Le dictionnaire statistique du Cantal nous apprend que « le département [...] est une de contrées de la France où l'on observe le plus grand nombre de sources minérales acidulées, salines et ferrugineuses ; mais la plupart fournissent très peu de liquide et ne peuvent devenir l'objet d'une exploitation importante », exception faite des sources thermales de Chaudesaigues, qui sont assez chaudes et assez abondantes pour alimenter un vaste établissement thermal.
Site enchanteur pour la source d'eau minérale de Crochepeyre
La source de Crochepeyre (hameau de la Bastide, Commune du Fau) est de celles-là. Déjà, dans sa version de 1829, le Dictionnaire statistique la décrit avec précision :
« Dans la commune de Fontanges (NDLR : actuellement commune du Fau), au pied des montagnes de Salers, près du Bois-Noir, entre les puys Violent et Chavaroche, on remarque un petit bassin arrosé par la rivière d'Aspre, et au centre duquel est placé le village de la Bastide.
Le site est assez riant : du côté du nord et de l'est, une immense forêt de sapins couronne les hauteurs ; au sud et au couchant, la vue s'étend au loin sur un agréable tapis de verdure.
Le docteur Mourguye, auquel nous avons emprunté la plus grande partie de cette notice, signale dans le voisinage de la Bastide une grotte où l'on trouve un énorme tronc d'arbre qui est en partie changé en carbonate de fer terreux. La moelle a été remplacée par une substance argileuse, l'écorce a disparu, les couches concentriques de la partie ligneuse sont bien évidentes.
La source n'est pas loin de là ; elle sort à la base d'un énorme rocher volcanique qui forme un promontoire dont la saillie s'avance jusqu'à trois ou quatre mètres de la rivière. L'eau minérale est limpide, inodore, d'une saveur aigrelette fortement prononcée ; mêlée au vin, elle lui donne un goût piquant fort agréable. Sa température est de + 12°,5 centigrades ; elle abandonne sur son trajet une très petite quantité de dépôt ferrugineux. Cette source est intermittente : l'écoulement de l'eau dure deux minutes, il cesse pendant le même espace de temps; puis un bruissement singulier se fait entendre, un courant de gaz acide carbonique s'échappe en sifflant avec force, et, huit ou dix secondes après, l'eau coule de nouveau.
L'analyse a permis à M. Mourguye de constater dans ce liquide minéral la présence des carbonates de fer et de magnésie. Il est probable qu'un examen plus complet y fera trouver d'autres sels alcalins et terreux.
Les docteurs Mourguye et Latour conseillent l'emploi de ces eaux dans les atonies et les névroses de l'estomac et des viscères abdominaux, dans certaines dyspepsies dues à un mauvais état des premières voies, dans l'anémie et la chlorose. La dose est de quatre à six verres, pris le matin, à une distance d'un quart d'heure. Les eaux de la Bastide attirent une grande affluence de malades ».
Cette notice peut être complétée par les informations affichées sur place. Elles précisent qu'en 1878, la commune du Fau, propriétaire de la source, demanda et obtint l'autorisation de vendre l'eau. En 1881, la source fut affermée à un concessionnaire privé moyennant une redevance annuelle de 60 francs de l'époque avant de prendre fin en 1905.
Une nouvelle adjudication lancée par la commune en 1911 est remportée par Madame Antoine Rouchy moyennant 30 francs par an pour une durée de 6 ans.
Un débit faible et intermittent mais constant
Il paraît même qu'à la veille de la deuxième guerre mondiale la source était encore exploitée par deux sœurs, ces dernières s'en allaient au marché de Salers du jeudi vendre quelques bouteilles d'eau sommairement bouchées.
Quand on sait que le débit de la source était de 0,2 litre par minute, on conçoit aisément que sa commercialisation ne fut pas une sinécure. Pour faible qu'il soit, son débit est cependant constant dans le temps, il est toujours de 0,2 l/min de nos jours. Il est à noter que, sous l'action du gaz carbonique, l'écoulement est intermittent (compter environ 2 min entre deux écoulements de la même durée).
Analyse comparative de l'eau minérale de Crochepeyre (source : information présente sur le site)
Quant à sa température, elle est également constante, 10° quelle que soit la saison. Si l'eau est lègèrement pétillante, son pH légèrement acide (6,75) et sa forte teneur en fer (5 mg/l) et en bicarbonates (1238 mg/l), lui donnent un goût particulier, pas de quoi regretter sa non-commercialisation. D'ailleurs l'auteur des présentes lignes n'est pas le seul à le penser si l'on en croit la vidéo ci-dessous :
Bref, il s'agit plus d'une curiosité que d'autre chose mais, ne serait-ce que pour la petite passerelle métallique, les deux tables de pique-nique mises à disposition et la proximité immédiate des rives de l'Aspre, la balade vaut largement le détour.
DTF août 2025