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BAILLIAGE DU CARLADÈS

Suivant l'abbé d'Expilly (t. 1, p. 400), il y aurait eu, dès l'an 1270, en Carladès, un juge d'appeaux ou d'appel dont les jugements ressortissaient du Parlement de Paris. Nous ne discuterons pas à fond la valeur de cette assertion; nous savons qu'un magistrat beaucoup plus compétent s'est chargé de traiter la question des anciennes juridictions de la Haute-Auvergne. Nous nous bornerons donc à reconnaître que les vicomtes de Carlat ont joui, de temps immémorial, du droit de juridiction supérieure sur tous les fiefs de leur mouvance. Ce droit, ils ne l'ont pas laissé péricliter : on le trouve stipulé ou réservé dans tous les actes de foi et hommage, concessions, transactions, ventes, échanges, etc.; mais, leurs baillis se qualifiaient-ils juges d'appeaux dès l'an 1270? et leurs décisions ressortissaient-elles du Parlement de Paris? Assurément, il est permis d'en douter.

Ce qu'il y a de plus certain, c'est que Bernard d'Armagnac, vicomte de Carlat et de Murat, connétable de France et premier ministre de Charles VI, eut assez de crédit pour obtenir de ce roi, en 1414 , des lettres-patentes autorisant l'établissement en Carladès, comme dans ses autres domaines , des juges d'appeaux dont les décisions relèveraient immédiatement du Parlement de Paris, pour la partie de l'Auvergne, et du Parlement de Bordeaux, pour la partie située en Rouergue.

Cette justice, de seigneuriale qu'elle était, devint royale lors de la réunion du Carladès à la couronne, en 1531, et fut exercée depuis, au nom du roi, par des officiers nommés par Sa Majesté et qui prenaient la qualité d'officiers royaux. Le siége de ce bailliage, d'abord ambulant, fut fixé à Vic-sur-Cère, par déclaration de Charles IX de l'année 1561. Toutefois, les magistrats ne se sentant pas suffisamment eu sûreté dans cette localité pendant les guerres de religion, siégèrent pendant quelque temps à Aurillac, en 1585, dans cette même ville où siégeait aussi un bailliage rival, ce qui donna occasion à celui-ci de demander la suppression du siége de Vic comme étant inutile; cette tentative n'eut pas de suite.

Les lettres-patentes du mois de février 1643, portant cession du Carladès au prince de Monaco, avec titre de comté, ne modifièrent qu'en partie cet état de choses; elles maintinrent les mêmes droits de ressort. les juges ordinaires devaient rendre la justice au nom du comte; mais ceux du siége d'appeaux conservèrent le titre déjuges royaux et la connaissance des cas royaux, non seulement dans l'étendue du comté de Carladès, mais aussi dans celle de la vicomté de Murat, qui demeurait réunie à la couronne. Lesdites lettres laissaient au nouveau comte la faculté de confirmer les officiers titulaires dans l'exercice de leurs fonctions, ou de les révoquer moyennant une indemnité équitable; ceci fut réglé par une transaction intervenue le 23 novembre 1645, entre Honoré de Grimaldi et les officiers précités, qui fuient maintenus dans leurs charges, avec règlement des droits respectifs des parties. Cette transaction, qui énumérait les droits et privilèges du bailliage et de ses officiers, fut homologuée par lettres-patentes du mois de mai 1644.

Toutefois, et nonobstant ces précautions, le baillage de Carladès, enserré entre ceux d'Aurillac, Murat et Saint-Flour, fut de leur part l'objet d'une rivalité qui dégénéra souvent en conflits toujours terminés en faveur de celui du Carladès qui se trouvait nanti de bons titres. Les officiers du bailliage et siége présidial d'Aurillac, surtout, firent plusieurs tentatives pour obtenir la suppression du siège de Vic, notamment en 1585, 1742 , 1768 et 1775; ils s'avancèrent même, dans l'une de leurs sentences, jusqu'à contester à ceux de Vic la qualité de juges d'appeaux, en affectant de les qualifier juges fiscaux; mais un arrêt du Parlement, du 26 août 1661, réprima cet écart (Liasse de Cariai, à la bibliothèque de Clermont).

Les magistrats du bailliage du Carladès, séant à Vic, composé d'un lieutenant-général civil et criminel et juge d'appeaux, d'un président, un lieutenant particulier, un lieutenant assesseur, deux conseillers, un avocat du roi, un procureur du roi et un greffier, qui avaient mis tant de persévérance à défendre leurs droits contre les empiétements de leurs confrères d'Aurillac, ne montrèrent pas moins d'ardeur et de zèle, lors de la révolution de 1789 , pour obtenir la conservation du siége de Vic, soit par l'établissement dans cette localité d'un présidial, puis d'un tribunal de première instance, dont ils se plaisaient à étendre le ressort hors des anciennes limites. Ils tiraient leur principal argument de celui qu'on avait fait valoir lors de la rédaction de la coutume, en 1510, à savoir : que le Carladès était un pays indépendant de l'Auvergne et que par conséquent il devait former une division administrative et judiciaire indépendante des arrondissements d'Aurillac et de Saint-Flour. Malheureusement pour Vic, tous ces efforts demeurèrent infructueux.

Voici la liste chronologique des officiers du bailliage du Carladès dont nous avons pu recueillir les noms, et qui figurent dans les actes sous différentes qualifications, telles que celles dejuge, bailli, garde-scel. chancelier, juge d'appeaux, lieutenant général, etc., etc. Au surplus, nous ne garantissons pas l'entière exactitude de cette liste: