Lorsque l’on circule sur D17, la départementale qui longe la vallée de la Jordanne, on ne peut manquer, à l’entrée du bourg de Lascelle, le petit panneau « église XIIe et XIIIe ». Il suffit alors de lever un peu les yeux pour apercevoir le clocher à peigne de l’église perchée sur son monticule dominant la rivière.
L’espace est étroit, il est impératif de se garer avant de s’engager dans l’étroite ruelle qui mène à l’église Saint Rémi (parfois écrit Rémy), celle-ci est d’ailleurs encombrée par les véhicules des riverains que l'on retrouve, hélas, jusqu’au ras des murs de la « cella » (littéralement la cellule), d'où sans doute le nom de Lascelle.
Ce sont les moines de l'abbaye de Saint-Géraud installée au pied du château de Saint-Etienne à Aurillac qui, au fur et à mesure de leurs implantations, vont entreprendre le défrichement de la vallée de la Jordanne et entreprendre la construction de l'église, à l'origine modeste bâtiment par ses dimensions, de forme barlongue auquel viendront s'ajouter 4 chapelles au cours des XVe et XVIIe siècles. Les chapelles nord sont prolongées d'un sacristie qui s'ouvre sur le choeur.
Le bâti :
Un remarquable porche du XIIe siècle s’ouvre au sud, ainsi décrit par Pierre Moulier dans Eglises romanes de Hautes-Auvergne (Tome II, p. 54) : "deux larges voussures sculptées de fines rainures reposent sur un tailloir continu orné d'un damier que quatre colonnettes à chapiteaux viennent soutenir". Un clocher à peigne du XVIIe siècle, à quatre ouïes, se dresse au-dessus de l'arc triomphal, point de séparation entre le sanctuaire et la nef.
La toiture de l’église est couverte de lauzes appelées phonolite, roche volcanique, sonore à la percussion. La corniche, mise à jour à l'occasion d'une réfection de la toiture, est partiellement ornée de petites boules et de quelques modillons discrets.
Son chevet plat à l’est, présente, à mi-hauteur, une rangée de six arcatures, en mitres aveugles dont les bases et les chapiteaux sont effrités, encadrant une septième en plein-cintre, qui contient la baie axiale.
A l’intérieur, l’église comporte une nef à trois travées marquées par des pilastres, peut-être d’anciens soutiens d’une voûte effondré au XVe siècle. Actuellement la nef est couverte d'une voûte en chêne qui laisse apparaître des poinçoins sculptés d'une très belle charpente du XIVe. Un arc triomphal sépare la nef du sanctuaire composé d’un chœur rectangulaire et d’une abside semi-circulaire en cul de four.
Du XVe siècle à la fin du XVIIIe (date de l’interdiction de la pratique), les familles les plus riches pouvaient enterrer leurs morts dans un caveau familial au sein de l'église, d’où la construction des chapelles latérales. Il était en effet admis que plus l’inhumation était proche du chœur, plus grande était la protection accordée au défunt. De fait, des fouilles effectuées entre 1985 et 1986 révélèrent que l’église Saint-Rémi de Lascelle recelait une véritable nécropole avec la mise à jour de quatre caveaux maçonnés et de 84 sépultures sous ses pavés. Ces fouilles archélogiques ont également permis de découvrir l'emplacement d'un four et la base de deux cloches de diamètres différents, vraisemblablement celles fondues à l'intérieur de l'église et datées de 1637.
L'église de Lascelle fut fermée pendant une décennie, le temps d'effectuer une importante restauration démarrée en 1977 par la réfection de la toiture et terminée en 1995 par les vitraux, exécutés par Alain Makaraviez et Edwige Walme, peintres-verriers mari et femme.
Le mobilier :
Un autel de pierre d’époque romane trône au centre du chœur. Derrière lui se trouve un imposant maître-autel à tabernacle et baldaquin daté de 1644 dont les deux statues en châtaignier représentant Saint-Flour, premier évêque du cantal et Saint-Rémi, évêque de Reims et patron de la paroisse ont été arrachées lors d'un vol survenu le 24 septembre 2003.
Outre une vierge à l’enfant du XVIIe en poids polychrome marouflé, le mobilier compte plusieurs statues dont certaines, telles que celle de Saint-Géraud, ont été volées en 2003.
Face à l’entrée, on remarque une curieuse armoire en bois, il s’agit de fonts baptismaux en bois du XVIIe offerts par la famille Fontanges de Velzic. Hélas, une partie de ce meuble (têtes d’angelots, demi-relief représentant le Christ dans le Jourdain et Saint-Jean-Baptiste) a été arrachée lors du vol de 2003.
Lors de ce même vol, la peinture centrale d'un des retables a été emportée révélant sur le mur nu une fresque mettant en scène un Christ au ventre rebondi sur sa croix. Une autre fresque - l'Annonciation ? - a également été mise à jour sur le mur d'en face.
Classement au titre des Monuments Historiques
Preuve de son intérêt historique et architectural, l’église a été classée aux Monuments Historiques le 24 novembre 1930. Pourtant cet intérêt n’a pas toujours été perçu. Il est intéressant de comparer la description qui en est faite dans Le Dictionnaire Statistique du Cantal de M. De Ribier (1854), particulièrement du mur est :
« L'église, placée sous l'invocation de saint Rémy, est très-ancienne et du style bysantin. Entourée de colonnettes à l'extérieur, elle semble appartenir au XII°°siècle, du moins en partie. Comme elle est dédiée à saint Rémy, il serait très-possible que sa fondation remontât à l'époque du pape Gerbert qui, étant archevêque de Reims, aurait envoyé en même temps des reliques du saint à l'église de Lascelle et à la paroisse de St-Simon, lieu de sa naissance …. Le mur extérieur du chœur présente une rangée de six colonnettes formant entr'elles des arcades et enjolivées de figurines. Ces morceaux d'architecture auraient été conservés de l'ancien chœur, rapportés au nouveau à l'époque de sa reconstruction, en 1635, et enchâssés dans les murs. Au milieu de la colonnade est placée une petite fenêtre d'un mauvais goût. »
avec celle qu’en fait Pierre Moulier dans son Eglises romanes de Haute-Auvergne, II – La région d’Aurillac paru aux Editions CREER en 2000 :
« Le portail se rattache au type de la région : Saint-Rémy de Salers, Saint-Cernin, Marmanhac, Laroquevieile … Mais le pignon est un morceau de bravoure. Six arcs en mitre soutenus par de petites colonnes à chapiteaux encadrent une baie romane dont l’archivolte retombe sur des têtes d’animaux … C’est encore l’un des plus beaux monuments de la région d’Aurillac, sobre et pur. Par son architecture et son portail il se rattache à un groupe régional … avec cependant un accent d’originalité dans le décor du chevet .»
Comprenne qui pourra ! Chacun se fera son opinion en prenant le temps de faire halte dans ce lieu au riche passé qui, par chance, et malgré le vol inqualifiable commis en 2003, reste ouvert et accessible à tous.
DTF, mise à jour novembre 2021
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