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8 I.V.V.


La société de consommation, qui permet à l’économie de fonctionner, vient encore d’innover. Elle impose des années de vie aux habitants des sociétés « développées ». Trois mois de plus par an !!!

Quel bonheur !

Tous centenaires !

En aucune façon je ne préconise de mesures obligatoires, je ne parle que pour moi. Je ne revendique la liberté de l’interruption volontaire de vie que pour ceux qui la souhaitent. Il existe des moyens simples, indolores, pour ceux qui ont décidé consciemment, et manifesté de façon réitérée, leur volonté de ne pas subir une fin de vie qui ne les intéresse plus.

J’ai bien vécu. Pourquoi devrait-on m’imposer de mal finir. Ma mort m’appartient autant que le reste de ma vie.


Un vieux copain vient de me répondre : « mieux vaut laisser le verre plein que de le renverser ». Cela veut sans doute dire qu’il faut subir jusqu’à la fin. Grand bien lui fasse. Image pour image, je préfère : « quand le vin était bon, rien n’impose de boire le fond du tonneau devenu aigre et chargé d’impuretés ».

Je lis dans « Le droit à la mort » de Claude Guillon : « l’idée du suicide aide à vivre, donne des Majuscules aux petites raisons, pare de grandeurs le bas quotidien ».

Je fais mienne sa maxime: « Plutôt mourir vivant que de vivre mort ».

             Mon ami.

Mon ami affrontait depuis quatre ans une leucémie.

Il a subi de nombreuses chimiothérapies. Plusieurs autogreffes ont été tentées sans succès durable.

19/06 J’ai passé un long moment avec lui avant son départ pour un nouveau séjour au CHU et une allogreffe. Il redoutait la nouvelle chimio, obligatoirement plus lourde que la précédente, pourtant déjà tellement pénible. Il disait le peu de chances de réussite de l’intervention. Il évoquait un voyage en Suisse où l’euthanasie est possible, et … il a accepté d’aller à l’hôpital.

Lorsque l’on entre sur l’autoroute, il n’est plus possible de faire marche arrière ni demi-tour. Il en va de même pour l’hôpital.

Au bord de l’entonnoir, deux alternatives s’offrent encore: le saut définitif vers l’extérieur ou la lente glissade.

Mon ami n’a pas sauté.

Juillet et août au CHU.

Chimio, antibiotiques, faiblesse, douleur, vomissements de sang, terribles intubations qui l’ont fait hurler, détresse, larmes, inconscience, et… « J’ai peur de mourir ».

Alors qu’il ne peut plus parler, il répond de la tête à son épouse en lui serrant le bras: « tu veux mourir ? » « Oui » ; « tu veux des soins palliatifs ? » « Oui. »

Deux jours après : coma artificiel en raison des souffrances (sonde gastrique, dialyse, intubations diverses…).

Annonce d’un pronostic sous 3 jours.

7/09 La sortie de ce coma ne se fait pas, même après la suppression des sédatifs. Malgré tout, lorsque son épouse lui dit des mots tendres, des larmes coulent sur le visage sans expression…

12/09 Plus aucune réaction.

Électroencéphalogramme, multiples prélèvements et tests … les résultats seront communiqués lundi. La famille informe le médecin qu’aucun prolongement inutile ne doit plus être tenté. Jusqu’au bout, pendant les onze heures qui ont suivi l’injection définitive, son épouse a tenu le corps inerte serré contre elle. Onze heures faisant suite aux mois de souffrance partagée. Il eût été si simple, dès le mois de juin…

Merci mon ami

Ton exemple m’aidera.

Pour moi c’est décidé : au bord de l’entonnoir je sauterai.

Peut-être en aideras-tu d’autres par ce témoignage.

 

 

 

 

JC Champeil