de leur côté , Jean Blosset, Jean Dumas et autres, se désistèrent de leurs droits sur celles qu'ils avaient reçues à titre de gratification, et enfin , Pierre de Bourbon, le même qui avait fait prisonnier Jacques d'Armagnac, put légitimement acquérir de Jean et de Louis d'Armagnac, ses fils, les vicomtés de Carlat et de Murat, ce qui fut effectué par acte passé au Louvre en présence du roi, du chancelier et de l'amiral de France, le 24 mai 1489. Par cet acte, le duc de Bourbon consentit, en outre, une indemnité en dédommagement des pays de franc-aleu et de Combraille dont il jouissait déjà.

Pierre II, Duc De Bourbon Et D'auvergne, devenu vicomte de Carlat et de Murat, avait épousé, en 1474, Anne de France, fille aînée du roi Louis XI, la même qui fut régente pendant la minorité de Charles VIII, son frère, en 1483, et qui résista avec tant de fermeté aux prétentions ambitieuses du duc d'Orléans, depuis roi sous le nom de Louis XII. Le duc de Bourbon étant mort en 1503, Anne de France, en sa double qualité d'usufruitière et de tutrice de Suzanne de Bourbon, sa fille unique, gouverna avec beaucoup de sagesse les nombreux domaines de ce riche patrimoine. C'est elle qui fit construire l'église de Carlat, dont la nécessité était depuis longtemps reconnue, ainsi que celle de Notre-Dame-de-Murat, qui avait été réduite en cendres en 1493. Lors de la rédaction de la coutume d’Auvergne, en 1510, Anne s'opposa à ce que la vicomté de Carlat y fut soumise, prétendant que le Carladès était un pays séparé et indépendant de l'Auvergne. Cette protestation ne fut admise que pour la forme; on n'y eut aucun égard quant au fond. Anne de France mourut au château de Chantelle, en Bourbonnais, le 4 novembre 1522, âgée de 60 ans.

Suzanne De Bourbon, fille unique des précédents, fut d'abord fiancée à Charles III, duc d'Alençon , de la branche de Valois; mais ce mariage n'eut pas lieu , et elle n'avait pas atteint l'age de 14 ans quand elle épousa, le 10 mai 1505, Charles De Bourbon-Montpensier , dauphin d'Auvergne, etc., etc. Par suite de cette alliance, les duchés de Bourbonnais et d'Auvergne, le comté de Forez, le dauphiné d'Auvergne, le Beaujolais, la Marche, le franc-alleu , la Combraille ; les vicomtés de Carlat et de Murat; les importantes baronnies de Thiers, de Mercœur, de Calvinet; les terres d'Usson et de Vinzelles se trouvaient réunis dans les mêmes mains, de sorte qu'après le roi, a dit Adolphe Michel, » il n'y avait pas en France > de prince plus riche que ce jeune duc de Bourbon et d'Auvergne ; aussi, lit-on » dans les mémoires de Marillac, son secrétaire, qu'il marchait toujours escorté » d'une garde brillante et entouré d'une cour qu'on aurait pu comparer à celle d'un roi. Il fit ses premières armes à la tète d'une belle troupe composée d'hommes d'armes et de cent archers levés à ses dépens; il se signala dans l'expédition dirigée par Louis XII en personne , contre les Génois révoltés en 1507, ainsi qu'à la bataille d'Agnadel, en 1509; combattit les Suisses, qui avaient fait une irruption en Bourgogne, en 1512 , et reçut l'épée de connétable, le 12 janvier 1515. Il commanda peu après l'avant-garde de l'armée française, au passage des Alpes, où il donna des preuves de génie, de prudence et de bravoure qui étonnèrent alors les généraux les plus expérimentés; il ne se montra pas moins habile à la bataille de Marignan, gagnée sur les Suisses, le 13 septembre 1515. Aussi, les hommes compétents de notre époque ont-ils comparé ce passage des Alpes a ceux d'Annibal et de Napoléon, et la bataille de Marignan à celle d'Austerlitz (la France militaire, t. i, p. 36. — Histoire de l'armée et des régiments, t. i, p. 383 à 390. — Histoire des généraux français, t. III. p. 8 et 9). La vie du conné table de Bourbon est trop connue de nos lecteurs pour qu il soit nécessaire de la retracer ici; il nous suffira donc de rappeler que la mort sans enfants de Suzanne de Bourbon , sa femme, arrivée le 28 avril 1521 , fut la source de toutes ses dis grâces; des convoitises de succession , des intrigues de cour, des procès injustes lai occasionnèrent des mécontentements qui lui firent abandonner le service de son roi ct de sa patrie, pour se ranger du côté des ennemis de la France. Devenu général de l'empereur Charles-Quint, il fut cause de tous les désastres que les années françaises éprouvèrent en Italie pendant plusieurs campagnes. Il commandait les impériaux à la funeste journée de Pavie, où François I" fut fait prisonnier, en 1323. Bourbon fut tué à l'escalade de Rome, le 6 mai 1527 ; tous ses biens furent confisqués, par arrêt de la Cour des pairs du 27 juillet de la même année, et, le 26 août suivant, le roi et Louise de Savoie, sa mère, auteur principal de toutes les tracasseries suscitées au connétable, réglèrent leurs droits respectifs à sa riche succession.

Louise De Savoie était arrière-petite-fille de Bonne de Berry et du comte de Savoie, Amédée VII, son premier mari. C'est en cette qualité, semble-t-il, qu'elle réclama et obtint la jouissance des vicomtés de Carlat et de Murat, que le roi lui avait déjà cédée dès l'an 1322. Cette princesse mourut le 22 du mois de septembre 1531 (vieux style), et François Ier, par lettres-patentes du mois de janvier suivant, réunit lesdites terres à la ronronne; elles firent depuis partie du douaire de plusieurs reines : Catherine de Médicis, veuve de Henri II; Elisabeth d'Autriche, veuve de Charles IX; Louise de Lorraine-Vaudemont, veuve de Henri III, et Marguerite de Valois, épouse séparée de Henri IV.

Cette dernière étant partie secrètement d'Agen, où elle était retenue prisonnière, vint à Carlat en 1583. Elle fut protégée dans sa fuite par François de Robert-Lignerac, seigneur de Pleaux, à la tête de 500 lances du parti de la ligue; on a même prétendu que ce capitaine l'avait amenée en Auvergne montée en croupe derrière lui, ce qui n'est guère croyable, la distance d'Agen à Carlat étant d'environ quarante lieues. Gilbert de Robert-Lignerac, seigneur de Marze , frère de François, et alors capitaine-gouverneur de Carlat, alla la recevoir à la limite de la vicomté, accompagné de cent gentilshommes à cheval.

Nous ne répéterons pas ici les diatribes qu'on a débitées contre cette reine déchue; nous savons trop à quels écarts se livrent les écrivains de parti en temps de troubles civils ou religieux pour que nous puissions avoir une entière confiance dans leurs assertions Nous ne prétendons pus assurément soutenir que Marguerite de Valois resta pure de toute faute ; mais se rendit-elle coupable de tous les excès dont on l'a accusée? Quant à nous, nous croyons qu'il est grandement permis d'en douter, et certes, tout homme impartial qui aura lu le divorce satirique, n'hésitera pas à reconnaître dans ce libelle anonyme un écrit dicté par la haine la plus aveugle. Au surplus, et hâtons-nous de le dire, M Marguerite eut des détracteurs au cœur rempli de fiel, elle eut aussi des apologistes très-zélés, et parmi eux des hommes importants, d'une réputation intacte, tels que : Brantôme, Sully, la Croix-du Maine, Mezeray, le père Hilarion-de-Co-te, dont les témoignages valent bien celui d'un pamphlétaire anonyme. Marguerite de Valois s'éjourna dix-huit mois au château de Carlat, et si elle y donna quelque sujet de scandale, elle édifia plus souvent par sa piété et ses bonnes œuvres. La peste, suivant M. de Sistriéres, l'obligea à quitter cette résidence pour se réfugier d'abord à Ybois, puis à Ussun, en Basse-Auvergne , où nous ne la suivrons pas. Au reste, nous aurons encore occasion de parler d'elle dans le cours de cette notice.

Henri IV avait triomphé de ses ennemis; sous son règne paisible et doux, la France voyait ses plaies se cicatriser : le calme avait reparu dans nos montagnes et semblait devoir s'y maintenir, lorsqu'une circonstance imprévue, un accident fortuit vint un instant y semer l'agitation. On était au printemps de 1602, la conspiration du maréchal de Biron venait d'être découverte; François-Jacques du Pouget-Nadaillac, seigneur de Morèze, capitaine-gouverneur de Carlat, inspira de la méfiance au roi, qui donna ordre à François de Noailles , son lieutenant-général en Haute-Auvergne, de s'assurer de sa personne. Procéder à l'arrestation d'un commandant de forteresse, au milieu d une garnison dévouée, ne parut pas chose facile; aussi, jugea-t-on nécessaire de recourir à la ruse. M. de Morèze fut donc, on ne sait sous quel prétexte, attiré à Aurillac, où il fut désarmé et retenu prisonnier au château de St-Etienne. le 29 mai. Ce coup, une fois frappé, M. de Noailles ne perdit pas un instant ; il s'achemina vers Carlat dans le dessein de s'en rendre maître; il était accompagné de M. de Villars, commandeur du lieu pour l'ordre de Malte; de MM. de Beauclair, de Sedières, de Drugeac, de Conros, de Viescamp, de Giou, de Vieillevie, de Carbonat, de Veyrières , de La Prade et autres gentilshommes, l'ette première tentative ne devait pas avoir de succès: Marguerite d'Ouvrier, femme du gouverneur Morèze, refusa d'ouvrir les portes du château avant de connaître l'avis de son mari absent, dont elle ignorait encore l'arrestation. Informée de la vérité, sa résolution n'en fut que plus énergique; elle déclara nettement qu'elle ne rendrait la place que lorsque son mari serait mis en liberté. Elle ne s'en tint pas à cette déclaration; elle introduisit dans la forteresse le sieur de Sales-de-Loradoux, avec quarante bons soldats amplement munis de provisions de guerre et de bouche.

Cette affaire menaçait de devenir sérieuse; car non seulement M. de Noailles appelait à lui la principale noblesse militaire du pays, mais il convoquait les milices bourgeoises des villes et communes, faisait venir du canon; ainsi, tout se préparait de part et d'autre a une lutte des plus vigoureuses. Une vive anxiété régnait parmi les populations attentives à ce qui allait se passer. On admirait le courage et le dévouement conjugal de la dame de Morèze; peut-être faisait-on secrètement des vœux pour le triomphe d'une aussi noble cause; mais, au fond , on redoutait le retour de ces guerres intestines qui, depuis quarante ans, avaient fait couler tant de larmes et de sang.

La dame de Morèze, inaccessible à la peur pour elle-même, mais craignant pour ses enfants les suites d'un long siége, les dangers d'une prise d'assaut, fit sortir et mettre en sûreté les sept plus jeunes , ne gardant auprès d'elle que les deux aînés qui, à raison de leur âge , pouvaient lui être utiles dans l'héroïque résistance à laquelle elle se préparait. De leur côté, les parents de M de Morèze, effrayés de sa position , s'assemblèrent au château de Messilhac pour aviser aux moyens de conjurer l'orage prêt à éclater. On y ouvrit d'abord un avis plein d'audace: on proposait d'enlever de vive force le prisonnier d'Aurillac, et d'opérer ensuite une diversion favorable à la délivrance de Carlat. Mm° de Messilbac, dont 1'illustre mari, Raymond de Rastignac, avait été l'un des plus vaillants et fidèles soutiens de la cause de Henri IV, la dame de Messilbac, disons-nous, trouva le parti proposé dangereux et d'ailleurs indigne de sujets dévoués; elle lit observer qu'une démonstration de cette nature serait, sans nul doute , considérée comme un acte de rébellion ouverte qui, cependant, n'était dans la pensée de personne; qu'il serait à la fois plus prudent et plus sûr d'offrir de se soumettre à des conditions honorables. Ce sage conseil fut entend» et adopté; des pourparlers eurent lieu, et il fut convenu que chaque parti députerait vers le roi pour fournir des explications. M. de Nonilles se contenta donc, en attendant de nouvelles instructions, de faire investir et survoiller le fort par trois cents hommes de troupes réglées.

Dans l'intervalle, arriva, avec trente archers, M. de Beaumevielle, prévôt général en Auvergne et en Languedoc, et, sur un nouveau refus fait par la dame de Morèze, cet officier de justice criminelle fit toutes les procédures usitées contre des rebelles. Un premier courrier étant arrivé de la cour, le 12 juin , porteur d'une dépêche qui, en approuvant la conduite de M. de Noailles, lui enjoignait de réduire la place par la force; mais M de Morèze , ayant sollicité un délai de quatre jours, afin d'attendre le retour du sieur de La Salle-de-Caylus, son envoyé auprès du roi, on le lui accorda; et le 16, précisément à l'expiration de ce délai, arriva M. de La Salle, portant a M. de Noailles l'autorisation d'élargir M. de Morèze sous caution, en attendant qu'il pût se justifier des soupçons qui planaient sur lui.

Les négociations furent alors reprises; un congrès s'assembla au bourg de Thiézac, oui un congrès, nous nous servons à dessein de ce mot, car l'assemblée était nombreuse et choisie : M. de Noailles, représentant du roi, avait à ses côtés les seigneurs les plus influents de la Haute-Auvergne ; M. de La Volpilière, neveu et fondé de pouvoir de M. de Morèze, était assisté de plusieurs des nobles parents, amis ou clients de sa famille. Là fut conclu un traité portant: que le prisonnier serait rendu à la liberté sous la caution du baron d'Apchon, qui en répondait corps pour corps; que La forteresse serait immédiatement évacuée; que la garnison sortirait avec les honneurs de la guerre, c'est-à-dire, avec armes et bagages, mèche allumée ; que MM. de Sales et d'Ouvrier de Celles, principaux officiers du château, seraient amnistiés; que Mme de Morèze se retirerait au château de Morèze avec sa famille et une escorte d'honneur de douze gentilshommes. Cette convention fut exécutée le lendemain , et M. de Noailles fit son entrée de prise de possession, accompagné d'un grand nombre de nobles de 1 Auvergne, du Limousin , du Rouergue et du Quercy, formant un corps de plus de 200 chevau-légers et de 350 fantassins. M. de Laval, gentilhomme du Limousin, y fut laissé avec une petite garnison. Quant à M. de Morèze , il partit immédiatement pour Paris, se justifia complètement auprès du roi, qui lui rendit ses bonnes grâces et le promut au grade de mestre-de-camp. Ainsi se termina cette affaire qui, sans qu'il y eut au fond de mauvaise intention d'aucun côté, avait cependant jeté un si grand émoi dans le pays, et tenu pendant quinze jours tous les esprits en suspens.

La tranquillité une fois rétablie, le roi jugea superflu et même dangereux de conserver au cœur du royaume une forteresse, éternel refuge de la rébellion et d'ailleurs désormais inutile à la défense du pays; il ordonna, en conséquence, qu'elle serait rasée , ce qui fut exécuté l'année suivante. M. de Giou , qui s'était rendu adjudicataire des travaux de démolition, mit la main à l'œuvre, le 22 décembre 1603 ; les opérations ne durèrent pas moins de cinq mois, et encore exigèrent-elles la présence d'un commissaire de l'artillerie, M. du Plessis, à la louange duquel on composa le quatrain suivant:

Nunc onmis longo solvit se Arvernia luctu

Cernens Carlatum Marte perire tuo,
Et cum sit monstrum, te debellante, subactum,
Jactat te Arvernum, per sua saecla solum.

A la même occasion, on plaça dans l'église paroissiale de Carlat l'inscription que voici:

Par le commandement du très crestien , très clément, très magnanime , très victorieux, très-puissant, très-admirable Henri III, roi de France et de Navarre, libérateur, père et restaurateur du royaume, fut cette place démolie pour satisfaire aux voeux de ses bons subiets, estant Maximilien de Bétune, marquis de Rosni, grand-maître de t'artilerie, surintendant des finances et fortifications, et grand-voyer de Fiance; le sieur du Plessis, prévost ordonné par Sa Majesté pour faire le rasement, le fist accomplir le dernier mai M.VI. C.quatre.

Rien ne fut épargné : les forts, l'église, l'hôtel des commandeurs, le palais Bridoré, tout fut précipité de la cime du roc dans les abîmes qui l'entourent, et aujourd'hui nulle trace de ces orgueilleux donjons , de cette formidable citadelle que Brantôme qualifiait la plus forte de France, ne s'aperçoit sur le vaste plateau qui la supportait; le silence le plus absolu a remplacé le bruit du clairon , le tumulte des combats, les chants de triomphe, et sans le maigre gazon qui couvre la surface rocheuse, gazon qui y attire de loin en loin quelques brebis avec leur pastourelle, on n'apercevrait jamais aucun être vivant dans ce lieu, jadis demeure princière et guerrière à la fois. Cependant, aux heures où la chaleur se fait vivement sentir, ou si un orage vient à éclater, les brebis et la pastourelle trouvent uu peu d'abri sous le feuillage d'un tilleul isolé, seule et dernière sentinelle qu'on voit de fort loin, mais qui n'inspire plus d'effroi.


CAPITAINES-GOUVERNEURS DE CARLAT.

On voit que l'emploi avait survécu à la nécessité, puisque la forteresse n'existait plus; toutefois, il est essentiel de remarquer que celui qui commandait à Carlat, exerçait le même pouvoir sur toute la vicomté qui renfermait d'autres châteaux forts, quoique bien moins importants. Il paraît que cette charge fut définitivement supprimée à l'avènement de la maison de Monaco.

Après avoir fait partie du domaine de la couronne pendant un peu plus d'un siècle, la vicomté de Carlat en fut détachée et cédée a un prince étranger; voici dans quelles circonstances: Honoré de Grimaldi, prince de Monaco, en Piémont, avait servi avec zèle les intérêts du roi Louis XIII, en Italie, et placé sa principauté sous la protection de la France, après en avoir chassé la garnison espagnole. Cette conduite d'Honoré de Grimaldi lui avait été préjudiciable en ce que les ennemis s'étaient emparés de plusieurs terres considérables qu'il possédait dans le royaume de Naples et dans le Milanais, et Louis XIII, pour l'en dédommager, lui donna, entre autres possessions, le duché de Valentinois, en Dauphiné, et la vicomté de Carlat, en Auvergne. Cette indemnité, déjà stipulée dans le traité de Péronne, de l'année 1641, fut réalisée par lettres-patentes données à St-Germain-en-Laye, au mois de février 1643, enregistrées au Parlement de Paris, le 11 mars suivant, à celui de Bordeaux, pour la partie du Rouergue, le 19 mai, et enfin, au bureau des finances de la généralité de Riom, le 18 août 1643. Ces lettres portaient, en même temps, érection du Carladès en comté, y compris les terres de Vic-sur-Cère, de Boisset, de Mur-de-Barrès, Cromières, Calvinet, Vinzelles, Vigouroux, Turlande et Barres. La prise de possession par le prince de Monaco eut lieu au mois d'octobre, et l'acte de foi et hommage qu'il rendit au roi porte la date du 31 décembre de la même année 1643.

Honore De Grimaldi mourut 1* 10 janvier 1662; il avait eu Hercule de Grimaldi, mort avant lui, en 1651 ; celui-ci laissa un fils unique:

Louis de Grimaldi, prince de Monaco, duc et pair de Valentinois, comte de Carladès, reçu au Parlement, le 5 juillet 1668. Louis XIV l'envoya en ambassade à Rome, en 1700; il y mourut le 3 janvier 1702, laissant deux fils: 1° Antoine, qui suit ; 2° Honoré, d'abord chevalier de Malte, puis chanoine de Strasbourg et archevêque de Besançon, de 1724 à 1731.

Antoine De Grimaldi, prince de Monaco, duc de Valentinois, comte de Carladès, mourut en 1732, laissant de son mariage avec Marie de Lorraine-Armagnac, fille de Louis de Lorraine, comte d'Armagnac, grand-écuyer de France, deux filles: 1° Louise-Hippolyte de Grimaldi, qui va suivre; 2° Marguerite-Camille de Grimaldi, mariée à Louis Vilain de Gand, prince d'Isinghien, maréchal de France.

Louise Hippolyte de Grimaldi, princesse de Monaco, duchesse de Valentinois, comtesse de Carladès, épousa à Monaco, le 20 octobre 1715, Jacques-François-Léonor de Goyon-Matignon, mestre-de-camp de cavalerie, lieutenant-général du roi en Normandie, dont:

Honorè-camille-leonor De Goyon-Grimaldi, prince de Monaco, duc de Valentinois, comte de Carladès. Entré de bonne heure au service, le prince de Monaco devint colonel du régiment de son nom , qu'il commanda aux siéges de Menin, d'Ypres, de Fumes, et au camp de Courtray, en 1744; fit la campagne de 1746, sous le prince de Conti; assista aux siéges de Mons et Charleroi, ainsi qu'à la bataille de Raucoux, et se distingua très particulièrement a celle de Lawfeldt, à la suite de laquelle il couvrit le siége do Berg-op-Zoom , en 1747; il fut employé à celui de Maëstricht, en 1748, et reçut le brevet de maréchal-de-camp, le 10 mai de la même année. Les 18 et 24 novembre 1760, le prince de Monaco conclut avec le roi de Sardaigne un traité qui mit fin aux contestations qui existaient entre eux au sujet de ses possessions territoriales en Piémont. Honoré Camille-Léonor de Goyon-Grimaldi, dépouillé par le fait de la révolution française des droits féodaux dont il jouissait en Carladès et dans le Valentinois, réclama une indemnité, et un décret du 21 septembre 1791 avait accueilli sa demande; mais la chute du trône empêcha l'exécution de cet acte de justice. Le prince de Monaco avait épousé, le 15 juin 1757, Marie-Christine Brignole, fille du doge de Gènes; il fut l'aïeul d'Honoré-Gabriel de Goyon-Grimaldi, créé pair de France en 1814.


ANCIENNE VASSALITÉ DE CARLAT.

La vicomte de Carlat renfermait, outre celle de Murat, qui en releva de toute ancienneté et qui lui fut réunie en 1414, dix châtellenies, savoir : Carlat, Vic, Boisset, Cromières, Calvinet, Vigouroux et Turlande, en Auvergne; le Mur-de-Barrès, Vinzelles et Barres, en Rouergue. De chacune de ces châtellenies, relevaient un certain nombre de fiefs plus ou moins importants, donnant ensemble un total de plus de cent seigneuries, non compris un nombre considérable de tenures nobles ou non nobles, ecclésiastiques ou laïques; le tout s'étendant sur plus de cent paroisses, et dont les actes de foi ct hommage ou reconnaissances féodales ne s'élevèrent pas à moins de cinq cent cinquante, en 1668.

Voici la nomenclature des principaux fiefs, avec la désignation des paroisses où ils étaient situés:


BAILLIAGE DU CARLADÈS

Suivant l'abbé d'Expilly (t. 1, p. 400), il y aurait eu, dès l'an 1270, en Carladès, un juge d'appeaux ou d'appel dont les jugements ressortissaient du Parlement de Paris. Nous ne discuterons pas à fond la valeur de cette assertion; nous savons qu'un magistrat beaucoup plus compétent s'est chargé de traiter la question des anciennes juridictions de la Haute-Auvergne. Nous nous bornerons donc à reconnaître que les vicomtes de Carlat ont joui, de temps immémorial, du droit de juridiction supérieure sur tous les fiefs de leur mouvance. Ce droit, ils ne l'ont pas laissé péricliter : on le trouve stipulé ou réservé dans tous les actes de foi et hommage, concessions, transactions, ventes, échanges, etc.; mais, leurs baillis se qualifiaient-ils juges d'appeaux dès l'an 1270? et leurs décisions ressortissaient-elles du Parlement de Paris? Assurément, il est permis d'en douter.

Ce qu'il y a de plus certain, c'est que Bernard d'Armagnac, vicomte de Carlat et de Murat, connétable de France et premier ministre de Charles VI, eut assez de crédit pour obtenir de ce roi, en 1414 , des lettres-patentes autorisant l'établissement en Carladès, comme dans ses autres domaines , des juges d'appeaux dont les décisions relèveraient immédiatement du Parlement de Paris, pour la partie de l'Auvergne, et du Parlement de Bordeaux, pour la partie située en Rouergue.

Cette justice, de seigneuriale qu'elle était, devint royale lors de la réunion du Carladès à la couronne, en 1531, et fut exercée depuis, au nom du roi, par des officiers nommés par Sa Majesté et qui prenaient la qualité d'officiers royaux. Le siége de ce bailliage, d'abord ambulant, fut fixé à Vic-sur-Cère, par déclaration de Charles IX de l'année 1561. Toutefois, les magistrats ne se sentant pas suffisamment eu sûreté dans cette localité pendant les guerres de religion, siégèrent pendant quelque temps à Aurillac, en 1585, dans cette même ville où siégeait aussi un bailliage rival, ce qui donna occasion à celui-ci de demander la suppression du siége de Vic comme étant inutile; cette tentative n'eut pas de suite.

Les lettres-patentes du mois de février 1643, portant cession du Carladès au prince de Monaco, avec titre de comté, ne modifièrent qu'en partie cet état de choses; elles maintinrent les mêmes droits de ressort. les juges ordinaires devaient rendre la justice au nom du comte; mais ceux du siége d'appeaux conservèrent le titre déjuges royaux et la connaissance des cas royaux, non seulement dans l'étendue du comté de Carladès, mais aussi dans celle de la vicomté de Murat, qui demeurait réunie à la couronne. Lesdites lettres laissaient au nouveau comte la faculté de confirmer les officiers titulaires dans l'exercice de leurs fonctions, ou de les révoquer moyennant une indemnité équitable; ceci fut réglé par une transaction intervenue le 23 novembre 1645, entre Honoré de Grimaldi et les officiers précités, qui fuient maintenus dans leurs charges, avec règlement des droits respectifs des parties. Cette transaction, qui énumérait les droits et privilèges du bailliage et de ses officiers, fut homologuée par lettres-patentes du mois de mai 1644.

Toutefois, et nonobstant ces précautions, le baillage de Carladès, enserré entre ceux d'Aurillac, Murat et Saint-Flour, fut de leur part l'objet d'une rivalité qui dégénéra souvent en conflits toujours terminés en faveur de celui du Carladès qui se trouvait nanti de bons titres. Les officiers du bailliage et siége présidial d'Aurillac, surtout, firent plusieurs tentatives pour obtenir la suppression du siège de Vic, notamment en 1585, 1742 , 1768 et 1775; ils s'avancèrent même, dans l'une de leurs sentences, jusqu'à contester à ceux de Vic la qualité de juges d'appeaux, en affectant de les qualifier juges fiscaux; mais un arrêt du Parlement, du 26 août 1661, réprima cet écart (Liasse de Cariai, à la bibliothèque de Clermont).

Les magistrats du bailliage du Carladès, séant à Vic, composé d'un lieutenant-général civil et criminel et juge d'appeaux, d'un président, un lieutenant particulier, un lieutenant assesseur, deux conseillers, un avocat du roi, un procureur du roi et un greffier, qui avaient mis tant de persévérance à défendre leurs droits contre les empiétements de leurs confrères d'Aurillac, ne montrèrent pas moins d'ardeur et de zèle, lors de la révolution de 1789 , pour obtenir la conservation du siége de Vic, soit par l'établissement dans cette localité d'un présidial, puis d'un tribunal de première instance, dont ils se plaisaient à étendre le ressort hors des anciennes limites. Ils tiraient leur principal argument de celui qu'on avait fait valoir lors de la rédaction de la coutume, en 1510, à savoir : que le Carladès était un pays indépendant de l'Auvergne et que par conséquent il devait former une division administrative et judiciaire indépendante des arrondissements d'Aurillac et de Saint-Flour. Malheureusement pour Vic, tous ces efforts demeurèrent infructueux.

Voici la liste chronologique des officiers du bailliage du Carladès dont nous avons pu recueillir les noms, et qui figurent dans les actes sous différentes qualifications, telles que celles dejuge, bailli, garde-scel. chancelier, juge d'appeaux, lieutenant général, etc., etc. Au surplus, nous ne garantissons pas l'entière exactitude de cette liste:


COMMANDERIE DE CARLAT.

Ordre de Saint - Jean - de- Jérusalem (Malte).

Cette commanderie, établie dans l'intérieur même de la forteresse, et dont les bâtiments furent détruits en même temps que le château, était fort ancienne et appartenait dans le principe à l'ordre du Temple, aboli en 1312 ; elle échut alors à celui de St-Jean-de-Jérusalem, qui la conserva jusqu'à l'époque de la Révolution. 11 convient d'en attribuer la fondation à Raymond Béranger III, comte de Barcelonne, époux de Douce de Carlat, l'un des grands bienfaiteurs de l'ordre du Temple, dans lequel il entra lui-même à la formation de cette milice, en 1128 (voyez l’Histoire du Languedoc et l'Art de vérifier tes dates). Un siècle plus tard, c'est-à-dire en 1219, nous voyons Henri I, comte de Rodez, vicomte do Carlat, faire des legs au temple de Carlat.

Nous avons vu, aux archives du département du Puy-de-Dôme, l'inventaire des titres de cette commanderie; ils sont peu importans en général : le plus grand nombre consiste en reconnaissances féodales, renouvellement de terriers, accords sur contestations, etc. Nous citerons cependant deux transactions d'un caractère plus significatif:

La première , intervenue le mardi après la fête de la Pentecôte, 1355, entre Renaud IV, sire de Pons, vicomte de Carlat, et le commandeur du lieu, porte, de la part de ce dernier , reconnaissance expresse de la suzeraineté et juridiction supérieure du vicomte sur toutes les possessions de la commanderie situées en Auvergne et en Rouergue.

Il résulte de la seconde, en date du 26 mars 1468, que Jacques d'Armagnac, ayant formé le projet de bâtir au bourg de Carlat, dont le territoire dépendait de la commanderie, une chapelle ou annexe de l'église du château, les délégués du grand-maître de l'ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem y consentirent sous la réserve du droit de libre fréquentation de la chapelle et de celui d'inhumation dans son cimetière, droits dont ceux de l'ordre jouissaient et avaient toujours joui dans l'église de la forteresse; ils exigèrent en outre que la nouvelle église ne fut pas assujettie à la juridiction des évêques. En échange de ce consentement, le vicomte céda à la commanderie une maison avec cour sise à Aurillac, rue Saint-Jacques , et un jardin hors de la ville, près de la porte de Saint-Etienne , le tout exempt de servitudes. Jacques d'Armagnac accorda ou outre à la commanderie de Maisonnice, dans la Marche, le droit de justice sur toute la paroisse de rc nom, avec permission d'y établir des fourches patibulaires; et comme compensation de ce nouvel avantage, le commandeur de Maisonnice devait payer à relui de Carlat un tribut annuel de vingt florins. Nous avons dit ailleurs que ce projet de construction d'une église à Carlat fut alors ajourné, sans doute à cause des événements qui eurent un si triste résultat pour Jacques d'Armagnac, et qu'il ne reçut son exécution que trente ans après environ.

Outre les nombreuses rentes reçues en dons ou acquises par la commanderie, tn Carladès et en Rouergue, elle avait des annexes d'une certaine importance, telles que les suivantes:

D'Ortigiers, paroisse de Jalleyrac près de Mauriac;

L'hôpital, réuni à Barbary et à Neirecombe, paroisse de Vigean;

L'hôpital du Monteil, paroisse de Saint-Remy-de-Salers;

La Salvetat, paroisse de Saint-Mamet;

Saint-Jcan-de-Dône, paroisse de Saint-Simon;

Saint Jean de-Pienvfiiie, paroisse de Giou-de-Mamou;

L'hôpital de Chaufranche, à Saint-Chamant;

L’hôpital, paroisse de Saint-Cirgues-de-Malbert;

Villedieu ou Stadieu, près de Maurs;

Coudert, Machat, Orliat et le Breuil, dans les environs de Gimel, en Limousin.

A chacune de ces annexes venaient se verser de nombreuses redevances que les commandeurs de Carlat perçurent sur les villages environnants, jusqu'à la révolution de 1789.

Voici le catalogue des commandeurs connus, à dater de la fin du XIII° siècle:


VILLAGES ET HAMEAUX DÉPENDANT DE LA COMNLNE DE CARLAT.

Almeyrac.

Altouret.

La Bastide.

Cabriol.

Calves, sont autant de localités qui n'offrent rien de remarquable.

Cabanes, village et château situé à mi-coteau, au nord-ouest, entre Carlat et Puy-Basset. sur le chemin qui conduit à Arpajon et Aurillac. D'après le manuscrit de M. Déribier-du-Châtelet, le château de Cabanes aurait successivement appartenu aux familles dont les noms suivent : de Greffeuille, en 1296; de Beauregard, en 1315; de La Garde, en 1370, et de Resigade, en 1460. Nous croyons que cet auteur a pu se tromper en appliquant à ce château de Cabanes des actes concernant un autre château de même nom situé dans la commune de Polminhac et berceau de la famille de Cabanes-Comblat.

Suivant une brochure récemment publiée et dont nous devons un exemplaire à la gracieuseté de son auteur, le baron de La Morinerie, le château de Cabanes serait d une date plus récente et aurait une origine tout-à-fait romanesque. Laissons parler M. de La Morinerie. dont nous voudrions pouvoir transcrire ici tout entier l'intéressant écrit:

« D'après la légende du pays, dit-il, Cabanes serait né du caprice d'une femme, la plus parfaite en beauté, comme dit Brantôme. Marguerite de Valois, reine de Navarre, fille de Henri II et femme de Henri IV.

….. A une telle femme, si enviée, si adulée, combien dut paraître triste la solitude de Carlat!

Ici nous entrons en pleine légende. Traînant un jour ses ennuis et ses regrets à travers la campagne, Marguerite aperçut un pâtre dont les traits et la physionomie attirèrent ses regards. Les jours suivants, même rencontre. L'habitude de se voir, le besoin d'aliment pour l'imagination d'une femme abandonnée de tous, les séductions de la nature pour une âme de poète, entraînèrent peu à peu la reine vers le berger. Enfin, un beau jour elle lui fit construire une habitation voisine du château de Carlat : ce fut Cabanes. Du haut des remparts de Carlat, Marguerite voyait ainsi poindre le castel où elle oubliait ses tristesses et son isolement; mais ils fuirent bien vite, ces instants de calme et d'oubli. Contrainte de quitter Carlat, la reine de Navarre, en quête d'un refuge, se dirigea sur Ybois, etc., etc

Reprenons maintenant la route d'Auvergne que nous avions quittée pour suivre la reine de Navarre, et revenons à Cabanes : cette dénomination modeste était-elle destinée à rappeler le souvenir de la pauvre demeure du pâtre?

Peut-être le château fut-il construit sur son emplacement. Etait-ce une désignation de pure fantaisie, de sentiment? Ou lui vint-elle par contraste de la redoutable forteresse de Carlat? Nous en sommes réduits aux hypothèses

Et d'abord, quel fut le bienheureux pâtre de la légende? Nous pensons l'avoir découvert : il s'appelait Jean de Resigade, et nous trouvons son fils désigné dans une pièce du 15 juillet 1648 sous le nom d'Antoine de Cabanes;  cette pièce, la seule qui nous serve de base pour établir notre opinion, est le testament original d'Antoinette de Resigade de Cabanes, petite-fille de Jean. Ces dernières dispositions sont scellées du cachet de la testatrice, et les armoiries qui y sont figurées ont été pour nous une révélation subite. L'écusson est divisé en deux parties : la première représente un chevron chargé de trois rocs d'échiquier accompagné de deux moutons en chef et d'un chien en pointe. Chien et moutons, ces attributs parlants, de la profession de berger, sont venus comme  un rayon de soleil éclairer les brouillards de la légende, et le favori de l'illustre  princesse nous est apparu. Un regard de la reine l'avait anobli, et Jean de  Resigade put contracter, après le départ de sa bienfaitrice, une noble alliance: il épousa en effet Antoinette de Naucaze qui, veuve bientôt après, convola à  de secondes noces avec le sieur de La Vallade; elle avait eu de son premier mari un fils, Antoine de Resigade, père d'Antoinette de Resigade, déjà citée.

Arrêtons-nous un instant, et avant de résumer la fin de la brochure de M. le baron de La Morinerie, plaçons ici une observation : M. Déribier-du-Châtelet mentionne dans son manuscrit la famille de Resigade comme possédant Cabanes dès l'an 1400, et comme ayant fourni deux capitaines du château de Carlat, Christophe de Resigade , en 1565, et Jean de Resigade, son fils, en 1571. Nous ignorons où M. Déribier a puisé ces renseignements; mais il est évident que si ses assestions sont fondées, on doit en conclure que la légende racontée par le baron de La Morinerie, et à laquelle d'ailleurs il ajoute peu de foi lui-même, est mensongère, du moins en ce qui concerne la profession de pâtre qu'elle attribue a Jean de Resigade; car il n'est pas probable que cette famille de capitaines de Carlat fut, en si peu de temps, réduite à exercer la profession de berger.

Quoi qu'il en soit des faits antérieurs au départ de Marguerite de Valois, de Carlat, M. de La Morinerie nous prouve , en citant des actes authentiques , que le château de Cabanes, avec le fief qui en dépendait, passa par engagement à la maison du Pouget-de-Nadaillac, vers 1600, puis aux mêmes conditions à celle de Beauclair, en 1607 Antoinette de Resigade, fille et héritière d'Antoine et veuve du sieur de Selves, revendiqua, en 1648, la propriété de Cabanes sur Jeanne de Beauclair, épouse de Jean du Buysson, marquis de Bournazel, avec offre de rembourser le prix de l'engagement; mais ayant éprouvé un refus , il s'en suivit un procès terminé au profit d'Antoinette de Resigade, en 1651. Celle-ci étant morte l'année suivante, Cabanes passa à son héritier, Jean de La Roque de Senezergues, puis, par alliances de 1721 , au marquis de Cadrieu , qui vendit cette terre, eu 17C6, à Antoine Larguèze, contrôleur des guerres. Ce nouveau propriétaire laissa deux filles : 1° Marguerite Larguèze, mariée en 1804 à M. Pierre Vial de Machurin, issu d'une maison noble du Dauphiné; cette dame, aujourd'hui veuve sans enfants, possède le château de Cabanes et l'habite ; 2° Marie Larguèze, mariée eu 1806 à Antoine Briot-de-Montremy, aïeul de dame Claire Briot de Montremy, épouse de François Jaqiiot, marquis d Andelarre, député au Corps législatif.

Celles, village sur la rive droite du ruisseau de Carlat, au sud du bourg. On y remarque un petit château du moyen âge, ayant successivement appartenu aux familles d'Ouvrier, de Ravel, de Boisset et de Cassagne-Miramont; cette dernière le possédait en 1789.

La Chaud est un petit château flanqué de deux tours, à l'ouest de Carlat.

9J Courbeurre.

10' Dat-Soubeyrol.

W° Embarre.

12° Farreyroles.

13° Jugelles..

14° Lessenat.

 5° Montal, tous petits villages ou hameaux de peu d'importance.
16° Moulin de Caleei.
17° Moulin de Celles.
18° Moulin de Peyrolle, situés sur le ruisseau de Carlat.
19° Peyre-Ficade, hameau.
20° Piadel, hameau.

21° Pny-Basset. village situé sur une hauteur, au nord-ouest de Carlat. On y remarque les restes d'une ancienne route pavée, entretenue par les vicomtes de Carlat avec le produit d'un droit de péage qu'ils y percevaient. Du plateau de Puy-Basset, la vue s'étend à la fois sur les vallées de la Cère et de la Jordanne, qui partent l'une et l'autre du groupe du Cantal et dont les eaux vont se réunir au-dessous d'Arpajon, après avoir coulé parallèlement du nord-est au nord-ouest pendant l'espace d'environ 35 kilomètres.

DE SARTIGES-D'ANGLES

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