Natif de Saint-Flour, Paul Sandrin a passé son enfance au sein des monts d'Auvergne. La montagne demeure le lieu privilégié de ses vacances et l'une de ses sources d'inspiration. Résident francilien, il se définit comme un Briard auvergnat.
Paul Sandrin (2013)
Les amies, compagnes, parentes ou connaissances que la vie amène à côtoyer, impriment leur marque avec plus ou moins de relief dans le parcours d’un homme.
Auprès de femmes attachantes qui ont mêlé leur destin à celui de Jacques, de jeunes ladies, telles Flora et Haïssa protagonistes d’une relation évoquée par l’image de couverture, animent la vivante fresque peinte par le narrateur au soir de son existence.
Les Soeurs Brontë, Ela et Kali, engagent Jacques à moderniser son style par la lecture de Thomas Bernhard et sa réflexion par un retour à la philosophie. L’espoir d’une survie en sa descendance, porteuse de valeurs partagées, pourra-t-il le persuader que, selon le mot de Stiegler, « la vie vaut la peine d’être vécue » ?
Prélude : Comme un air de cabrette ...
Perdue dans ses montagnes, Cornemure, curieuse petite ville longtemps distante des grandes voies de communication, continue de nos jours à apparaître hors de l’espace et du temps. Cornemachins et Cornechoses se plait-on à nommer dans les bourgs voisins Cornemurais et Cornemuraises, par une sorte de dérision qui n’arrive pas à masquer la jalousie qu’ils inspirent en réalité. C’est d’ailleurs volontiers l’abréviation de Corneculs, sans distinction d’âge ni de sexe, qui est souvent attribuée aux habitants de cette extravagante contrée !
Combien de légendes ne sont-elles pas nées au cours des siècles, dans les alentours et bien au-delà, au sujet de la fameuse cité ? Très visitée depuis toujours pour son site exceptionnel et les bienfaits thérapeutiques de ses eaux ferrugineuses, Cornemure reste très mal connue du fait du chauvinisme de ses habitants, hostiles, malgré les sourires commerciaux de façade, à tout ce et tous ceux dont l’origine est extérieure.
Au centre de la ville, avoisinant la bizarre église Saint-Marcel accessible par un escalier de 250 marches taillées dans le roc, la vierge monumentale sur son rocher, au milieu des maisons agglomérées, a particulièrement le don d’exciter les imaginations. Le fait que l’on puisse pénétrer à l’intérieur même de la glorieuse statue stimule les rêves les plus délirants, sources d’amères déceptions. N’a-t-on pas eu un jour la surprise de voir un pèlerin furieux de constater que, malgré la taille respectable de la sainte dame, il n’était absolument pas possible de s’introduire jusque dans son petit doigt, contrairement à ce que lui avait affirmé un Cornemurais facétieux, un vrai Cornecul peut-on dire en l’occurrence, en visite à Paris ?
Aujourd’hui encore, les spécimens très particuliers, ou si peu, de l’espèce humaine implantés en ces lieux n’ont cure de leur sulfureuse réputation qui perdure. Attachés depuis pas d’heure à leurs traditions multiséculaires, ils s’évertuent à ne pas se laisser troubler par le pseudo-cartésianisme officiel qui prétend prévaloir sur notre France tiraillée par la mondialisation, la globalisation et autre bruxelleuropéisation avec son Euro qui, à force de nous pendre au nez comme un sifflet de deux ronds, a fini par venir encombrer nos poches de mitraille cuivrée de pacotille !
Immuables dans leurs croyances, bien des habitants de ce haut lieu et des hameaux adjacents perpétuent avec gourmandise tant le souvenir de leurs hauts faits intimes que leurs chicanes tribales, soucieux seulement de ne pas être pollués par la contamination multiraciale universelle, pas plus que par les grands desseins plané... voire interplanétaires.
Fiers de leurs querelles de voisinage ou de leurs haines familiales héréditaires comme de l’orgueilleuse solidarité qui anime l’ensemble de leur étonnante communauté face à l’étranger, volontiers personnifié par le Parigot et plus encore par le Basané, pourtant fort peu représenté dans ce pays, ils parcourent l’existence bien calés sur le journal, TF1, leurs deux jambes et leurs certitudes. Certitudes éminemment confortées par les récentes horreurs terroristes du Nouveau Monde en cette année du Serpent.
Il ne conviendrait pas pour autant de juger sommairement ces singularités pas plus que de les absoudre ou de les glorifier. Sauf à accepter d’être évalué soi-même par un autre regard.
Si l’on se sent véritablement la vocation de justicier, appliquons donc cette ardeur inquisitoire à réfléchir sur nous-mêmes et nos propres habitudes, sans nous priver d’observer, pour le plaisir, les touchantes mœurs des gentils autochtones de Cornemurie.
Sagement libérés de tout souci de jugement à prétention éthique, acceptons donc l’incontournable réalité des événements narrés ci-dessous avec la philosophie de chacun ici :
- Quo métonès po, lostré seiro obio ontondu coume oun air do cobretto !
(ça ne m'étonne pas, l'autre soir j'ai entendu comme un air de cabrette)
C’est en abordant par les Hauts de Cornemure qu’il est souhaitable de prendre un premier contact avec l’aimable cité. Car si la pluie arrive invariablement de la trouée de Roche Noire, bien des vents ont, semble-t-il, leur origine dans les Hauts de la ville. Il en serait ainsi du vent fripon qui descend parfois gonfler les jupes d’un souffle printanier quelle que soit la saison ou du vent mauvais, froide bise glissant traîtreusement la vilaine rumeur sous les portes mal jointives.
A chaque génération, on attribue à quelque joyeux et maléfique lutin le don de répandre ainsi à sa guise par-dessus les toits ces ardeurs éoliennes. Pour faire appel aux forces occultes, il suffirait à ce maître de l’ombre de jouer un air mystérieux sur un instrument ancien.
Combien de fois n’a-t-on pas cru pouvoir mettre un visage sur le mystérieux personnage ? Constamment, depuis moult décennies, deux ou trois paroissiens ont un comportement tendant à faire croire à leur pouvoir surnaturel. Jamais, pour aucun d’eux, nulle enquête n’a permis de dévoiler avec certitude la véritable identité de ce deus ex machina qui hante les esprits et émerveille l’imagination !
Sans souci, ni espoir de découvrir l’ordonnateur mutin des effluves mythiques qui tourneboulent les esprits et carambolent les comportements, contentons-nous d’en observer, depuis les Hauts, les effets sur les habitants de la contrée, auxquels Julie, dont vous sera contée l’histoire, est revenue mêler son fabuleux destin après son enfance orpheline dans les monts du Cantal.
Tous ces faits nous ont été rapportés sur l’initiative d’un notable local, auteur de guides touristiques et gastronomiques. Abrité sous le pseudonyme de Jean Drégyd et soucieux de garder le plus strict anonymat, à partir de notes patiemment rassemblées, il a entrepris de relater la vie réelle de Julie Larousse, dont la légende tend à se constituer par delà la vérité historique.
L’ouvrage dudit Jean Drégyd nous a été remis par un intermédiaire dûment mandaté. Sur sa pressante insistance, nous avons accepté d’achever la mise en forme du récit et de nous attacher à le faire paraître sous notre signature et notre exclusive autorité.
Avertissement
Un heureux et malveillant hasard, comme il en existe à Cornemure, a permis de mettre la main sur les réflexions intimes de Jean Drégyd. Notées à part de la relation des faits destinée seule à être publiée initialement, elles sont transcrites en italique, brutes et in extenso, à la suite ou parfois au sein de chacun des chapitres.
Ces réflexions ou plutôt ces interrogations de Jean Drégyd sur son œuvre en cours d’élaboration, prennent dès le début la forme d’un dialogue avec un lecteur imaginaire. Ce qui ne manque pas de leur conférer, par leur rude franchise et leur vert langage, une élégante vivacité et entraîne Jean Drégyd à exprimer des opinions parfois surprenantes, au sujet de grands problèmes sociologiques ou politiques.
Le Pré de Julie
Résumé : Julie, jeune paysanne peu farouche, est embauchée comme bonne chez le docteur Delacroix. Il en fait aussitôt sa maîtresse. Le bon docteur règne en despote sur son entourage : sa femme Eugénie, son beau-fils Vincent et Simone, l'épouse de Vincent. Suite à un flagrant délit d'adultère, la petite communauté est bouleversée ! Mais tout rentre dans l'ordre. Et les enfants, Paul fils de Julie, Dominique et Marc, grandissent. A l'occasion d'un voyage à Moscou, Julie déjà devenue assistante, conforte encore sa position. Le docteur aménage un appartement dans sa maison pour Julie et son fils Paul qui va poursuivre ses études à Paris. Emigré au Québec, Antonin Costerousse, ancien ami de Julie, rêve de la retrouver 20 ans après, à la suite d'un accident de voiture. Décès d'Eugénie dans des circonstances équivoques.
Cabotage océanique et ablutions sacrées. Craintes injustifiées. Rayon de lune.
- On n’a pas eu grand monde à la consultation, cela nous laisse un peu de temps pour une fois.
- C’est vrai qu’on n’a pas souvent le temps de souffler, ces jours-ci ! Ca tombe bien, docteur, j’avais envie de vous parler.
- Oui ?
- Vous vouliez bien m’épouser ?
- Bien sûr ! Tu as donc changé d’avis ? Tu accepterais maintenant ?
- Non ! Mais, j’aimerais bien aller en voyage de noce, si cela vous fait plaisir ?
- Cela me ferait sûrement plaisir, mais ce serait tout de même mieux d’y aller si on était mariés ! Surtout vis-à-vis des gosses, à commencer par Paul.
- Ecoutez, mariés ou pas, vous n’êtes pas mécontent de notre situation et cela ne crée pas trop de problèmes ?
- Non, mais si on quitte tous les deux le cabinet en plein boulot... Qu’est-ce que tu as dans l’idée au juste ?
- Il y a deux jours, vous avez reçu le programme des Journées Internationales de Pédiatrie.
- Ah oui ! C’est quand ? Je n’ai pas eu le temps de regarder.
- En juin à La Baule. Cela fait longtemps que vous souhaitez mettre vos connaissances à jour dans ce domaine, au-delà de la lecture des publications habituelles.
- Ouais ! Mais un congrès d’étude, ce n’est pas un voyage de noce !
- Ca dépend. Si vous m’emmenez, vous n’aurez qu’à sélectionner deux ou trois conférences. Sur huit jours, il restera pas mal de temps pour nous deux. Vous ne croyez pas ?
- Evidemment ! Je vois que tu as tout prévu. Mais je commence à me demander qui gouverne ici ?
- En plus, c’est sponsorisé aux trois quarts par les labos avec hébergement à l’Hermitage, si on réserve assez tôt.
- Bon, bon ! Tu t’en occupes. Je te laisse un chèque, puisque je vois que la décision est prise !
- Merci ! Mais arrêtez de ronchonner. Moi, je suis très contente.
Toi aussi, non ?
*
C’est un petit miracle qu’a réalisé Julie en cette chaude fin d’après-midi. Voilà plus d’une heure que le docteur Delacroix mi-somnolent, mi-attentif parcourt la pile de revues professionnelles et de journaux que sa fidèle secrétaire a disposée près de son fauteuil de plage sur le sable de La Baule. A cette occasion, Auguste a revêtu son habituel équipement sportif de vacances. Certes, il ne se hasarde pas à exposer une trop grande surface cutanée, mais, de temps à autre, il s’aventure à allonger les jambes en dehors de la large zone d’ombre du grand parasol sous lequel Julie l’a aidé à s’installer. Ce qui livre ses mollets au chaud soleil de juin. Ses membres inférieurs sont ainsi soumis à une série d’épreuves successives, puisque ce sont eux qu’il a déjà offerts à la furie des flots lorsqu’il a accepté de patauger durant cinq à six minutes dans la vague avec Julie, à trois mètres du bord.
Au retour de cette expédition maritime, Julie, agenouillée devant le transat du docteur, lui a minutieusement essuyé les jambes à l’aide d’un drap épais dévolu à cet unique usage. La serviette de bains, que le praticien a portée en mer sur les épaules, demeure in situ pour habiller son buste et lui permettre d’éponger la sueur de son visage. Quand toute trace d’humidité a disparu, la jeune femme est prise d’un fou rire au moment où elle enduit à nouveau d’huile solaire la partie inférieure de l’anatomie doctorale qui en a déjà bénéficié dans son ensemble avant l’immersion océanique partielle.
- Qu’est-ce que tu as à rire brusquement comme une sotte ?
- Rien, rien !
- Quoi rien ? C’est bien la peine que j’accepte de te faire plaisir en me traînant ici ! Pour que tu te fiches de moi !
- Mais non ! J’ai pensé tout d’un coup au Pape qu’on a vu à la télé à Pâques en train de laver des pieds propres sur la place Saint-Pierre.
- Ouais ! C’est bien ce que je dis. Tu es vraiment une sale gosse ! En attendant repars te baigner si tu veux, mais ne me laisse pas cuire trop longtemps.
Après quelques brasses, Julie, qui n’est pas une grande nageuse mais adore s’ébattre dans cette eau opportunément chauffée par deux semaines de beau temps, revient régulièrement quelques minutes sous le parasol. Le docteur lui a dit d’enlever son soutien-gorge, sans qu’elle-même ait eu à en manifester le désir. C’est dire si sa magnifique silhouette attire les regards. Indifférente, avec à peine un léger sourire, elle déambule gracieusement pour revenir s’appuyer au dossier d’Auguste et poser gentiment sa main sur son épaule. Avec un tantinet d’ostentation à l’adresse des parasols voisins.
- Tu tiens vraiment à m’inonder ! A l’ombre de la toile, ce n’est pas près de sécher !
- Très bien ! Très bien ! Si je dérange, je m’en vais ! A bientôt !
Quelle sacrée gosse, personne ne m’a jamais entortillé comme ça ! Qu’est-ce qu’elle ne m’aura pas fait faire ? Faut dire que, malgré tout, elle n’abuse pas de la situation. Encore que je me demande si, en organisant ces petites vacances intimes, elle n’a pas autre chose en tête ? Ca, quand elle veut quelque chose elle sait s’y prendre la gamine !
Donnant donnant, le docteur a admis de séjourner sur la plage, Julie accepte un sixième repas consécutif au restaurant. Elle se serait volontiers contentée d’une demi-douzaine d’huîtres et d’une glace, mais devant l’abnégation du docteur cette après-midi, elle ne peut pas elle-même refuser un repas plus consistant indispensable à la bonne santé du praticien. Il est vrai que la qualité de l’enseigne est de nature à réveiller les papilles.
Au restaurant l’Océan au Croisic, au-dessus des rochers de la Côte Sauvage battus par le ressac, le docteur Delacroix admire le visage épanoui de Julie, légèrement hâlé et rosi par la flamme des bougies. La lumière dansante dessine et anime sur le mince voile blanc de la baie vitrée un profil régulier, lorsque, pour admirer le spectacle du dehors, la jeune femme penche son long cou, dégagé par le chignon qui tire ses superbes cheveux roux sur la nuque.
- C’était donc ça, ce fameux voyage de noce !
Auguste a soudain la douloureuse impression que le homard grillé sauce océan, la spécialité maison qu’a recommandée le maître d’hôtel, va lui peser sur l’estomac.
Le bras de Julie traverse la table pour saisir affectueusement la main du docteur :
- Tu sais bien que ce n’est pas que ça !
- Qu’est-ce qui restera de ces quelques jours quand tu ne seras plus là ?
- Ecoutez un peu pour une fois. Je ne vous abandonne pas ! Je veux monter un restaurant parce que j’aime la cuisine et parce que je veux montrer que je suis capable de faire quelque chose par moi-même. Mais je veux bien rester avec vous. Cela devrait vous faire plaisir de savoir que je reste... sans en avoir besoin !
- Qu’est-ce qui te prend tout d’un coup de vouloir te lancer ainsi ?
- C’est chez le notaire l’autre jour que j’ai compris que j’avais enfin l’occasion de réaliser mon rêve. Il m’a dit qu’il a un repreneur pour les terres de la ferme du Ché, ainsi que pour le cheptel. Par contre les bâtiments n’intéressent pas l’acheteur. S’il les reprend, il ne donnera pas plus cher de l’ensemble. Il vaudrait mieux faire un lot à part.
- Et Vidal, qui s’occupe de tout actuellement, il n’aurait pas intérêt à acheter lui-même ?
- Vidal ? Il continuerait longtemps comme ça, avec le peu qu’il me donne ! Maître Fournier m’a dit que, si Vidal était intéressé, ce serait au plus offrant. D’autre part, il se chargera des démarches administratives. Ca ne devrait pas poser de problème dans le cadre du remembrement.
Julie a tout de suite réalisé que les bâtiments de la ferme et son emplacement constituaient un lieu idéal pour monter une auberge grâce aux capitaux retirés de la vente du domaine et des bêtes.
- Une auberge campagnarde pourquoi pas ? Mais tant qu’à faire, il te faut un peu plus d’ambition. Tu auras une clientèle toute trouvée pour un établissement de qualité avec les Tiger’s. J’ai eu des tas de contacts avec les clubs voisins, l’année de ma présidence. Je te ramènerai des gens huppés de toute la région. D’ailleurs tu commences à ne pas manquer d’admirateurs parmi ces messieurs ; ils seront ravis que tu les accueilles.
- Oui ! Mais je n’aurai pas suffisamment d’argent pour aménager des locaux assez luxueux !
- J’en ai de l’argent. Des tas de titres qui viennent de mes parents vont arriver à échéance et je me débarrasserai de toutes mes actions.
- Je vous ai dit que je voulais me débrouiller toute seule !
- Ne sois pas idiote ! Si tu y tiens, je te ferai un prêt officiel. Personne n’aura rien à redire. Je peux aussi me porter caution pour un emprunt au Crédit Hôtelier par l’entremise du Crédit Agricole. Tu sais que c’est Julien Dupuis qui est directeur de l’agence de Cornemure. Avec lui, les choses ne traîneront pas.
Il se trouve que Marc Duval, le fils de Vincent, pas plus doué que son père pour les études théoriques, va bientôt terminer en Suisse son apprentissage et son CAP de pâtissier confiseur. On pourrait lui confier les entremets et autres desserts. Par son entremise, on recruterait un jeune cuisinier pour officier étroitement sous les directives de Julie qui ne manquerait pas d’être aussi présente à la réception.
- C’est bien beau tout ça. Mais il faudra te trouver une remplaçante au cabinet.
- On a encore le temps d’y penser. Il n’y aura qu’à réembaucher ma tante Fêlade. Je la formerai facilement et quand je rentrerai le soir, vous me direz si quelque chose n’a pas marché.
- Parce que tu es sûre d’avoir envie ou de pouvoir rentrer tous les soirs.
- Je pense avoir un petit pied-à-terre sur place. Vous aurez aussi votre clé, si vous voulez.
- A quel titre ?
- Au titre d’associé...
- Décidément, tu as tout prévu. Je n’ai plus rien à dire ! Et tu sais comment l’appeler ton établissement ?
- J’ai pensé L’Auberge du Ché tout simplement.
- Sais-tu que Place des Vosges à Paris il y a La Guirlande de Julie tenu, dit-on, par la compagne d’un grand restaurateur ? Pour toi, je vois très bien Le Pré de Julie.
- Pas mal ! Décidément, ce ne sera plus tout à fait mon restaurant. Ce sera le nôtre, vous voilà rassuré !
- Cela t’ennuie ?
- Oui et non ! Enfin, on reparlera tranquillement de tout cela en rentrant ? Il nous reste quatre jours, ce n’est pas si mal, Auguste, pour un vrai voyage de noce, si on s’applique un peu ?
- D’accord, Julie ! D’accord ! Je laisse tomber ma dernière conférence !
Auguste et Julie font quelques pas le long de la grève, rafraîchis des embruns que projette l’écume des vagues en heurtant les rochers. Main dans la main, ils observent silencieux les noirs reflets du ciel sombre sur l’océan, éclairés soudain d’un mutin rayon de lune parmi de lourds nuages.
« Et c’est ainsi qu’Allah est grand » disait Alexandre Vialatte.
Pour la plus grande gloire de Dieu, pourrait-on dire.
**
- Tiens, je vais te dévoiler un secret. Tu sais ce qu’il a écrit cette nuit-là, le docteur, dans son journal intime, assis sur le couvercle des waters de la salle de bains, pendant que Julie dormait ?
Harmonie
Dans l’harmonie
De notre amour,
Par l’unisson
De nos deux cœurs,
La cohésion
De nos deux corps
Inonde l’âme
En plénitude.
Vient le doux calme
Qui enfle encor
La déraison
Du vrai bonheur.
C’est l’abandon
En notre amour,
Quelle harmonie !
- La vache, le docteur !
- Tu ne le voyais pas comme ça, hein, l’Auguste ? C’est que, dans tout animal, il peut y avoir un homme qui sommeille !
Mais surtout, n’en parle pas : Il n’y a que toi qui sois au courant !
- Il ne l’a même pas montré à Julie, son poème ?
- Surtout pas à Julie !
Extraits de critiques et avis à la parution de «Julie»
La Montagne :
Page Aurillac : Le Piéton fera un petit saut vendredi à la librairie Delprat pour y découvrir le nouveau livre de Paul Sandrin, «L’irrésistible ascension de la Julie de Cornemure» ... Entre satire et roman policier, ce Cantalien de naissance emmène le lecteur à «Cornemure», sorte de Clochemerle auvergnate peuplée de machos xénophobes, voire un brin racistes, tout droit sortis de l’imagination de l’écrivain. Rassurez-vous, ce n’est qu’un roman !
Rubrique "Livres" : Avec «L’irrésistible ascension de la Julie de Cornemure», le cantalien Paul Sandrin invite le lecteur chez les notables de province, pour une visite-guidée de leurs mœurs et coutumes. Admirateur de Marcel Aymé, Félicien Marceau, et autre Vialatte, il signe là son premier roman drolatique. A Cornemure, véritable « Clochemerle » auvergnate, Julie Larousse, petite bergère des montagnes va patiemment forger son irrésistible ascension. Le récit d’un notable local tente de restituer la réalité de cette épopée, colportée de bouche à oreille sur de mystérieux airs de cabrette...
La Galipote, sous la plume de Laure Lantéri :
Julie est une belle plante des terres volcaniques d’Auvergne, que son père a placé chez le bon docteur Delacroix. Un notable respecté qui habite une bourgade au nom évocateur de Cornemure. A peine investie dans la place, Julie est aussitôt soumise au droit de cuissage ancestral de son employeur.
Mais Julie Larousse va sans plus de mots qu’il ne faut, savoir tailler sa route au milieu de cette famille de notables aux mœurs plutôt dissolues. Ambitieuse ou simplement sensée, elle devient le personnage central des pérégrinations des Delacroix-Duval, famille décomposée et recomposée au gré de ses attirances physiques, mais toujours soucieuse de son appartenance à la bonne société provinciale.
Ce roman, qui tient autant du conte que du récit, est le troisième livre de Paul Sandrin à qui l’on doit déjà « Saints d’Auvergne » et « Prénoms en délire », deux petits ouvrages humoristiques. Cette fois l’auteur nous dresse un tableau de mœurs « drolatique », où les personnages mus essentiellement par le souci d’assouvir leurs envies, vont peu à peu évoluer à une certaine sensibilité grâce à la présence désinvolte de la belle Julie. Une discrète pointe de satire perce derrière l’intrigue policière de ce livre soutenu par les dialogues à bâtons rompus des protagonistes et les réflexions cyniques d’un conteur imaginaire.
M. L. Murat: "...j’ai goûté et apprécié le style en savourant de nombreuses anecdotes plus délicieuses les unes que les autres ... j’ai émergé à la fin du livre, complètement émerveillé et amoureux-fou de Julie qui a fait une ascension rapide dans mon cerveau et dans mon cœur. Un grand merci pour le plaisir que cet ouvrage m’a donné...
(Ce texte, apparenté aux proêmes chers à Francis Ponge, revendique de ce fait sa place dans la rubrique poésie.
On pourra aussi considérer qu’il s’agit d’un conte à la manière de Queneau...)
C’est assurément en salade que la lentille verte de Saint-Flour affirme le mieux ses qualités gustatives. Il est éminemment important de ne point trop l’avoir cuite pour que sa fermeté s’exprime sous la dent et éviter que l’élégance de son disque ne s’affadisse en une masse compacte et indifférenciée.
L’huile d’olive apportera un supplément de caractère à cette agréable papilionacée. Et le vinaigre, avec un soupçon de moutarde, le piquant indispensable à l’équilibre du plat. Se garder surtout d’ajouter l’ail, la pointe d’ail si bien nommée, qui pollue l’haleine et crucifie tant de mets en écrasant leur saveur propre.
C’est par sa touche claire parmi les billes sombres que la modeste échalote finement découpée viendra magnifier l’aspect du plat de lentilles, auquel elle va conférer une délicate note originale pour ravir notre palais.
Dira-t-on jamais assez de bien de la discrète échalote ?
La trépidante vie moderne se contente de vinaigrer trop abondamment la laitue, faute d’échalote, de ciboulette ou de cerfeuil sous la main. Il est temps que l’écologie, outre ses combats contre les OGM ou le nucléaire, privilégie, au-delà du soutien global à l’agriculture biologique, la promotion de la douce échalote.
Ne craignons pas les ironistes qui ne manquerons pas de se gausser d’une moderne course à l’échalote * sans bien connaître l’origine de l’expression qui, assimilant l’échalote à l’oignon et par extension à la fesse, a pu contribuer à ternir l’image de la savoureuse liliacée.
Et osons sans cesse son intensif usage,
Nonobstant le comportement de ses coureurs,
Présents to-day en très haut lieu, selon maints sages,
Soucieux d’en restaurer et l’image et l’honneur.
Si la lentille en salade a notre préférence, mille autres recettes permettent de déguster la lentille de Saint-Flour. Telle, le petit salé aux lentilles, pour lequel n’oublions pas que l’échalote conserve tout son intérêt.
Pourtant - le saviez-vous ? - dans un tout autre domaine, cette curieuse légumineuse pourrait être promise à un avenir doré, susceptible de permettre un développement économique inespéré de la Planèze sanfloraine.
Suite à une indiscrétion, j’ai pu entrer en contact avec un chercheur autodidacte cantalien des plus originaux. Antoine, prénom que je soupçonne n’être qu’un pseudonyme, m’a fait embarquer sur la place de la cathédrale pour être amené auprès de lui, les yeux bandés, dans un buron de montagne dont, après quatre heures de route, je ne vis que l’intérieur. Du fait des senteurs sommitales à la descente de l’auto, je suis persuadé que nous restions dans le massif cantalien à peu de distance du départ.
Antoine m’expliqua longuement qu’il était sur le point de réussir le projet fou auquel il se consacrait depuis moult années :
Transformer la lentille de Saint Flour en lentille optique capable de rivaliser avec les produits les plus élaborés des laboratoires d’Iéna !
Antoine s’était ingénié à favoriser notre rencontre, ayant appris que l’INRA travaillait sur un projet similaire avec la lentille du Puy. Hors, en écolo convaincu, il est viscéralement opposé à leur démarche basée sur une modification génétique de la plante, alors que lui utilise, après sa récolte, la légumineuse biologique qu’il transforme par des réactions physico-chimiques.
En soulevant un coin du voile sur ses recherches, Antoine espère faucher l’herbe sous le pied des généticiens et intéresser des industriels séduits par l’avancement de ses travaux dans cette prometteuse aventure. Son atout est que la lentille de Saint-Flour possède dans ce domaine des qualités que n’a pas la lentille du Puy avec laquelle l’INRA se fourvoie.
Antoine n’a pas voulu me donner d’informations sur les produits qu’il emploie pour réaliser sa magistrale transformation. Mais mon subtil odorat et le fait que j’ai pu déplacer un court instant mon bandage en sortant du buron m’ont permis deux constations :
Le jardin en culture devant le bâtiment de pierre est uniquement couvert... d’échalotes !
Et des émanations de petit lait et d’échalote écrasée parfument d’une douce acidité le laboratoire d’Antoine creusé au-dessous de la cave à fromage, par laquelle on y accède par une trappe peu apparente.
* Action qui consiste à forcer quelqu'un à courir en le tenant par le col et par le fond du pantalon. Se dit d'une compétition où tous les moyens sont bons pour arriver le premier (expressio.fr).
* * *
RIMES SAISONNIERES
Boucles de la Seine au printemps
Rose et blanc pommier
Des vergers en fleur
Non loin de Harfleur
Et de Villequier...
Doux soleil de mai
Falaises dorées
Au bord de la Seine
Profonde et sereine.
Reflets de nos rondes
Plat miroir de l’onde
A peine ridée
D’une brève ondée.
Prairies vert fluo
Vieilles abbayes
Balade en duo
Jusqu’à Giverny.
Bien loin des écirs
Vous vois rayonnante
Vous sens haletante
De mille désirs.
Nudité
Roses allons voir la mignonne
Etendue sur le sable blanc
Sous l’ardeur du soleil brûlant.
N’est-il besoin de vos pétales
Rouges, roses, jaunes ou blancs,
Pour protéger son corps pâle ?
Sans ce bel habit bariolé,
Perdra bien avant vêprée
Le teint clair de sa gorge blanche.
Automne
Jour après jour,
Les feuilles d’automne,
Emportées par le vent
En rondes monotones,
Rappellent à mon souvenir
La marque de nos pas
Sur le sable effacée.
rose d’hiver
« elle était pâle et pourtant rose »
semblait parfois prendre la pose
n’était-elle pas amoureuse
de son étrange beauté ?
« elle était pâle et pourtant rose »
pareille à son teint clair et rose
la rose pâle et pourtant rose
qu’ébloui je lui tendais.
* * *
Ci-dessous Lever de soleil sur le Plomb et Plombs et puys, deux poèmes, parus en 2005 dans Sombra y Sol
Le pas mal assuré aux pierres du chemin,
Dans le silence sombre, nous grimpons, attentifs
Au bruissement des eaux, glissant vers le torrent.
Et, soudain dans le vent de la ligne de crête,
Ces croupes endormies, ces vastes étendues
Grondent brutalement en cinglantes rafales,
Précurseurs mugissants de la montée de l'astre.
Emergeant du magma, des formes se précisent;
Fresques indifférentes, des groupes de chevaux
Campent près du sentier, la crinière flottant
Sur leur masse immobile au profil de gisant.
Enfin sur le sommet, l'architecture grise,
En subtiles nuances, s'articule à nos pieds;
Paraissent des sillons ponctués de lucioles,
Cependant que le ciel peu à peu se fait clair.
Dans les effluves roses, goélands du matin,
Les premières lueurs sur l'horizon de l'aube
Façonnent ton visage...bientôt évanoui
Dans le bal rouge et noir du soleil et des monts.
* * *
Plombs et puys
Ce pays à l'écart,
Villages d'où l'on part.
Aux rougeurs qui se lèvent
Effaçant la vallée,
Toutes ces vieilles laves
Redressent leurs sommets.
Pays aux étés verts,
Près du chemin désert
Les mirages dorés
Des routes animées
Trompent la nostalgie
De tous ces feux éteints
Qui ramènent la nuit
Au pays où tu vins ...
* * *
Cercles
Rivé en solitude au flanc vert des montagnes,
Dans le rail du sentier bordé d'odeurs sauvages,
J'arpente la pâture et les champs de gentianes
Où l'âme souffre en rond, saoulée de fleurs étranges.
Aux chaleurs du zénith rougissant l'épiderme,
Je m'abreuve à la source et dépose mon sac.
Et l'ombre me ramène aux rives des eaux calmes
Où ma quête éperdue ceinture encor le lac.
Sur la surface sombre, de silence immobile,
Interrogeant le ciel aux reflets rouge brique,
Une branche est levée, d'où tombe une brindille
Et l'espoir s'engloutit en ondes concentriques.
* * *
Ivresse
Terrasse fleurie sur la baie de Giens
Unis au bleu profond
De l'horizon marin,
Les ocres du couchant
Portés au long des vagues
Dansent sur les parois
Rocheuses de la rive,
Bercée du chant des cigales.
Au centre du tableau
Cadré par la grand' baie,
L'éclair de voiles blanches
Détourne le regard
Des murs aux plages chaudes
De grandes toiles fauves,
Hantées du chant des cigales.
Hibiscus et lauriers
De rouge triomphant,
Bougainvillées intenses
Ou bleus volubilis
Enchâssent d'un écrin
Le riche promontoire
Grisé du chant des cigales.
Le pagne bariolé
De l'hôtesse autorise
Quelque rêve improbable
De trésors envoilés
Sous les doux chatoiements
De l'étoffe fleurie.
Quelque rêve grisé des rosés de Provence.
* * *
Années 2000 : Rude époque !
En 1961, Paul Sandrin avait publié dans le Montagnard une étude remarquée : Quel est l'avenir économique du Cantal ?
Mais, c'est après sa retraite en 1998 qu'il décide de s'adonner pleinement à l'écriture. Ses ouvrages se nourrissent, outre de son ironie naturelle tempérée de quelque tendresse, de souvenirs d'enfance et de son amour pour le massif cantalien dont il continue à sillonner les crêtes aux beaux jours et à dévaler les pentes, skis aux pieds, à la saison d'hiver.
Pourtant, auprès de propos plaisants ou personnels, Paul Sandrin n'hésite pas à aborder les sujets douloureux de l'époque. Tel ce poème de Sombra y Sol :
Rude époque
Si tu es du quart monde,
Si tu perds ton job,
Tu peux crever de faim,
Même chez les rupins.
Si tu te promènes,
Fais gaffe tout de même.
Pour New York ou pour London
Délaisse l'avion.
Tout comme pour Oslo
Ne fais pas le rigolo
Enfourche ton vélo
Tu tomberas de moins haut.
Gare aux tours infernales
Des grandes capitales
Les villes en bidons
N'attirent pas l'avion.
Vois les latinos
T'auras de la bonne coke;
Ca n'est pas du toc
Chez les bons guerilleros.
Si tu vas à Rio,
N'oublie pas de monter la-haut...
Car en bas, caramba!
Parmi les favellas
O padre mio
Les jeunes pistoleros
Risquent de trouer ta peau
Pour quelques pesos.
Au fond de l'Afrique
Si jamais tu croques
La jolie moukère
Bénie par le Saint Père,
La jeune beauté
De couleur café
Sans capot't'filera l'sida
Tu seras chocolat.
Dans les îles sous l'arbre à pain,
Aux branches regarde bien
Si les sunamis macabres
N'ont pas pendu de cadavres ?
Si tu te sens un peu seulabre
Lors d'un voyage à Sion
Evite les lamentations
Et le parpaing, tombé du mur sans palabres.
Pour franchir la rue de Gaza
Crois-moi, fais fissa
Entre les tanks de Tsahal
Et leurs balles!
En Irak! Tac, tac, les gars de Bush!
Les copains de Laden t'élargissent la bouche!
Tous te zigouillent volontiers
Pour instaurer la paix.
* * *
Voici les vers, se référant au Festival de Danses Folkloriques de l'été, présentés au concours de poésie de Murat
La Mouramura
« Un mur mura Murat et Murat murmura »
Et bruirent les murmures de l’amour à Murat
D’où naquit la bourrée de La Mouramura.
Amie du Kazakhstan ou de l’Ouzbékistan,
De la Sud Amérique ou de la Centre Afrique,
Près des monts à Murat, je le sais, tu viendras.
Et quand retentira au son de la cabrette
Cet air acide et doux de La Mouramura,
Chant d’idylle à Murat, je t’ouvrirai les bras.
« Tu verras, tu verras ! » A Murat, sans nul doute
Au cœur chaud du mois d’août, tu viendras dans mes bras.
Murat « c’est fait pour ça », à la croisée des routes.
C’est à Murat le Bleu, par Anglade chanté,
Qu’au soir du Festival, unis par le grand bal,
Ivres du plein été, nous serons amoureux.
Parmi les vieilles rues et les maisons de pierre,
« Toi et moi nous irons ». Ta robe bariolée
S’ouvrira à ta main pour retrouver ma main.
Halte sur la grand’ place auprès la vieille église
Pour goûter les cornets de Murat encrêmés
Ou l’amère gentiane et l’eau de la fontaine.
Je te raconterai les drames du passé.
Et nous visiterons la Maison de la Faune,
La chapelle à Bredons qui plus jamais ne sonne.
Dans la nuit encore noire, nous grimperons au Plomb.
Resterons en éveil au lever du soleil,
Pour le bal rouge et noir de l’astre avec les monts.
Marcherons sac au dos sur les sentiers de crête,
Pour s’asseoir affamés au cantou du buron,
Où la truffade attend, d’authentique recette.
Au creux du rude hiver, au Lioran nous skierons
Parmi les sapins verts, le ciel bleu horizon.
Randonnées en raquette, à tous les jours sa fête.
A Murat, près de moi, ainsi tu resteras.
Et grâce à Internet, en mairie de frais net,
Amie, avec les tiens pourras garder tes liens.
Lorsque retentira au son de la cabrette
Cet air acide et doux de La Mouramura.
Ma belle amie d’ailleurs, tu viendras dans mes bras.
* * *
une représentation de Tezcatlipoca divinité méso-américaine, image du site mythologia.fr
Civilisation
Indifférents à notre terre
Qui en crève,
Nous continuons pétaradant
A sillonner le macadam.
Inattentifs à toutes les espèces
Qui disparaissent,
Nous tiraillons tous azimuts
Palombes et tourterelles
Et nous frétons des caravelles
Pour dépeupler les océans,
De mazout gluants.
Aveugles aux monstrueuses famines,
Dont tant crèvent,
Nous continuons ventripotents
A nous gaver benoîtement.
Ignorants de nos lettres, de notre art,
Notre culture,
Nous courons chez les Aztèques
En brûlant du kérosène
Pour montrer notre binette
Photochée en numérique
Vénérant Tezcatlipoca !
Indifférents à notre terre
Qui en crève,
Nous continuons pétaradant
A sillonner le macadam.
* * *
Offrande
«elle était pâle et pourtant rose »,
semblait parfois prendre la pose,
n'était-elle pas amoureuse
de son étrange beauté ?
«elle était pâle et pourtant rose»,
pareille à son teint clair et rose,
la rose pâle et pourtant rose
qu'ébloui je lui tendais ...
* * *
Haïkus
Le haïku ou haïkaï est un poème d'origine japonaise composé d'un vers de 7 syllabes encadré de 2 vers de 5 syllabes, dédié à la nature ou aux sentiments.
Le haïku permet ainsi d'offrir un instantané sur le Plomb du Cantal envahi d'un troupeau de moutons, de fixer des impressions fugitives de randonnée ou une pensée érotique, tout comme la brève évocation du destin glorieux et tragique de Marie Curie.
le dôme du Plomb,
au matin tout blanc de moutons,
fin juillet, tout blanc.
(22-7-2007, 10 heures)
marcher dans l'azur
par le vert chemin des crêtes
s'énivrer d'air pur
terme randonnée
panorama Curebourse
dîner, halte à deux.
ton corps et le mien,
oh! comme nos corps sont bien,
ensemble au matin.
la haine et la gloire,
sublime Marie Curie
d'amour et de mort.
* * *
Panneau de basket
Comme une fleur fanée
Le vieux panier rouillé
S’incline sur sa tige.
Le ballon de basket
Ne viendra plus heurter
Son large frontispice.
Dans sa munificence
Il régnait triomphant
Aux tirs adolescents.
Peu glorieux vestige
Il attend résigné
D’être un jour démonté.
Le vieux panier rouillé
Au filet déchiré
Des souvenirs d’enfance.
* * *.
Cadre quadra, animal humain numérisé
Après douche et p’tit déj
En la prime jeunesse
En la nouvelle ardeur
De l’aube quotidienne
Quand le corps se réveille
A l’heure matinale
En sa belle vigueur
Bel animal humain
Le fier cadre gonflé
De sève printanière
Se vêt.
Bardé de ses portables
Hyper numérisé
Ayant baisé le front
D’épouse et des mouflets
Il sort le bmw
Au joyeux cliquetis
D’eau vive dans les prés
De vacance enfantine
Embarras du trafic
J’enclenche mon dernier Cd.
Quatre-quatre garé
Négligeant l’ascenseur
Pour training matinal
Le fier cadre quadra
Avale quatre à quatre
L’escalier des bureaux
Qu’emprunte aussi le boss
Salue dicte répond
A son client nippon
Et court jusqu’à la pause
Café.
Pour le prochain week-end
On va organiser
Un brillant séminaire
Aux gentes secrétaires
Ce havre des stressés
Tu lui en as parlé ?
Ce matin ! C'est OK
Mais pas la Normandie
Sa femme est à Deauville
Tu retiens Rambouillet
Ollé !
Au départ constaté
De son grand pdg
Notre cadre quadra
Emprunte l'ascenseur
Reprend le bmw
Embarras du trafic
A l'heure vespérale
Ayant baisé au front
Toute la maisonnée
Le quadra cadre se
Dévêt.
Et s’endort épuisé.