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Semblant snober le village auquel elle tourne presque le dos, Saint-Léger n'a d'yeux que pour la vallée de la Rhue qui s'étend à ses pieds. Construite en pierre volcanique et couverte de lauze, son porche trapu est surmonté d'un clocher Son histoire est fort longue depuis l'élévation de l'église primitive, faite d'incendies, de destructions liées aux différents conflits, de reconstructions et autres restaurations.

cheylade Rochemonteix Cheylade St Leger 2

Des dessins par centaines

Lorsqu'on pénètre dans l'église, il fait sombre, très sombre, certes on devine la présence des quatre énormes piliers qui occupent son centre, sans distinguer encore ce qui différencie Saint-Léger de ses nombreuses consoeurs. Mais chut ! Attendons que nos yeux s'habituent à la pénombre ...

Cheylade St Leger nef

« Elle (NDLR : l'église) remonte au XIIIe siècle. Son vaisseau est vaste, a trois nefs, et leurs trois voûtes, très élevées et peintes en figures grotesques, sont supportées par quatre colonnes cylindriques en granit».

Lorsqu'il parle de figures grotesques, le rédacteur du Dictionnaire Statistique du Cantal (1852) fait allusion aux 1 428 caissons de bois des 3 voûtes, vraisemblablement vierges à l'origine puis peints à une date inconnue – la date de 1740 est évoquée par Michel Maronne et Antoine de Rochemonteix – par un artiste tout aussi inconnu, peut-être un Italien. De son côté, Louis Baritou, auteur d'une monographie sur Cheylade (1979), pense que les caissons auraient pu être peints entre 1610 et 1614 au cours d'importants travaux de restauration.

Un demi-siècle plus tard (1901), Adolphe de Chalves de Rochemonteix, dans son ouvrages Les églises romanes de la Haute-Auvergne sera plus élogieux ... aidé en cela par la présence des armoiries de sa propre famille parmi ces peintures ?

« Cette décoration polychrome représente des fleurs, des animaux fantastiques, des anges, les armoiries des principales familles de la vallée (Dienne, Montboissier, de Chalvet de Rochemonteix, etc.). Le tout est rendu avec une naïveté d'expression qui fait plus d'honneur à l'imagination de l'artiste qu'à l'habileté de son pinceau. Ce n'en est pas moins une oeuvre unique dans le département et qui, à ce seul titre, mériterait d'être conservée. »

Pour Pierre Moulier (Eglises romanes de Haute-Auvergne, tome III, Editions CREER, 2000), "Les motifs sont strictement décoratifs, exécutés dans un style naïf par un véritable artiste, peut-être, mais qui devait faire vite", alors que Pascale Bulit-Werner, spécialiste des peintures de la fin du XVe siècle, et Gérard Bulit pensent que ces peintures sont d'inspiration médiévale et empreintes de symbolique chrétienne : "A l'instar de la sculpture médiévale où la flore naturelle côtoie une végétation stylisée, créée par l'imagination à partir de certains modèles, le peintre de l'église de Cheylade utilise ce même élan d'inspiration dans ses représentations florales."

Cheylade St Leger voute 1 Cheylade St Leger voute 2

On le voit, le débat reste ouvert, toujours est-il que c'est grâce à ces peintures que l'église de Cheylade fut dans un premier temps inscrite aux Monuments Historiques en 1927 puis classée le 11 février 1960. Il appartient à chacun de se faire sa propre opinion. Plusieurs centaines de ces caissons peints auraient disparus en 1884 lors de la construction de deux fausses tours et d'une tribune dans le fond ouest de l'église.

Cheylade St Leger plan

 

Parties romanes et réemplois mérovingiens

Si l'origine antérieure de l'église de Cheylade est attestée, les parties les plus anciennes toujours visibles remontent à l'époque romane (XIIe siècle), il s'agit principalement du choeur, de l'abside et des absidioles. L'arc triomphal du chœur s'appuie sur deux colonnes à chapiteaux ornés de feuilles d'acanthe, motif fréquent dans l'architecture romane qui se retrouve ici sur le chapiteau droit de l'arc du fond de l'abside. Quelques éléments de l'église primitive ont été réemployés au XIIe siècle, deux colonnes encastrées dans des piliers, plusieurs colonnettes disposées dans le chœur et l'abside, et quelques chapiteaux du chœur, sont des réemplois de l'époque carolingienne, sans doute les plus anciens du département. Un clic sur l'image pour l'agrandir !

Que ce soit pour ses caissons peints ou pour ses parties les plus anciennes, l'église Saint-Léger de Cheylade mérite le détour pour tout amoureux des vieilles pierres, de celles qui racontent une histoire, celle de nos aïeux qui est aussi la nôtre.

DTF, avril 2021

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