Vous êtes disséminés un peu partout, sur les Monts du Cantal, les Monts Dore, le plateau du Cézallier et le plateau de l'Aubrac. Depuis des siècles vous surveillez des étendues sans fin, isolés de tout.
Vous attirez la curiosité des gens venus d'ailleurs qui traversent pour la première fois les immenses étendues herbeuses parcourues par les troupeaux de vaches en été et recouvertes d'un épais manteau blanc en hiver. Ils se demandent quelles sont ces petites constructions basses très éloignées les unes des autres, pratiquement sans ouvertures hormis une porte, souvent en mauvais état et même en ruines.
Ce sont les burons, appelés mazucs dans l'Aubrac
Les plus anciens datent du Moyen Age. Ils étaient en partie enterrés et recouverts de branches, ils n'ont pas résisté au temps, on ne les reconnaît qu'aux traces de leur emplacement.
Ces burons primitifs ont évolué pour devenir des bâtiments en pierre avec des voûtes en encorbellement recouvertes de mottes de terre et d'arbustes. Plus tard, la cheminée fait son apparition et le toit est recouvert de lauzes. Certains ont une couverture en chaume mais l'entretien est plus onéreux et les risques d'incendie par temps d'orage plus fréquents.
L'architecture continue d'évoluer jusqu'à la fin du 19ème siècle. Le buron s'agrandit, devient plus fonctionnel avec une fromagerie, une cave, une partie logement pour les hommes.
Chaque buron a sa montagne, c'est-à-dire une étendue de pâturages d'altitude, plus ou moins importante, avec un point d'eau. C'est le lieu de vie des personnels chargés de s'occuper du troupeau de vaches : les surveiller, les soigner, les traire et fabriquer le fromage.
La journée des buronniers commence très tôt par la traite du matin pour se terminer, après la traite de l'après midi, par la fabrication du fromage, à la tombée de la nuit. Ce dur labeur s'étale sur 4 mois, de fin mai à fin septembre sans aucun jour de congé !!!
Scènes de vie dans les montagnes
On ne compte pas les heures. Les conditions de vie sont extrêmement difficiles. Le confort est inexistant.
L'effectif du buron dépend de l'importance de la montagne et du troupeau. Pour une soixantaine de laitières, 3 hommes assurent le travail quotidien. Pour un troupeau plus important, un quatrième homme se joint à l'équipe.
Les buronniers n'ont pas les mêmes noms en Auvergne et en Aubrac.
En Auvergne Le vacher est responsable du troupeau et de la fabrication du fromage. Il a un rôle important, il trait les vaches, assis sur un tabouret à un pied, appelé sellou, attaché à la taille avec une ceinture et il est chargé de la fabrication des fourmes ce qui est une lourde responsabilité. Les différentes étapes sont à respecter scrupuleusement pour parvenir au produit fini ; la fourme est entreposée dans la cave à température constante, environ 10 degrés, pendant au moins 45 jours et jusqu'à plusieurs mois.
Le boutillier aide le vacher pour la traite et transporte la gerle remplie de lait au buron pour commencer la première étape de la fabrication du fromage. Il nettoie les instruments destinés à cette fabrication. Il soigne les veaux, si nécessaire il remplace le vacher.
Le valet est l'adjoint du boutillier pour les troupeaux de plus de 60 vaches.
Le berger est le plus jeune de l'équipe, c'est très souvent un adolescent qui reprend le chemin de l'école dès que le troupeau quitte la montagne. Il doit connaître le nom de toutes les vaches. Pendant la traite, il va chercher les veaux rassemblés dans un parc pour les conduire à leur mère. Le veau va boire quelques gorgées de lait avant d'être attaché à l'une des pattes avant de sa mère. Sans cela la vache Salers ne donne pas son lait. Le soir il faut recommencer et entre temps il y a d'autres travaux à accomplir. Il n'y a aucune pitié pour ce jeune qui se voit confier des tâches dégradantes
Dans l'Aubrac la hiérarchie est identique mais les noms sont différents.
Le chef c'est le cantalès, viennent ensuite le berger, le bédélier, puis le plus jeune, le mousse.
Que sont-ils devenus aujourd'hui ces burons ?
La plupart ont tout simplement été abandonnés pour diverses raisons : diminution de la population agricole, insuffisance de rentabilité de l'agriculture intensive, évolution du mode de vie, des conditions de travail extrêmement pénibles, un confort spartiate, sans parler d'investissements beaucoup trop lourds pour les bâtiments et les mises aux normes pour la fabrication du fromage,etc.
Un très grand nombre a disparu, réduits à des tas de pierres faute d'entretien ou sont très abimés lorsqu'ils sont encore debout.
Le Cassaire |
Impramau |
Vallée du Claux |
Dans les 5 années qui ont suivi la fin de la 2ème guerre mondiale, on en comptait encore environ 1 000 en activité dans le Cantal, 10 ans plus tard ils n'atteignaient pas la centaine. Il y a eu une fermeture massive à partir de 1955.
Dans les années 60, on note un regain d'intérêt et d'activité pour les paturages d'altitude appelés estives, surtout dans le Cézallier mais la production fromagère a disparu. Plus besoin de personnel, souvent plusieurs troupeaux de races différentes sont rassemblés sur le même espace.
Ainsi les burons n'ont plus d'utilité et continuent à se dégrader.
Une enquête lancée en 2014 par l'association de sauvegarde des burons auprès des maires (180 réponses sur 258) a permis de connaître l'état de 800 burons. La moitié est encore en bon état alors que 200 sont en mauvais état et 300 sont en ruines.
De nos jours, parmi ceux qui sont encore debout, quelques-uns, peu nombreux, ont été restaurés et ont trouvé une nouvelle activité.
- Refuges pour les randonneurs : Buron de Cabrespine (près du col de Legal) Buron de Meije Coste (Font d'Alagnon - Le Lioran) ouvert toute l'année. Buron d'Eylac (pied du Puy Mary) ...
Buron de Cabrespine |
Buron de Meije Coste |
Buron d'Eylac |
- Haltes casse-croûte, restaurant : Buron de la Combe de la Saure dans la haute vallée de Brezons, buron des estives près d'Allanche, Buron de Prat de Bouc, Burons de Salers ...
La Combe de la Saure
- Gîtes d'étapes ou de séjour : Burons de Niercombe et de la Fumade Vieille (entre Thiézac et Saint Jacques des Blats), Buron de Pailherols ...
Niercombe |
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Pailherols |
- Musées : Buron de Belles Aigues à Laveissière, Burons de Salers.
Pendant de nombreuses années, les gares d'Allanche et de Landeyrat, sa voisine, ont connu une grosse activité car les agriculteurs du bassin d' Aurillac acheminaient leurs troupeaux en train jusqu'au pied des estives. La fermeture de la ligne en 1968 a laissé la place au transport par camions.
Pour retrouver l'ambiance des montagnes et des burons, il ne faut pas manquer la fête de l'estive qui a lieu tous les ans vers le 25 mai à Allanche, avec en particulier le défilé des troupeaux dans les rues et, le lendemain, la rando des estives en accompagnant un troupeau.
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