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15 Laisser sa marque dans….


Un homme très important (puisqu’on le voit depuis des décennies à la télé) a parlé un jour des « Invisibles ». Il nommait ainsi ceux « qui ne sont connus que de leur crémière » comme a dit un autre penseur. Le premier s’appelle Durand et le deuxième Drucker. Vous voyez que vous les connaissez. Je veux dire que vous les avez vus et entendus.

Tous les humains importants ont oublié qu’ils peuvent cesser très vite de faire partie du monde des « visibles ». Nous tous, les vieux, qui avons basculé dans la perte d’identité des retraités, avons rapidement compris que nous n’existions plus pour cette société qui définit les gens par leur profession ou leur titre : « c’est le boucher », ou « la pharmacienne », ou « l’adjoint au maire »… et, tout d’un coup : « un retraité ».

Alors, pour laisser leur marque dans leur quartier, leur ville, leur pays ou le monde, certains écrivent leurs mémoires, font déposer une plaque (quelquefois même sur la place de l’Hôtel de Ville, là où crottent les chiens) rappelant que tels ou tels travaux ont été faits « Machin étant maire, ou ministre… »

Comme si chacun de nous ne laissait pas une multitude d’empreintes de son passage accidentel sur notre petite planète perdue dans l’immense Univers (ou l’un des univers). Comme si les livres d’histoire n’effaçaient pas rapidement les « grands » noms pour en inscrire d’autres. Comme si, un jour, le Soleil n’allait pas exploser. Comme si…

Soyons donc remarquable par notre rutilante auto ; par notre maison dont la façade, forcément côté rue, doit dire la valeur de l’habitant ; par notre grade, notre titre, notre médaille… jusqu’à ce que…

Alors que j’échangeais quelques mots avec un Directeur Départemental de la Jeunesse et des Sports, retraité depuis peu, je l’entendis me dire : « tu sais que tu es un des rares à me consacrer encore un moment? Les gens qui traversaient la rue pour me saluer il y a quelques semaines, ne me voient plus sur leur trottoir. »

Un rédacteur du quotidien régional, que je rencontrais souvent, me dit après quelques temps de retraite : «les gens étaient nombreux à venir me parler au temps où je pouvais les mettre en valeur dans le journal. Depuis que je n’ai plus ce pouvoir ils passent sans me voir. »

Laisser une trace !

Il serait tellement plus important de profiter intensément, si nous ne souffrons pas, de chacun des instants que nous avons l’incroyable chance de vivre ; dans cette période la plus agréable de l’histoire de l’humanité ; dans un des pays les plus développés… au lieu de sacrifier au culte du titre, de la fonction prestigieuse, de la notabilisation.

 

 

 

 

JC Champeil